[Début mars 553] A pile ou face [PV Silas] [Terminé]

Les travaux du Temple de la Vierge lui tapaient sur le système. Même avec sa bonhommie habituelle, Kaleb commençait à saturer. Pour preuve, lui d’ordinaire si affable et si enclin aux petites boutades bon enfant venait de renvoyer son intendante dans ses colonnes diplomatiquement mais fermement pour une simple histoire de disposition d’étagère dans la bibliothèque. Kalia qui n’avait encore jamais vu le Gardien de la sixième maison dans cet état en était restée plantée dans son chiton de surprise. Interdite, elle avait mis du temps à reprendre un air pincé et à se draper dans une dignité offensée avant de tourner les talons.

Le chevalier d’or avait fait de même, dévalant les marches de son domaine, traversant la maison du Lion en grommelant sans croiser son Gardien. Il avait également passée celle du Cancer, sans que quiconque ne lui fasse obstacle. Dans ce sens, les autres chevaliers d’or réagissaient sans doute comme lui : ils ne prenaient pas toujours la peine de freiner l’un des leurs vacant à ses occupations. Ce n’est qu’en arrivant à la demeure des Gémeaux qu’il reprit quelque peu ses esprits et poussa un long soupire d’exaspération. Il scruta le temple. Il n’avait pas encore eu l’occasion de rencontrer le chevalier qui en assurait la charge. Lentement, il entreprit de gravir les marches.

Il avait entendu parler de la réputation des Gémeaux. Trouble, ambivalente, capable du meilleur comme du pire. La légende voulait que son étoile principale ait elle-même deux faces. Kaleb n’était pas suffisamment versé en astronomie pour en avoir la certitude. Mais il sentait dans l’aura qui se dégageait des étoiles qu’il devait exister un fond de vérité dans le mythe. Après tout, les dieux marchaient bien à la surface de la Terre des Hommes… Et chaque être humain possédait sa part de ténèbres. Aussi chevalier soit-il.

Fort de cette considération, c’est à pas mesurés qu’il gravit les marches et pénétra dans le troisième temple du zodiaque. Pénétrant dans le hall, il s’arrêta au pied du bassin où trônait une statue de marbre des Dioscures. Il s’éclaircit la voix et s’exprima de la manière la plus intelligible possible.

« Je suis Kaleb de la Vierge et je viens demander au chevalier d’or des Gémeaux l’autorisation de traverser sa demeure… »

Peut-être aurait-il la chance de le rencontrer, là où il n’était pas parvenu à croiser le Cancer ou le Lion.

Un homme brun de taille moyenne aux épaules larges se présenta deux minutes après l'interpelation du nouveau chevalier d'or. C'était Iolas l'intendant de la maison des Gémeaux. Il se présenta à Kaleb avec toute la politesse qu'il lui devait et lui demanda de le suivre pour le mener jusqu'à son maitre qui d'après ses dires se situait dans l'aile ouest du temple. Ils passèrent à coté de la grande fontaine centrale, Kaleb put y voir les grandes mais finement sculptées statues de Castor et Pollux. Ils longèrent le mur pour arriver à l'entrée sud de la grande aile Castor, la partie qui sert à Silas à s'entrainer, celle où il emmènera combattre les pauvres fous voulant attaquer le Sanctuaire.

Ils y trouvèrent alors Silas, vêtu d'un simple pantalon, pieds nus sur le sol froid de marbre du temple. Devant lui son armure. Non pas en forme totémique, mais montée comme si elle était portée. Il la fixait. Son regard azur se perdait dans le néant se trouvant dans l'interstice de son casque.

_ Maître Silas. Le chevalier Kaleb de la Vierge souhaiterait converser avec vous.

Iolas salua Silas et Kaleb et repartit en direction de l'autre aile, celle servant à l'habitat. Silas sortit enfin de sa torpeur méditatif, il se détendit, baissa le regard puis le reporta sur Kaleb. Il avait en effet entendu que l'ancien porteur Aegis, l'homme croyant le dieu unique et son fils le christ, avait décidé de renoncer à son armure pour aller remplir une autre mission.

_ Sois le bienvenue dans ma demeure ainsi que dans le cercle d'or, Kaleb. Je me nomme Silas.

Il se tourna vers lui et lui tendit la main pour lui agripper le bras, salut romain qu'il utilisait assez souvent.

_ Désolé de te recevoir ainsi, tu me surprends en plein entrainement comme tu peux le voir. Que me vaut donc ta visite?.

Silas se doutait de la réponse, il faisait de même. Venir voir ses compagnons pour les rencontrer et faire connaissance.

Donc il le tutoyait directement. Pas d’enrobé protocolaire, pas de signe de défiance ou de volonté de le tester ? Kaleb se senti plutôt soulagé. Il ne désirait pas particulièrement que son premier contact avec l’un de ses frères d’or soit un affrontement, aussi amical soit-il. Mais gêné d’interrompre l’entraînement du chevalier des Gémeaux, il trouva normal de faire amende honorable. Il lui tendit le bras et agrippa celui de son homologue comme le faisaient les soldats au temps de l’apogée de Rome. Un geste de confiance et de fraternité qu’il apprécia à sa juste valeur.

«Je crois que c’est plutôt à toi de bien vouloir m’excuser d’interrompre ainsi ta préparation. Le Temple de la Vierge fourmille un peu trop à mon goût avec les travaux de rénovation en ce moment. Je cherche un asile temporaire pour la fin de journée. Et je me suis dit qu’il était bon de saisir l’occasion en venant à la rencontre des gardiens des autres temples pour me présenter. Je n’ai pas eu la chance de croiser le Lion ou le Cancer… Ce n’est que partie remise, j’imagine…»

Silas des Gémeaux donc… Kaleb s’inclina légèrement en signe de respect. Après tout, il n’était qu’un petit nouveau dans le Cercle d’or. Un drôle de terme si l’on considérait que les 12 temples étaient alignés les uns après les autres. Maître Eunoia lui avait bien enseigné qui les douze constellations étaient traversées par la course du soleil et que cette dernière, cyclique, revenait dans chaque signe zodiacal à la même période de l’année. Et puis, le Cercle présentait un symbole à la fois accompli et égalitaire. Les douze étaient donc égaux… Kaleb mesurait chaque jour l’honneur qui lui était fait d’être membre de cette confrérie. Mais le temps n’était pas à l’autosatisfaction. Plutôt à la connaissance.

