[Mi-Janvier 553] Entre Lumière et Glace (feat Kilian)

Le prêtre avançait lentement en direction du Temple du Grand Pope. Il n'avait fait ce voyage que très très rarement et seulement à la demande de l'Evêque du Sanctuaire. L'air était agréable en cette journée hivernale. Il avait déjà eu l'occasion de croiser quelques uns de ses compatriotes, avec ses bons et ses mauvais côtés. Quelques pétales passèrent à côté de lui, le jardin des roses du temple des Poissons envoyait quelques unes de ses meurtrissures aussi loin de possible. Il fallait encore passer une maison, celle du Verseau.

Aegis posa enfin le pied sur le parvis du temple du Verseau. Il sentait le calme qui régnait des lieux. Soudain, l'air se crispa un peu à se droite. C'était comme si le vent tournoyait près du promontoire qui jouxtait le tempe du Verseau. De là, selon ses souvenirs, on avait une vue splendide sur tout le Sanctuaire. Ce qui intriguait la Vierge, c'était cette sinuosité dans les sons. Il y avait quelque chose qu'il n'entendait pas habituellement ou qu'il n'avait jamais entendu jusqu'ici. Les chevaliers d'or étaient des maîtres dans l'utilisation du cosmos, le cacher aux autres chevaliers était une chose aisée et Aegis en avait conscience. Il hésita un bref instant et se décida à suivre son instinct en allant vérifier près du Promontoire.

Un souffle.

C'était léger mais il avait l'impression d'avoir entendu un souffle, une légère respiration certainement. Qui était là ? La question le rendait curieux et il se fit un signe de croix en maudissant sa curiosité, sa jeunesse face au pêché de l'envie.

" Qui est ici ? Je me présente à vous, Aegis, Chevalier d'or de la Vierge ! Cette demeure est sous la garde du chevalier d'or du Verseau et je souhaiterai savoir s'il est au courant de votre présence ? "

Joignant lentement ses mains sur sa poitrine, il se mettait en position de prière. Thémis ne permettrait pas que la terre sacrée soit souillée par des inconnus. Il ne savait pas la source de cette légère respiration. Cette dernière semblait légèrement alourdie, comme si quelque chose comprimait l'air. Une inquiétude ? Difficile à le dire avec le vent qui soufflait à cette hauteur, les sens d'Aegis n'étaient pas encore assez affûtés pour lire aussi loin.

Citation :

Rappel : Aegis porte un bandeau de soie rouge sur les paupières.

Respiration légèrement saccadée. Légère intonation cosmique. Odeur légère salée, sueur certainement.

Les sens du Chevalier d'or de la Vierge étaient en alerte alors que les informations lui arrivaient les unes après les autres. Il n'avait jamais eu l'occasion de le rencontrer, ne serait-ce de parler en sa compagnie. Libérant ses mains, ces dernières prirent son casque afin de le mettre sous son coude droit. Levant la main, il laissait un petit flocon d'air glacé tomber sur sa paume. Quelque chose troublait le Onzième gardien et Aegis était curieux par nature sur la psyché humaine, sur ses faiblesses et ses contradictions. Le Chevalier d'or semblait lui dire quelque chose mais une colère sourde lui faisait dire son contraire.

" En effet, je pense que rares sont les individus qui le peuvent... Alors pourquoi ce doute dans votre esprit ? "

Il n'avait pas l'habitude de tourner autour du pot quand une question méritait d'être posée. Aegis détestait par dessus tous les faux semblants et les mensonges, même ceux qui se cachaient sous les oripeaux de l'omission. Si une menace risquait de poser problème au Sanctuaire, il était hors de question de passer cela sous le silence de la confession.

" S'il y a le moindre souci, Chevalier, je peux prévenir le Grand Pope. Il m'attend justement dans quelques minutes suite à sa convocation. "

Visage fermé, il attendait une réponse claire. Il était un jeune chevalier, certainement moins expérimenté que son frère d'armes mais il était têtu comme une mule et était parfois enclin aux pires moyens afin d'atteindre son objectif. Dieu avait bien envoyé son fils, l'avait laissé aux mains des Juifs afin que son sacrifice purifia le monde. Au froid du Verseau, une légère robe lumineuse entourait le chevalier de la Vierge afin de rétablir une atmosphère plus "conviviale".

" Reconnue ? "

Aegis ne comprit pas en quoi il était reconnu, encore des ragots - certes plus favorables - sur sa personne ? Il avait cru en déceler quelques uns à travers sa discussion avec le Lion de Némée autour d'un bon repas. Réagissant à cette mention, il avait exprimé sa surprise sans plus. Un autre sujet était autrement plus important, un individu était parvenu à atteindre le temple du Verseau afin de détruire ses recherches.

