Faut faire comme avec les scorpions qui se suicident quand ils sont entourés par le feu. [Début Janvier 553 - PV : Lesath]

Le Scorpion ne s'attendait pas à de la visite. Vous vous doutez bien que, le cas échéant, ... il n'aurait rien fait de plus. Il ne fallait attendre de l'Ibère aucune sympathie. Cela n'avait certes, jamais été le cas, ce dernier n'étant pas le plus affable des hommes. Mais depuis qu'il vivait reclus, c'était tout juste s'il avait croisé âme humaine. Toute notion de cohabitation avait déserté l'esprit troublé de l'Ibère. Il était assis dans le noir, à fixer un mur. A en compter les craquelures. Sa vue s'était habitué à l'obscurité, et désormais, s'il n'était pas capable de voir parfaitement, il pouvait au moins se targuer de discerner la plupart des détails qui échapperaient au reste des mortels. Etait-ce lui, ce mur ? Ces craquelures ressemblaient étrangement aux zébrures de son torse. Celles qu'il avait caché sous un tatouage. Celle qu'il avait essayé d'arracher a l'aide d'un silex peut-être un mois auparavant. Il avait du s'arrêter, ce dernier glissant trop régulièrement de ses mains aspergées de sang. C'était très étrange. Absorbé par l'image pourtant banale de la surface en pierre, il n'avait pas entendu Childéric arriver.

"Oooooh..." Maugréa-t-il. Quelqu'un osait traverser son temple ? En général, il observait les rares voyageurs depuis l'obscurité. Il jugeait s'il devait occire la personne ou non simplement à son aura. Si elle était pure. Si elle n'affichait aucune animosité. S'il la détestait. Dans ces cas là alors, il laissait passer l'inconscient. Il lâchait son rôle de troll sous le pont, et retournait errer dans les ruines qui lui servaient de logement. Mais cette fois c'était ... différent. L'aura était impétueuse. Elle était connue. Il ne savait plus trop de qui il s'agissait cependant. Il avait effacé la plupart des visages de son esprit. Elles étaient superflues là où il se trouvait désormais. "OOOoooh mais qu'avons nous là..." Sa voix grinçante répondit au Grand Pope. Oui, c'était ça. Le Grand Pope.

"A. A ou B. A, B ou C." Joua-t-il. "Akr... Non, il est mort, c'est vrai." Toujours assis face à son mur, dans une pièce voisine, il savait que le visiteur devait l'entendre, mais ce n'était pas grave, il n'allait pas se lever, tout Grand Pope qu'il ne soit. "B comme Belli... Non, bien entendu, non. Lui aussi a fini. Décapité je crois. " Il regarda son tatouage pectoral. Les animaux le regardaient. Il étouffa un éclat de rire et toussa pour le masquer. Ils attendaient quelque chose. Mais c'était idiot. Il n'allait tout de même pas jeter de la nourriture à de l'encre sur son torse. IDIOT. A quoi pensait-t-il juste avant déjà ? Ah oui ! "Childéric donc." Le corbeau de son torse hocha la tête, pour lui confirmer qu'il s'agissait bien de lui. Etait-il en train de picorer sa peau ? Ce n'était pas très urbain. "Un Grand Pope oui, c'est vrai. Oui. Shhh, je crois qu'il me parle." Demanda-t-il à son tatouage de loup. Ce dernier grogna, alors que le Scorpion esquissait un sourire.

Childéric n'avait rien dit pourtant, depuis sa dernière intervention. Peu importait. Il essaya de se souvenir des paroles qu'il venait de lui rapporter. Il aurait-dit ça ? Lui ? Oh. Ah ? "Le Scorpion ?" demanda-t-il à voix haute, toujours en tailleurs. "Le Scorpion est là face à toi pourtant. Demande lui, et laisse moi tranquille Ancien Lion." Il faisait bien entendu allusion à l'armure. Après tout elle était le Scorpion. Lui n'était qu'une coquille, une marionnette, un prête-nom. C'était sans-doute car l'armure savait tout ça qu'elle n'avait pas encore jeté l'éponge.

Ou peut-être que derrière cette face de métal inébranlable se trouvait un inénarrable plaisantin, mais il n'aurait pas misé grand chose là dessus...