«Tu t’entraînais donc face à ton armure ? Personnellement, il m’arrive de méditer devant la mienne dans sa forme totémique mais je n’ai pas encore réussi le tour de force de la faire tenir ainsi sans être à l’intérieur… Un privilège du chevalier des Gémeaux ?»

Mais une pensée lui traversa alors l’esprit. Il avait les mains vides. Pressé qu’il était de fuir les coups de burin, il en avait oublié d’embarquer des victuailles. Kaleb esquissa une grimace de confusion.

«En revanche, je crains d’être un bien mauvais frère d’arme. Je suis arrivé les mains vides sans même une amphore à partager. En même temps, il est peut-être un peu tôt pour une coupe de vin… »

La grimace s’effaça rapidement pour laisser la place à un petit sourire en coin. Le Chevalier de la Vierge avait le sens de la dérision. Il espérait juste que Silas ait le même type d’humour.

Il sourit à Kaleb, la première impression qu'il lui faisait était assez bonne. Bizarrement il se disait, peut-être en se trompant, l'avenir le lui dira, que le nouveau Gold Saint de la Vierge lui ressemblait surement un peu.

_ Oh. Il m'arrive aussi souvent de méditer en face de mon armure sous sa forme de repos. Assez souvent même. Privilège? Je ne sais pas, cela fait peu de temps que j'arrive à faire cela. Disons plutôt que ce n'ait pas le même genre de méditation, c'était une introspection tout autre.

Effectivement, l'exercice de ce jour n'était pas un exercice habituel. Normalement Silas se pose en tailleur devant sa fontaine, son armure en face de lui et il médite pour se connecter à l'univers. La il réfléchissait, il visualisait autre chose. Il se voyait lui, il se voyait combattre ou réfléchir à sa propre histoire. Il fallait quelque fois se connaitre mieux, se poser et faire un point sur soi. C'était une chose que le chevalier d'or était entrain de faire depuis peu. Il avait pris en compte certaines paroles de Childéric. Le temps de murir était arrivé, le temps d'être le "vétéran" qu'il était. Vétéran, toujours un grand mot pour lui avec ses quatre ans de service en fait...

_ Il n'est jamais trop tôt ou trop tard pour un verre de vin. Laisses-moi t'offrir une coupe pour ton arrivée.

Il lui fit signe de le suivre. Son armure reprit alors sa forme de socle et d'elle même elle se dirigea vers le milieu du temple. Silas suivit l'armure, passa l'arche puis arriva à la fontaine. Il conduisit ensuite Kaleb dans l'aile Pollux. Ils arrivèrent dans le coin salon. Silas prit place sur l'un des deux fauteuils et invita l'autre Saint à s'assoir dans l'autre. Iolas arriva alors avec une cruche de vin et deux coupes. Il salua ensuite les chevaliers et partit au niveau de la cuisine où se trouvait sa femme.

_ Tu m'en diras des nouvelles, une cuvée spéciale qui vient de la réserve de Crocus l'un des taverniers de Rodorio.

Il porta un toast et laissa ensuite le liquide carmin glisser dans sa gorge.

_ Alors Kaleb, que peux-tu me dire sur toi? Tu nous arrives d'où par exemple?

«J’en déduis donc que tu es loin d’être un novice comme moi… Je dois bien avouer que je me sens à certains moments très ignorants des us et coutumes du Sanctuaire et que mon maître, même si elle m’a abreuvée de connaissances sur le Domaine Sacré, ne m’a pas beaucoup renseigné sur ses occupants actuels… Et je trouve que c’est fort dommageable lorsque l’on prétend partir au combat avec ses pairs. Mais elle devait s’attendre à ce que je le fasse moi-même pendant les deux ans que j’ai passé ici. J’ai peut-être passé trop de temps en… introspection, justement !!! J’ai vraiment dû rater un passage du manuel du chevalier modèle…»

Kaleb prononça ces mots en passant sa main sur sa nuque, affichant une mine mi-gênée mi-amusée. Il n’était pas du genre à cacher la poussière sous le tapis ni à prétendre qu’il était parfait. Sinon, comment inspirerait-il confiance aux autres ?

Il venait de l’inviter à boire une coupe ? A la bonne heure ! A priori, ils étaient sur la même longueur d’onde. Kaleb ne se fit pas prier et emboîta le pas de Silas, le suivant d’un pas mesuré et décontracté jusqu’à un espace qui ressemblait à un salon. Le chevalier des Gémeaux l’invita à s’assoir et son homologue de la Vierge s’exécuta avec mesure. Le serviteur de la troisième demeure se présenta alors avec un pichet et deux coupes avant de s’éclipser. Kaleb observa la tapisserie qui se trouvait face à lui représentant le chevalier des Gémeaux avec de ses pairs que le jeune homme identifia comme étant celui de la Balance.

Après avoir trinqué et bu une gorgée du précieux nectar en fermant les yeux, Kaleb répondit à Silas d’un ton calme.

«Je viens de l’empire d’Axoum, de l’autre côté de la Grande Verte. J’ai été formé par Maître Eunoia au sommet du Mont Horeb, à la frontière entre l’Egypte et les territoires que les hébreux considèrent comme la terre promise. Je suis ensuite resté deux ans au Sanctuaire en attendant d’être appelé pour combattre pour une armure. Je dois t’avouer que j’ai été surpris d’avoir été choisis par l’armure d’or de la Vierge. Je n’avais pas vraiment la prétention de devenir l’un des douze…»

Puis, buvant une nouvelle gorgée, il ajouta.

