[Mi Février 553] En quête de reconstruction

Sanctuaire

Après mon entretien avec le Grand Pope et quelques jours de repos bien mérité, j'avais pris la décision de me rendre à la Sainte Constantinople, en quête de matériel de qualité. La reconstruction de mon laboratoire serait la première pierre de ce nouvel avenir que j'appréhendais tant. Hermès avait été clair sur ce point, à défaut d'autres.
Par souci de rendre ce périple aussi apaisant et agréable que possible, j'avais jeté mon dévolu sur un voyage à cheval, en solitaire. De quoi raviver les souvenirs de ma quête à Jamir, aux cotés de la mystérieuse Morwenna. Mon fier destrier fendait les lieux avec un plaisir évident, et je ne pouvais que savourer le vent sur mon visage, le sentiment de totale liberté et la beauté du paysage. Tout ce qu'il fallait pour prendre l'air, après tant de troubles intérieurs.
Et suite à cette poignée de jours de périple, je finis par aviser les murs de la nouvelle Rome. Une véritable fourmilière, où la vie ne cessait jamais. Pour moi qui n'appréciait que modérément les effets de foule, c'était là une toute nouvelle expérience : sortir de ma zone de confort. Vêtu à la grecque, je fis stopper mon cheval dans une écurie à proximité de la porte principale de la cité, et l'y déposé après avoir offert au propriétaire une poignée de pièces pour garantir ses bons soins.
Mon objectif : gagner la seconde colline, où se tenait le Grand Commerce. Vu que je n'étais pas ici en visite officielle, mais uniquement pour mon intérêt personnel, j'allais prendre le temps de jouer les touristes et de visiter enfin la splendeur de cette cité grandiose.
Ma cloth box dans le dos, je tentais de me frayer un passage dans la foule dense, et après d'interminables minutes de marche laborieuse, je parvins à atteindre mon objectif.
Un marché immense m'attendait, regorgeant de produits exotiques, d'ouvrages mystérieux, d'ingrédients rares. Le lieu idéal pour trouver mon bonheur.

Quel plaisir de déambuler au grès de mes envies, d'un étal à l'autre.
Tout en prenant garde aux pickpockets, je pris le temps de rechercher les meilleurs produits, le marchand le plus engageant ou compétent dans son domaine. Quelques questions innocentes pour séparer les amateurs, escrocs et véritables boutiquiers, et je finis par visualiser les meilleures opportunités.
Tout d'abord du matériel basique mais de qualité : alambics, creuset, pince, fioles plombées, réceptacles divers en métaux nobles, balance. Le chaland mena une négociation digne de ce nom, et après d’interminables minutes de parlotes, je finis par lui soutire un prix convenable pour sa marchandise.
Satisfait de mes emplettes, je m'orientais vers une petite boutique sombre où s'étalaient des nuées de plantes séchées, de graines diverses et de fioles aux contenus réservés pour les cœurs endurcis et les initiés.
Une vielle femme rabougrie m'accueillit de sa voix croissante, et m'observa du coin de son œil acéré, alors que je passais d'un article à l'autre.

Vous êtes un alchimiste....

Étonné par sa perspicacité, je me retournais vivement vers elle, pour croiser un sourire entendu.

Il suffit d'observer les produits qui vous intéressent et avec quelle précision, vous les soupeser.

Me voilà donc démasqué. Effectivement, je suis un adepte de l'art d'Hermès. Vous possédez des articles d'une qualité rare. Mais auriez-vous quelques ouvrages, par le plus grand des hasards ?

Le vieille m'adressa un regard mêlant convoitise et appât du gain, avant d'incliner sa tête ridée.

Mes trésors sont réservés à la clientèle la plus éveillée. Je vais vous montrer ce qu'il me reste en stock, dans l'arrière boutique.

Mon sang ne fit qu'un tour. Se pourrait-il qu'elle puisse posséder quelques grimoires anciens digne d'intérêt ? Si oui, cela pouvait donner un sérieux bond en avant à mes futures recherches. Mais au final, où pouvais-je trouver de telles merveilles, hormis à Constantinople ? Je pouvais d'ailleurs lui demander si elle avait connaissance d'un livre sur le Jamirien... Qui ne tentait rien, n'avait rien.