N'ayant pas quitter son temple récemment, toujours sur ses gardes, le chevalier d'or de la Vierge ce que cela voulait signifier. Son audition était trop fine en général pour l'éviter, une respiration, la contraction même de certains muscles, c'était des choses qu'il pouvait entendre mais là... Rien. Mis à part les personnes qu'il avait croisé récemment, il avait peu de personnes qui pouvaient être responsable de cela. Phénix, Ophiuchus.... Non, aucun des deux n'avaient le tempérament pour ce genre de bassesse, le serpent était d'une autre nature.

" Je pense que vous avez fait quelques recherches sur l'ennemi qui a pu accomplir cela ? Vos recherches concernaient quoi ? Si je me plaçais dans votre situation, c'est ce que je verrai si vous me permettez l'expression. "

Ce qui était perturbant, c'était que le chevalier du Verseau en perdait son calme de tout cela, oubliant certainement un recul nécessaire sur la situation. Une autre chose fit réfléchir le chevalier de la Vierge.

" Vous étiez le créateur de vos recherches ? Selon moi, elles ne sont pas perdues si vous perdez la Foi. Qu'est ce que le matériel tant que votre esprit reste en alerte et qu'il a gardé tout le fruit de vos réflexions ? "

Le chevalier de la Vierge dodelina de la tête un instant en écoutant son alter ego. Une telle réputation sur son armure lui était inconnue, il était vrai que son Maître lui avait remis un rosaire de 108 perles, représentant les démons des Enfers. Il en avait la garde et n'aimait guère apprendre que de telles paroles inondaient les coeurs. Il avait décidé de vivre tels les ascètes afin de ne pas dévoiler le véritable poids qui pesait sur ses épaules.

Voici donc la cause du tourment de l'homme, ses recherches. N'était ce pas sa propre vanité qui avait été mise à rude épreuve ? Aegis n'en pensait pas moins et gardait son sentiment pour lui pour l'instant. Il se laissait dévorer par cette chose qui semblait plus fort que lui, bannir tout autre chemin qui pourrait satisfaire ses sentiments. Voire ses ambitions. Hochant la tête, je comprenais mieux l'objet de ses recherches à la fin de son propos.

" Non. Le Grand Pope ne m'a pas encore conté la raison de ma présence en son domaine. "

Il s'approcha alors et s'arrêta à quelques centimètres du précipice.

" Grimoires, alambics et filtres... Cela ne reste que du matériel. Tu peux décider de deux choses : soit te morfondre sur ce qui est fait, soit reprendre en main ton travail. Si tu veux aider ton prochain, il faut accepter les avanies et les combattre avec abnégation. Le Christ, déchu de ses titres, déchu de son honneur, a monté quand même le Golgotha en toute humilité. A moins que... Tu manques de fierté de toi pour te retrousser les manches ? "

Aegis semblait s'amuser de sa dernière remarque. Sa petite pique fut prononcée avec une pointe de sourire non dissimulée.

Pensif, le Chevalier de la Vierge se posait la même question assurément. Qui ? C'était là le noeud du problème et il était bien incapable d'y répondre séant. Il sentit que Kilian reprenait un peu de force en ayant été légèrement piqué.

" Bonne question, je n'ai pas de réponse à t'apporter. Si c'est un Dieu, y'a forcément une raison. Si c'est un chevalier se jouant de nous, il est plus compétent que bien des nôtres et donc le danger est très important. Tes recherches ont peut-être inquiéter un ennemi ? Avais tu des adversaires qui te veulent du mal ? "

Depuis combien de temps ? Au contraire du Verseau, Aegis était un jeune chevalier qui n'avait pas été éprouvé par la guerre. Il en gardait une forme d'innocence sur le Monde, conscient de n'être que le sacrifice d'une cause plus grande que la sienne. Il s'était fait à cette idée depuis sa jeunesse, depuis qu'il était devenu esclave et jeune apprenti au service de la sainte Eglise. Il ne revenait jamais sur son passé, il ne le faisait qu'avec Dieu et Athéna, si elle l'entendait... Il la priait mais elle lui parlait moins que Dieu. Il la comprenait néanmoins, elle avait d'autres chevaliers et la justice était de répondre à tous quand le moment était utile.

" Cela ne fait que quelques mois, après la sainte guerre en Italie. Je n'ai pas ton expérience chevalier et je ne nie pas que je me dois encore d'apprendre des choses. Dieu indique la conduite que l'on se doit de tenir, il ne détermine pas nos choix tant que l'on suit ses commandements. Je préfère saigner mes promesses sur mon corps que d'embrasser des faiblesses inutiles. Et toi ? Malgré ce froid que je ressens en toi ? Tes pulsations indiquent une colère tapie en toi ... Quand l'esprit ne commande pas au corps, il délivre des messages qu'un aveugle peut voir au delà des perceptions normales. Je comprendrai que tu ne veuilles pas répondre, les secrets ne sont point fait pour tous être dévoilés. "

Un sourire aux lèvres, ma tête semblait regarder l'horizon. L'air était reposant à cette hauteur, ce silence était doux pour la prière. Aegis commençait à comprendre la raison de la présence de Kilian ici, c'était le lieu propice à la réflexion.