«Effectivement, ce vin est délicieux. Moi qui voulais réapprovisionner les caves du sixième temple, j’irai rendre visite à ce Crocus de ta part si tu me le permets… Mais toi, dis-moi. Cela fait longtemps que tu protèges cette demeure ? En tout cas, ton serviteur à l’air d’être un homme humble et dévoué. Il a une âme brillante, je peux t’en assurer…»

Ces mots lui avaient presque échappé. Absolument pas protocolaire. Il leva un regard gêné vers Silas, comme s’il venait de prononcer une énorme ânerie, espérant que sa réflexion n’avait pas froissé son hôte.

Silas souriait. Il porta son vin à sa bouche puis posa sa coupe sur la table. Il attrapa un linge qui se tenait à porter de son bras et il le passa autour de lui, cachant ainsi donc une partie de son torse pour un peu plus de tenue.

_ Effectivement cela fait maintenant un peu plus de quatre années que je revêt mon armure d'or. Et je suis maintenant l'un des plus vieux chevaliers d'or en fonction, en terme de service. Cela me parait toujours bizarre de le dire...

Lesath, Childéric et lui même. Voila les trois saints encore présent de l'air Belisaire et encore maintenant Childéric était Pope et non plus un chevalier d'or. Un vétéran, cela le faisait encore rire de le penser.

_ Tel est le destin de l'or je te dirais. Si tu portes cette armure c'est qu'une étoile de la constellation de la Vierge brille pour toi depuis toujours. Personnellement mon maître m'a toujours entrainer pour devenir le Saint des Gémeaux, l'homme connaissait d'avance mon destin, il savait lire les astres...

Il était vrai que Darius l'avait entrainé pour cela, seulement pour cela. Il avait formé Silas pour devenir le remplaçant de son ami Corda et c'est uniquement dans cette optique que l'ancien chevalier de la Balance avait entrainé son apprenti. "Tu seras le prochain chevalier d'or des Gémeaux".

_ Aksoum? Je vois de quoi tu parles mais je ne m'y suis jamais rendu. Il parait que c'est une très belle région. Le Mont Horeb? Le Sinaï non? L'endroit où serait apparu les Dix commandements à Moïse...

Parlait-il pour Kaleb ou pour lui-même? Un peu des deux en fait. Il reprit sa coupe en main, la regarda puis regarda le nouveau Saint.

_ Oui, dis à Crocus que tu viens de ma part. Il reserve cette cuvée pour Gold Saint et quelques Silver aussi. La taverne fourni le Sanctuaire depuis plusieurs générations d'après ce qu'il m'a racontait. Mais bientôt c'est mon propre vin que je boirais aussi, je suis en affaire pour acheter mon propre vignoble.

Ce projet était né, il y a peu mais il venait d'avoir l'accord de sa sœur et elle semblait ravi de s'écarter légèrement de la capitale de l'Empire.

«Alors ton maître devait être un sage… Etais-tu son seul disciple ou il y en avait-il d’autres à tes côtés ? Personnellement, j’aurais aimé être formé au milieu d’autres apprentis. J’ai une profonde affection pour mon maître mais je dois bien avouer que d’être formé seul, sans compagnons de galère, cela m’a pesé bien des fois. Mais je ne serais peut-être pas celui que je suis aujourd’hui si je n’avais pas éprouvé cette solitude. »

Il fit tourner sa coupe entre ses paumes. Aux réflexions à haute voix de Silas, Kaleb se demanda si le chevalier des Gémeaux se parlait à lui-même ou s’adressait à lui. Peu importait au final. A moins qu’il ait eu un jumeau caché derrière la tapisserie. Cette théorie fit sourire le chevalier de la Vierge. Si l’on devait appliquer à chaque chevalier les caractéristiques de sa constellation, il se prit à imaginer la pilosité du Lion et la difficulté du Bélier ou du Taureau à passer les portes… Bon, après, en tant que chevalier de la 6ème maison, il n’était pas forcément mieux loti !!! Kaleb confirma les interrogations formelles de son homologue.

«C’est exactement ça. La Montagne des Tables de la Loi… Il y a un monastère en contrebas dans lequel font halte certaines caravanes en provenance d’Alexandrie et se dirigeant vers Jérusalem. Axoum est une région magnifique. Le cœur battant de son empire… Qui entretien d’ailleurs des liens étroits avec l’empire romain aussi bien diplomatiques, religieux ou économiques. C’est d’ailleurs de cette manière, je suppose, que j’ai été repéré par un envoyé de la Déesse. Mais j’imagine que ça ne t’aura pas échappé…»

Il lui lança un clin d’œil. Il imaginait volontiers qu’en tant que « vétéran », le chevalier d’or des Gémeaux était parfaitement aux faits des liens diplomatiques et des jeux de pouvoirs qui s’exerçaient sous la protection du Sanctuaire.

Mais la conversation prit un ton plus léger. Donc, le chevalier des Gémeaux avait entreprit d’investir dans des vignes ? Une pratique des plus surprenantes pour l’un des premiers défenseurs de l’Humanité. Kaleb ne s’était pas imaginé les membres du Cercle d’or s’adonnant à des activités aussi…prosaïques. Mais après tout, pourquoi pas ? Il y avait une humilité fière à travailler la terre et à en récolter le labeur. Ce n’était pas lui qui trouverait cela déshonorant. Bien au contraire. Il avait juste naïvement pensé que les chevaliers d’Athéna se trouvaient à mille lieux de ce genre de considérations matérielles. Le fait de constater qu’ils restaient humains malgré tout

«Oh oh !!!! Activité surprenante !!! J’imagine que ce n’est pas si courant parmi nos frères d’armes, non ? Tu comptes travailler la terre toi-même ou payer des serviteurs pour le faire ? En tout cas, si tu as besoin de bras pour les vendanges, d’un second avis pour tester la production ou seulement d’en faire l’éloge, je serai honoré de te rendre service. In Vino Veritas, dit l’adage, n’est-ce pas ? »

L’idée de Silas était d’une simplicité déconcertante. Et permettrait sans doute à d’autres de gagner dignement leur vie. Leur mission sacrée n’était donc pas incompatible avec la possibilité de naviguer sur les rives du quotidien. Le chevalier des Gémeaux ne semblait pas non plus se donner de grands airs ou tenter de prétendre qu’il était au-dessus des autres hommes. Et ça, c’était un trait de caractère que Kaleb tenait en haute estime.