Malheureusement, les articles de la vieille chouette ne furent pas à la hauteur de mes attentes.
Quelques parchemins dont je connaissais déjà le contenu et grimoires dans un trop piètre état pour être utilisable, sur le long terme.

Si vous arrivez à vous procurer des ouvrages sur les langues anciennes et rares, notamment celles ayant attrait à la civilisation de Mü ou aux peuples de l’Himalaya, je vous en offrirais un bon prix. Je passerais régulièrement.

Constantinople étant un carrefour culturel, situé au centre du monde connu, j'avais de grandes chances d'obtenir gain de cause, dans les temps à venir. Et qui ne demandait rien n'a rien.
Pour appuyer l’intérêt de ma demande, j'achetais quantité de matériel à la grand-mère avide, dont les yeux s'embrasèrent à la vue de la bourse que je lui tendis. En voilà une qui avait bien fait de se lever ce matin !
Maintenant que j'avais enfin du matériel de qualité, il ne me restait plus qu'à flâner en quête de composants, et d'un repas digne de ce nom.
Mon estomac commençait à crier famine. Je sortis donc de la boutique, y laissant mes achats, en attendant que je revienne les chercher avec ma monture, p)lus tard dans la journée. Les allées du marché commençaient à s'éclaircir, tant midi approchait, promesse d'estomacs bien remplis.
Je finis par jeter mon dévolu sur la marchandise d'un vendeur de plantes rares, et autres ingrédients pour spécialistes. Et après plus d'une heure à négocier ses prix, et à soupeser chaque article, je finis par faire une intéressante transaction.
Satisfait de ma veine, et l'esprit plus léger, je décidais de partir en quête d'une taverne pour y prendre un repas digne de ce nom, et achever cette promenade au demeurant bien agréable, après cette période si riche en troubles intérieurs. Machinalement, mon regard se tourna en direction d'une partie bien spécifique de la radieuse cité. Avant de partir, une visite au saint des saints, en égard à Athéna, s'imposerait.

Une fois mon repas pris, je me faufilais à travers les ruelles vers la citadelle, pour y quêter une ide complémentaire. Ma foi, on ne sait jamais... Et je me voyais mal ne pas actionner tous les leviers pour espérer obtenir pleine satisfaction dans ma quête.
Une fois sur place, je dévoilais mon identité au garde en faction, et demandais une entrevue auprès du capitaine Théophilus.

Je vous salue, soldat. Je suis Kilian, un envoyé du Sanctuaire. Je souhaiterais rencontrer le capitaine Théophilus au plus vite. Il me connaît...

J'avais déjà rencontré cet officier lors de mon bref passage avec Morwenna, et il s'était montré diligent et compétent. Nul doute que mon nom ne lui serait pas inconnu.
Mon but était simple : lui demander s'il avait connaissance d'ouvrages pouvant m'éclairer sur le langage de Jamir. Malgré mes incessantes recherches sur le marché, j'avais fait chou blanc de ce coté là. Certes, j'avais désormais de quoi recréer un laboratoire basique digne de ce nom, mais j'avais encore un goût d'inachevé.
Tant qu'à y être, j'allais également lui demander de m'indiquer les meilleurs fournisseurs en composants rares d'alchimie. Les produits acquis auprès de la veille marchande restaient de qualité, mais il n'y avait pas de quoi se rouler par terre, pour autant.
Une fois ma rencontre avec le capitaine achevée, je songeais à me diriger vers la magnifique basilique, pour prendre quelques instants de recueillement et honorer Athéna, comme Childéric m'y avait invité, à sa manière. Entre mon deuil et mon échange avec Hermès, je n'avais pas vraiment eu le réflexe de me tourner vers la déesse que je servais, Un comble...
Une prière, un instant d'introspection. Voilà aussi ce dont j'avais besoin. Un brin de calme avant l'inéluctable tempête qui allait s'abattre sur le Sanctuaire, à un moment ou à un autre.

Le capitaine Théophilius restait conforme à mon souvenir récent.
Compétent, réactif, respectueux et allant droit au but. Un militaire dans toute sa splendeur.
Et je lui adressais un léger sourire lorsqu'il m'accueillit.

Je suis heureux de vous revoir, capitaine. Pardonnez cette visite surprise, mais je suis ici de manière informelle.

