Jehane Armure :
Famine
|  Jehane de la Famine - Tribut [terminée] ![Jehane de la Famine - Tribut [terminée] Empty](https://2img.net/i/empty.gif) Jeu 8 Oct - 18:26 | |  | Pseudo Qui est-elle ? Nom : Jehane
Date de naissance : 08 octobre 525
Âge : 25 ans
Sexe : Féminin
Armure demandée : Cuirasse de la Famine, Commandante de la Calamité, Tribut d'Arès Comment est-elle ? Jehane est une jeune femme taciturne, mais qu'attendre d'autre de l'« invitée privilégiée » qu'elle est. Vivre au milieu de gens qui la méprisent, elle y est habituée depuis bien longtemps. Elle a vécu bien pire après tout. Depuis déjà cinq années, la porteuse de la cuirasse de la Famine constitue le Tribut d'Arès, ainsi captive des serviteurs d'Athéna et confinée au territoire du Sanctuaire. Comment espérer de « la Calamité » qu'elle soit autre chose qu'une solitaire dans un tel nid de guêpes ?
La Berserker n'est cependant pas tout à fait seule, du moins pas au sens le plus strict du terme. Son destrier noir – qu'elle a nommé Sonata – l'accompagne bien souvent. De plus, il arrive parfois à la jeune femme d'être « visitée » par Faustin, son cadet défunt. Bien qu'elle ait beau se dire que tout cela n'est que dans sa tête, il lui est bien difficile de l'admettre totalement. Ainsi, elle peut entretenir de longues conversations avec lui lorsque l'esseulement n'est vraiment plus supportable.
Dans sa précédente vie, elle n'a pas manqué de développer ce qu'elle estime aujourd'hui comme une grande qualité. Elle sait se faire discrète, éviter de se faire facilement voir ou remarquer. Bien sûr, cela n'empêche en rien sa surveillance personnelle de faire son travail. Mais en tant que voleuse s'estimant douée pour les missions d'infiltration lorsqu'elle disposait encore de sa liberté, il ne lui est pas trop compliqué de se faire ignorer du commun des mortels. Ainsi a-t-elle sans doute réussi à s'attirer des ennuis durant ses années de captivité.
Autrefois de nature plutôt positive et joyeuse – bien que de tous temps assez lunatique – il n'est pas dit que certains éléments de sa personnalité profonde ne puissent pas remonter un jour ou l'autre, mais les affres de la vie n'ont pas eu tendance à la laisser poursuivre sur cette voie. Toujours est-il qu'après quelques années de silence aussi total que volontaire, elle consent désormais à répondre quand on lui parle, et même à pousser jusqu'au sourire parfois, bien qu'aussi fins et rares que simulés. Jehane est également dotée d'un esprit vif et d'une répartie le plus souvent efficace.
La Calamité porte en permanence sa Cuirasse, préférant toujours rester prête au cas où il faille se défendre. Oh, elle sait parfaitement qu'elle n'aurait qu'une chance infinitésimale de s'en sortir si le Sanctuaire se décidait à lui donner la mort, mais elle se serait déjà laissée mourir depuis longtemps si là avait été son souhait. Quitter ce monde sans chercher à en faire payer le prix n'est donc clairement pas dans ses intentions. Sans doute une attitude liée à son armure, la poussant à estimer la juste valeur de toute chose, même si cela doit se faire de manière biaisée.
En effet, la Cuirasse de la Famine se présente sous la forme d'une balance déséquilibrée, un plateau nettement plus large et bas que l'autre, la traverse normalement parfaitement horizontale se retrouvant ici penchée par la force des choses. Cette armure adopte des lignes douces et épurées, évitant l'aspect anguleux, tranchant et agressif que peuvent avoir bien d'autres Cuirasses. Elle n'en est pas moins menaçante de par sa profonde noirceur à peine rehaussée de volutes d'un sombre acier.
Une fois portée, son armure est plutôt légère comme c'est souvent le cas pour les femmes ayant accédé à la chevalerie : un corset simple, des épaulières arrondies, des brassières et jambières la protégeant jusqu'aux coudes et genoux, ainsi qu'une ceinture dont partent deux séries de lamelles superposées recouvrant ses hanches. On ne peut plus classique donc.