Des paroles. Encore et toujours des paroles. S'il s'écoutait... Oh la la, s'il s'écoutait. Il aurait dégainé son index, et l'aurais percé de ses aiguilles. Il l'aurait visé entre les eux et aurait décoché son Antarès. Mais, étonnamment, il savait. Que c'était une mauvaise idée. Que son armure ne tolérerait pas le meurtre d'un supérieur. Qu'il serait définitivement enterré. Et ce même s'il avait raison. Sa raison. Il se redressa comme possédé, sans même ne poser les mains sur le sol. Son corps n'était peut-être pas en pleine forme, mais le cosmos qui l'animait, l'aura qui en découlait, était toujours là. Ce dernier n'avait pas non plus abandonné.

" Epargne toi la salive, je n'ai rien à te dire. " Prononça-t-il de son phrasé particulier, comme mécanique. Il ne savait pas pourquoi il sentait une telle répulsion face à cette aura. Son entièreté sans doute. Sa rondeur. Lesath semblait percevoir une franche inquiétude, et cela le débecquetait. Il pouvait vivre avec les remontrances, et les reproches, mais une preuve de pitié, et le Grand Pope signait pour une agression. L'Ibère, se gratta la barbe d'un ongle cassé, soupesant encore s'il devait passer à l'action ou pas.

Non. Sans doute pas. Il opina du chef. Plus tard. Plus tard.

"Ni même à lui prouver n'est-ce pas ? A personne. Ohoh non. A personne on te dit. Oh." Continua-t-il, décidant qu'il était bien trop ennuyé pour rester debout. Il s'écroula aussi vite qu'il s'était levé. Son menton retomba mollement sur son torse.

Son regard se porta à ses pieds, et remonta sur sa jambe. Était-ce sa jambe ou un serpent ? Il n'en était pas vraiment sur. Il plissa les yeux, n'écoutant que d'une oreille les paroles de son interlocuteur. Ce mystère était bien plus intéressant ! Il tenta de reconnaître son extrémité, se doutant bien qu'il ne lui arrivait que rarement d'être recouvert d'écailles. Pour ce faire, il essaya de bouger son petit doigt dans la poussière, tentant de la faire bouger. Et contre toute atteinte ce fut le pouce qui remua. Quelle sorcellerie ! Il fit un deuxième essai, et, étrangement, ce fut l'annulaire qui bougea cette fois-ci. Mais qu'est-ce que cela pouvait bien pouvoir dire ? Déjà qu'il ne s'agissait pas d'un serpent. C'était un bon début. Par contre, Pourquoi cette jambe se trouvait-elle au niveau de son épaule ? Cela n'avait définitivement aucun sens. Il ricana, puis il fixa d'un oeil torve Childéric. " Autant expliquer à l'aveugle ce qu'est la couleur ? Ha ! " S'esclaffa-t-il.

Non, s'il était là, ce n'était pas pour venir parler métaphysique. Cela n'avait jamais été le style du Grand Pope, contrairement à ses assourdissants prédécesseurs. Il avait eu cette touche terre à terre qui faisait de lui un bon camarade de beuverie. Un peu simplet, sans doute, mais soit, il fallait de tout sur cette terre. Le Scorpion ricana derechef, et sonna comme un grincement. Cette discussion commençait à devenir longue. Cela faisait presque deux ans qu'il n'avait pas été si caustique.

" Allez, Ancien Lion. Dis moi ce que tu veux clairement, que je puisse te répondre. Que je puisse régner sur mon empire de poussière. "

" C'est là où tu te trompes, ancien Lion. Ce n'est pas Lesath qui décide. Ahahah. Comme s'il n'avait décidé qu'une seule fois de quoi que ce soit, ce sombre idiot. Non. C'est le Scorpion qui décide." Balanca-t-il avant de grogner. Il attrapa ses genoux entre ses bras et les ramena sur son torse. Si la colonne n'avait pas été là, derrière lui, l'Ibère se serait sans doute étalé de toute sa longueur. Il passa sa langue sur une canine, comme pour regarder si ces dernières avaient poussé pendant son grondement. Un peu déçu, il constata que ce n'était pas le cas. Il dirigea son regard de nouveau sur son torse.

Le loup lui parlait. Encore. " Tu as entendu ce qu'il ... Oui je sais mais .. Bien entendu que j'aimerais vraiment vraiment vraiment vraiment vraiment vraiment vraiment vraiment. Quoi ? " Arrêta-t-il sa phrase, fixant le vide. Sa tête dodelina sur le côté alors que Grand Pope s'approchait, pas vraiment subtilement, le regardant d'un oeil qu'il ne comprenait pas trop. Il se fichait en cet instant même ce qui se passait devant lui. Son esprit tournait en boucle. Qu'attendait-il voyons ? Qu'attendait-il ? Mais bien entendu. Il attendait la fin de tout ça. Que le Scorpion le libère. Non. Ce n'était pas ça. Pas du tout même.

