[Février 553] Des nouvelles de Cali pour Caly (PV Endymion)

"Bonjour messieurs, je suis Calypso Toreador Arkantea. Je souhaiterais voir le maître des lieux je vous prie. Pourriez-vous m'annoncer ?"

Les hommes se regardèrent un instant, le plus expérimenté reconnaissant là un nom prononcé parfois par la princesse d'Atlantis, lorsqu'elle venait rendre visite à son mari. S'ils avaient eu un temps d'arrêt en voyant une dame de la noblesse se présenter, sans Écaille (car les Marinas dérogeaient aux normes), dans cette partie de la cité, le lien d'amitié expliquait l'inhabituel ici. Le garde lui signifia donc de patienter pour aller prévenir Endymion de la visite.

Pendant ce temps, Calypso se permit un balayage du regard de l'endroit. Le Pilier avait meilleure allure que le reste de la zone, même en mettant de côté les travaux de reconstruction. On pouvait clairement noter ici la différence de richesse avec les dernières strates de la cité Atlante, le manque d'espace et l'étroitesse des demeures, l'habillement et les manières des personnes autour, fussent des serviteurs. Il allait sans dire qu'elle préférait de loin l'influence de la zone Merinita, mais ces gens étaient aussi Atlantes, raison pour laquelle elle pouvait tolérer de les croiser parfois de trop près, ou leurs regards scrutateurs. De toute manière elle ne comptait pas rester là bien longtemps. Le Général avait peu de raisons de ne pas la recevoir, et elle s'était renseignée avant de venir sur sa présence ici, entre deux voyages.

De plus, le garde chargé de le prévenir n'omettrait pas de préciser qu'elle était venue avec une bouteille plutôt cotée, sachant la réputation du pirate pour les délices alcoolisés.

Hospitalité fantomatique

Au grand dam des gardes en faction, le maître des lieux ne se trouvait pas à sa taverne favorite. Cela ne pouvait signifier qu'une chose... Le Dragon des mers reposait dans sa tanière.
Agacé par la peur affichée par ses deux plus jeunes congénères, le guerrier le plus expérimenté les laissa choir pour prendre le chemin sinistre qui menait au pilier de l'Atlantique Nord. Et sa route fut rapidement coupée par l'apparition d'un fantôme muni d'une faux menaçante.

Pré... Préviens le seigneur Endymion qu'une certaine Calypso Toreador Arkantea souhaite une audience...

L'entité spectrale observa quelques secondes l'humain, avant de se volatiliser, en l'abandonnant à son angoisse. Moins de cinq minutes plus tard, le brouillard glacial en provenance des abords du pilier commencèrent à noyer la zone d'habitation jusqu'à ce que le fantôme d'un jeune homme pendu n'apparaisse devant la noble Atlante.

Veuillez me suivre... Le général du Dragon des mers accepte bien volontiers de vous recevoir.

Et avec une lenteur toute relative, l'apparition macabre commença à flotter en direction de la structure centrale, en poussant Calypso à ne pas le quitter des yeux.
Rapidement des chants marins glauques résonnèrent dans l'air, saturé de la brume polaire, alors qu'une odeur d'eau croupie, de sang s'amplifiait à mesure de l'avancée de l'invitée.
Après une longue marche, Calypso put apercevoir ma silhouette vautrée sur un trône de bois et d'or. La malheureuse venait de me tirer d'une délicieuse sieste post-beuverie.

Pour une surprise... Soyez la bienvenue dans mon humble refuge, ma chère. Prenez donc vos aises ! Que puis-je faire pour vous être agréable ?

Lançais-je, en désignant une volée de chaises postées autour de ma table garnie de victuailles. Alors que j'attendis courtoisement une réponse, mes yeux aiguisés se posèrent sur le présent de la dame. L'entrevue commençait bien !

Les histoires sur le Dragon des mers ne manquaient pas. Les histoires de pirates. Les histoires de sexe. Les histoires de fantômes. Les histoires de trésors. Son style de vie était outrageusement hédoniste et il n'en avait les moyens que parce qu'il était Général, excellent navigateur, chef équilibré et charismatique. Autrement dit une combinaison redoutable qui lui valait de nombreux détracteurs, autant que d'amis. En plus d'avoir pour femme l'une des hautes figures féminines d'Atlantis, Calista Atlas.

Difficile de s'y retrouver dans cette combinaison de talents et d'ancienneté, mais heureusement Calypso avait pu faire le tri dans la majorité des faits grâce à Calista directement, lui épargnant la surprise et la peur face au pendu, aux chants, à toutes les choses plus ou moins spectrales et destinées à épouvanter les visiteurs que recelait l'antre de l'Atlantique nord.
En fait, le pire était sans doute l'odeur, et elle dut faire un effort pour ne pas grimacer de dégoût avant de s'y habituer suffisamment pour pouvoir réprimer son envie de vomir. L'atmosphère de certains Piliers était certes lugubre et oppressante, mais dénotait autre chose qu'un cruel manque d'hygiène dans leur décor. Enfin bref. La noble comprenait le but de cette mise en scène, déplorait simplement que les alliés y aient droit au même titre que les ennemis.

Une fois rendue dans la "salle du trône", la Nymphe des pluies marqua un temps d'arrêt. La vision de cet homme, affalé négligemment et l'air affreusement malséant lui rappela les récits de grands empires décadents qui avaient fini par sombrer dans leurs propres vices. Rome. La Grèce en ses premiers âges. Les Phéaciens. Les pharaons. Tant d'autres. Et il y avait ce trône. D'or certes, mais aussi de bois, comme si la lourdeur du métal précieux avait eu besoin de renforts, d'un appui pour ne pas se fendre sous le poids des excès.
Elle eut de la peine pour Endymion, à le voir ainsi. L'idée lui vint alors que le départ de Calista des Marinas l'affectait plus qu'il le laissait paraître. Peut-être ne pouvaient-ils plus se voir entre les expéditions de l'un pour Orphéus et la protection rapprochée de Cinéad pour l'autre ? Peut-être y avait-il une souffrance tue, car elle ne regardait ni l'Amirauté, ni les politiciens. Juste un mari et une femme, dans ce qu'il y avait de plus privé.

Secouant la tête pour revenir au présent, Calypso se tint en bout de table. Elle examina les chaises à sa disposition, opta pour se rapprocher près du Général, pas à la place d'honneur mais assez près pour être considérée comme invitée de marque. Elle déposa la bouteille hors de sa portée pour l'instant. Loin du pirate afin qu'il ne se jetât pas dessus dès les premières secondes, elle avait besoin d'un peu de sa lucidité avant de le laisser sombrer une nouvelle fois.

"Je vous remercie de votre accueil, Endymion. Général Endymion ?"

Elle réfléchit un instant, sachant qu'elle venait hors du cadre de l'Amirauté, mais qu'ils se rencontraient pour la première fois. En avait-il seulement cure ?

"Il était temps que nous fassions plus ample connaissance. Cette fête l'autre fois n'était pas propice à se parler posément selon moi. Mais pour être tout à fait honnête, je ne viens pas exactement sans arrière-pensée... Voilà plusieurs semaines que je n'ai pas réussi à avoir des nouvelles de Calista, et comme son Pilier a changé de locataire, je me suis dit que son mari serait la personne la plus à même de me renseigner. De quoi faire d'une pierre deux coups en somme. J'espère... ne pas vous importuner avec ma visite à l'improviste."