À cela s'ajoute bien entendu un casque mais que Jehane ne se donne pas la peine de porter ou d'emporter, mais surtout ce qui constitue son arme principale. Il s'agit d'une lyre qu'elle porte sous le bras lorsqu'elle n'en joue pas. Les deux montants se recourbent vers l'extérieur en leur extrémité afin de former une boucle. De chacune de ces boucles part une courte chaînette – bien que plus longue d'un côté que de l'autre – au bout de laquelle est accroché un petit plateau de moins de dix centimètres de diamètres, reprenant le concept de la balance déséquilibrée. Sa monture bénéficie elle aussi d'une cuirasse, aussi simple, sombre et classique que celle de sa maîtresse.
Afin de combler les manques de sa Cuirasse – elle se doit de préserver sa pudeur – la Famine porte sous ces pièces d'armure une tenue de cuir constituant un bon compromis entre résistance et souplesse. Son col haut peut lui couvrir le bas du visage jusqu'au nez, ce qu'elle ne se prive pas de faire. Sur le tout s'ajoute une veste du même acabit, qu'elle porte bien souvent sur ses épaules en tant que cape.
Physiquement, la jeune femme est une brunette approchant le mètre soixante-dix, plutôt fine même si elle est bien loin de ce que l'on serait en droit de s'imaginer rencontrer lorsque l'on fait face à la Famine personnifiée. Au contraire, Jehane dispose de courbes très féminines dont elle n'a pas à rougir. Son visage n'est pas déplaisant sans être toutefois digne des plus grandes beauté de ce siècle, avec ses lèvres fines et ses formes plutôt communes. Ses prunelles violacées quant à elles peuvent provoquer charmante curiosité ou simple répulsion, c'est selon.
Elle n'est bien sûr pas taillée pour les exercices de puissance pure et dure, mais elle compense cela dans son art martial par son agilité et sa rapidité, qualités couplées à la maîtrise de sa lyre dont les sonorités bien qu'agréables peuvent s'avérer mortelles entre ses mains. Son Histoire Et quand l’Agneau eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal, qui disait : Viens et vois.
Et je regardai, et il parut un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main.
545
Perchée sur son sombre destrier, la Famine se dirige une fois de plus vers son destin. Mais cette fois-ci, ce ne sont pas ses frères d'armes qui marchent avec elle, autour d'elle. Jehane est très bien entourée d'ailleurs, mais en son cœur ne résonne qu'une profonde solitude. Morts, tous morts. Tous, sauf elle. Les Berserkers viennent d'être éradiqués par les forces d'Athéna, et ces sbires semblent en tirer une grande fierté. Sont-ils à ce titre plus ou moins fous que les armées d'Arès ? Quatre-vingt huit chevaliers dont une douzaine éveillés au Septième Sens, appuyés par des centaines d'hommes d'armes, face aux quatre Cardinaux et leurs trop maigres troupes. Comment pouvoir tirer la moindre once de fierté d'un tel déséquilibre ? Cependant, elle sait que leurs actes étaient déraisonnables à présent, et comprend que tout cela n'aurait pas pu se terminer d'une autre manière. Sous les ordres de leur Dieu, ils avaient marché vers leur trépas. Sauf elle. Sauf celle dont la mort ne semblait pas vouloir. Après tout, n'avait-elle pas déjà connu le dernier soupir ? À l'appel du Dieu de la Guerre, la jeune femme était revenue du monde des âmes afin d'endosser la Cuirasse de la Famine. Une vie pour une vie. Celle que sa mère lui avait donné désormais consumée, elle ne vivait plus que pour servir celui qui lui avait ouvert les bras, offert une destinée. Pour le meilleur et pour le pire, comme on dit. Même si rien de ce que l'on pourra lui faire désormais ne pourra être réellement pire que ce qu'elle a déjà connu…
525-530
Jehane ouvrit pour la première fois les yeux sur ce monde en octobre 425. Née sous le signe de la Balance, elle est une petite fille au caractère double, changeante, lunaire. Parfois très calme et souriante, elle a pu prouver dès ses premiers mois qu'elle était également capable de piquer quelques crises mémorables. Son humeur quelque peu instable n'en fait tout de même pas une enfant difficile à vivre pour ses parents. L'on ne peut malheureusement pas en dire autant des autres enfants du village. Gamine autoritaire, se prenant même pour une justicière dès le jardin d'enfants. Parfois détestée pour cela, elle peut se montrer aussi très protectrice, surtout envers son cadet.
