[Mi Janvier 553]La belle et la bête (Ft. Calypso)

Trois fois... TROIS FOIS... qu'il tournait en rond dans ce dédale de couloirs qui devait le mener à son pilier ou aux geôles. Il se demandait si les gardes n'étaient pas des menteurs. Impossible, ils n'auraient pas défier un Général... Enfin, peut-être que si... Il avait du mal à savoir quelle était la puissance de chacun, un garde avait peut-être la puissance d'un Général afin de protéger Poséidon. Il se sentait peu de chose ici de toute façon. Une voix à l'intérieur, celle de son père, lui intimait de garder de la patience quand quelque chose l'énervait. C'était pas son point fort mais il fit comme on lui avait appris.

Il tourna encore un couloir et en vit trois autres qui allaient dans trois directions différentes. Des gardes lui apprirent qu'il allait vers les cuisines... Les cuisines... Non mais... Il frappa le mur de colère. Il avait pas suivi le bon chemin, encore une fois. Il en avait marre, pourquoi les choses étaient pas plus simples ? Il suffisait de suivre le courant marin, le chant des baleines afin de trouver le chemin dans les mers. Enfin, c'était ce qu'on lui avait appris depuis des années. Ici, il semblait suivre d'autres coutumes pour le moins barbare, c'était pas "naturel" pour lui.

Reprenant son chemin, il trouva enfin une sortie !

Il était fier de lui. Il se massa un peu la nuque et profita du paysage magnifique qui s'ouvrait devant lui. Le pilier central. Il trônait là, majestueusement, et tenait le monde à sa tête. Aimana eut un sourire sardonique, carnassier, rien qu'au plaisir de se battre pour Poséidon. Sa grand mère lui avait tellement parler de ce Pilier, de cet havre qui protégeait la vie de milliers d'Atlantes. Il posa un genou à terre et se frappa trois fois la poitrine en l'honneur du Dieu des Mers. Puis, il se releva après une petite révérence. Maintenant.... fallait trouver l'entrée de ces foutues geôles.... Tain, ca c'était pas gagné... Il vit au loin quelques dames qui se promenaient dans les jardins qui menaient au pilier central. Il s'approcha d'elle et les salua. Son salut ressemblait aux gardes qu'il avait croisé, étriqué, claquement de bottes et tout cela. La vie d'un Général était décidément pas évidente.

Décidément, Atlantis sans ses généraux manquait de vie. Cela devenait d'autant plus flagrant quand on comparait la soirée officieuse d'intronisation de Chrysaor avec le départ de pratiquement chacun des porteurs d'écailles en mission. Il y avait certes le Kraken pour tenir les rênes de l'Amirauté, mais il ne pouvait pas être aussi vivant à lui seul que tout ce beau monde. Même les disputes semblaient manquer dans le décor.

Pour la forme, et aussi parce qu'elle s'ennuyait fermement, Calypso avait fait une petite ronde autour du Pilier Central. Rien à signaler, les gardes étaient en place, la cité n'avait pas besoin de lever ses grands murs, pas d'intrus à l'horizon...

C'est alors qu'elle avait rencontré quelques dames de sa connaissance réunies dans les jardins pour prendre le thé. Elles étaient de ces familles importantes dont le nom était éclipsé par ceux des Huit, tout comme la sienne. Autant dire qu'au bout d'un moment on finissait par bien se connaître dans ce petit monde aristocrate, et c'est autant par politesse que par sympathie que la Nymphe des pluies accepta de se joindre à leur petit groupe.

Un moment passa, à s'échanger les dernières nouvelles et ragots, quand tout à coup une silhouette vint se planter près du groupe installé dans l'herbe. C'était à vue de nez un jeune homme -bien que sur ce point Calypso préférait ne pas trop s'avancer, étant donné le nombre de fois où on l'avait prise pour une adolescente-, bâti comme un guerrier, et surtout paré d'une écaille qu'elle reconnut pour l'avoir vue quelques fois sur le dos de Calista. Cela couplé aux tatouages qu'il arborait un peu partout, la Toreador devina sans mal de qui il s'agissait.