«Tu apportes ta pierre à l’édifice des petites victoires inaperçues du quotidien. Ces choses qui peuvent changer la vie des autres mais ne seront jamais gravées dans le marbre de l’Histoire… Personnellement, j’ai commencé beaucoup plus petit que toi. J’ai juste racheté et libéré une esclave celte qui est depuis devenue mon aide de camp. Je la forme actuellement pour diverses missions… Mais qui sait ce que nous réserve l’avenir…»

Sa coupe était vide. Il se saisit de la cruche et la tendit à Silas pour le resservir.

Silas hochait la tête aux paroles de Kaleb, ne comprenant que trop bien certaines choses.

_ Tu sais Kaleb je n'ai eu qu'une année d'enseignement commun au Sanctuaire. Il s'ensuivit un exil de sept années en Perse où j'ai vécu seul avec mon maître. Ma seule compagnie fut celle des gens des villages au alentours ou ceux d'Arbelès quand nous devions nous y rendre. Je ne te comprend que trop sur ce sujet même si cet isolement était obligatoire par rapport à la mission de Darius.

La surveillance du temple de Nergal, cette ziggourat qui n'était autre qu'un portail pour les Enfers, tel était la mission de Darius et c'est pour cela que l'ancien chevalier d'or avait entrainé Silas en Perse.

_ Je ne pense pas travailler la terre, disons que c'est plus en maître et gérant que mon nom sera affilié à ce domaine. Et encore c'est ma soeur qui le dirigera vu que je me dois d'être au Sanctuaire à remplir ma mission.

Il prit une lampée de vin, marqua un temps d'arrête, puis une deuxième.

_ Disons que cela renforcera mon identité civile, celle que j'utilise lors de mission d'infiltration ou dans le monde des dormeurs. Je descend d'une grande famille patricienne romaine, les Aquillius. Mes ancêtres étaient des généraux, des sénateurs, des hommes influents. De Rome jusqu'à Constantinople maintenant. Mon Père était Tribun, tout comme mon frère l'est désormais... Je me cache d'habitude comme négociant commercial, désormais ce sera sous le titre de maître de vignoble que j'agirai... Le vin semble ouvrir bien plus de porte encore.

Silas laissa éclater un petit rire avant de reprendre.

_ Et puis peut-être que si le temps me le permets, j'irai effectivement travailler ma terre et cueillir mon raisin. Si le destin m'offre une possible retraite...

Pourra-t-il vieillir? La vie lui offrirait-il ce luxe? Peu de chevalier ont ce luxe, peu arrive à avoir une famille et encore moins la voir vieillir. Combien arrivent à prendre une retraite? A quitter les ordres de la déesse? Combien en a-t-il eu vraiment? Une poignée... Ce vignoble sera la nom qu'il laissera au monde, son vin pourrait être ce qu'il restera de lui dans le monde civil car tout acte héroïque qu'il a mené et qu'il mènera ne sera que connu des quelques saints d'Athéna ouvrant les archives...

_ Iolas que tu as pu voir ainsi que sa femme et son fils ne sont pas des esclaves. Ils servent le Sanctuaire et ma personne mais ils ont un salaire et sont libres. Ils croient en notre déesse et la serve, c'est par ce chemin qu'ils sont ici. Lorsque je suis arrivé, il y avait une dizaine de servant dans le temple, je n'ai tenu qu'à avoir ce couple. Je ne suis pas un prince que l'on doit servir, juste un chevalier sacré.

Ainsi Silas avait été formé également seul en dehors du Sanctuaire… Etait-ce le cas de l’ensemble des membres du Cercle d’or ? Il avait donc été formé en Perse. Une terre que Kaleb ne connaissait que de nom à travers les traités historiques et la géographie de Strabon. Il savait par Kalia que lors de la fermeture de l’école d’Athènes, 25 ans auparavant, certains philosophes avaient trouvé refuge dans ces contrées orientales.

« La Perse… La mission de ton maître devait être de la plus haute importance pour devoir ainsi quitter le Sanctuaire et emmener son apprenti avec lui… Je me demande si, aux vues des modes de vie de nos maîtres, avec leurs similarités, ils ne poursuivaient pas une même mission… Eunoia est restée sur l’Horeb. Ton maître est-il toujours en vie ? »

Une véritable interrogation mais qui fut bien vite remplacée par un sujet beaucoup plus prosaïque. L’identité officielle. Celle que les chevaliers d’Athéna présentaient aux « dormeurs », au monde. Une question que Kaleb ne s’était réellement jamais posé. Cet entretien avec Silas l’amenait donc à considérer cette facette de sa responsabilité en tant que chevalier.

« Donc tu seras négociant en vin… Tu risques de te faire de nombreux amis à ce petit jeu là. Pour ma part, je dois bien avouer que c’est un sujet qui ne m’avait pas encore effleuré. Vu mes préférences, peut-être que scribe ou rhétoricien pourraient être une bonne couverture. Ou herboriste. Mais je ne crois pas avoir pas de connaissances suffisamment approfondies pour pouvoir faire illusion. Les plantes sont plus difficiles à manier que le verbe »

L’humilité dot faisait preuve Silas faisait écho chez Kaleb. Comme lui, il ne se pensait pas supérieur aux autres. Comme lui, il semblait peu goûter le fait d’être servi. Décidément, ils étaient faits pour s’entendre ! Il récoltait davantage de cette rencontre que ce qu’il avait pu en espérer.