Faustin est né trois ans plus tard, et estimé comme un don du ciel après plusieurs fausses couches. C'est qu'une paire de bras supplémentaire ne serait pas superflue pour les multiples tâches de la ferme. Les garçons sont utiles pour ce genre de travaux, alors que les filles ne sont que des bouches à nourrir de plus pour beaucoup de fermiers burgondes ayant bien du mal à survivre dans cette époque troublée. Enfin, il n'est pas encore question de tout cela pour l'heure, alors que Jehane cessait à peine d'avoir peur du noir et que Faustin en était encore à balbutier ses premiers mots.
La vie était peut-être dure, mais au moins ils avaient une famille soudée. Malgré la disette, certains moments de réel bonheur ont pu poindre. Bien sûr, cela ne pouvait durer bien longtemps ainsi, la mauvaise étoile de celle qui deviendra un jour la Famine ne tarderait en effet pas à faire des siennes. Ainsi, c'est à cinq ans que la petite brune dut connaître la peine brutale et le déchirement de la perte d'un être aimé.
Cela s'annonça tout d'abord par une bonne nouvelle : un nouvel enfant arrivant à terme après de nouvelles fausses couches. Mais l'accouchement connut quelques complications. En quelques heures, une scène de vie courante d'une famille pauvre au coin du feu se transforma en une réelle Apocalypse par l'écroulement de son petit monde. Il n'eut finalement pas de petit frère ou de petite sœur. Quant à sa mère, elle n'aurait plus jamais d'enfant. Ni de caresses, ni de sourires. Il ne resterait pour elle plus que le noir absolu de la tombe. Les éclats de rire furent alors plus rares que jamais…
530-536
La vie devint alors plus dure encore. Leur père devant désormais travailler seul et ses journées n'en terminant donc jamais, Jehane et Faustin se replièrent sur eux-mêmes. Le garçonnet s'avéra d'un caractère plutôt curieux et téméraire, plus que sa sœur qui pourtant s'engagea souvent à le suivre, préférant être toujours là pour le protéger en cas de besoin plutôt que de le laisser commettre ses erreurs seul et en assumer les conséquences. Malgré leurs quelques escapades, ils aidèrent chaque jour leur père selon leurs maigres moyens, apprenant donc très tôt que l'on n'avait rien sans rien, et que tout ce qui comptait vraiment avait un coût et n'était donc jamais simple à obtenir.
Six années passèrent ainsi, dans une pauvreté de plus en plus difficile à vivre. Le pire serait encore à venir, car pour cette petite famille, l'expression « se tuer à la tâche » s'avéra être une réalité. Il n'y eut pas de cris cette fois – Jehane n'avait jamais oublié les hurlements de sa mère avant son dernier soupir. La veille, leur père s'était couché, fourbu comme chaque jour. À l'aube, il ne se réveilla pas, et ne se réveilla jamais plus. Deux orphelins sont laissés derrière, n'ayant qu'eux pour seule famille désormais. Incapables de s'occuper des terres à leur âge, leur seul avenir fut la mendicité. Mais l'on ne peut décemment pas appeler cela un avenir après tout.
L'herbe plus verte ailleurs
536-540
Ne trouvant plus de quoi survivre dans leur petit village, les deux enfants décidèrent de se déplacer. De trouver une plus grande ville où peut-être ils trouveraient la charité. Ce fut le cas sur de courtes périodes, la plus notable étant leur rencontre avec Angus. Homme bourru mais bon, œuvrant à la protection de caravanes de commerce, il accepta de les prendre sous son aile le temps d'un long voyage menant à Milan. L'homme se plut à inculquer à ces deux enfants ayant une grande soif d'apprendre quelques mots qui leur permettraient de se débrouiller une fois sur place. Sans être des génies, ils semblaient partager une certaine facilité pour les langues, aussi l'acclimatation ne fut pas trop compliquée.
Ce qu'ils découvrirent une fois les Alpes franchies ne fut cependant pas réellement à la hauteur de leurs attentes. Leur situation s'améliora cependant, sans toutefois être le paradis de charité rêvé. Qu'à cela ne tienne, frère et sœur reverraient donc leurs méthodes. Plutôt que de simplement tendre la main en se faisant aussi pitoyable que possible, ils prendraient à présent les devants, et iraient chercher nourriture et pièces clinquantes là où elles se trouvaient. Une idée de Faustin qui dans un premier temps donna de nombreuses angoisses à son aînée, mais après quelques semaines de ce régime, il s'avéra que la chaparde se trouvait totalement dans leurs cordes.