Il y eut un silence gêné pendant lequel les dames s'entre-regardèrent sans trop savoir comment réagir. Même en admettant qu'elle eût été en service, ce n'était pas à une Nymphe qu'un Général devait se référer en principe, mais peut-être n'avait-il pas eu cette information à son arrivée ? Cela ne ressemblait pas à Orphéus d'omettre ce genre de choses, en tout cas.

Dans le doute, elle se leva et s'approcha de quelques pas.

"Général de Scylla... Avez-vous un problème ?"

Est-ce qu'au moins il avait la moindre idée de qui étaient ses interlocutrices ? Etait-il venu la voir elle en particulier ou pensait-il qu'elle faisait simplement partie du groupe ?

Général de Scylla. Ca en jetait ! Aimana rougissait même un peu mais il se reprit. Ces demoiselles devaient être de la suite des Merinitas, ou un truc du genre. Il se gratta la nuque comme il en avait l'habitude quand il savait pas quoi faire. Elle était pâlote en tout cas, elle devait pas sortir des masses, c'était une coutume de la grande ville après avoir croiser quelques personnes.

" Un peu oui.... Je cherche l'accès au Purgatoire, le seigneur Orphéus vient de m'affecter à sa garde mais... c'est grand ici ! Ah oui ! J'oubliais les convenances, je suis Aimana de la maison Tangaroa, Général de Scylla. "

Voilà, il s'était pas planté pour une fois, il avait tout fait comme on lui avait demander. Son père sera fier de lui. Puis, il regarda les autres demoiselles et tourna de nouveau la tête vers son interlocutrice.

" Vous êtes des Prêtresses du Seigneur Poséidon ? Au service de la maison Merinita ? "

Pour lui, il n'y avait pas d'autres raisons que des femmes soient présentes ici. Il avait appris que la Noblesse était constituée des premières familles, alors les autres. Proches du Temple de Poséidon, il était évident qu'elles devaient travaillées à son service mais dur de déterminer dans quelle partie du bâtiment. Déjà qu'il s'était paumé... La première demoiselle qui s'était avancée vers lui avait aussi les cheveux blancs comme le seigneur Orphéus, c'était possible qu'elles soient des cousines du Légat.

" Vous alliez dans quelle direction ? "

S'il pouvait obtenir des informations en plus, c'était pas perdu. M'enfin, il n'était pas sûr non plus, il se sentait désemparé par sa méconnaissance de tout ce qui existait dans le coeur de l'Empire atlante.

Il était donc perdu. En quelques mots Calypso eut toutes les informations qu'elle désirait, voire même un peu plus pour expliquer la situation du jeune homme. Ainsi donc Scylla avait jeté son dévolu sur un autre héritier des Huit familles, celui-là venant visiblement de loin de la capitale. Il savait a priori se tenir, qui était le Légat et son rôle dans la hiérarchie, mais la géographie de la cité lui échappait complètement. Bien.

"Nous ne sommes pas des prêtresses, non. Nous faisons partie des familles nobles siégeant dans la zone de gouvernance des Merinita en revanche. Mais si vous peinez déjà à trouver le Purgatoire, je vais peut-être vous éviter un descriptif de chaque zone, vous risqueriez de vous y perdre plus encore."

Elle se tourna vers ses camarades de thé et s'inclina poliment pour signifier qu'elle allait prendre congé. Les occasions de se recroiser dans les environs ne manqueraient sûrement pas.

"Si vous voulez bien m'excuser, mesdames. Je crois que ce jeune homme a besoin d'un guide autorisé à aller dans des lieux que vous n'apprécieriez pas.
-Faites donc, mon amie. C'est au devoir qui appelle dans n'importe quelles circonstances que l'on reconnaît les dignes serviteurs de Poséidon ma foi !
-En partie oui. Je vous souhaite une bonne fin de journée en ce cas."