Informateur bancal

Comme ces nobles étaient intéressants, à leur manière...
A force de les côtoyer, et de subir leur mépris, leur morgue et leurs moqueries, j'avais appris à analyser le moindre de leur geste, de leur intonation ou expression. Ainsi donc, la nouvelle venue se plaçait d'elle même à un siège comptant dans l'ordre protocolaire, tout en tenant la bouteille offerte loin de moi. Un léger rictus se dessina sur mon faciès. Me sous-estimait-elle au point de voir en moi un vulgaire boit sans soif ? Pour un peu, j'aurais eu envie de jouer à fond sur cette corde.

En privé, Endymion suffira... Hips...

Portant ma main à mes lèvres, j'adressais un vague regard d'excuse à la belle nymphe. Poivrot donc ? Allez ! Sans attendre outre mesure, Calypso m'informa de la raison de sa venue, et l'espace d'un instant mon regard se voila d'une ombre menaçante... Rapidement remplacée par une désinvolture d'ivrogne.

Me voici donc reléguer au rang de simple informateur... Ma foi, si je peux être utile...

D'un claquement de doigts, je fis apparaitre un esprit serviteur qui se hâta de poser dans ma main une coupe remplie à ras bord.

Mon épouse est désormais auprès de Cinead. En tant que garde rapprochée, soutien moral, oreille, ce genre de chose. Elle n'a que peu de temps à me consacrer dorénavant, mais nous avons toujours fonctionné de la sorte. Un couple solide a besoin que chacun garde son indépendance.

Ce qui sous-entendait clairement ma tendance à planter des coups de dagues dans le contrat de mariage. Calista le savait, l'avait toujours su et m'aimait quand même. Jusqu'où pouvais-je aller pour outrer la noble face à moi ?

"Je sais déjà tout cela."

D'un calme à toute épreuve, la Toreador regarda avec peine le spectacle de cet homme qui préférait se servir de la facilité pour avoir une simple coupe remplie, quand quelques efforts et un peu de civilité lui auraient offert la bouteille autrement meilleure.

"Elle m'a parlé de vous, à plusieurs reprises. Parfois en voulant vous planter ses griffes entre les deux yeux. Parfois avec tout l'amour d'une âme esseulée. Vous n'étiez pas indépendant, vous étiez absent. Tout simplement."

D'un air distrait, Calypso reprit la bouteille entre ses doigts pour en tracer les contours, l'eau condensée sur la surface de verre rampant vers le bout de ses doigts comme des fourmis vers leur reine. Elle ne commençait pas de la manière la plus tendre, mais Endymion la prenait pour plus bête qu'elle l'était, une évidence. Pourquoi se défiait-il ainsi ? Niait-il sa douleur ? Allons bon.

"Simple informateur, le diplomate d'Atlantis. A moitié ivre, si tôt, le capitaine de la Rose Sanglante. Amateur d'une vie remplie de tous les plaisirs... et pourtant seul. Ce n'est pas l'Endymion si cher à Calista que j'ai devant moi, si c'est bel et bien ce que vous essayez de me faire croire. Je ne suis pas venue vous railler ou vous juger. Je m'inquiète sincèrement pour elle. Pour vous aussi."

Dans un soupir, la belle aux cheveux d'argent se leva de nouveau et alla remettre d'elle-même son présent à son hôte, portant sur lui un regard triste. Sachant sa fidélité sans faille envers Orphéus, elle se permit d'être plus familière encore, songeant que le pirate avait besoin d'être un peu bousculé pour, peut-être, se montrer sous son vrai jour plutôt que dissimulé par cette grotesque mascarade. Elle profita qu'il ait un bras occupé à tenir son verre pour s'asseoir directement sur l'accoudoir de son trône, prouvant par là qu'elle ne redoutait ni ses manières rustres, ni ses gestes déplacés, ni sa violence.

"J'ai l'impression que vous n'avez pas plus de nouvelles que moi, mais tout autant d'accablement. Voulez-vous en parler Endymion ? Je vous propose non pas ma noble compassion, mais simplement une relation d'égale à égal. Ou bien, je peux simplement partir, vous laisser tranquille avec cette vague réponse pour consolation, tandis que votre colère couve."

Enlever le masque

Par ses mots, sa démarche, son attitude, son calme aussi, la nymphe eut le don d'attiser mon intérêt, trop longtemps perdu dans un quotidien blasé.
Toute trace d'ivresse disparue, je l'observai se rapprocher de moi, jusqu'à venir se hisser sur mon accoudoir. Une audace qui déclencha aussitôt un rire de reddition.

Très bien, j'abandonne ces simagrées. Vous avez gagné.

Me redressant sur mon trône, j'attrape sa main pour y déposer un chaste baiser, en guise d'expiatoire. Et ce fut le général des mers, doyen de son ordre, qui s'adresse de toute sa stature à la nymphe de noble naissance.

Aussi étrange que cela paraisse, je n'éprouve nulle colère... Juste une langueur bien compréhensible. Calista me manque, mais je respecte ses nouvelles obligations, et le peu de temps qu'elle peut m'accorder. Comme vous le savez, j'ai été absent durant de longs mois, et ce n'est là qu'un juste retour de bâton.

Pour le coup, j'étais sincère. Quel hypocrite aurais-je été en critiquant le silence de mon épouse, alors que j'avais mi même noyé mon deuil dans la mer, en la laissant sans nouvelle de moi ? Elle aussi, avait son propre chemin de vie à reconstruire... Un enfant perdu.

Une question m'interpelle, toutefois... Que vous vous inquiétez pour Calista, je comprends. Mais moi ? Quel intérêt avez-vous pour un vulgaire pirate à la réputation sulfureuse ? Même en tant que doyen des généraux, de nombreux nobles ouvriraient une bonne bouteille à l'annonce de ma disparition.

Je n'étais pas spécialement méfiant, mais curieux.

"Eh bien... Disons que je ne vous considère pas simplement comme "un vulgaire pirate à la réputation sulfureuse". Oh bien entendu, je sais que vous vous amusez à répandre des rumeurs sur vos faits d'armes, fussent-ils vrais ou non, enjolivés ou non. Je sais également que vous passez votre temps à badiner et plus encore, sans considération de rang, de sexe, de profession ou que sais-je. Mais comme je vous le disais, Calista m'a parlé de vous. De fait, j'ai l'impression de vous connaître un peu, de voir un autre visage que celui que tout le monde dépeint. Bien plus agréable je dois dire."

Elle sourit, reprenant sa main avec douceur une fois le pardon accordé.

"De plus, si vous voulez vraiment aller sur ce terrain-là, vous êtes effectivement un Général et moi une Nymphe. En tant que membres de l'Amirauté, nous avons plus d'intérêts à nous entendre qu'à nous détester. Je ne suis donc pas exactement comme les autres nobles auxquels vous pensez."

Un haussement d'épaules et elle le dévisagea un instant, satisfaite de le voir se conduire au moins comme un roi pirate plutôt que comme le dernier des sous-fifres au fond de son tonneau, à cuver comme un âne. La noblesse, parfois, allait au-delà de la question du sang. Et Poséidon n'aurait pas élu un incapable comme protecteur de ses précieux Piliers.