Loin de leur offrir une vie fastueuse, ils parvenaient au moins à se remplir l'estomac suffisamment que pour ne pas être réveillés par les plaintes de leurs propres estomacs. Mais cette vie bien plus risquée les forçait à ne pas s'éterniser bien longtemps dans un même endroit. Il fallait également compter sur le fait qu'ils n'étaient pas les seuls à vivre ainsi, aussi mieux valait ne pas trop laisser le temps à l'attention de tomber sur ce petit duo qui serait bien en peine pour se défendre. Après une brève altercation avec les forces de l'ordre milanaises dont ils parvinrent à échapper de justesse, le plan fut donc de découvrir le monde en allant là où leurs pas les mèneraient.
Aquilée, Andotonia et Singidunum ne furent que quelques uns de leurs arrêts, constituant du moins les villes les plus notables où ils purent exercer leurs talents. Âgés désormais de quinze et douze ans, plus agiles et rusés après ces quatre années d'expérience à la dure, ils rêvèrent de pouvoir se retirer quelques temps. Pas que cela ne les amusait plus – Jehane et Faustin trouvaient toujours de multiples raisons de rire et de s'amuser de leur situation, même si celle-ci n'était pas des plus enviables – mais que comme tout être ils aspiraient à une vie plus paisible.
Pour l'heure, l'envie était présente et ne restait qu'à trouver le plan, l'opportunité. C'est dans une taverne qu'elle se présenta finalement alors que les deux jeunes gens cherchaient leur prochaine victime. Une discussion entendue, espionnée même dès lors qu'ils estimèrent qu'il y avait là un certain potentiel. Visiblement quelques soudards d'une quelconque bande de malfrats, s'encanaillant et se complaisant à narrer quelques uns de leurs exploits. Ce qui retint particulièrement leur attention ? La mention d'un butin, qu'il leur fallait convoyer jusqu'en Transylvanie – leur patrie originelle manifestement – où ce nouvel apport rejoindrait un véritable trésor de guerre capable de rivaliser avec le budget des plus grandes cités. Ils en avaient sans doute rajouté une bonne grosse couche, mais s'il y avait ne fusse qu'un fond de vérité, alors cela vaudrait le coup de creuser un peu l'affaire, non ? Ce dont ils discutèrent plus tard, après que Jehane se soit dévouée pour les espionner quelques jours de plus, jusqu'à ce que leur départ se profile.
- Alors ?
- Tu avais raison, il y a bien un butin plutôt correct. On pourrait peut-être s'en tailler un part avant qu'ils en viennent à quitter Singidunum.
- Tu rigoles ? On était d'accord là-dessus, il est temps que l'on arrête de se contenter de peu. Si on parvient à-
- C'est une folie Faustin. Ceux-ci sont peu nombreux et saouls chaque soir. Si nous ne sommes pas trop gourmands et bien organisés, c'est jouable. Ils partent demain matin, on pourrait passer à l'action ce soir et-
- Et il faudrait recommencer la semaine prochaine. Et encore la semaine d'après, jusqu'à la fin de nos jours. Si on parvient à toucher directement à ce trésor de guerre… assez que pour nous remplir les poches et filer, alors on pourra se permettre de souffler quelques mois, voir plus si on joue bien notre coup.
- Et si ça se passe mal, qu'est-ce qu'il va nous arriver ? Tu y as pensé à ça ?
- Hé bien dans ce cas, nous allons mourir. Mais c'est ce qui va nous arriver de toute manière, que l'on essaie ou pas. Tu sais très bien qu'un jour ou l'autre, on se fera attraper. Un gros coup, et on pourra voir venir. Juste un, et tout s'arrangera pour nous, tu verras...