Cela fait, elle se tourna de nouveau vers Aimana et désigna le temple qu'il venait de quitter.

"Si vous le souhaitez je vais vous accompagner. Cela sera plus simple. Je m'appelle Calypso, de la maison Toreador Arkantea. Comme vous je porte une écaille, et je suis directement au service de notre bon Légat. Je peux donc vous conduire jusqu'à l'entrée des geôles. L'entrée se trouve à côté du temple, vous avez probablement dû passer devant sans le savoir. Me suivez-vous ?"

Une fois assurée de son accord, elle commença à avancer sur un pas cadencé, rapide mais facile à suivre. Le Tangaroa allait avoir bien du mal à s'intégrer dans la cité s'il se perdait dès les premiers jours, mais il était encore assez tôt pour improviser une visite des lieux importants s'il s'en sentait le courage.

"Au bout des jardins, dans la direction que vous étiez en train d'emprunter, se trouve uniquement le Pilier Central. L'accès y est normalement réservé au Légat, ou à Poséidon lui-même. Les geôles sont creusées sous le Temple de Poséidon, comme un gigantesque puits. Et bien évidemment, pour que n'importe qui ne s'y rende pas, l'entrée n'est pas fléchée. Mais n'aviez-vous pas un garde pour vous escorter jusque-là au moins la première fois ?"

Mince... Il était tombée sur une reine du discours à rallonge. A l'instar du Légat, c'était un moulin à paroles. Il tentait de tout suivre comme il pouvait. Faisant un signe, il indiquait qu'il la suivait et voilà qu'elle continuait de parler. Un peu ailleurs, il comprit quand même comment ca marchait et c'était pas plus mal.

" Vous parlez toujours autant dans la ville ? Car bon, je discutais avec le seigneur Orphéus et il était un moulin à paroles tout comme vous. C'est pas une critique hein, c'est peut-être une habitude de beaucoup parler par chez vous. Mais je me demande, pourquoi ? Quel est l'intérêt ? Celui qui parle le plus est le mieux vu ? Merci en tout cas pour me présenter sur le chemin, vous m'êtes bien sympathique...

Prenant une inspiration, il reprit.

" J'ai noté pour votre nom de famille, je savais pas qu'il y avait des nouvelles familles nobles, y'en a beaucoup ? Dans ma colonie, on en avait qu'une, la nôtre, alors savoir qu'il y en avait plus... Vous m'apprenez quelque chose ? Votre famille a fait quoi pour devenir Noble ? "

Les questions avaient suivi comme plusieurs rafales de vent, avec un intérêt non dissimulé. Là, il venait d'apprendre une information d'importance. Ils avançaient vers les portes du Purgatoire qu'un énorme bâtiment se faisait jour. Comment il avait pu le louper lui ? Avec tous les autres bâtiments à côté, tout s'expliquait.

" Vous faites quoi pour le Seigneur Orphéus ? "

Pourquoi il y avait des petites familles nobles ? Une question qui le taraudait un peu, ca servait à quoi ? Il voulait comprendre.

Une expression surprise se peignit sur les traits de l'Atlante tandis qu'il rebondissait sur ses propos sans toutefois répondre à sa question. S'il avait éconduit son garde-guide de la même façon, elle comprenait mieux pourquoi il avait fini par se perdre dans les couloirs. Et question moulin à paroles il était plutôt pas mal dans son genre lui aussi, bien que selon elle ils se trouvaient encore fort loin du monologue.

"Vous me posez des questions, je tâche d'y répondre de façon complète, voilà tout."