"Mais comme je vous le disais, je ne viens pas pour dénigrer un peu plus votre réputation, quel que soit son degré de vulgarité. Un ami cher m'a appris qu'il était toujours préférable de se faire son opinion quand c'était possible plutôt que d'écouter les on-dits. Et en vous voyant il y a quelques minutes, affalé sur votre trône avec pour seule compagnie des fantômes et des squelettes... J'ai songé que vous auriez peut-être besoin d'une épaule ou d'une oreille, pour une fois."

A son tour sincère, Calypso plongea ses yeux violet pâle dans ceux de son aîné. Il était étrange de regarder ce visage, à peu près de son âge, tout en sachant qu'il était marié à une femme qu'elle considérait presque comme sa petite sœur, l'ayant parfois vue courir autour d'elle et ses cousins jumeaux comme une abeille en quête de fleurs à butiner. Mais il avait un certain charme quand on grattait un peu sous la carapace des apparences.

Comme il ne semblait pas s'offusquer, elle demeura à sa place sur l'accoudoir du trône, rajusta légèrement l'inclinaison de son buste pour éviter de forcer sur son dos en restant tordue trop longtemps. Qu'il se mît à boire ou simplement à bavarder, elle avait ainsi un siège assez confortable qu'elle pouvait quitter à tout moment s'il la congédiait.

"Alors, que voulez-vous faire ? C'est vous le maître des lieux ici, après tout."

Convivialité

Comment ne pas s'amuser de ce mélange de franchise et de critique, venant d'une noble dame qui ne me connaissait que par ma réputation et les plaintes légitimes de ma charmante épouse ? Oh oui... Je jouais avec le feu, je déconcertais, je choquais pour mieux déstabiliser et surprendre.
Ne jamais rentrer dans la moule du prévisible. Ne pas être une cible immobile pour les innombrables ambitieux qui voudraient me nuire.
Mais assurément Calypso avait raison sur un point essentiel : nous avions un intérêt commun à nous entendre.

Oh, ma chère... Tout galant homme que je suis, c'est bien mal me connaître de penser que je pourrais être de ceux qui pleurnichent sur des épaules.

Un demi-mensonge. Hormis Calista, la seule personne avait qui je me serais autorisé à baisser totalement la garde n'était plus de ce monde. Ma capitaine avait laissé un vide dans mon coeur que personne ne pourrait jamais combler.

Que faire ? Eh bien, autant que vous ne vous soyez pas déplacé pour rien.

Un claquement de doigts, et une volée d'esprits nettoya la table d'apparat des victuailles moisies et des restes de bouteilles, vestiges de ma beuverie de la veille, pour la dresser pour deux couverts. Fourchettes en argent, coupe en cristal et tout le toutim.
Avec une vivacité toute surnaturelle, je bondis de mon trône pour venir prendre place à un bout de table, revêtu en un clin d'oeil de mon uniforme de capitaine pirate, tricorne sur la tête.

Installez-vous donc. Partageons un repas pour allier confidence et plaisir gustatif. D'ailleurs... Comment avez-vous connu mon épouse ? Par vos lignées, je suppose... Ce qui sous-entend que notre cher Légat vous es également bien familier...

Une lueur de curiosité s'alluma dans mon regard, alors que je me saisissais de ma serviette immaculée et brodée à mes initiales.

Une expression malicieuse se dessina sur le visage de la Sang-pur, qui disait sans qu'elle ait besoin de mots ce qu'elle pensait de cet orgueil instinctif consistant à cacher ses faiblesses.

"A votre aise. Toutefois je suis persuadée que tout le monde a ses démons, et besoin tôt ou tard d'en parler. Ma proposition reste donc ouverte, si besoin."

Ne souhaitant pas insister davantage, elle considéra la question réglée et sans doute que lui aussi, car une minute plus tard le voilà qui parlait déjà de l'inviter à sa table, costume et grande vaisselle sortie pour l'occasion. Sans compter une part de commérages tout à fait digne du pirate-diplomate qu'elle attendait. Jouait-il la comédie pour satisfaire aux ragots sur son compte ? Elle lui laissa le bénéfice du doute pour cette fois. S'ils s'amusaient tous deux, ils en viendraient à se faire confiance petit à petit.

"Un déjeuner ? Et revêtu de vos beaux atours en prime ! Je dois aussi faire un effort dans ce cas."

Aussitôt dit, Calypso leva un doigt comme un chef d'orchestre s'apprêtant à ordonner ses différents musiciens tout en laissant son cosmos azuréen entourer sa personne. Rapidement, la température baissa et de fins maillons de givre s'assemblèrent sur sa silhouette pour former une robe ample et longue. Elle poussa le détail jusqu'à orner ses chaussures ainsi que ses oreilles, prenant des airs de princesse de conte de fées. Elle exécuta une révérence parfaitement maîtrisée, un rire aux lèvres, avant de rejoindre l'autre bout de la table comme l'exigeait l'étiquette puis s'installa tout comme son hôte.

"C'est exact. Nous sommes amis d'enfance. J'ai vu Calista grandir près de nous et je dois vous avouer qu'il est assez difficile parfois de ne pas la considérer comme cette petite fille de jadis. Je pense que je m'en sors assez bien malgré tout."

La curiosité et le sens du commérage du pirate semblaient piqués. Calypso s'en amusa d'autant plus qu'il était rentré directement dans le vif du sujet sans cacher son intérêt.

"Et vous donc ? J'ai ouï que vous n'aviez absolument rien d'Atlante autrefois. Comment avez-vous découvert notre cité, épousé l'une de nos Patriciens et de surcroît obtenu la garde d'un Pilier ? Je ne sais si vous réalisez la chance de votre existence et si c'est pour cette raison que vous êtes déterminé à en profiter de toutes les manières possibles, mais je dois bien avouer qu'avoir votre point de vue sur la question serait fort éclairant."

Un instant sa fibre de chroniqueuse lui intima de sortir son étuis à écrire et de prendre des notes. Mais pour une fois elle se contenterait d'écouter d'abord, de retenir et de noter lorsqu'elle aurait quitté les lieux, par respect pour son interlocuteur et le lien qu'elle essayait de tisser avec lui.

Passé

A mon grand amusement, Calypso se prit rapidement au jeu et endossa ses plus beaux atours avant de rejoindre ma table.
Roi et reine de façade, nous étincelions au milieu de la brume sinistre et des cris lointains de mes esprits adorés. D'ailleurs, deux d'entre eux, une jeune femme toute de blanc vêtu et un majordome nonagénaire se hâtèrent de venir nous servir le premier plat.

Vous avez connu Calista enfant ? Ma foi... Vous faites beaucoup plus jeune que votre âge probable. Mais dites-moi... Comment était-elle ? Turbulente ? Discrète ? Je l'imagine bien coller sans cesse aux basques de Cinead...

Un sourire nostalgique m'échappa alors que je levais ma coupe pour savourer une première gorgée d'un vin grec tout à fait buvable.

Mon épouse a cela de fascinant. A la fois feu et glace. Sagesse et impulsivité.

Innocente et brisée par la mort aussi. Même si cette dichotomie était bien plus récente. Pouvait-on se remettre de la mort d'un enfant ? J'en doutais.
La conversation revint rapidement vers moi, et je m'en amusais. Chacun son tour de se dévoiler.

Je suis à demi-Atlante par ma mère. Et ce fut en retrouvant d'anciennes lettres écrites de sa main, que j'ai pris connaissance de mes origines. Ma route a fini par croiser l'ancienne sirène Maléfique, Nimue O'Bannon... Et avec son "aide", j'ai fini par remonter jusqu'à la cachette où mon écaille dormait depuis trop longtemps.