541
Quelques mois plus tard, Jehane et Faustin on suivit la trace de ces brigands jusqu'en Transylvanie. Là, comme ils s'y attendaient, d'autres hommes, beaucoup plus. Un clan entier, ce qui fit bien sûr grimacer la jeune femme qui n'y voyait rien de bon. Cependant, Faustin avait été plutôt clair : il le ferait, qu'elle y participe ou non. Aussi, comme elle le faisait alors qu'ils étaient encore enfants, elle le couvrirait. Elle préférait un travail propre et discret, mais s'il fallait planter une dague entre deux épaules pour sauver sa seule famille, alors elle n'hésiterait pas un seul instant. Ce n'était sans doute pas le cas de Faustin, qui répugnait à faire du mal à qui que ce soit, si ce n'est aux finances qui sont remplaçables, surtout pour de tels individus que ceux à qui ils s'apprêtaient de jouer un mauvais tour.
Si la brunette était la plus douée pour la discrétion et l'action, c'était Faustin qui se chargeait d'établir les plans. Et plus ils étaient audacieux, plus il y prenait de plaisir. Pas étonnant donc que cette fois, il jubilait sans retenue, très fier de ce qu'il avait mis en place. Ce ne sera pas facile, mais c'était possible, elle devait bien en convenir. Elle ne pouvait toutefois pas s'empêcher d'avoir les tripes nouées, sachant que les risques seraient grands. Elle ne souhaitait pas mourir, mais elle voulait encore moins perdre son frère. Si ce devait mal tourner, elle tâcherait de lui permettre de s'échapper, et ensuite… ferait en sorte d'obtenir le trépas rapidement.
Juste avant de mettre le plan en application, elle respira profondément et secoua tristement la tête, tentant de chasser ces sombres pensées.
* * *
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, il lui fallut quelques instants pour reprendre ses esprits et se souvenir de ce qui était arrivé. Ils avaient échoué, sur toute la ligne. Faustin s'était fait prendre, et en tentant de lui venir en aide, elle aussi était tombée dans leurs filets. Tous deux s'étaient fait cordialement dérouillés. Pas assez pour les tuer, mais suffisamment pour leur en donner l'envie. Cela avait été encore pire pour elle… Une jeune femme en fleur, prise en flagrant délit par des hommes durs et brutaux. Il n'y a sans doute aucune utilité de préciser les sévices qu'elle a subi, des heures durant, jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse enfin, comme une délivrance. Cela n'avait sans doute pas marqué la fin de ces actes mais au moins n'avait-elle pas eu à supporter ce supplice plus longuement.
- Je suis désolé… Tellement navré...
Son frère, non loin d'elle. Ses yeux tuméfiés ne lui permettent pas de le discerner avec précision. Elle ne parvient pas non plus à esquisser le moindre mouvement vers lui, elle n'y parvient pas malgré l'envie. Pourtant, il pleure, semble dévasté, elle l'entend bien. Jehane se doit de venir à ses côtés, de le prendre dans ses bras, de le réconforter. C'est son rôle. Mais même lui adresser quelques mots, elle n'en a plus la force. Elle est allongée sur un sol rocheux, en sent le froid cru et mordant contre sa nudité, toutefois préservée face à son frère par l'étoffe dont elle a été couverte. Sans doute ses vêtements à lui comprend-elle, se doutant bien que leurs tortionnaires n'ont pas eu la décence de leur fournir quoi que ce soit. Étonnant d'ailleurs qu'ils ne soient pas encore morts… Redoublant d'effort, elle parvient à pousser un gémissement grinçant, rien de plus.
- Je suis désolé… Si tu savais à quel point… Tout est de ma faute, tout. Et voilà qu'on se retrouve enfermés, sans espoir de sortie… On va mourir ici, et tout est ma faute !
* * *
Une fosse trop abrupte que pour être grimpée – leurs ongles arrachés en attestent – voilà ce qui s'annonce être leur tombeau. À ciel ouvert, heureusement. Ainsi, ils ne périront pas de soif mais seulement de faim. Quelques jours déjà qu'ils en sont tenaillés. Elle a récupéré assez que pour pouvoir se déplacer désormais, mais voilà qu'à présent ses maigres forces la quittent à nouveau, aussi graduellement qu'inexorablement. Mais ce n'est pas la pire douleur qu'elle ressent. Faustin ose à peine lui accorder un regard en biais parfois. Oh, il lui parle bien sûr, mais ne parvient plus à lui faire face après ce qu'elle a subi à cause de lui, une gêne tenace s'étant installée entre eux.
