[RP de transition - Janvier 553] Les doutes d'un alchimiste

Quelle étrange expérience qu’une guerre.
Au fil de ma courte existence, j’ai fauché de nombreuses vies pour de l’argent. Sans que cela ne me cause trop de remords. Mais la guerre… Ce massacre sanglant, vain, futile, brutal, cruel. C’est tout autre chose.
De notre faiblesse commune, et malgré une glorieuse victoire sur Apollon et ses séides, le Grand Pope a péri au cours de ce conflit. Et sa perte éveille en moi de nombreuses émotions. Bien trop, à vrai dire.
Tuer des inconnus est une faute. Mais voir un proche mourir sous ses yeux… Cela me rappelle douloureusement mon impuissance à sauver Aorlin, mon cher frère.
Ô, il est encore prêt de moi, partie indispensable de cette glace qui me suit pas à pas. Mais figé dans l’éternité du cercueil que je lui ai confectionné, jadis, il n’est plus un humain, à proprement parlé.
Après le terrible conflit qui embrasa nos âmes, et projeta Childéric du Lion à la tête de notre ordre, mon caractère solitaire n’a fait que croître. Réfugié dans mon temple à mener mille expériences alchimiques, à réfléchir sur mon devenir et le sens de notre combat, et de la vie en général, j’ai érigé un véritable mur entre les autres résidents du Sanctuaire et mon cœur affligé.
Régulièrement, je m’oblige à rendre visite à ma tendre mère, ou à gagner les rives de la Crète, pour m’apaiser dans la contemplation de la mer Egée. Quelques interludes dans une monotonie et un isolement quasi-total.
Dès lors que la solitude me pèse de trop, je gagne en secret les hauteurs du Colisée pour observer les entraînements de nos futurs héritiers. Et lorsque les plus prometteurs détectent ma présence discrète, je leur oppose une expression d’exigence, qui semble les intimider, et parfois les intriguer.
A quoi bon s’attacher, pour voir mourir ceux qui attirent notre attention ?
Cette question me taraude, me torture, et me pousse à multiplier sorcellerie, et rituels pour espérer rendre la vie à un mort. Ou du moins à un malade condamné, figé dans le temps par mon entêtement glacé ?
Le temps nécessaire, je repousserais les griffes de Thanatos, pour en préserver mon frère endormi. Mais cela ne fait-il pas de moi un individu indigne de porter mon armure ? Car sans me leurrer, qui puis-je réellement sauver ?
Du haut de mon temple isolé, une seule autre solitude semble répondre à la mienne.
Je me souviens l’avoir vue prisonnière d’un océan de roses au parfum mortel. A voir sa posture, j’ai deviné le mal qui la rongeait. Et sans un mot, sans m’approcher, j’ai déposé une mixture sur le parvis de son temple. Puis une autre. Et ce don régulier commença à m’offrir une notion de régularité. De reprise du temps. Comme si cette ouverture à une autre humanité silencieuse, me rendait un semblant d’estime de moi-même.
Peut-être me puis-je sauver des innocents. Je pourrais au moins apaiser le fardeau de l’une d’entre eux.