" AH OUI ! " S'exclama-t-il, les yeux blancs, un sourire aux lèvres. Childéric devait se demander s'il avait réellement perdu le peu de tête qui lui restait. C'était possible. " J'aimerais bien te voir essayer." Dit-il d'une voix qui sonnait étrangement sereine. Pas de ton monocorde, ni de grandiloquence. Non. Un avertissement. Comme si jusqu'alors, il n'avait fait que jouer un rôle. L'idée avait du titiller l'esprit du Grand Pope. Etait-il face à une marionnette dont les fils étaient manipulés par quelqu'un d'autre ? Il continua son ellipse consciente "Oh, et comme je l'ai déjà dit à tes prédécesseurs. Je n'ai que faire de toi ou d'Athéna. Vous n'avez jamais eu besoin d'être défendus." L'oeil était noir. L'aura meurtrière. S'il avait besoin d'une preuve qu'il n'allait pas être si facile de se débarrasser du Scorpion, il venait de l'avoir.

Il avait beau être un ersatz de chevalier, atteint aussi bien mentalement que physiquement, il restait dangereux. Il n'était peut-être plus un glaive brillant et aiguisé. Peut-être était-il devenu un surin rouillé. Il restait clairement meurtrier. Peut-être nageait-il dans la médiocrité dans le reste des sujets, mais sa létalité n'était pas à démontrer.

Une moue étrange traversa le visage de l'Ibère de nouveau, et il reprit son dialogue avec le Loup. " Oui, je sais, il empiète un peu sur mon espace mais je ne vais quand même pas l'attaquer sans prévenir quand même. Je ne suis pas un rustre ! Je laisse ça aux Berzerkers."

Quelle prétention. Quelle illusion. Quelle tristesse Penser qu'il pouvait canaliser son aura. Penser qu'il pourrait le manipuler. Il avait beau ne pas avoir toute sa tête, il n'en avait jamais qu'à cette dernière, justement. Il n'allait pas laisser le premier blondinet barbu lui coller un collier. Il n'allait pas lever la patte et faire le beau. Le loup était un loup. Le chien était un chien. Confondre les deux risquait d'avoir des conséquences désastreuses.
" De servir, dit-il. Il espère me mettre une laisse et me sortir. Et après on pense que c'est moi qui suis fou. HA ! " Ricana-t-il doucement, ignorant dans un premier temps les paroles prononcées par le Grand Pope. Childéric avait beau afficher une mine imperturbable, le Scorpion d'Or savait qu'il ne pouvait être si convaincu de ce qu'il disait. C'était impossible. Surtout lorsqu'il aborda le thème de son allégeance. Etre si puissant et si aveugle. Mais quelle erreur ! Et dire qu'il était celui qui allait devoir manipuler le Glaive vengeur. Mais il se plantait sur toute la ligne, au moins sur ce sujet. " Les ... protéger. Oh non. Oh non. Certainement pas. Non. " S'il y avait bien une chose qu'il n'allait jamais se permettre c'était bien de s'en prendre à l'humanité, et ce malgré la plupart de scories qui la composaient. Il serra la mâchoire, cédant à la colère. Il persifla plus qu'il ne prononça les mots suivants. " Je n'ai jamais rien eu à foutre de vous ou d'Athéna. Jamais. Mais ... Shhh, j'essaie de dire quelque chose, SHHH ! " La voix était si basse, tout juste un murmure. Ses yeux s'étaient fermés. Le Grand Pope fut obligé de s'approcher pour entendre ce qu'il disait.

" C'est surement à moi de les protéger de vous." Susurra-t-il, d'une voix tout juste audible, et ce malgré la proximité entre les deux hommes. Sans s'annoncer, et profitant de la garde baissée de son interlocuteur, sans doute due à son absence complète de cosmos, le Scorpion passa à l'action. A sa façon.

Il lança de toutes ses forces son genou dans les parties intimes de Childéric, ni plus, ni moins. Son visage affichait un sourire idiot en faisant de la sorte. Cela faisait des années qu'il rêvait de dégoupiller. Enfin, des années ou quelques secondes, il ne s'en souvenait pas vraiment. Il ne doutait pas que ce dernier, répliquerait immédiatement. Enfin "immédiatement"... Le temps de reprendre son souffle !