« J’ai fait le même choix… Je ne me considère pas comme un prince ou comme appartenant à une élite. Outre Kalia et Eireen qui sont pour moi plus des compagnes de vie que des servantes, il n’y a guère que trois serviteurs dans le Temple de la Vierge. Et nous mangeons à la même table. C’est un point important à mes yeux. J’aime aussi me mettre moi-même aux fourneaux dès que l’opportunité se présente. Il faudra que je te fasse goûter mon ragoût de mouton à l’occasion… »

Tisser le lien pour que la corde soit solide. Se lier aux humains pour trouver la force de les protéger. C’était ainsi que Kaleb voyait les choses.

Il y avait toujours un petit air de nostalgie et de tristesse quand il parlait de Darius. Il aurait tant aimé qu'il voit celui qu'il était aujourd'hui et ainsi encore quérir de sages conseils de sa part. Mais le destin avait voulu qu'une fois l'or sur lui, Silas n'est plus à disposition son brave maître.

_ Darius s'est éteint quand je me suis montré digne de porter mon armure... Il a tenu le coup jusqu'à pouvoir le voir puis... est parti...

Il déglutit mais il reprit.

_ Mon maître était un ancien chevalier de la Balance qui avait été blessé par une lame maudite. Une blessure inguérissable lui entaillé le flan et avait fait qu'il ne pouvait presque plus utiliser son cosmos. L'age et la malédiction l'emporta après la dernière épreuve de mon entrainement... Et ton maître?

Qui était le maître de Kaleb? Etait-il vivant? Il espérait que le nouveau chevalier d'or développe sa réponse pour qu'il en apprenne un peu plus.

_ Il suffit que tu étudies un peu la botanique ou sinon si tu préfères jouer avec les mots, passe pour un poète ou un troubadour.

Il laissa un petit rire s'échapper et reprit de son vin. Il laissa son regard atterrir sur la tapisserie représentant Corda et Darius.

_ Compagnes de vie? Tu fais dans la polygamie mon cher Kaleb?

Silas laissa son rire éclater, il se doutait bien que les deux femmes devaient être autre chose mais la blague était trop tentante. Et qui sait? Peut-être cela était la vie que la Vierge avait choisi? Compagne ne voulait pas forcément dire amour, cela pouvait être une pulsion bien plus animale, plus primaire qui résultait de cette situation. Mais cela était surement juste un fantasme du troisième gardien que le sixième allait démentir par sa réponse.

«Je te présente mes plus sincères condoléances. J’imagine que le temps amoindrit la douleur mais que le manque reste, lui, toujours présent. C’est une blessure dont on ne guérit jamais totalement, j’imagine. Une joie et un malheur en même temps… Cela a dû te laisser un goût doux amer…»

Kaleb avait de l’empathie pour Silas. Il était capable de sentir ce désarroi dans son cœur, ce vacillement fugace dans sa lumière, signe que, quelque part, il ne fera jamais totalement le deuil de son maître. Mais à sa place, le pourrait-il, lui ? Il savait pertinemment que non. Quand le chevalier des Gémeaux l’interrogea sur son maître, il se trouva un peu penaud. Comment expliquer qu’il ne savait presque rien de cette dernière ? Et qu’il n’avait jamais osé lui poser de questions sur son passé ? Il essaya néanmoins de donner le plus de détails possible à son hôte.

«Eunoia était une femme énigmatique. Je n’ai jamais vu son visage, caché derrière son masque d’argent. Et je n’ai jamais posé de questions, ni sur son passé, ni sur ce qu’elle faisait là, au sommet de cette montagne. Parfois, je l’observais en cachette la nuit. Elle regardait les étoiles et parlait aux pierres et aux vents comme si elle guettait quelque chose. J’ai émis plusieurs hypothèses avec le temps… Après avoir évacué la possibilité initiale que son esprit soit dérangé, je dois bien l’admettre… »

Cette pensée lui avait traversé l’esprit les premiers mois passés au côté de son maître. Mais, elle n’avait pas tenu bien longtemps face à l’évidence. Les sens d’Eunoia ne lui faisaient pas défaut et sa tête encore moins.

«…Du coup, j’en suis venu à me dire qu’elle surveillait peut-être une quelconque ancienne divinité égyptienne assoupie ou le Dieu des Hébreux… Peut-être une porte menant directement chez ce bon vieux Hadès ? Qui sait… Je ne sais même pas quel est son éveille réel… Ce n’est pas très glorieux pour un disciple, je dois bien le reconnaître. »

Kaleb passa sa main sur sa nuque en poussant un rire gêné et prit une gorgée de vin…qu’il recracha aussi sec lorsque Silas finit de prendre à son tour la parole. Cherchant à se donner une contenance, la Vierge se mit à bredouiller.

«Non…Enfin…C’est pas ce que je voulais dire… On n’a pas ce genre de…rapports… C’est purement fonctionnel… Enfin non, ce n’est pas comme ça non plus que je voulais le formuler…Je veux dire, oui, ce sont de belles femmes mais je n’ai pas…enfin, tu vois, ce que je veux dire, non ? »

Bon, pour le coup, il espérait réellement que le chevalier des Gémeaux avait compris ce qu’il sous-entendait. Il n’avait jamais envisagé sa relation avec son intendante ou son aide de camp sous cet angle et il se trouvait embarrassé de ne pas avoir anticipé ce genre de remarques. Elles étaient touchantes, chacune à sa manière. Et Kaleb prit conscience que le regard que l’on pouvait poser sur ce trio sans doute atypique pouvait être source de nombreuses interrogations aussi bien que des spéculations les plus extravagantes. Pour ne pas s’empêtrer davantage dans des explications hasardeuses, la Vierge choisit d’adresser à Silas un regard situé entre l’espoir qu’il ait réellement compris le sens profond de son intervention précédente et la conscience qu’il avait sûrement dit une énormité qui serait probablement consignée dans les annales du troisième temple.

