[Fin Décembre 551] L'Ombre [PV Mélisandre]

Dans les quartiers de Cassandra, Pilier Antarctique.
Décembre 551, après le passage de Deukalyion.

Les poussières virevoltaient, les décombres sombraient, ensevelissant les croyances forgées par les anciennes figures désormais effacées. Oubliées, ces traces d’une époque annihilées ; de ces grandeurs d’antan, il ne subsistait que des particules, des terres recouvertes et des légendes esseulées. De l’ivoire, de l’argile et des os, toutes les preuves disparaissaient et les créatures ayant bercées des histoires passionnantes s’enfermaient dans le mutisme.

Des Hommes et des désirs ; des actes démesurés autant qu’inconscients représentaient la plus grande des parjures. Des parjures silencieuses, acclamées par les puissants qui façonnaient les récits. Entre mensonges et manipulations se tenait leur vérité.

Des origines englouties.

Graines dorées déversées dans une cellule imperceptible, maintenues captives par des Tourmalines absorbées par quelques lignes. Coude sur la table, la joue dans le creux de la main, l’albâtre Naïade dévorait cette lecture maintes fois répétée. Qu’importait, car il s’avérait nécessaire que certains se souviennent, conservent des traces quitte à attiser les braises de la rancœur et de l’animosité ; Dieux comme humains ne sauraient être pardonnés et leurs actes devront, un jour ou l’autre, être assumés.

Des contes de joies, de peines, d’amertumes et de souffrances.

Nonobstant les prémices d’une fatigue, le Roselin s’attardait sur les lettres, se remémorant, songeur, aux précédentes rencontres. L’une, en particulier, était source d’une mauvaise impression, d’une presque hostilité de ce monstre importun. Une visite qui, toutefois, l’avait ramenée à la réalité. Ainsi, les recherches continuaient, mais les troupes s’activaient.

Les lèvres s’ourlèrent, mutines autant indisposées, tandis qu’elle tournait la tête en direction d’une jeune salamandre qui, non loin de là, l’observait avec patience. Tout d’abord somnolant, l’animal de feu s’agita subito, fixant de ses perles noirâtres l’ouverture dépourvue de porte. Pour cause, des vibrations perçues, des risques et des inconnues ; elle se rapprocha alors de sa créatrice, poussant un cri aigu à peine audible, dans l’attente de savoir qui passerait par l’encadrement.

— Entrez doucement.

À ces mots, le corps se retourna pour faire face à l’âme qui venait de s’inviter, fermant les pages de l’ouvrage qu’il lui restait à achever. La distance entre l’entrée et le bureau n’était pas un problème : en cas d’intrus, Cassandra en ferait son affaire.

Spoiler:

Cela faisait désormais plusieurs semaines que Mélisandre avait remise au pas sa famille, les Mera ayant été guidé par un patriarche aveuglé par l'ambition, obligeant alors la salamandre à consumer le mal de son feu. Et alors que l'ordre avait été rétabli, que les devoirs qui étaient les leurs étaient restaurés, la jeune marina avait tenté de prendre contact avec la générale des Lyumnades, la maîtresse légitime de la Salamandre. Car tels étaient ses devoirs, servir et protéger, être un soutien loyal et indéfectible qui ne satisferait de remplir sa tâche plutôt que de briller aux yeux de tous. L'intérêt commun prévalait sur celui de son clan, tout comme l'intérêt de Poséidon prévalait sur ceux-ci, le dieu des Mers et des Océans étant leur maître à tous.

Mais malheureusement, ses précédentes tentatives furent vaines, lettres restant mortes comme noyés dans les profondeurs inaudibles de l'Océan. Alors Mélisandre vint en personne, une fois encore, déterminée à rencontrer celle qu'elle était sensée servir et protéger, celle à qui elle allait dédier sa vie. Car si de par son clan elle se devait de veiller sur les Marsyne, la famille patricienne liée au pilier de l'Antarctique, de par sa position de marina son devoir était alors de veiller et obéir aux Lyumnades.