Lesath s'éloigna d'un léger bond, et frappa ses deux poings. Ses phalanges osseuses s'entrechoquèrent dans un bruit sourd. " Hé bien, hé bien ! Enfin un peu d'action. JE M'ENNUYAIS. " Prononça-t-il, haussant la voix, finissant presque en hurlant. "ALLEZ MONTRE MOI QU'ENTRE UN LION ET UN CHAT CE N'EST PAS QU'UNE HISTOIRE DE POIDS ! "

Comme il s'y était attendu, son coup avait fait mouche. Du même coup, il savait ce qui allait se passer par la suite. Le franc - ou peut-être était-il gallois ou celte, il n'y connaissait pas grand chose en origines - avait répliqué, et s'était concentré sur son flanc. Il aurait tout aussi bien pu le frapper en plein torse que l'Ibère n'aurait pas senti de différence. Sans aura, et sans de réelle garde, il avait encaissé le coup sans broncher, espérant par la même occasion ressentir quelque douleur. C'était le cas, mais pas celle qu'il attendait. L'impact ne l'avait pas rempli comme son ancienne compagne le faisait, oh non. A coté de ce qu'il avait enduré ces dernières années, c'était un souffle. Une brise. Une caresse.

" ... frappes comme une fille... " Marmonna-t-il en crachant un mélange de salive et de sang à ses pieds. Il regarda ses cotes, déjà bleues. Il n'avait pas réussi à esquiver les coups que son adversaire inopiné lui avait balancé. Pas pu ou pas voulu, lui même ne le savait pas vraiment. Lors de leur échange, un nuage de poussière s'était élevé, et ils l'avaient traversé lors de leur courte escarmouche. Il se passa la main pour le visage pour en retirer une partie qui s'y était collé à cause de la sueur. Il regarda sa main, calleuse, légèrement noire, aux ongles à moitié cassés. Et soupira. Il avait de nouveau perdu toute envie d'en découdre. Décidément, ce Scorpion était aussi difficile à cerner que ses paroles le laissaient deviner.

" Il m'ennuie. " fut la seule réponse que le Grand Pope obtint. Childéric s'était senti obligé de polluer cette joute sympathique en le questionnant ? Le Scorpion d'or n'en était pas sur, cependant il était certain qu'il n'avait plus aucune envie de se battre désormais. Une fois de plus, son plaisir n'avait été que de courte durée. " Tu m'ennuies " répéta-t-il, directement à son interlocuteur cette fois-ci. Les muscles de ses bras, qui une seconde étaient tendus comme des cordes, se relâchèrent, et il se retrouva immédiatement les bras ballants.

" Rien à carrer." L'ibère conclut de ces quelques paroles, alors qu'il tournait le dos simplement à son supérieur. L'échange avait clairement touché à sa fin. " Tu le crois ça ? Il s'est mis à me parler en pleine rixe. Complètement fou ce type. " commenta Lesath en direction de son bras. Le serpent en encre noire qui y avait élu domicile opina du chef " Oui, il n'est pas net, celui là ". S'il avait le temps il regarderait ses hématomes. Peut-être même les ouvrirait-il d'une lame pour voir si son sang était toujours aussi rouge.

Juste histoire de vérifier.

Lesath s'arrêta de marcher et soupira. Il leva les bras, d'abord comme pour signaler une sorte d'interrogation, mais finalement il enchaîna ce mouvement en s'étirant. Son bleu aux cotes le faisait souffrir, et de ce fait il baissa les bras mécaniquement. Il ne comprenait pas. Ou ne voulait pas comprendre. Ou ne pouvait pas comprendre, peut-être, mais l'esprit étriqué du Scorpion l'empêcha de prendre sa position, quelques secondes, pour essayer de voir son point de vue. L'Ibère était convaincu de ne pas être plus fou que son interlocuteur.

Il releva la tête et regarda par dessus son épaule en direction du Grand Pope, pour être sur qu'il était sérieux. Cela semblait être le cas. Il haussa les épaules, et ferma les poings. Il savait où ils allaient, et bientôt si lui ne serait pas fixé, ce serait le cas de son supérieur hiérarchique.

Il baissa sa tête et entama de nouveau une discussion surréaliste avec le loup encré de sa peau. Ce dernier venait de ricaner aux paroles de l'ancien chevalier du Lion, sans s'en cacher. D'un autre côté Childéric ne semblait pas le voir ni l'entendre. Sans doute qu'il ne faisait pas assez attention. "On marche sur la tête. Non, pas littéralement, voyons, on ne peut pas marcher sur la tête physiquement, ou du moins, cela doit être très difficile. Probablement si on est très musclé du cou, mais ..."