Silas éclata de rire devant la réaction de Kaleb sur sa boutade sur ses compagnes. Il écouta la justification de la nouvelle Vierge tout en sirotant son vin et en jouant avec dans sa coupe.

_ Il faudra me les présenter si elles sont si charmantes que ça.

Il lui fit un clin d'oeil et reposa sa coupe sur sa table. Les paroles de Kaleb sur son mâitre lui parurent un peu bizarre. Comment être autant de temps avec une personne et ne rien savoir si elle?

_ Ne prends pas mal ce que je vais te dire Kaleb. Mais comment as-tu pu vivre avec une personne aussi longtemps et ne rien savoir sur elle? Surtout qu'en plus tu me dis avoir été isolé avec elle. Tu n'as pas été plus curieux? A moins que ce ne soit elle qui était mystérieuse et muette?

Silas se leva et se dirigea comme assez souvent vers la tapisserie accrochée au mur, il l'aimait vraiment. Elle était belle et de plus c'était Darius qui l'avait tissé lui-même.

_ Je ne dis pas que je sais tout de Darius, mais il m'a raconté des choses, il m'a raconté sa vie et le pourquoi de sa mission en Perse. N'es tu pas curieux Kaleb? Tu sais maintenant que tu es un chevalier d'or, tu peux accéder aux archives du Sanctuaire comme tu le souhaites. N'aimerais-tu pas en savoir plus sur ton maître et sa mission?

Silas avait-il planter la graine de l'interrogation dans l'esprit de Kaleb? La curiosité allait-elle germer suite à cette discussion? Le chevalier d'or des Gémeaux trouvait dommage qu'un apprenti ayant vécu si près et si longtemps auprès d'une personne n'en sache rien en fait. Il se demandait vraiment pourquoi.

_ Je mentirai si je te disais que je n'ai pas fait un transfert paternel envers Darius... Il a été bien plus un père pour moi que mon véritable père...

Il se détourna de la tapisserie pour aller vers l'étagère où se trouvait la pipe et l'épée de son maître.

_ Ah oui, et cette règle du masque, je la déteste... Il y a tellement de beauté dans nos rangs...

Silas se tourna vers Kaleb et lui fit un clin d'oeil.

L’explosion de rire de Silas fut un soulagement pour Kaleb. Il explosa lui aussi de rire. Un rire nerveux de décompression. Ouf ! Au moins avait-il compris ce que le chevalier de la Vierge voulait dire. Mais la taquinerie semblait être un mode de communication pour le chevalier des Gémeaux. Une façon de montrait qu’il appréciait son vis-à-vis. Alors autant réagir sur le même ton

«Si tu veux mais je te préviens… Si tu commences à parler investissement et financement de tes vignes devant Kalia, tu pourrais bien devenir l’homme de sa vie…»

Bon, il ne blaguerait pas au sujet d’Eireen. Pourquoi ? Bonne question. Il n’avait pas particulièrement envie de mêler son aide de camp à ce genre de plaisanteries. A vrai dire, il la protégeait. Il considérait qu’elle avait suffisamment souffert par son passé pour qu’on la préserve des grivoiseries et autres remarques dans ce genre.

Comment il avait pu vivre toutes ces années avec Eunoia sans lui poser de questions ? C’te bonne blague ! Heureusement que Kaleb n’était pas d’une nature susceptible. Il se contenta de se servir une rasade de vin en haussant les épaules.

«J’ai bien essayé, après quelques temps… Mais sans obtenir la moindre réponse de sa part… Je ne sais pas pourquoi elle faisait autant de mystère. Peut-être lui avait-on intimé l’ordre de ne pas l’évoquer ? Ou cherchait-elle à me protéger ? Je ne saurais le dire. Mais je sais qu’elle y est encore. C’est donc que sa tâche n’est pas achevée. Peut-être que je retournerai la voir à l’occasion. J’ignore si elle sait à quel point son enseignement m’a été profitable. J’ignore même si elle en ressentirait une quelconque fierté… Je t’ai dit : une énigme… »

Lorsque Silas raconta son lien avec Darius, Kaleb se rendit compte que son lien avec Eunoia, aussi plein de respect soit-il, n’avait pas la dimension filiale que silas avait pu ressentir de son côté. Pourtant, il avait ressenti toute la bienveillance de celle qui lui avait tout appris. Un paradoxe. Il avait la certitude d’avoir compté pour elle sans qu’elle n’ait jamais eu de mots rassurants ou sans forme d’une quelconque intimité. Une forme de magie. Ou l’essence même de son cosmos. Avec le recul, il parierait sur la seconde hypothèse.

«Je n’ai pas eu l’occasion de faire de transfert. Et puis, ma mère était déjà une femme adorable. Même si j’ai dû quitter ma famille, je l’ai fait avec tout l’amour et le soutien maternel nécessaire. Et j’ai hérité de mon père le sens du devoir et de la mission… Bref, mon maître m’a « éveillé » et je lui suis reconnaissant pour ça mais je n’ai jamais couru après son affection non plus…»

Lorsqu’il évoqua les jolies femmes dans les rangs de la chevalerie, la Vierge eut un sourire en coin. Bien évidemment. Toutes les femmes chevaliers ne devaient pas être des enfants comme Argus. Kaleb était curieux. En savoir davantage lui permettrait de se faire une image plus juste de son hôte. Et de son avis sur la gente féminine du Sanctuaire.

«J’imagine que si tu me tends une telle perche, c’est que tu as des noms en tête, je me trompe ?»