Elle ne s'aventura pas à lui faire la remarque de sa propre élocution : c'était là une porte ouverte à la discorde et ni lui ni elle n'avaient besoin de se chamailler sur un sujet aussi trivial. Il faudrait donc élaborer des réponses aussi claires que courtes à l'avenir, noté. Et quand quelqu'un se lasserait d'être pris pour la pipelette de service, Aimana tiendrait son retour de bâton de la bouche de quelqu'un d'autre, pour sûr. Savoir s'adapter à son interlocuteur : leçons de rhétorique, de discours et de philosophie. Pour la théorie elle était au point, à elle de mettre en pratique désormais.

Il l'interrogea alors sur la notion de noblesse en Atlantis, sujet vaste et pas toujours simple à démêler s'il en était. C'est qu'il choisissait ses discussions le bonhomme ! Tout pour faire long, mais il fallait faire court. Défi accepté.

"Comparée aux colonies, oui, Atlantis comporte énormément de familles nobles."

Stop ! Pas besoin de parler des huit majeures, des différences de pouvoir, des zones, des piliers. Il n'avait pas demandé. Faire court donc.

"Les Toreador et Arkantea étaient deux familles distinctes à l'origine, elles-mêmes nobles toutes les deux. Il y a eu des faits d'armes, des politiciens, des figures importantes dans la société, des mariages... Des tas de choses nous ont élevés petit à petit."

Et pour toutes les énumérer, il faudrait se replonger dans les archives personnelles de la famille, les arbres généalogiques, retrouver les traces des chroniqueurs, des médecins, des avocats, fouiller dans les plaques honorifiques, les tableaux, les sculptures dont était ornée la maison, retrouver les vieux journaux et ainsi de suite. Au fond, l'éducation avait poussé chacun des héritiers à se faire une petite place dans un domaine bien précis, et à y briller un temps avant de passer le relais au suivant. Dans l'ensemble on pouvait noter une dominante axée vers les lettres et la culture, notamment l'Histoire, mais ce serait mentir de dire qu'ils n'avaient que cela pendant les derniers siècles.

"Puisque vous en parlez, à part protéger les piliers... qu'ont fait les Tangaroa ?"

La question aurait pu paraître déplacée face à quelqu'un d'autre, mais Aimana venait des îles et avait demandé le premier, donc il serait sans doute moins susceptible de croire qu'elle remettait en cause sa légitimité. Elle avait connaissance des grandes lignes, comme chaque famille noble s'imposait de connaître ses "concurrentes", mais maintenant qu'elle avait posé la question, sa curiosité prit le pas. Qu'avaient bien pu faire les familles Patriciennes pour justement devenir Patriciennes et figurer parmi les Huit ?
Par réflexe, elle sortit de l’étui traditionnellement attaché à sa cuisse une fiole d'encre, une plume, une feuille de parchemin et une petite tablette de bois pliable conçue sur-mesure. En une quinzaine de secondes elle fut prête à prendre des notes sans même y penser sur cette étrange rencontre. Si on lui avait dit plus tôt dans la journée !

"Je fais partie des Nymphes, la garde personnelle d'élite d'Orphéus en quelque sorte. Donc je le protège, j'effectue des missions particulières sur ses ordres. Et quand il n'est pas là je garde Atlantis, aussi."

Il écoutait. Ah il y avait donc plus de familles nobles qu'on lui avait enseigné, il se prit la tête dans les mains rien qu'à penser à tout ce qu'il allait devoir lire. Déjà apprendre à lire, ceci dit. La culture de la capitale était sur l'écrit à ce qu'il savait et c'était loin d'être sa préférence. Enfin, c'était pas le moment d'aller là dedans, surtout qu'elle parlait enfin simplement. Toréador et Arkantea, il gardait ça dans un coin de sa tête afin de poser des questions à ses cousins, une fois qu'il serait allé dans le quartier de son temple.

Les Tangaroa ? Elle savait pas. Il se devait de lui expliquer cela.