Il s'était perdu dans ses pensées, et secoua la tête pour s'en extirper. " Ca n'a jamais fonctionné comme ça. Ca ne fonctionne pas comme ça. Ca ne fonctionnera jamais comme ça." Ajouta-t-il, péremptoire. Ce n'était sans doute pas suffisant pour l'ancien Lion. Aux oreilles de Childéric ses paroles ne devaient pas sonner justes, mais il ne s'en souciait que peu.

" L'armure décide. Le Scorpion décide. " Conclut-il en se retournant de nouveau, histoire de faire face à celui qui avait décidé de perturber sa quiétude.

Lesath ferma les yeux et décroisa les bras. Son torse tatoué, sur lequel on pouvait sans trop de soucis compter les côtes, était découvert, tendu en direction du Grand Pope. Ce dernier savait pertinemment ce qu'il devait faire. L'armure devait choisir si elle protègerait l'Ibère, ou non. Et pour ce faire, Childéric serait obligé de se salir les mains. S'il frappait sans l'intention de tuer, la protection dorée ne se déplacerait pas d'elle même, et de ça, il n'était que trop au courant.

Les yeux fermés, le Scorpion d'or ne pouvait se fier qu'à ses autres sens pour deviner ce qui se passait autour de lui. Il n'y avait pas besoin d'être grand clerc pour comprendre, cependant, ce qui se déroulait au sein de son temple. Le cosmos de Childéric s'était éveillé, et la poussière avait été emportée dans des tourbillons d'air chaud. De son côté, il s'était refusé toute réaction. Son cosmos ressortait par son absence. C'était le Destin qui allait choisir s'il méritait de survivre ou non. Destin ou Armure. Peu importait. Cela faisait bien longtemps qu'il avait attendu cet instant. Le vrai sens du mot exister ne pouvait s'apprendre qu'en ce genre de situations. Le fil du rasoir.

Et pourtant, le huitième chevalier aurait pu se préparer à cette épreuve. Les Augures auraient pu interpréter les présages et lui traduire le futur, l'avertir quelques ans, mois ou semaines auparavant. Mais il avait arrêté de les concerter depuis bien longtemps. Bien avant la grande guerre et sa bascule mentale. Ce n'était pas grave, Lesath trouvait la vie bien trop plate lorsqu'on savait à quoi s'attendre. Il préférait ne plus avoir de plan, prendre la vie comme elle venait. Et la mort idem.

La chaleur montait et l'Ibère esquissa un sourire. Peut-être s'agissait-il la de sa libération ? Peut-être que le Grand Pope allait enfin arrêter de miauler pour se mettre à rugir. Peut-être allait-il être emporté comme un fétus de paille.

Dans tous les cas ce n'était pas son problème. Plus son problème. Il accepterait la sentence de l'armure, après tout, c'était elle qui était venue le chercher, presque dix ans auparavant, pour le sortir d'une vie de mort-vivant. Il était sa responsabilité, et non pas l'inverse.

L'attaque de Childéric le traversa de toutes parts. Cependant, les crocs, s'ils entaillaient bien sa chair du chevalier, ne parvenaient pas à le traverser. Ce n'était pas naturel, d'autant plus que son aura cosmique était au plus bas. Quelque chose clochait. Childéric, lui, n'eut aucun soucis à comprendre ce qui se déroulait devant ses yeux. L'armure qui quelques secondes plus tôt était terne, salie, poussiéreuse, brillait désormais de mille feux. Ce n'était pas le cosmos du Scorpion qui s'aventurait en tant que seconde peau, mais celui de l'armure. Elle avait fait son choix.

Mais était-ce suffisant ? Le maelstrom d'énergie était puissant, Childéric n'avait pas lésiné sur les moyens, il fallait avouer. Le corps de Lesath s'envola, comme une plume portée par une tornade. Il traversa la salle pour finir écrasé contre une colonne. Ses nombreuses blessures ne laissaient pas trop de doutes sur les dégâts qu'aurait occasionné cette attaque sans l'intervention de l'armure.

Au pied de la colonne, parmi la poussière et les débris de marbre, l'Ibère ne bougeait pas. Cependant son torse montait et redescendait toujours. Il respirait encore. C'était un bon début. Il tenta vainement de lever le bras, avant de le laisser retomber, en soupirant.

" Fait chier. "