L'entente avec Kaleb se passait vraiment bien, il y avait comme un sentiment d'entente entre deux amis de longue date alors qu'ils ne se connaissaient que depuis quelques minutes. C'était une sensation étrange mais cela faisait du bien à Silas. Cela lui manquait depuis l'ascension de Childéric comme Pope. L'ancien Lion ne pouvait plus se comporter comme avant, fini les virés et autres sorties les faisant rentrer à l'aube. Fini les grande tranche de rigolade. Maintenant voir son ami était devenu rare, devant partager le peu de temps qu'il pouvait avoir avec, avec le Pope et son masque froid.

_ Il est sur que d'avoir une famille aimante au départ, ça doit aidé à pas créer cette sorte de sentiment à l'égard de son maître... Ma mère m'a toujours repoussé et mon père était souvent absent ou n'avait pas de temps pour moi... Je sais bien que c'est pour cela que j'ai développé ce sentiment familiale envers mon maître.

Silas effleura alors le pommeau de l'arme de Darius. Puis il vint se rasseoir sur son fauteuil.

_ Effectivement j'ai quelques noms de jolies femmes dans nos rangs. Disons que j'ai eu le plaisir de pouvoir côtoyer certains Saints qui à l'extérieur ou en privé n'hésitent pas à laisser tomber le masque. Mais je te laisserai te faire ta propre idée.

Il lui fit un clin d'oeil et un sourire, il ne donnera pas de nom ce soir là. Mais il se rememorait les visages des femmes chevaliers qu'il connaissait ou avait connu. Ainia, Nimuè, Sunilda, Mehry, Ryme par exemple...

_ J'en ai même connu une très très bien... Avant que les ragots ou autres histoires ne t'arrivent aux oreilles, je vais te le dire et ainsi tu l'entendra de ma propre bouche. L'ancien Gold Saint du Bélier, Ainia a été ma compagne il y a quelques années... Elle est désormais une traîtresse au Sanctuaire et recherchée.

Le chevalier d'or des Gémeaux n'ira pas plus loin pour le moment. Kaleb n'avait pas à connaître toute l'histoire, pas de sa voix ou ce n'était pas encore le moment pour Silas d'en dire plus. Kaleb comprendrait sûrement et ne relancerait pas le sujet, du moins pas aujourd'hui espérait Silas. Il se resservit du vin et en but la moitié d'une traite, comme pour évacuer ses pensées envers Ainia. Le trait avait été tiré.

Que de blessures… Ce fut la première pensée qui traversa l’esprit du chevalier de la Vierge en écoutant le récit de son homologue. Être ainsi abandonné par ses parents lui semblait, à lui qui avait été traité comme un prince puisqu’il était le fils d’un dignitaire religieux de premier ordre, inenvisageable. Comment pouvait-on ne pas aimer ses enfants ? Pour l’axoumite qui avait été entouré de parents prévenants et aimants, bien que son père ait par la suite traduit cela par une exigence déçu vis-à-vis de son chemin de vie, cet état de fait était incompréhensible.

Pour autant, une compassion l’étreignit sans qu’il n’en laisse rien paraître. Silas n’avait certainement pas besoin de pitié. Cela aurait même pu lui paraître insultant. Kaleb

«Je comprends mieux pourquoi tu es autant attaché à ton maître et à sa mémoire. C’est tout à ton honneur. Et, en quelque sorte, c’est une chance qu’il se soit trouvé sur ton chemin. Les Voies de la Déesse sont parfois bien faites, tu ne crois pas ? »

Il avait prononcé cette dernière phrase avec toute la bienveillance dont il disposait. Juste avant de finir sa coupe de vin. Le ton redevint quelque peu plus léger, quand le chevalier des Gémeaux lui répondit au sujet des femmes chevaliers. Bon, Kaleb était quelque peu déçu qu’il ne lui livre pas son opinion personnelle mais, après tout, l’essentiel n’était peut-être pas là. Quand Silas lui expliqua que certaines femmes laissaient tomber le masque dans certaines circonstances. Le chevalier de la Vierge s’en montra des plus étonné.

«J’avais cru comprendre que quelles que soient les conditions, jamais elle ne devait laisser voir leur visage ? A moins de devoir tuer ou aimer l’homme qui le verrait… Tout du moins c’est ce que m’a expliqué Argus… D’ailleurs mon maître m’avait clairement informé qu’elle me jetterait du haut de la montagne si jamais je tentais de la voir sans ce dernier. Je crois bien que ce soit un des premiers conseils qu’elle m’ait donné d’ailleurs. De quoi installer une ambiance saine et sereine… Et donc, certaines enfreignent sciemment cette règle ?»

Il avait dit ça avec une pointe d’ironie. Il se souvint que les premiers mois avaient été particulièrement rudes avec Eunoia. Mais que les années suivantes avait laissé s’installer une digne complicité entre eux.

Lorsque Silas évoqua son attachement à l’ancien chevalier du Bélier et de la trahison de cette dernière vis-à-vis d’Athéna, Kaleb ne put s’empêcher de baisser la tête. Une forme de pudeur. Inconsciemment, il sentait que cette confidence arrivait très tôt et qu’elle était peut-être une marque de confiance. Malgré sa curiosité naturelle, il s’abstint du moindre commentaire, essayant de se mettre à la place de son vis-à-vis. Comment aurait-il réagit ? Mal sans doute. Mais il ne connaissait ni les tenants, ni les aboutissants et il n’osa pas creuser plus que ça pour le moment. Il lui en dirait peut-être plus le moment voulu. En revanche, c’était l’occasion de se concentrer davantage sur la confrérie des temples. Etaient-ils au complet ? Silas, en tant que vétéran, ne serait pas sans l’ignorer.