* * *
Son agonie s'est finalement terminée. Dans un dernier râle, Faustin est parti. Elle est désormais seule, seule au monde, seule avec sa faim abominable qui la ronge de l'intérieur. Jehane s'est allongée auprès de son cadet, attendant patiemment de subir le même sort. Cette torture serait déjà bien suffisante pour anéantir bien des esprits, mais le pire étant que peu à peu, elle se met à voir en ce corps trépassé de la viande dont son corps a besoin. Bien sûr, elle ne peut pas se résoudre à une telle extrémité. Non. Jamais. Mieux vaut être patiente. Elle ne tardera plus à le rejoindre dans l'autre monde, enfin réunis et heureux, pour toujours…
Une fois encore, sa mauvaise étoile en décida autrement. Elle ne soupçonnait bien sûr pas le fait qu'elle puisse posséder une cosmo-énergie – n'en ayant même jamais entendu parler – qui l'aiderait à survivre à ces conditions extrêmes. Son esprit se disloqua peu à peu de survivre dans de telles conditions. Jusqu'à oublier pour un temps sa vie, ce qu'elle avait été, ce qu'elle avait aimé. L'obscurité dans laquelle elle se fait happer, n'ayant plus conscience de se mouvoir, plus conscience d'être tout simplement. Un bref instant, elle perçut juste que la bouchée qu'elle mâchait lentement était la chose la plus délicieuse qu'elle n'avait jamais goûté. Elle en prit alors une autre, et encore une autre. Et lorsqu'elle eut enfin récupéré assez de forces pour comprendre ce qu'elle était en train de faire, elle ne parvint tout de même pas à s'arrêter. Rongeant les os, les brisant pour en aspirer la moelle… Si elle avait souhaité rester avec son frère pour toujours, ce n'était certainement pas de cette manière qu'elle se l'était imaginée.
* * *
Jehane s'en était persuadée : elle était morte, et renvoyée dans un seul but. Elle se devait d'assouvir sa terrible vengeance. C'est Faustin qui le lui avait confirmé. Pas cette pile d'os qui n'étaient désormais que les restes de son existence physique en ce monde, non. Mais plutôt cette voix qui faisait désormais partie d'elle. Sa frustration, sa tristesse, sa colère… Ces sentiments se succédèrent, se mêlèrent, la rendant folle – pour ce qu'on lui avait fait, pour ce qu'elle avait fait, pour ce qu'on lui avait fait faire – ce maelström s'exprimant par un hurlement puissant déchirant la nuit. Mais ne poussent-on pas tous des cris alors que nous venons au monde ? Cette énergie nouvelle qui la parcourait, qui l'entourait de lumineuses volutes violacées, n'en constituait-elle pas un témoignage ? Elle lui permit de sortir de sa prison en tout cas. Celle qu'elle avait été resterait dans ce trou, tandis qu'un nouveau fauve venait d'être relâché en ce monde.
542-545
Malgré son corps nu et efflanqué, elle n'a plus froid. Au contraire. Elle se sent bien. Cette énergie qui émane d'elle n'en est pas la seule cause. Le bain de sang qu'elle vient de s'offrir, par contre… Il lui a fallu du temps, mais Jehane a fini par les retrouver tous, petites bandes par petites bandes, avant de décimer entièrement le village dans lequel elle avait été rouée de coups et abusée. Aucun n'a réussi à lui échapper, finalement. Son but ultime est désormais rempli, et d'une certaine manière elle se sent apaisée. Au milieu du charnier qu'elle vient de créer, elle se laisse tomber à genoux. Saisit un glaive à portée de main, sur la pointe duquel elle appuie sa gorge. Plus qu'un mouvement brusque et c'en sera terminé. Elle ne craint plus la mort, après l'avoir déjà rencontrée. Un sourire. Un éclat de rire. Bientôt son dernier soupir…
- Que penses-tu faire là ?
- J'arrive, mon frère. J'en ai terminé ici. Je viens te rejoindre, et nous pourrons enfin souffler ensemble. Ce repos dont tu souhaitais tant, j'y aspire aussi. J'arrive...
- Mais où comptes-tu aller, alors que je suis déjà avec toi, pour toujours ? C'est à mon tour de veiller sur toi. Si tu m'aimes alors ne le fais pas. Repose cette épée. Relève-toi. Et rejoins-moi !
