La nuit était tombée. Les rues se vidaient peu à peu, même dans les quartiers plus populaires. Dans l'un des foyers subsistait un noyau de quatre personnes qui semblaient en attendre une dernière. Les traits tirés, l'angoisse montait peu à peu. Car cette dernière personne n'était toujours pas arrivée. Alors même qu'elle était la clé de leur succès futur. Que faisait-elle ? Avait-elle été prise ? Un plan échafaudé voilà plusieurs semaines et qui se concrétisait ce soir. Ils chuchotaient. S'énervaient. Et dans les ténèbres, proche d'eux, une ombre les observait, s'amusant de leur contretemps. Ils décidèrent finalement de passer à l'action. Même sans l'absent. Tant pis, après tout ! Cela fonctionnerait. Cela ne pouvait qu'aller dans le bon sens. Puis à bien y réfléchir, cela ferait une part à partager en moins. Ils quittèrent la demeure. Et alors que la porte se refermait, l'ombre se dissipa elle aussi.
A l'angle de la même rue se trouvait une personne en long manteau, capuche rabattue sur la tête. Elle attendait, elle aussi, que le groupe passe à l'action. Les quatre personnes passèrent devant elle, sans l'apercevoir. Comment auraient-ils pu de toute façon ? L'ombre réapparue aux côtés de la silhouette et fusionna avec elle. Un petit rire s'échappa du capuchon qui masquait le visage de la silhouette. Son regard se posa sur un corps derrière elle. Inanimé. Mais toujours vivant. Pour le moment. Il s'agissait du fameux contact que le groupe avait attendu une partie de la soirée. Son poison avait fait son office. Il avait tout révélé. Et ne sortirait peut-être jamais du coma dans lequel elle l'avait plongé. De nouveau, elle fixa ses cibles, devenus de simples points dans le noir. Un petit soupir s'échappa.
- Je vous avais pourtant prévenu. Il n'y a pas de place pour vous ici. Plus maintenant.
Le vent balaya la ruelle dans laquelle elle se trouvait, faisant tomber la capuche. Le visage d'une blonde ravissante, bouclée et aux yeux couleur océan apparut alors. Un mince sourire se dessinait sur ses lèvres tandis qu'elle fermait les yeux, inspirant cet air qu'elle aimait à plein poumon. Son employeur avait donné des ordres stricts. Si ces voleurs refusaient de partir, refusaient de laisser leur plan en suspens, alors ils ne pourraient plus partir sans être inquiétés. Ils avaient refusés. Se gaussant du messager. Se moquant d'elle. Une femme qui était porteuse de ce genre de nouvelle ? Ils avaient ris. Pendant qu'on ne les prenait pas au sérieux. Elle rouvrit les yeux. Sa main gauche attrapa le pan de sa capuche afin de la remettre en place, dévoilant alors deux anneaux qu'elle portait à la main. Le reflet de la lune dévoila le symbole de l'un d'eux. Bifrons. Symbole de celle que l'on nommait Aurora. L'Enchanteresse aux Mille Visages. Elle se fondit à nouveau dans les ombres.
Les voleurs arrivaient à proximité de la villa qui était leur cible. Ils avaient jusque là soigneusement évités les patrouilles qui étaient plus nombreuses la nuit venue. Alexandrie était une cité protégée et sureveillée de près. Mais les larcins n'étaient pas rares pour autant. Comment museler une telle cité ? Ils attendaient que la dernière tourne au coin de la rue. Lorsque ce fut le cas, il s'assurèrent que rien ne se mettrait en travers de leur route et ils s'avancèrent. Mais ils se figèrent en entendant le rire cristallin qui s'éleva dans les airs. Leurs yeux fouillaient partout pour finalement se poser sur elle. Seules ses boucles blondes sortaient de la capuche. Ils devinèrent. Le chef du groupe - tout du moins celui qui avait donné la réponse négative à son patron - s'avança, l'air mauvais. Il tira de son manteau une dague effilée.
- Qu'est-ce que tu fiches ici, toi ? On t'a donné notre réponse. Ton patron ne sait pas ce que veut dire le mot "non" ? Pas d'chance pour toi, ma belle. Mais j'suis clairement pas d'humeur à jouer. On t'avait prévenu de pas te mettre dans nos pattes. L'opération à commencer. On partira pas ! Et toi, tu vas crever ici comme la chienne que t'es !
Les trois autres firent mine de l'encercler. Elle abaissa sa capuche et leur gratifia un sourire coquin. Ils étaient si naïfs. Elle était une sorcière, appartenant à un ordre ancien. Ils n'étaient rien d'autres que des morts en sursis.
- Il connaît le mot "non", rassure-toi. Il a seulement du mal à l'accepter, vois-tu. Il existe un règlement, même dans notre milieu. Et tu l'enfreins en t'attaquant au territoire que nous avons revendiqués. Cet endroit est sous sa juridiction. Et par conséquent, sous ma protection. Je vous avais laissé une chance. Vous allez donc tomber ici et maintenant. Car...
Un bien curieux éclat traversa son regard. Elle éleva seulement la main. Trois flèches quittèrent les hauteurs environnantes pour se figer dans chacun des hommes - exception faites du chef - qui s'étaient approchés de la belle. Ils tombèrent, morts sur le coup.
L'homme n'eut pas le temps de réagir que déjà Aurora était sur lui, sa propre dague en main. Mais il était plus grand. Plus fort. Il l'a repoussa et partit immédiatement en sprintant comme un dératé. D'autres flèches fusèrent des hauteurs où se tenaient les archers qui appartenaient à son organisation. Mais manquèrent l'homme qui, sous l'effet de la peur, semblait porter des ailes. Aurora était déjà sur sa piste, pestant contre elle-même.
Fort heureusement, elle aussi connaissait les heures des patrouilles et les voies qu'ils empruntaient. Quelques passants les regardèrent passer. Il bifurqua à l'angle d'une rue sombre et s'engagea dans cette dernière. Aurora marmonna une incantation entre ses dents. Mais se figea sur place alors qu'elle arrivait sur lui. Quelques personnes poussaient des cris et partaient en tout sens pour alerter les patrouilles. Mais il faudrait de longues minutes pour qu'elles arrivent. Elle avait le temps. Néanmoins il y avait là un souci. L'homme venait d'alpaguer un passant, l'attrapant par le col, posant sa propre lame sous sa gorge. Ce dernier portait une cicatrice à l'œil gauche. Son autre œil, couleur azur, semblait analyser la scène à une vitesse peu commune. Lui aussi semblait bien bâtit. Sans doute que sa cible n'aurait pas été en mesure de l'immobiliser de la sorte s'il ne l'avait pas prit par surprise. Aurora attendait. Il n'était pas prévu qu'elle se fasse prendre et ne prendrait pas le risque. Ici, elle n'était pas le Capitaine de Circé. Ici, elle était l'Enchanteresse aux Mille Visages. A la tête de sa propre organisation criminelle.
- Tu fais moins la maligne maintenant. Ca la foutrait mal pour ton boss si un mec comme moi butait n'importe qui sans que tu puisses m'arrêter ! Sur "ton" territoire !
Elle était prête à lancer son sort. Mais si elle agissait ainsi, elle libérerait une parcelle de son Cosmos. Ce qu'elle voulait éviter, afin de ne pas trahir sa véritable identité. Ni son véritable visage.
- Citation :
- Arcane I : Apparence d'une blonde, cheveux bouclée.