La stupéfaction se dessina rapidement sur les traits d'Aegis. Un homme malade, un frère, une prison de glace... Il ne s'attendait pas à une telle révélation et ne pensait pas aller sur ce terrain. Hochant la tête, il prit le temps de réfléchir à ses questions fondamentales.

" Nous sommes des êtres de lumière, des astres que le soleil baigne depuis la nuit des temps. C'est étrange mais c'est ainsi. La discrétion est pour moi un paradoxe, mais je comprends ton envie de garder ton jardin dans le plus grand secret. "

Un sourire amical. Il comprenait que le chevalier du Verseau souhaita protéger son frère. C'était là un chemin des plus ardu. Toutefois, pourquoi vouloir avoir peur de la mort ? Aegis lui même en avait peur mais il estimait qu'elle était nécessaire, que les sacrifices des uns permettait l'accomplissement des autres, tel était la voie que le Fils de Dieu avait offert aux hommes.

- Ne te laisse pas torturer par tout cela. Pourquoi ne pas le libérer ? La mort est salvatrice d'une certaine façon. Le laisser dans un cercueil de glace... Est ce qu'il en est plus heureux ? Je ne sais pas. Voilà une question sur le droit à l'existence qui peut se poser. Il est dur de se battre contre soi-même, dur de fuir ses propres blessures au point où l'on trahit ce pourquoi on se bat. Tu ne penses pas ?

Le chevalier du Verseau avait il pris le bon chemin ? Aegis se posait sincèrement la question et cette révélation inattendue était peut-être un appel à l'aide. Il ne savait pas. La vie était une chose sacrée, jouer avec était une chose qui s'approchait de l'hubris, de la folie de se croire supérieur aux Dieux. Pensif, il attendait la réponse de son alter ego en espérant que cela ne le ferait pas fléchir au moment important.

- Chevalier, la question sera simple et tu devras te la poser. Ton frère... Si tu te trouvais en situation de souffrir de choisir entre lui et ton devoir.... Que feras tu ? N'y vois pas offense mais cette question se pose.

Aegis avait retrouvé son rôle de Thémis. Froid, aveugle, implacable.

Le Chevalier du Verseau sortit une élégie fort désagréable pour le Croyant. Un sentiment diffus pénétrait chaque partie du chevalier de la Vierge. Tout cela ne menait à rien et chacun d'entre vous s'en rendait compte, chaque mot, chaque verbe... Il ne souriait plus. Imaginer les choses avec un tel point de vue négatif, estimer que la mort était en soit un problème était un réel point de divergence entre les deux personnes présentes sur cette corniche qui s'ouvrait dans le vide.

" Ma Foi dans l'idéal d'Athéna n'est pas discutable. Là n'est pas la question... La mort est elle une tourmente ? Un arrêt de tout ? Ou... un commencement ? Un médecin se doit d'agir pour ce qui peut être sauver, mais vouloir arrêter la mort - la défier même - est un acte que je ne peux comprendre. Accepter la mort serait la fin du libre arbitre ? Ton discours est contraire au principe même de la Vie, accepter celle-ci c'est aussi accepter sa fin, son renouvellement perpétuel. "

Se retournant afin de quitter les lieux, Aegis estimait que les paroles de son homologue n'était pas de nature à le rassurer.

" Accepter la mort des nôtres, de nos frères... est une chose difficile. J'en conviens. Mais c'est une acceptation que l'on doit méditer, tu es face à tes choix évidemment. Ne te réveille pas un jour en te disant que tout cela ne menait à rien, car tu avais pris le mauvais chemin ! Ce jour là, tu me trouveras en face de toi et je ne laisserais pas notre terre souillée par la folie de la Raison... Elle n'est rien sans la Sagesse. Je te laisse donc, comme tu me l'as demandé. Au revoir chevalier... "

Le chevalier de la Vierge avait pris sa décision. Il n'avait pas tous les détails mais le fait de vouloir défier la mort, par des moyens pour le moins discutables, lui était insupportable. La mort ? Fin ou commencement ? Il n'avait pas de réponse. C'était une question essentielle même. Mais là... La finalité des recherches du Chevalier du Verseau n'était pas pour le bien commun. Non. C'était pour ses propres intérêts et là, cela ne pouvait être accepter. Il se promettait donc de surveiller celui qui pouvait trahir son serment pour sauver son frère.

Citation :

Fin du RP, merci, c'était cool ^^