Peu à peu, la voix s'était modifiée, jusqu'à ne plus être commune avec celle de son frère. Forte, grave, impérieuse. Elle s'exécuta sans discuter. Sans même demander où elle était censée le rejoindre. Il était là pour veiller sur elle après tout.
* * *
Un temps, elle avait longé le Danube. Une marche interminable, au cours de laquelle elle ne prenait qu'à peine le temps de se nourrir. Ne se reposait que lorsqu'elle s'écroulait littéralement de fatigue. Crasseuse sans s'en soucier ne fusse qu'une seconde. Et ce jusqu'à ce que ses pas la mènent dans les plaines balkaniques. Instinctivement, elle savait où elle devait se rendre. La forteresse souterraine dont le dédale ne semblait pas être un secret pour elle. L'appel était trop fort et trop précis pour qu'elle puisse faire la moindre erreur. Dans une grande salle peu éclairée, elle s'arrêta brusquement. La voix plus tonitruante que jamais éclata.
Il avait reconnu en elle l'un de ses fauves. Il lui offrait un but et une famille contre sa servitude. Machinalement, elle ploya un genou et inclina la tête en déférence. Elle s'adressa humblement à lui, sans savoir encore à qui elle prêtait serment.
- Je vous servirai, Seigneur. Commandez, et j'obéirai.
De la pénombre provinrent alors des bruits de sabots venant à sa rencontre. Un présent. Un cheval noir dont le regard semblait provenir du fond des âges. Sur son dos, une balance tout aussi sombre. Un instant plus tard, celle-ci éclata pour venir les recouvrir, son destrier et elle. Ainsi, la Famine venait de trouver son nouveau porteur.
* * *
Le Pontifex Maximus lui apprit alors comment mieux utiliser son énergie et sa Cuirasse, la place qu'elle occuperait dans le conflit opposant les Dieux. Cardinale d'Arès, elle aurait en charge l'armée de la Calamité dans la Guerre Sainte que le Dieu de la Guerre comptait bien mener. Ce furent alors les trois meilleures années de sa courte existence pourtant déjà bien chargée. La jeune femme n'avait plus à se contenter de survivre, mais pouvait vivre tout simplement. Une vie qui annonçait bien des carnages où elle pourrait laisser éclater sa fureur et sa haine à l'envie. Puis un nouveau drame, venant ponctuer son existence comme tant d'autres auparavant. Les armées d'Arès exterminées par les forces plus nombreuses d'Athéna. Le Pontifex en personne n'en était pas sorti vivant. Comme tous les autres… sauf elle*… Pourquoi avait-il fallu que ce soit elle qui s'en sorte, encore une fois ?
545-550
Pendant une longue période, elle avait gardé le silence, n'estimant pas comme nécessaire de s'exprimer face à ces ennemis qui la méprisaient. Qu'importe, cela ne l'affectait pas. Elle avait vécu bien pire après tout. Cinq années au cours desquelles Jehane n'avait pas quitté la Cuirasse de la Famine, portée autant pour la préserver d'une éventuelle attaque que pour ne pas permettre à quiconque d'oublier qui elle est. Bien sûr, elle n'a pas manqué de s'entraîner durant ces années. Ce n'était pas comme si le Sanctuaire avait à la craindre, seule parmi le nombre. Elle était libre d'aller où elle le voulait, de faire ce qu'elle souhaitant tant qu'elle ne quittait pas le territoire du Sanctuaire et de Rodorio et qu'elle ne causait de tort à personne. La jeune femme restait aussi discrète qu'on peut l'être. Elle avait espéré qu'Arès viendrait à nouveau lui parler, lui donner ses consignes, mais il était resté muet à ses appels. Son frère venait la visiter parfois, mais sans jamais lui donner la moindre indication lui non plus. Elle ne pouvait donc qu'attendre son heure. Une opportunité. Ignorant si la forteresse de chair s'était repeuplée ou non. Était-elle toujours la seule Berserker en vie, cinq ans plus tard ? Impossible de le savoir, coupée du monde qu'elle est. Mais sa patience à des limites, et il n'est pas garanti que la Famine continue de rester aussi discrète et invisible...
*note : je ne voudrais pas faire ma grobile du coup je préfère le préciser : c'est Belisaire qui m'a informé que j'étais censée être la seule survivante des Berserkers en 545.
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