«Il n’y a pas eu d’autre chevalier d’or du Bélier depuis elle ? Je n’ai rencontré que deux membres du cercle d’or pour l’instant…»

Kaleb semblait être un homme sage malgré sa jeunesse. C'était l’apanage des chevaliers d'or de posséder une certaine sagesse malgré leur jeune âge. Silas la possédait aussi même si certaine ne semblait pas vouloir le reconnaitre. On ne restait pas en vie que par sa puissance, on le restait aussi par sagesse, ou en restant enfermé dans son temple, quoique par forcément vrai aussi.

_ Certaines femmes l’enfreignent par envie ou par obligation. Sunilda l'ancien Gold Saint du Cancer, ne le portait pas, défiant même l'autorité de l'ancien Pope par rapport à cela. Pour elle, il était hors de question qu'elle l'ait sur le visage. Mehry de l'Ophiuchus ne le porte pas dans le civile, cela ruinerait sa couverture pour naviguer dans le monde des dormeurs par exemple. Et de toi à moi, il serait bête de cacher une telle beauté perse.

Silas amusé fit un petit clin d'oeil à Kaleb et reporta son attention sur sa coupe. Si la femme chevalier l'aurait entendu, elle aurait surement mis un taquet à celui qu'elle surnommait Atash. Il reprit ensuite la discussion sur le nouveau sujet dont l'interrogeait la Vierge, le Bélier.

_ Jusqu'il y a quelques jours, il y avait un autre chevalier d'or du Bélier, Nébu. Mais ce dernier vient de rendre son armure. D'autres missions l'attendent et porter l'or ne se justifie pas pour qu'il les remplisse. L'armure est donc redevenu vacante, comme le Sagittaire et le Capricorne actuellement.

Il venait de répondre, il attendait les possibles nouvelles question du nouveau Gold Saint de la Vierge. après tout il était aussi la pour cela maintenant, le vétéran devait guider les nouveaux...

Un respect des règles à géométrie variable ? Une situation qui laissait le chevalier de la Vierge profondément perplexe. Même s’il n’était particulièrement friand de ce genre de pratiques, transgresser ce principe lui semblait faire peu de cas du Verbe de la Déesse. Il avait réfléchit à tout cela depuis sa rencontre avec Argus. Il trouvait que non seulement cette coutume était inégale mais qu’en plus, lors d’une mission, elle rendait la communication plus compliquée puisqu’on ne pouvait pas déceler les effets d’un échange verbal ou d’une situation et donc venir en soutien à sa partenaire aux premiers signes de difficulté. Souvent, avant les mots, la douleur, la peur, la colère s’exprimaient sur le visage. Il comprenait tout à fait le positionnement de l’Ophiuchus car s’il avait été femme, il aurait certainement agit de même. Il ne s’en cacha d’ailleurs pas devant Silas. La réflexion sur la dénommée Mehry le fit sourire mais il se garda bien de toute réflexion, se contentant d’inscrire cette information dans un coin de son esprit.

Je crois bien que j’aurais aussi agit de la sorte si la nature m’avait doté de l’autre sexe. Après tout, nous partageons le même sang et la même souffrance sur le champ de bataille… »

Il écouta attentivement son homologue lui parler des armures vacantes. Ainsi, le Bélier était parti pour d’autres cieux, tandis que le Sagittaire et le Capricorne n’avait pas de porteur pour le moment. Il ne servait donc à rien qu’il cherche à aller se présenter dans ces trois maisons. Alors qu’il finissait sa coupe, Iolas entra dans la pièce accompagné d’un homme que le chevalier de la Vierge reconnu immédiatement. Il s’agissait du contremaître du chantier. L’homme semblait soucieux. Il devait y avoir un problème. Sans attendre d’avantage d’explication, voyant la mine piteuse du responsable des travaux, l’axoumite se leva et lui fit signe de le précéder. L’homme s’exécuta et Kaleb s’excusa auprès de son hôte.

« Je te prie de bien vouloir m’excuser mon cher Silas mais il semblerait qu’une urgence m’appelle dans la sixième maison. Je te remercie du fond du cœur pour ton hospitalité et pour la qualité de notre discussion. Nous aurons l’occasion de remettre ça chez moi la prochaine fois si tu le veux bien. Les travaux devraient être achevés d’ici là et j’aurais au moins réussi à me doter de quelques amphores dignes de ce nom. »

Il tendit la main au chevalier des Gémeaux et la serra avec calme et bienveillance avant de s’éclipser.

Citation :: Rp terminé. Merci

C'était la fin de l'entretien amicale entre le sixième et le troisième gardien du zodiaque. Kaleb venait de se faire rappeler à l'ordre de ses obligations par l'intermédiaire du contremaitre qui semblait avoir un certain problème. L’aléa des rénovations, même si de souvenir le temple de la Vierge n'en avait pas vraiment besoin, peut-être plus une chose esthétique que pratique pour le nouveau porteur de l'armure d'or.

_ Hâte de te rendre bientôt visite Kaleb. A la prochaine donc.

Silas laissa donc son invité repartir, il était accompagné de Iolas qui le raccompagna jusqu'à la sortie du temple des Gémeaux. Silas termina sa coupe de vin d'une traite. C'était une bonne rencontre qu'il venait de faire. Kaleb était vraiment sympathique et le courant était passé très bien entre eux. C'était le début d'une amitié sans aucun doute. L'homme semblait avoir les épaules pour prendre le vide que Childéric avait laissé en prenant la place de Pope.

Il se leva de son fauteuil, reposa sa coupe sur la table et se dirigea vers les bains. Se mettant nu, il plongea dans le bassin d'eau froide et fit quelques mouvements dedans. Puis il se plaça dans l'un des coins du bassin et ferma les yeux. Il retourna en méditation, dans l'eau froide, connectant son esprit à son propre univers, univers qui ira se connecter ensuite au véritable et absolu.

Re: [Début mars 553] A pile ou face [PV Silas] [Terminé]

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