En gros, je l'avais trahie, monté une mutinerie pour m'emparer de son navire, sacrifié les marins qui avaient été les meneurs à Poséidon et à la créature qui gardait mon écaille, et ainsi obtenu ses faveurs.

Je suppose que pour vous le chemin a été bien plus fluide. Enfance dans une cage dorée, et récompensée par l'obtention de votre statut actuel. Avez-vous déjà pris le soin d'explorer le vaste monde, ou ne connaissez-vous que les splendeurs d'Atlantis ?

Le sourire de la Nymphe s'accentua en voyant que même les fantômes s'étaient rendus présentables pour assurer un service impeccable. Peu ragoûtée par le fait qu'ils demeuraient tout de même morts, elle fit abstraction pour goûter à la nourriture une fois le signal -la première bouchée- du chef de maison donné. Et elle devait dire qu'elle s'attendait à pire, mais la cuisine avait l'air préparée par des vivants. Ou comme par eux, du moins.

"Je dirais bien... comme sont tous les enfants. Je vous laisse lui demander directement, ce n'est pas à moi de narrer ces choses-là. Néanmoins Cinead a été contraint de s'absenter très tôt pour parfaire son éducation tant nobiliaire qu'en tant que Purificateur. Je le connais fort peu, et pas personnellement. Et de ce que j'en sais, Calista aussi, même si elle essaie de rattraper le temps perdu. Encore une fois, c'est à l'un des deux que vous devriez demander cela."

Loin d'elle l'idée de dissimuler des informations, mais sur le premier point elle souhaitait respecter le jardin privée de son amie, et pour le second elle ignorait vraiment de quel bois était fait l'Atlas. Peut-être à l'avenir, si Orphéus l'invitait en sa présence, aurait-elle l'occasion de faire connaissance. Pour l'heure, elle devait se suffire de sa réputation.

"Demi-Atlante. Un Sang-souillé donc."

Calypso prit un moment pour réfléchir, jaugeant le terme qu'elle trouvait répugnant, presque autant que ce qu'il signifiait de métissage. Cependant elle l'avait prononcé d'une voix neutre, factuellement. Endymion n'avait pas choisi la pureté de son sang, mais il en avait embrassé les valeurs. Et Poséidon l'avait reconnu. Des raisons plus que suffisantes pour qu'elle laissât de côté toute animosité "naturelle" qu'il pouvait exister entre la noblesse et le petit peuple.

"Qu'est devenu votre père ? A-t-il été puni pour avoir posé les yeux sur Atlantis ? Vous a-t-il emmené loin après votre naissance en pensant vous protéger des répercussions de son acte ? Hm, surtout je vous prie de ne pas prendre ombrage de mes questions sur votre filiation, je suis de nature curieuse. Et le sujet, comme vous le savez sans doute, a quelque importance parmi la noblesse atlante. Tout comme celui de Nimuë O'Bannon. Mais cela ne change en aucun cas l'avis que je me suis fait jusque-là sur vous, j'espère que vous le comprenez."

Un silence vint meubler l'attente de la réponse, tandis que Calypso marquait une pause pour avaler quelques bouchées et se décider sur la façon de présenter les choses. Jusque-là la conversation tournait de telle façon qu'elle se sentait assez à l'aise pour parler ouvertement de ce qui aurait pu faire sortir d'autres gens plus pointilleux de leurs gonds. Cependant, Endymion faisait partie des personnes à scandales. Il devait avoir l'esprit assez ouvert pour comprendre que son interlocutrice ne cherchait pas à le juger, mais plus à comprendre dans quel contexte il avait vécu, comment le monde s'articulait autour de lui, avec lui.

"Le fait que vous parliez de "cage" est plutôt révélateur sur la façon dont vous considérez la noblesse, il me semble. Je ne peux vous en tenir rigueur. Sachez toutefois que je ne me suis jamais sentie prisonnière. Il y a effectivement des occasions où ma famille m'a interdit certains voyages, certaines décisions, mais toujours de façon motivée, et expliquée. Avec le recul, je suis d'accord avec ces choix. J'ai souhaité, longuement, intégrer l'Amirauté. J'ai eu la liberté de m'entraîner pour cela, et Poséidon m'a finalement exaucée. En cela je ne pouvais demander plus grand honneur, et je le remercie pour sa considération. A ce jour donc, je ne connais du monde extérieur qu'Alexandrie et ses environs. J'espère avoir l'occasion de voir d'autres lieux, tout en sachant que je serais incapable de me passer définitivement d'Atlantis. Cela répond-il à votre question ?"

Racines

C'est un homme bien.

Rien de mieux pour résumer l'opinion que je m'étais faite sur mon beau-frère. Un jeune homme affligé d'une destinée écrasante, mais guidé par un cœur peut être un brin trop grand pour ses fonctions.
Cinead ne possédait pas le pragmatisme glacé d'Orpheus, mais j'appréciais sa chaleur humaine. Et le fait qu'il m'ait accepté dans sa famille, alors que d'autres auraient pu souhaiter ma mort.
Le mot de "Sang-souillé" stoppa ma fourchette à mi-chemin, l'espace d'un instant. Le seul qui avait osé m'affliger de ce sobriquet face à face n'était autre que mon cher ennemi Emrys. Et même si calypso ne l'avait pas prononcé avec le mépris auquel j'aurais pu m'attendre, l'insulte restait mordante. Brièvement, mon regard se voila de fureur, mais je ravalais mes sentiments. Pour la noble, ce mot n'exprimait qu'un état de fait.

Pendant des années, il a séquestré ma mère, jusqu'à ce qu'elle succombe à la langueur qui la rongeait. C'était un homme puissant et respecté chez les Vulgaires. On l'a retrouvé égorgé dans son lit, quelques jours après mon seizième anniversaire. Une fin tragique, n'est-il pas ?

Repenser à cet évêque défroqué, à ce porc cruel qui ne me voyait que comme un péché, un bref instant de faiblesse ne me mettait plus en rage depuis longtemps. Au contraire, un rictus se dessina sur mon visage.

Ah, la noblesse et les rumeurs qui bruissent dans vos alcôves... Je trouve cela fascinant. Il est tellement divertissant de choquer, de s'émanciper de vos règles tacites de bienséance pour causer un peu de frais dans la chaleur moite de vos palais. C'est pour cela que Nimue aimait tant l'air du grand large, la liberté d'un navire voguant sur les flots. Vous la connaissiez ?

Une lueur de gourmandise brilla dans mon regard, lorsque le majordome éthéré commença à poser une foule de desserts sur la table. Flans au miel, biscuits secs à la cannelle et autres fruits frais.

Oh oui, tout à fait... Et je vous plains. Atlantis est certes une splendeur, mais le vaste monde regorge de tant de lieux magiques, exotiques, dangereux. Je vous invite à les visiter, dès que vous le pourrez. Croyez-moi, cela ne pourra qu'enrichir votre personne de mille ravissements.

"Séquestrée ?!"