Nous sommes venus des îles où les îles voyagent sur des tortues. Un jour, Thawiri est venu sur nos terres afin de découvrir comment on vivait. On avait aussi des grands esprits qui avaient construits les coraux arc en ciel et les étoiles. Puis, lors d'une grande guerre, notre tribu fut la seule à naviguer dans les mers de coraux afin de chasser les envoyés de Tumatauenga. On les combattit pendant des nuits afin de les repousser de nos terres... Twahiri fit rugir les torrents d'eau pendant quatre nuits et on repoussa nos ennemis. Fier de l'héroisme de Tangaroa, il fit de lui le chef de notre Famille et l'une des grandes protectrices de la tortue géante qui porte les 8 Piliers. "

Les reflets du jeune homme exprimait une fierté sans pareille. Cela semblait le faire voyager sur ses lagons et ses cocoteraies, ses terres douces, ses forêts où ils vivaient en harmonie avec les Humains. Ici, on les appelait Vulgaires, son père l'avait prévenu d'éviter d'en discuter avec les Nobles ici même, ils étaient imbus de leurs personnes et avaient oublié le message de Twahiri. Pour l'instant, il se gardait bien de toute réflexion sur les coutumes d'Atlantis.

Puis, il se rappela de la dernière phrase de la Nymphe. Elle était donc une Gardienne, il tapa alors dans son dos en signe d'amitié, une première fois. Avec une certaine douceur, il témoignait de son respect.

" Oh je ne savais pas ! Excuse moi Gardienne, ils ont donc des femmes à la tête de nos armées, c'est super ! Bon sang, Mère serait tellement ravie et elle partagerait avec toi des couronnes de fleurs en amitié. C'est ainsi chez moi qu'on reçoit les amis, les fleurs sont le symbole de la beauté que Twahiri a apporté à ce monde ! "

Il la frappa un nouvelle fois dans le dos à deux reprises de façon légère. Un grand sourire tout blanc se dessinait sur son visage en regardant la Nymphe. Il trouvait cela... génial !

En habituée de la prise de notes, Calypso nota méthodiquement et rapidement ce qu'elle entendait, tâchant d'organiser au mieux les noms et les thèmes qui surgissaient dans l'explication du jeune homme. Toutefois elle dut reconnaître que son esprit décrocha progressivement du sens pour se concentrer sur la transcription. Il parlait comme si elle connaissait les personnes -entités ?- en question, sans se soucier de savoir si elle suivait ou non.
Quand il fit enfin une pause après ce qui lui parut une éternité, elle relut ce qu'elle avait écrit, tâcha d'établir des correspondances. En toute logique, même s'il venait d'un pays lointain, il vénérait Poséidon. La culture avait pu être quelque peu transposée avec des noms et des apparences différentes. Ainsi dans l'ancienne Alexandrie par exemple, les Égyptiens avaient pu vénérer une forme antérieure de Poséidon via les divinités du Nil comme Sobek ou Osiris, ou même Hâpy... C'est là que ses compétences en terme d'Histoire et de chroniques allaient aider : séparer le subjectif des faits pour pouvoir comprendre.
Tawhiri, avec ses torrents d'eau et la nomination du héros Tangaroa en tant que chef de famille semblait représenter Poséidon. "Tumatauenga" -elle ne se risquerait pas à essayer de prononcer cela avant longtemps- désignait probablement une autre divinité.

Donc Poséidon s'était rendu quelque part dans le Pacifique Sud (logiquement ?), où une Guerre Sainte s'était déroulée, et seule la famille d'Aimana avait pris les armes pour défendre les terres sous la domination du dieu. Concernant les esprits des coraux et des étoiles, Calypso ferait peut-être plus de recherches plus tard, afin de se laisser le temps d'y voir plus clair.
Restait alors l'histoire des îles naviguant sur des tortues et "la tortue géante qui porte les huit piliers". Elle eut le réflexe un peu bête de regarder sous ses pieds s'il y avait la moindre de chance qu'elle marchât sur une tortue. Une métaphore. C'était sans doute une métaphore.

