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Alvissss. Alvissss. Tu ne lis plus.***
Un mouvement sur le côté fit brusquement relever la tête du jeune homme. L'esclave avait ramené ce qu'il lui avait demandé : de quoi se documenter sur les différentes espèces de poissons répandues aux alentours d'Atlantis, sur la mythologie associée à Poséidon, sur la géographie générale de la cité. Des choses accessibles à son faible niveau de lecture atlante, mais destinées à un civil "normal". Et il attendait visiblement une réponse à une question que le Léviathan n'avait pas écouté.
"Capitaine ?"
L'Asgardien referma l'ouvrage qu'il avait en main avec la désagréable illusion de voir les lettres se mélanger devant ses yeux. Il soupira.
"
Je n'arrive plus à me concentrer aujourd'hui... Est-ce que je peux les garder quelques jours pour y jeter un œil plus tard ? Il faut que je sorte prendre l'air.-Naturellement ! Nous travaillons depuis 4 h sans discontinuer, je me demandais même si vous vous arrêteriez avant la nuit. Vous faites de gros progrès, mais le repos est aussi important."
Un timide sourire marqua les traits de l'homme qui déposa son chargement sur la table en douceur. Alvis se leva presque aussitôt pour s'étirer. Il marqua un pas de côté pour soigneusement contourner celui qui lui servait de précepteur et partit d'un pas pressant vers l'extérieur.
***
Quelque chose te préoccupe ?-
Tu veux dire, en-dehors du fait que je dois contrôler chacune de mes paroles et chacune de mes réactions naturelles pour éviter tout malentendu avec les Atlantes ? Non, tout va bien.-
Ne te mets pas en colère...-
Ce n'est pas de la colère. J'étouffe. Il faut que... que je fasse autre chose que tourner en rond dans cette ville, partagé entre la bibliothèque et les chemins que j'ai déjà parcouru cent fois.***
Il s'arrêta une seconde pour lever les yeux vers le pilier de l'Arctique, si proche et si imposant. Ses pupilles fendues le caressèrent longuement jusqu'à son lointain sommet. Et dire qu'il y avait un océan qui reposait là-dessus.
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J'aimerais bien aller nager...-
Qu'est-cccce qui t'en empêche ?-
La pression sous-marine. Si je ne passe pas les arches...-
Passsssssse-les !-
Quoi ?-
Vas-y. Tu es un capitaine. Tu as prouvé que tu pouvais être raisonnable. Je pensssse qu'aucun Marina ne pourra te reprocher d'aller nager. Cccc'est dans leur nature.-
Tu as raison. De toute façon si je reste cloîtré ici je vais finir par devenir fou !***
Sans plus attendre, le Léviathan s'élança en courant vers les portes de la ville, l'écaille venant aussitôt le parer de ses reflets rouges et nacrés. Sentir ses muscles et ses os le brûler de l'intérieur lui fit un bien fou, et il ne ralentit le pas qu'en arrivant vers sa première étape : les grandes arches s'élevaient face à des murs d'eau assourdissants, gardés par des soldats tout spécialement affectés là. Il se perdit le temps de reprendre son souffle dans la contemplation de l'écrasant élément toujours en mouvement, vivant à lui seul.
Plusieurs tours de la ville auparavant lui avaient appris que certaines arches étaient interdites d'accès, solidement gardées par des soldats portant l'uniforme de la garde d'Orphéus. Il avait préféré éviter de parlementer avec eux et se diriger vers l'une de celles qui étaient libres, sans trop savoir quelle différence cela allait faire. L'essentiel était de s'échapper une heure ou deux. Pour s'éviter des remontrances il prit tout de même la peine de signaler sa motivation, sans vraiment attendre de réponse de son interlocuteur. Et il s'engouffra à travers le portail.
Les embruns qui lui fouettèrent le visage lui donnèrent la sensation de revivre. Ce n'était plus l'air saturé d'humidité, l'espace clos et isolé d'Atlantis. Certes la cité avait son charme, ses atours, Alvis ne pouvait le nier. Il s'appliquait à s'y intégrer. Mais cet air, cette légèreté...
Ici il faisait chaud. Trop chaud en vérité pour l'homme du nord. Il avait atterri quelque part sur une plage, le grand portail gardé ici aussi. Les végétation sentait les herbes aromatiques et si ça n'avait pas été l'automne, des grillons se seraient mis à chanter. Assez loin on pouvait apercevoir et entendre l'animation d'une grande ville. Mais ce n'était pas cela qui intéressait l'Asgardien. Il prit la direction opposée et longea la place sur quelques mètres avant de s'immerger de nouveau. Ici, pas la même eau. Pas la même pression. Pas la même température.
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Écoute la voix de l'écaille maintenant. Laisssssssse-toi porter. Elle te permettra de resssspirer ssssous les flots. Abandonne tes réflexxxxes humains et nage.***
L'ancien guerrier divin ferma les yeux et suivit les instructions de Jörmungandr. Il avait mis assez de distance entre les côtes et lui pour pouvoir couler de longues minutes sans atteindre le fond. Il ne chercha pas à nager outre mesure et s'imagina serpent marin à la dérive. Il rouvrit les paupières pour voir un rai de lumière percer la surface de l'eau au-dessus de lui tandis que ses bras, ses jambes, sa longue tresse, formaient son sillage. L'écaille ronronnait presque autour de lui, lui fournissant de l'air et un peu de chaleur, comme une mère s'assurant du bien-être de son enfant. Ou comme un père, dans le cas de Jör ?
Enfin son corps toucha le sable méditerranéen -même s'il n'avait aucune idée de l'endroit précis où il se trouvait. A bien y réfléchir, l'arche qu'il avait empruntée indiquait un nom commençant par un M. "Ma" quelque chose. Mais son esprit refusa de chercher plus loin ces lettres qu'il se forçait à mémoriser.
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Comment tu te ssssens ?-
Libre.***
- Citation :
- Quelques vacances à Massilia °°
Même si Alvis n'en sait rien, à titre indicatif.