Calypso avala de travers, imaginant malgré elle le type d'homme capable de faire cela, de maintenir en vie une femme seulement pour abuser d'elle encore et encore, puis garder le fruit de cette union forcée près de lui. Avait-il vraiment cru que jamais vengeance ne serait rendue après cela ? Et surtout, étant donné le visage arboré par Endymion, il y avait toutes les chances que ce fût lui, l'auteur du meurtre. Un châtiment fort bien mérité. Elle espérait, au moins, que l'Atlante avait fini par mourir soulagée et libérée de son horrible existence, et que son fils avait trouvé dans son geste une forme d'apaisement.

"Voilà qui était fort indélicat de ma part, je vous prie de m'excuser Endymion... Votre rôle aujourd'hui n'en est que plus mérité."

Le temps de se libérer de la toux qui avait suivi son effarement, et la Nymphe reprit :

"De réputation, là encore. Beaucoup voient en cette femme une traîtresse. Mieux vaut peut-être pour lui éviter un sort abominable qu'on la laisse dans sa tombe... Personnellement je ne sais pas trop quoi en penser. Je n'ai pas un tempérament comme le vôtre, à m'amuser des puissants, et pour cause j'en fais partie. Enfin, dans une certaine mesure..."

Noble, mais pas Patricienne. Il était beaucoup plus facile de défier le monde quand on se situait en haut de la chaîne alimentaire plutôt qu'entre deux maillons.

Un instant, la lieutenante perdit son regard dans son vin, le verre tournoyant dans sa paume distraitement. Endymion était de sa génération, mais comme Orphéus il semblait avoir vu bien plus de choses, bien plus d'endroits, d'autres idées... Ces témoignages qui encourageaient à quitter Atlantis pour aller voir ce qui faisait chez les voisins lui donnaient des envies de découvertes, et à côté de cela elle se remémora la conversation eue avec Deukalyion, qui ne souhaitait jamais quitter sa patrie, par devoir, par abnégation. Etait-ce égoïste de voir le monde, ses qualités comme ses défauts, ou cela servait-il les intérêts de Poséidon ? Il faudrait poser la question au Légat.

"Quel est votre plus beau souvenir du monde extérieur ? Et le pire ? De ceux que vous n'oublierez jamais."

Passé

Je laissais Calypso prendre conscience de la cruauté de mon histoire, le regard perdu dans le vague, et promenant machinalement le rebord de ma coupe sur mes lèvres.
Oui, mon enfance avait été... particulière. Et par une seule fois, je n’avais regretté mon parricide. A jamais, je me gausserais de la tête de mon porc de père lorsqu'il m'avait surpris dans son lit, flanqué de sa servante et de son échanson. Un ultime pied de nez avant de lui arracher la vie.

Oh, ne vous en faites pas. Tout ceci est derrière moi, depuis longtemps. Il est important de garder en mémoire le passé, mais de ne pas en rester prisonnier.

Et de cette période, j'avais fait le deuil. Même si objectivement, l'individu que j'étais devenu restait façonné par les horreurs vécues jadis. Cela expliquait également ma réaction lorsque Cali m'avait annoncé la mort de notre enfant...

Nimue O'bannon n'était pas une traîtresse. Juste une femme trop humaine, peut-être, qui a eu le tort de tomber amoureuse de la mauvaise personne.

Je relevais alors un visage étonnamment sérieux vers la nymphe.

Vous auriez pu devenir de très bonnes amies. Sur de nombreux point, ma capitaine ressemblait à Calista.

Une faim de vivre. Une joie, une soif de liberté que rien ne pouvait entraver. Et derrière un pauvre sot, que ce soit moi ou le lion d'or, à courir pour tenter de les suivre.
A la question de Calypso, je répondis par un sourire taquin, avant que le vin ne revienne rafraîchir mon gosier.

Mon plus beau souvenir... Je dirais un coucher de soleil, alors que ses derniers éclats viennent baigner les hauteurs majestueuses des pyramides d'Egypte. A la chute de la lumière vient naître la splendeur d'une lune pleine... Cela donne à l'atmosphère un aspect enchanteur capable de charmer n'importe quelle âme et de l'émouvoir. Quant au pire... Ma foi... Les marchés aux esclaves des villes perdues d'Orient. Non seulement la puanteur vous étouffe, mais vous pouvez percevoir la détresse humaine dans sa pire bassesse.

"Nous ne saurons jamais, à présent."

Le Dragon des mers se révélait être un interlocuteur bien plus intrigant que prévu, à l'histoire mouvementée et bien plus sombre que les récits d'aventures qu'on l'entendait raconter ici et là dans les tavernes de l'Atlantique. Entre Nimuë et Calista il avait défrayé la chronique et les passions -sans s'arrêter avec ces dernières-, semblant osciller à la fois entre profiter de la vie à pleins poumons et se venger d'un passé qui l'avait accablé au plus profond de son être.

Tout en méditant cela et en composant dans son esprit les tableaux qu'il décrivait, la chroniqueuse terminait tout comme lui son repas, se permettant de déroger légèrement à l'étiquette avec un dessert crémeux qui lui en mettait partout sur les lèvres. Elle se nettoya bien sûr aussitôt son assiette terminée et se laissa ensuite reposer contre le dossier de sa chaise, digne.

"L’Égypte n'est pas si lointaine. Serait-ce trop fouiller dans vos souvenirs que vous demander une visite pour admirer ces magnifiques couchers de soleil ?"

Un doux sourire vint orner ses traits sans âge. S'éclipser une poignée d'heures un soir où elle n'était pas de garde devait pouvoir se faire, surtout si c'était en compagnie d'un autre Marina aussi expérimenté qu'Endymion. Bien sûr, les nobles d'autres familles pourraient mal le percevoir, mais dans le mesure où elle faisait partie de l'Amirauté cela pourrait aussi bien passer pour une forme d'entraînement à la faveur de la nuit.

Vengeance et avenir

Oui, personne ne le saura jamais...
Cette parole rude, abrupte me fut jeté à la figure avec une violence que la nymphe ne pouvait pas mesurer. Mon deuil touchera-t-il un jour à sa fin ? Pourquoi n'arrivais-je pas à passer outre cette perte ? Ma belle capitaine... Notre relation avait été si chaotique, si toxique pour l'un comme pour l'autre.
Et pourtant, en tant qu'unique survivant de notre duo, j'étais voué à trouver la vie éternellement manquant de sel. Un épice roux, teinté d'une odeur de rose.

Et avez-vous connu son père, l'amiral Aoden ?... La rumeur le veut porté disparu.

Ce vil cancrelat qui avait fait de la vie de Nimue un enfer, tout en tentant de me manipuler... En voilà un que je brûlais de revoir un jour. Pour mener à bien ma vengeance.
Perdu dans mes souvenirs aigre-doux, je haussais un sourcil lorsque Calypso reprit la parole.

Ma foi, ce sera avec plaisir. Je connais assez bien le coin, à vrai dire. Vous n'imaginez pas à quel point les sarcophages perdus des anciens pharaons font de bonnes cachettes pour certains trésors. Ou pour se débarrasser de certains importuns.

Pirate un jour, pirate toujours.

Mais j'y pense... Je me pose une questions vous concernant. Êtes-vous l'une des élues potentielles susceptibles de rejoindre les rangs des généraux des mers ? Si oui, vers quelle écaille votre sang noble vous porterait-il ?

Question anodine, certes. Mais je m'étais beaucoup dévoilé lors de notre entretien. Un peu de retour de balancier ne ferait pas de mal.