Ce qui sous-entendait que rien n'obligeait le militaire à me rendre service, et que je ne me formaliserais pas d'un refus de sa part. L'enjeu restait certes d'importance, mais je tenais à ce que mes recherches restent confidentielles et discrètes, et donc une sollicitation plus officielle risquerait de fuiter, via des oreilles peu discrètes.

J'irais droit au but... Je suis venu au cœur de votre radieuse cité pour mettre la main sur un grimoire susceptible de m'apprendre les bases de la langue utilisée à Jamir, ou via le peuple de Mû. Un article rare... Et malgré mes recherches, je n'ai pas réussi jusqu'à présent à me le procurer. Auriez-vous connaissance d'un érudit ou d'un libraire susceptible de me vendre un tel ouvrage ?

L'air sérieux, je fis comprendre au capitaine que ce n'était pas là un vulgaire caprice. Les intérêts restaient tangibles et lourds de conséquences.

En outre, je recherche des éléments d'alchimie, mais aussi des recueils d'herboristerie traitant des remèdes sur les poisons les plus rares. Je vous serais infiniment reconnaissant de m'indiquer où me procurer de tels articles rares et précieux.

Une nouvelle fois, mon regard parla à la place des mots. Le Grand Pope comptait sur moi, et peut-être que la vie de Morwenna dépendait de ma réussite.

Comme je l'avais craint le rigoureux militaire ne possédait aucune information susceptible de m'aider.
Mais cela valait le coup d'essayer... Et je le remerciais d'un sourire compréhensif.

Je me doutais que ma demande n'entrait pas dans votre champ de connaissance, mais qui ne tente rien n'a rien.

Que faire, désormais ? Je ne pouvais pas rentrer aussi vite au Sanctuaire ! Main sur le menton, je soupesais l'offre du capitaine, avant de prendre ma décision.

le Grand Pope sait où je me trouve actuellement. En cas d'urgence, il pourra donc me prévenir rapidement. Je peux donc accepter votre proposition, l'esprit serein. Cela me laissera l'occasion d'explorer votre splendide cité. Si durant mon séjour, je peux vous être d'une aide quelconque, n'hésitez pas à me le demander.

Au final, quelques jours de repos ne seraient pas de trop. Et avoir un chevalier d'or sous la main, vétéran de la dernière guerre de surcroît, pouvait peut-être intéresser le militaire. Ma foi, autant faire d'une pierre, deux coups.

Si vos contacts peuvent me relier à des érudits du palais, votre aide me sera très précieuse. Je vous en remercie, capitaine.

Maintenant, vers où mes pas allaient-ils me mener ? J'attendis la réponse du capitaine, avant de prendre ma décision.

Donnant-donnant.
Autant me rendre utile, le temps de mon séjour. Au moins, le militaire ne m'opposait pas un refus, et j'en fus heureux.
Je hochais la tête d'un air entendu, face au délai nécessaire pour obtenir une entrevue avec un érudit au palais. Certes, ce n'était pas un gage formel de réussite, mais je devais tout tenter pour mener ma mission à bien. Les ouvrages sur Jamir et ses protecteurs étaient rares... Mais Constantinople devait bien réceler un tel trésor !

Cela me semble parfait. Je vais suivre votre conseil, et aller m'enquérir de la situation locale auprès des chevaliers en faction. L'occasion de superviser leur entraînement, également... Une fois encore, je vous remercie, capitaine.

Une nouvelle venue ? Parfait.
Peut être sa première mission ? Autant le vérifier par moi même. Si le Grand Pope l'avait envoyé en faction à Constantinople, c'est qu'il lui conférait une certaine confiance. Ma curiosité s'en trouva avivée.
Au final, ce petit séjour prolongé allait être riche en rencontres et en évènements digne d'intérêt. Idéal pour me changer les idées, après tant d'épreuves.
Sur un dernier salut, je pris congé du rigoureux militaire, l'esprit déjà tourné vers mes prochains objectifs.
Tout de même, j'avais déjà bien changé. Plus sociable, plus curieux, plus ouvert aux autres et à mon environnement. Etais-ce cela qu'avait évoqué Hermès pour la reprise de ma vie en main ? Le retour du mouvement ? Seul l'avenir le dirait, mais je me sentais assurément plus léger.