En tout cas dans les grandes lignes le récit correspondait au fait que l'Ebranleur des terres avait un jour accordé sa bénédiction au héros Tangaroa pour avoir défendu au péril de sa vie ce qui était aujourd'hui le pilier du Pacifique Sud, faisant de sa famille l'une des plus importantes de tout Atlantis.

"Hum... Loin de moi l'idée de vouloir contester les choix de notre dieu, mais je trouve quand même étrange que des familles faisant des efforts de génération en génération ne soient pas reconnues, alors que certaines ont un jour défendu un pilier et se retrouvent Patricienne sans plus aucun fait d'armes après... Il doit me manquer des éléments de compréhension..."

Plongée dans son travail de déchiffrage, marmonnant pour elle-même, la Toreador fut surprise de sentir tout à coup la main d'Aimana dans son dos tandis qu'il parlait fleurs et amitié. Avait-elle réussi à l'amadouer juste en précisant qu'elle protégeait Orphéus... ? Si elle s'attendait à cela ! En même temps il était agréable d'être reconnue comme quelqu'un d'utile, on entendait d'ordinaire tous les compliments au sujet des Généraux. Et apparemment le fait d'être une femme constituait encore un plus aux yeux du jeune homme. De quoi embarrasser Calypso et la faire rougir jusqu'aux oreilles, appréciant le compliment malgré tout.

"Une Gardienne ? Oui, on pourrait dire cela. Je garde Orphéus ! Oh mais il n'y a pas trop de fleurs au fond de la mer... On évite de les cueillir. A Alexandrie peut-être."

Un instant, l'Atlante se permit de le scruter quelque peu. Ses tatouages étranges. Cette culture. Sa méconnaissance quasi-totale d'Atlantis. Le pauvre allait être complètement perdu s'il ressortait le même discours face à d'autres qui n'avaient pas sa patience. Il avait quelque chose d'attachant dans son innocence, mais si Scylla l'avait choisi, alors il devait aussi avoir une autre face, plus bestiale, plus violente. Ainsi était la maîtresse des bêtes. Même Calista avait cette facette quelque part. Ne pas tomber dans le piège de le considérer comme quelqu'un d'inoffensif.

"Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certaine d'avoir exactement tout compris. Je pense que vous employez des noms qui désignent les mêmes choses qu'ici, mais que je ne connais pas. Je vais tâcher de me renseigner, promis. Je veux comprendre. Je veux continuer à en parler !"

En attendant, il fallait qu'il prît ses fonctions en tant que gardien des geôles et ses quartiers dans la zone du Pacifique Sud. Elle reprit donc le chemin qu'elle avait arrêté pendant ses réflexions, lui désignant le bâtiment du Purgatoire en lui-même.
Revêtant son écaille au passage pour montrer patte blanche, elle lui montra le couloir qui descendait jusqu'au premier niveau, où elle ne s'aventura pas.

"Accompagné du Général de Scylla, et avec sa permission, je dois pouvoir aller plus loin, mais comme vous ne connaissez pas encore vos fonctions, il vaut peut-être mieux que je ne voie pas du tout, que je n'aille pas trop loin. Les gardes vous renseigneront mieux que moi à partir d'ici."

Restée sur le pas de porte, elle jeta de nouveau un œil à ses notes puis à Aimana.

"Voulez-vous que je vous montre vos quartiers près du pilier du Pacifique Sud ou préférez-vous commencer à prendre vos marques ici ? J'avoue que je suis curieuse de vous connaître un peu mieux."

Une chose que la belle ne savait pas, c'était les sens acérés du Général. Entendant les mots marmonnés par la Gardienne, il fronça les sourcils de plus en plus sévèrement.