Aoden O'Bannon. Un nom qui avait fait couler de l'encre, lui aussi. En fait, à bien y regarder, il était rare que les O'Bannon, surtout la branche de Aoden et Nimuë, ne fissent parler d'eux. Emrys plus récemment, avec la perte de son frère et son accession à l’Écaille de la Sirène Maléfique, alimentait les ragots sur cette famille. Certains osaient même la prétendre maudite, d'autres en pleine déchéance. Sans jamais réellement avoir de preuves.

"De réputation... Vous savez, toute noble que je sois, les Patriciens ne me sont guère plus accessibles qu'à vous. Tout au plus puis-je légitimement me présenter à leurs portes pour demander audience, la seule exception étant la branche Merinita de la famille Atlas, qui comporte Orphéus et Aurora, et Calista. Et désormais, je peux à peine ajouter Emrys O'Bannon, Astéria Sefirot et Aimana Tangaroa à la liste de mes connaissances, sans pour autant prétendre les connaître vraiment, rapport à leur intégration dans l'Amirauté. Hm... Mais j'y pense... Puisque vous êtes marié à Calista... Avez-vous pris le patronyme Endymion Atlas... ?"

Mentalement Calypso retraça un pan d'arbre généalogique. Il était devenu le cousin par alliance de Cinead, l'ancien Légat, ainsi que celui d'Orphéus et d'Aurora du même coup. Si Calista avait continué de porter Scylla, alors la branche Merinita Atlas aurait donc eu la main-mise sur 2 Écailles de généraux, le poste de Légat, ainsi que celui de Primus Senator. Autant dire que même parmi les Patriciens, voilà qui pesait lourdement pour la balance politique. Et elle discutait tranquillement avec l'un de ses presque représentants dans un repas improvisé avec une robe de glace tandis qu'il siégeait en uniforme de capitaine à l'autre bout de table.
Sans oublier qu'il acceptait galamment de l'emmener voir les sarcophages perdus des anciens pharaons et... quoi ? Les sarcophages ?

Un rire franc secoua sa poitrine de longues secondes, au point qu'elle se frictionna les côtes au bout d'un moment pour tenter de se calmer et que des larmes lui vinrent. L'écho fit même taire un instant les chants lugubres des fantômes à ses oreilles. Elle inspira profondément, pouffa encore quelques fois, avant de parvenir à se calmer suffisamment pour reprendre son souffle et articuler.

"Vous avez vraiment caché des trésors dans des sarcophages et emprisonné des gens dedans ?! Vous êtes... ! Vous êtes... probablement le plus grand blasphémateur que je connaisse ! Mais vous dites cela avec tant de malice et de naturel que je ne puis m'empêcher d'en rire plutôt que d'être choquée."

D'un geste naturel, elle cristallisa dans sa main un éventail de glace pour s'éventer quelque peu, imaginant le pirate dans le désert avec sa carte au trésor, à compter le nombre de pas qui le séparaient de sa destination ou à repérer une certaines formes de rocher à l'horizon.

"Oh, Poséidon m'en soit témoin : je n'avais pas ri comme ceci depuis fort longtemps."

Les questions suivantes l'aidèrent à reprendre son sérieux, non sans laisser dans ses iris violet pâle une certaine taquinerie similaire à celle d'Endymion.

"Les Écailles des généraux sont déjà toutes prises, vous devez le savoir tout comme moi. Néanmoins j'en porte une. Il est vrai que lors de la fête d'Astéria ce sont surtout les 7 protecteurs et Orphéus qui étaient attendus, aussi n'avais-je pas poussé la précision si loin. Je suis la Nymphe des Hyades, protectrices de la pluie. Je ne fais partie d'aucun régiment associé aux Piliers, mais de la garde rapprochée d'Orphéus. Et cela, sans aucun doute, n'est pas dû à mon sang."

L'hameçon

Mon sourire le plus innocent aux lèvres, je m'amusais de la réaction de la nymphe, jusqu'alors parfaitement maîtresse d'elle même. Le rire. Réponse à tous les problèmes de la terre.
A l'énoncé de mon nouveau titre de blasphémateur, j'inclinais le buste comme un héros honoré.

Quand on cache des trésors de guerre, mieux vaut faire confiance à ceux qui partagent le secret. Or, dans les cas précis... Mes guides méritaient amplement de finir aux cotés des anciens pharaons endormis pour l'éternité. Non seulement, je protège ainsi mes précieuses rapines, mais je débarrasse la Terre des pires ruffians. Et croyez-moi... Aucune momie ne s'est jamais plaint d'avoir un peu de compagnie !

Et j'explosais moi même d'un rire cristallin. Certes, j'avais un sens de la justice assez... Original. Mais quitte à condamner des témoins gênants, autant viser uniquement des criminels.
Cette boutade me laissa le temps de réfléchir à ma réponse, quant à la question légitime sur mes liens réels avec ma belle-famille. A vrai dire... J'étais tellement loin de ce monde creux, que je ne m'étais jamais vraiment interroger sur ce point.

On a dû me nommer de la sorte une fois ou deux... Mais je préfère largement Capitaine Endymion ! Et puis... J'espère bien un jour me réapproprier le nom de ma défunte mère.

Vil tentateur que j'étais. Je venais de lancer là l'hameçon le plus important de toute notre conversation. Mais je n'irais pas plus loin pour l'instant. Nul doute qu'Orphéus n’apprécierait pas que je dévoile ce lourd secret à la première amie venue. Fut-elle la loyale Calypso.

La garde rapprochée du légat... Voilà un rôle d'importance. J'apprécie beaucoup ses talents et sa poigne, mais à terme, je crains que son tempérament ne créait quelques inimités tenaces. Votre vigilance et celle d'Aurora ne seront pas de trop pour veiller sur sa sécurité. A moins, bien entendu, qu'un général des mers vienne à succomber, ce qui laisserait libre une écaille de haut rang.

Ainsi donc les Atlas auraient consenti bon gré mal gré à partager leur nom avec l'époux de Calista, dont l'attitude générale prêtait bien vite à oublier cet état de fait et déporter les "problèmes" ailleurs. Calypso n'insista pas sur les tenants et les aboutissants d'un tel arrangement. Mais elle nota tout de même que fatalement sa maison se retrouverait dans la sphère d'influence proche d'Endymion s'il décidait un jour de s'intéresser à sa noblesse par alliance. De quoi donner le tournis à toutes les familles dans le même cas, surtout celles qui souhaitaient sa mort.

"Vous réapproprier ? Pourquoi ? Que s'est-il passé ? Et... oserais-je demander quel était son nom ?"

Touchée par l'histoire de cette Atlante retenue des années durant loin de sa patrie -et morte loin d'elle également ?-, Calypso ne put s'empêcher d'anticiper un récit qui n'allait pas lui plaire. L'avait-on disgraciée pour avoir donné vie à un enfant avec un Vulgaire, même forcée ?
Cependant, ses réflexes professionnels vinrent aussitôt recadrer les choses dans son esprit : aussi sympathique fût le capitaine, il racontait parfois des histoires bien plus romancées que la réalité. Qu'elle devrait aller vérifier méthodiquement dans les archives, voire auprès des jumeaux s'ils consentaient à en parler.

"Bien sûr, n'hésitez pas à m'arrêter si j'en demande trop..."

Le sous-entendu qui suivit en revanche lui parut bien moins agréable. Pour quelqu'un qui ne s'intéressait pas aux intrigues de Cour, il semblait avoir réfléchi à certaines éventualités qui, du point de vue de Calypso, pourraient mettre en péril l'unité des Marinas si elles se concrétisaient.