Arrivant aux abords de ses quartiers, elle découvrit alors avec surprise que l'entrée était alors dénuée de porte. Approchant avec prudence, Mélisandre se voulait prudente, aussi prudente que polie, ne voulant débarquer ni froisser quiconque. C'est alors qu'une voix l'invita alors à entrer doucement. Un frisson lui parcourant l'échine, la salamandre était quelque peu nerveuse, ne sachant à quoi s'attendre après ces longues semaines de silence. Obéissant, la jeune femme, vêtue d'une scale ambre et perle dont l'éclat rayonnait, témoin silencieux de la vivacité de la Mera, s'avançant alors.

"Je suis Mélisandre Mera, de la Famille des Mera et marina de la Salamandre."

Et pas forcément dans cet ordre, pour le malheur de son père. Elle s'agenouilla alors devant la jeune rouquine qui se tenait devant elle, inclinant la tête avec respect, sa chevelure écume tombant avec grâce, tenant contre elle son casque.

"Je viens me présenter à vous, Générale des Lyumnades afin de vous prêter allégeance et vous informer que je suis désormais à la tête des Mera."

Vassale des Marsyne, Mélisandre ne savait pour ainsi dire rien de la générale et partait du principe qu'elle faisait partie de la famille patricienne. Occupée qu'elle avait été à redresser son clan, elle avait espéré en apprendre sur elle lors de leur rencontre, ne s'imaginant pas alors qu'elle aurait mise autant de temps pour se produire. Les yeux carmins de la Mera croisèrent alors ceux d'émeraude de la générale, renfermant en eux l'éclat d'une curiosité cherchant des réponses, mais surtout celui de la ferveur d'une atlante dévouée à son dieu, une guerrière qui n'attendait qu'on la reconnaisse et l'accepte.

Les alertes ne cessaient pas, quand bien même elles s’engouffraient dans un puits silencieux ; l’amphibien de feu criait, se dissimulait dans l’ombre de sa créatrice, guettant l’encadrement par mesure de précaution. De prime abord, l’inconnue ne lui semblait pourtant pas nocive, mais les apparences ne trompaient que rarement les Lyumnades et ses fabrications.

À pas de loup, la souris fit, ainsi, son entrée. Une avancée pour le moins prudente, que la propriétaire des lieux ne pouvait que saluer : visiblement restait-il quelques âmes censées au sein des familles vassales. Sans un mot, Cassandra parcourait la silhouette du Lieutenant, la jaugeait avant que le moindre son ne s’échappe. Une demoiselle des plus polies, peut-être même trop, qui se présentait, fixant finalement la Générale.

Positionné sur sa chaise, le Coquelicot croisa les bras, continuant ses observations le temps d’un instant ; des phalanges finirent cependant par rejoindre son menton, masquant un visage dépourvu d’expression. Somme toute, ces dernières intimèrent à la nouvelle arrivante de se redresser.

— Cassandra, Générale des Lyumnades.

Un arrêt, une réflexion ; la gardienne du pilier Antarctique persistait dans ses investigations, scrutait l’âme qui la questionnait en silence.

— Je me fiche de vos relations. Je vais être franche, Lieutenant, j’attends beaucoup de vous. En tant que serviteur de Poséidon et du Légat, j’attends de vous un comportement exemplaire. En tant que Lieutenant affilié au commandement des Lyumnades, j’attends de vous que vous effectuiez les tâches qui vous seront confiées efficacement, discrètement et sans bavure.

Un mouvement de la tête ; un regard lancé en direction de cette salamandre qui sortait de sa cachette, s’avançait sur le devant de la table, toujours aux aguets. Un regard qui, en définitive, se porta de nouveau sur celle qui, désormais, guidait les Mera.

— Une tâche vous attend mais, avant cela, peut-être avez-vous des questions ?

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