" Et bien, c'est ainsi que l'on respecte les Grandes Familles atlantes ? J'en prends note et serais heureux d'en disposer au Seigneur.... Puis non, on va éviter les histoires et dire que je n'ai rien entendu, ma-de-moi-selle. "

Le ton chaleureux était devenu plus glacial. Elle venait de perdre un certain nombre de points et il ne comptait pas oublier l'affront. Il s'était permis aucune remarque sur sa famille, encore moins demander son pédigré.

" Si vous voulez, on peut aller voir mes cousins, ils se feront une joie de vous expliquer que notre Famille a plus de valeur que celle que vous lui donnez... Ca m'apprendra à croire les gens de la ville ! "

Arrivés aux abords du passage vers le Purgatoir, il fit un signe négatif de la tête.

" Je vous remercie de m'avoir aider. Chez moi, pour ce genre d'insultes, on vous aurait privé de noix de coco pour un mois. M'enfin, on va pas en trouver des masses ici, je vous laisse donc à faire grandir la gloire de votre famille, ce que je vous souhaite de tout coeur....

Une barrière s'était dressée. Aimana s'en foutait totalement en général de ce qu'on pensait de lui, de ses propres insuffisances, il savait qu'il en avait. Mais... Se moquer de Tangaroa... Ce chuchotement... Cette brise de discorde. Il n'aimait pas cela et Scylla non plus, un léger manteau azuréen enveloppée d'une odeur de sang était perceptible.

Il continua son chemin tout seul, amer. Il aurait pu être une amie, mais elle était comme tous les gens de cette ville, des politiciens. Son père l'avait prévenu. Il avait oublié. Il avait appris une bonne leçon.

Citation :

Fin du RP °°

"... Que l'on respecte les grandes... ? Ah, vous n'y êtes du tout ! Je me demandais juste si..."

Elle se tut, notant l'hostilité dans son attitude. Son propre visage se ferma pour redevenir celui de la jeune femme qui portait sur elle toutes les attentes des Toreador Arkantea. Celui de l'amie d'enfance incapable d'avouer ses sentiments. Celui de la Nymphe qui avait été sourde pendant des années à l'appel de son écaille. Celui de l'impuissance et du travail acharné, mais incompris.

Avait-elle bronché quand il avait suggéré qu'elle parlait trop ? Quand il avait parlé de "nouvelles familles" comme s'il avait suffi qu'elle s'inscrivît sur un registre pour exister ? Quand il avait à tort imaginé qu'elle était une prêtresse ou une simple dame de compagnie des Merinita simplement parce qu'elle se trouvait près du temple avec ses comparses ? Elle aurait pu simplement lui pointer la direction du doigt au lieu de lui montrer le chemin en personne : elle n'avait pas l'obligation de le faire. D'un certain point de vue il était même impensable qu'une noble dame s'abaissât à servir de guide sur un coup de tête. Sauf que c'était un Tangaroa. Et elle n'était rien. Cela changeait tout.

"Entendu seigneur Tangaroa. J'irai trouver votre famille. Vos cousins, c'est bien cela ? J'irai les voir et je leur demanderai les clefs qui me manquent pour comprendre. Je ne compte pas rester sur un malentendu."

Car à ses yeux c'en était un. On ne pouvait venir d'une famille Patricienne et ne pas accomplir quelque chose de grand. Aussi sûrement que la noblesse "secondaire" s'imposait des règles et des critères bien particuliers pour se constituer une sphère d'influence, l'habitant du Pacifique Sud devait avoir d'autres choses à raconter. Une culture qui n'était pas celle d'Atlantis, qui ne reposait donc pas dans ses archives, sur ses parchemins et ses codex. Il y avait forcément tout un pan de ce monde que Calypso ne voyait pas et elle irait demander ces réponses vaille que vaille afin de ne pas reproduire la même erreur.

Elle avait entrevu la bête, mais aussi son cœur.

Citation :: Et ma conclusion u_u

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