Ne souhaitant pas mettre à mal le ton léger instauré au fil du repas, elle prit sur elle de répondre avec neutralité, un sourire confiant et pieux courbant ses lèvres.

"Vous savez comme moi qu'on ne change pas d’Écaille comme de maison, capitaine. Elles ont chacune leur volonté propre et reflètent les volontés de la déesse Amphitrite et de notre Tout-Puissant Empereur Poséidon. Et même si ce n'était pas le cas, je ne souhaite pas attendre la mort d'un de nos précieux Généraux pour prendre sa place. La mienne est aux côtés d'Orphéus et Aurora, et je refuserais tout net si vous me proposiez d'échanger la vôtre sans conditions ici-même."

La noble s'interrompit un instant, le temps pour l'un des fantômes de débarrasser la table devant elle, lui permettant de reposer ses avant-bas dessus.

"Seriez-vous par hasard en train de me tester ?"

Elle sourit de plus belle, retrouvant un peu de cette atmosphère joueuse qu'ils se disputaient depuis le début du repas.

"Si c'est une preuve de ma loyauté à Atlantis que vous recherchez, songez qu'un certain nombre d’Écailles de capitaines sont libres, et pourtant je demeure parmi le cortège des Nymphes. Sans compter ce capitaine mort récemment, Alvis du Léviathan. En avez-vous entendu parler ?"

Secret et avenir

Mon nom d'Atlante...
Voilà bien un secret que je ne me risquerais pas à dévoiler volontairement. Les enjeux étaient bien trop importants, et je tenais à conserver cette carte dans ma manche aussi longtemps que possible.
Actuellement, seules trois personnes en avaient connaissance : Calista, Cinead et Orpheus. Aurora peut-être aussi, si son frère s'était confié à elle.
Mais en titillant la curiosité de mon invité, je semais une graine prête à germer le moment venu.

Malheureusement, je ne peux pas vous confier ce secret... Non qu'il fut honteux, mais disons que d'un point de vue politique, ma réputation est bien assez sulfureuse comme cela. Tout ce que je peux vous dire, c'est que ma mère ne fut pas disgraciée pour la bonne et simple raison, qu'elle fut portée disparue, sans que nul n'apprenne son malheureux sort.

Enfin, d'après mes déductions. Je ne l'avais pour ainsi dire jamais réellement connue, sauf en menant quelques enquêtes, la nuit dans les couloirs.
Je sentis bien que ma pique sur le devenir de la belle ne la laissa pas indifférente. Et j'appréciais la finesse de son intellect, tant elle parvint à rester sur ses gardes, sans rompre avec une totale courtoisie. Un effort que je saluais pas un rire taquin.

Le seul test qui pourrait m’intéresser vous concernant serait un entraînement martial. Vous vous intéressez beaucoup à mon passé, donc je fais de même avec votre avenir. Pour mesurer la profondeur d'un lac, il est malin d'y jeter la plus grosse pierre possible... Ce qui peut également soulever de gros poissons.

Anticiper, prévoir toutes les éventualités, voilà ma plus truculente passion.
Et Calypso se hâta de rediriger la conversation sur un thème plus consensuel.

J'ai connu Alvis du temps où il œuvrait encore au service d'Odin. Mais je ne l'ai pas croisé en tant que capitaine. Quelques échos de sa mort me sont parvenus... Mais rien de concret. Il faut dire que mon réseau d'informateurs concerne davantage le monde extérieur qu'Atlantis. Que pouvez-vous m'en dire ?

Il était donc possible la réputation d'Endymion encore pire que ce qu'elle était, entre son mariage, sa naissance et ses mœurs ? Calypso en avait presque le vertige. Cet homme cumulait tous les contresens possibles et s'en sortait malgré tout avec un rang d'importance, des richesses et une nonchalance à toute épreuve. Si seulement elle avait ne fut-ce qu'un dixième de son audace...

"Ah... Je me contenterai donc de cela. Je dois avouer en toute honnêteté qu'avec tout ce que vous m'avez dit précédemment, je ne sais si je devrais vous encourager dans votre démarche ou espérer que vous ne parviendrez jamais au but. Tant que cela ne nuit pas à Atlantis et Poséidon..."

Elle secoua la tête puis l'interrogea du regard. Son avenir ? Que venait faire son avenir dans la conversation ? Certes elle avait été curieuse, mais il pouvait en faire autant tant que cela se limitait à elle et non au Légat par voie détournée. Il lui semblait avoir été claire sur ce point. Mais son avenir ? Parlait-il en tant que Général du Dragon des mers ?

"Je peine à vous suivre cette fois. L'entraînement de l'armée est l'apanage de Chrysaor. Cela dit, si vous souhaitez éprouver ma force vous-même, nous pourrions arranger une rencontre amicale dans les arènes, oui. Je dois pouvoir me libérer du temps dans les jours qui viennent. Voulez-vous que je vous fasse envoyer un serviteur quand ce sera le cas ? Et, de préférence, ne pas l'effrayer avec les fantômes... Certains de mes gens peuvent être sensibles."

Elle prit un instant pour rassembler dans son esprit les informations qu'elle avait lues sur le Léviathan, soit au travers de discussions de serviteurs, soit dans les rapports auxquels elle avait eus accès. Un pan de l'affaire demeurait exclusif à Orphéus et Deukalyion, en tant que supérieur direct d'Alvis, aussi elle savait ses informations parcellaires.

"Il est en mort en mission, en tant que Marina, dans ses terres natales. J'ignore comment il s'y est pris, mais apparemment il a pu ramener des bribes d'informations à Atlantis avant de passer l'arme à gauche. C'était légèrement avant que les Écailles résonnent, peut-être y a-t-il un lien. En tout cas, depuis, l’Écaille du Léviathan est manquante dans la salle du Temple. De ce que j'en ai entendu, il occupait autrefois dans les rangs d'Odin une place équivalente à celle d'un Général, malgré son jeune âge et sa sauvagerie affligeante. L'ennemi qui l'a abattu devait donc être puissant... ou alors il y en avait plusieurs. Il a tout de même fini suffisamment reconnu pour que son nom soit gravé à ce jour sur la stèle commémorative de l'Arctique. Le Général du Kraken a fait un travail remarquable avec ce garçon."

Ouvrir les frontières

Un sourire gourmand ourla mes lèvres devant l'aveu de la nymphe, concernant le fait de révéler ou non mon véritable nom. Oui, cela pouvait causer un sacré baroud et faire jaser dans les maisons nobles feutrées... Mais sans l'aval d'Orpheus, je ne m'y risquerais pas.

A vrai dire, je pense que Poséidon se moque bien de nos valses politiques et de nos mesquineries de mortels. Je combats et verse mon sang pour son projet divin depuis de longues années... Lui nuire serait donc complètement antinomique avec mes agissements, jusqu'à présent. Quant à Atlantis... Ma foi, le pire qu'on puisse faire à notre cité est probablement de la laisser s’enkyster, succomber à la décadence.

Pour avoir fréquenté les hautes sphères depuis mon mariage avec Calista, j'avais rapidement compris les problématiques actuelles de notre cité. Le Sénat, les familles nobles, les manipulations, l'étroitesse d'esprit... Oui, tout cela pouvait causer notre chute. Nimue l'avait bien compris elle aussi.
A la réponse à mon défi amical, je levais ma coupe pour honorer la belle nymphe.

Qu'il en soit ainsi ! N'y voyez là rien d'autre que de la curiosité, et un intérêt à votre égard, bien entendu... Quand à vos serviteurs, prévenez les tout de même de la nature spéciale de mes fidèles alliés. Les malheureux souffrent de tant de préjugés...

Le spectre d'un jeune homme pendu par les pieds apparut sur ces entrefaites, et je flattais sa chevelure pendante comme un geste de pure cajolerie.

Oui, le général du Kraken est un homme de qualité. Même si j'étais très ami avec son prédécesseur, avant sa désertion. J'ai eu une entrevue productive avec Deukalyion, et lui aussi semble souffrir d'une vie trop éloignée du reste du monde. Outre l'ambassadeur d'Atlantis, je vais peut être devoir me reconvertir en guide touristique, à ce rythme.

"Et vous connaissez le sujet, si je ne m'abuse."

Il s'en amusait autant que faire se pouvait, surtout. Mais que faisait-il pour éviter, justement, que la belle Atlantis sombrât dans la décadence ? Le grand et noble Endymion, se réveillant de ses beuveries sans horaires ni contrainte quand on sonnait à sa porte, paraissait plutôt partie prenante.

"Je me demande comment vous trouvez le temps de vous amuser autant, entre deux pillages et entrevues diplomatiques. Quand je regarde mes journées, j'aimerais parfois ne pas avoir besoin de dormir."

Elle leva sa coupe en suivant, bien qu'elle avait cessé de boire depuis un moment, le repas lui ayant confortablement rempli l'estomac. Considérant son geste envers le fantôme qui venait d'apparaître comme pour illustrer son propos, Calypso haussa un sourcil. Avec ses mœurs débridées, se pouvait-il qu'il ait des relations douteuses au-delà de... STOP. Elle verrouilla son esprit, peu désireuse de s'attirer de drôles d'images en tête. Endymion avait ses goûts, grand bien lui fisse.

"Et je suis sûre que vous en profiteriez pour vider quelques bourses."

Son verre retrouva le chemin de ses lèvres, tandis qu'elle regardait par-dessus le Dragon des mers qui ne manquerait assurément pas une tentation aussi évidente.

Un moment, elle le scruta dans son beau costume. Elle avec sa robe de glace, ils auraient pu former un beau duo de danse, en espérant qu'il connaissait autre chose que des chants pirates comme ceux de la fête d'Astéria. Toutefois la familiarité commencerait à devenir trop marquée, et probablement à lui donner des idées contraires aux intentions de la Nymphe. Tant pis.

"Je me demande si Orphéus vous laisserait faire découvrir le monde aux deux pauvres Atlantes isolés que nous sommes. Et comment vous lui présenteriez ce projet."

Et surtout, elle voyait mal Deukalyion accepter. Un pressentiment qu'il chercherait n'importe quelle raison de rester dans la cité, attaché à elle comme à son enfant.

Liberté

La liberté, oui.
Tel était mon credo. Et même le mariage n'avait pu m'en priver. Nul me pouvait me retirer mes ailes.

Je refuse de porter le même carcan fait d'obligations que le votre. Hormis ma mission de général, je conserve la possibilité d'aller et venir, de sentir le vent tourner et de me laisser porter. C'est dans le monde extérieur que mon efficacité se révèle, voyez-vous... Et Orpheus l'a parfaitement compris.

Manipuler, infiltrer les villes et les bourgs en quête d'une rumeur, d'un commerce gratifiant, avoir les yeux et les oreilles partout. Oui, c'était là ma carte la plus redoutable. Et mes talents de diplomate et de séducteur complétait ma vue d'ensemble naturelle. La politique d'Atlantis, ses normes, ses us et coutumes m'ennuyait ferme. Alors pourquoi m'obliger à la subir ? A dire vrai, je plaignais cette pauvre Calypso, sans parvenir à comprendre comment elle pouvait se satisfaire d'une telle existence.

Il vous faudra bien faire votre crise d'adolescence, un beau jour. N'avez-vous jamais eu envie de tout envoyer promener, ne serait-ce qu'un instant ?

A la remarque sur la purge de bourses, je renvoyais un sourire ambivalent. Et ma main revint flatter la joue glabre du spectre pendu à mes cotés.

J'ai l'oreille d'Orpheus, et sa confiance. Je dirais même que nous nous comprenons. Le jour où je demanderais la permission de vous ouvrir les yeux sur les merveilles du vaste monde, croyez-bien que je saurais trouver les mots pour le convaincre.

Rictus torve et nouvelle rasade d'alcool. Je poussais alors un soupir de satiété, avant de me relever, tout en m'étirant.

Bien... J'ai été enchanté de notre échange. Mais la journée s'avance, et j'ai une tâche importante à planifier... Vous savez ce que c'est.

Je m'avançais alors vers la belle, pour lui prodiguer un baise-main plein de charme.

Au plaisir de rapidement poursuivre cette délicieuse conversation...

Les paroles du pirate sonnaient comme le vent agitant les vagues d'une mer indomptée. Calypso l'imagina sans peine à la tête d'une gigantesque navire, une vingtaine d'hommes au moins armés jusqu'aux dents à son service. Le genre de personnes qui prenait toute la place dans les tavernes une fois arrivées au port, et dont on entendait parler pendant des jours durant après leur départ.
Mettre cette mer en cage était impossible, et plusieurs de ceux qui s'y étaient essayés avaient fini noyés, emportés par sa force et sa soif de jouir de tout. Un instant perdue dans sa métaphore, la Nymphe se demanda si le pendu qu'il flattait avec tant d'applications avait fait partie de ses pirates ou de ceux qui le voulaient mort, et qu'il avait fini par asservir en guide d'exemple.

Elle acquiesça simplement aux propos du Dragon des mers, sans avoir à objecter quoi que ce fut à cette façon d'être qui appartenait à un autre. De la même manière qu'il refusait la noblesse, Calypso se verrait mal à sa place, à dépouiller les navires et les escrocs, à courir les jupes et les braies, à voguer sans arrêt sans point d'attache et à voir sa relation avec sa moitié constamment bafouée, brisée en éclats difficilement recollés, puis recommencer. Une question de caractère dont il aurait été futile de débattre.

"Elle a eu lieu rassurez-vous. Sans quoi je manierais une épée au lieu de... Non, sans quoi je n'aurais même pas pu entrer dans l'Amirauté des Dormeurs. Mon cosmos ne se serait peut-être jamais révélé, et je devrais sans arrêt être affublée de gardes du corps, jusque dans ma chambre à coucher, mais pas pour la bagatelle. Et sans doute n'aurais-je pu vivre non plus à ma manière avec Orphéus et Aurora. Enfin, beaucoup de choses auraient pu être différentes. Ce n'est pas le cas."

Nouveau sourire, plus posé. L'idée la traversa alors en même temps qu'il en parla de prendre congés. Sur le moment, elle se demanda s'il avait vraiment quelque chose à planifier étant donné son train de vie, mais elle décida de lui laisser le bénéfice du doute. La salutation effectuée, elle se leva alors à son tour et exécuta une révérence.

"Ce fut un échange des plus agréables. Merci de votre hospitalité, Endymion. Comme promis, je vous envoie un serviteur quand le temps sera de mon côté. Et je vous dis donc à bientôt."

Citation :: Merci pour le RP !

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