[Début mars 553] - Les as de l'alchimie [PV : Kilian & Nymphéa]

Le capitaine avait pris soin, en ce début d’après-midi, de revêtir un uniforme moins pratique que celui qu’il avait porté précédemment. Après tout, on ne se rend pas au palais impérial simplement vêtu de cuir et de lin, il faut mettre les formes. Il n’aimait pas trop ce genre d’endroit, mais il y était, à force d’habitude, comme un poisson dans l’eau. Il avait donné rendez-vous aux deux chevaliers sur les marches de l’imposant palais impérial. Il était arrivé quelques minutes en avance, peut-être une vingtaine, il n’en était pas certains vraiment. Pour le reste, il leur avait fait parvenir à chacun un message, dans lequel il leur avait indiqué en premier l’heure, le lieu et la raison de leur visite. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour organiser cette rencontre avec les alchimistes impériaux mais, quelque chose l’avait dérangé et il l’avait mentionné dans cette note. À vrai dire, il semblerait qu’un étrange alchimiste ait rejoint les rangs de ce groupe de savant et ce dernier ne lui inspirait pas vraiment une grande confiance. Oh, la cité impérial, nouvelle Rome et capitale du monde, était de passage et un endroit on ne peu plus cosmopolite. Mais, certaines origines, à cause du poids des éveillés dans ces régions, lui inspiraient la méfiance. Et c’était le cas de cet alchimiste persan récemment nommé. Il espérait que les deux guerriers d’Athéna l’aideraient à voir s’il représentait, ou non, un risque et à prendre éventuellement, les mesures nécessaires…

Cette rencontre avec les Alchimistes elle l’attendait avec l’impatience caractéristique causée par la curiosité. Le sujet de discussion du jour n’était pas son domaine contrairement au Verseau, mais elle était prête à s’ouvrir afin de faire connaissance. Après tout, elle n’avait pas besoin d’être une amatrice de transformations chimiques pour discuter avec une personne. Si tant est qu’elle doive participer à une conversation d’ailleurs. Peut-être ne fera-t-elle que figuration mais cela lui est égal. Si le Capitaine estime que ce rendez-vous peut lui être profitable d’une certaine manière, alors elle lui fera confiance.

Le Lotus se rendit au palais impérial et rejoignit les deux hommes déjà présents. Elle n’était pas en retard, seulement pile à l’heure. Sans un mot elle s’approcha d’eux et se contenta de les saluer d’une inclinaison de tête. Elle se tient bien, consciente qu’elle doit faire preuve de sérieux et de calme durant les prochaines minutes à venir. Mais comme on ne peut pas réfréner si facilement ses mauvaises habitudes, elle avait apporté un petit objet métallique qu’elle chipotait entre ses doigts pour évacuer son besoin de bouger permanent.

Vêtue de sa Cloth, elle observe particulièrement Kilian et ce qu’elle voit la surprend beaucoup. Il semble heureux d’une certaine façon, comme s’il était animé par une petite flamme chaude et désinvolte plutôt que par un glaçon froid et dur. Les sourires sont si rares sur son visage, elle pourrait presque dire que ça lui va bien. En réfléchissant, elle se souvient avoir compris que c’est lui qui a demandé cette rencontre et qu’il doit en attendre beaucoup. Alors ce qui transparaît sur son visage, plus que bonheur, ne serait-ce pas plus spécifiquement de l’espoir ? Probablement, et elle lui souhaite d’obtenir ce qu’il cherche.

- Nous y voilà.

Quelques mots pas vraiment adressés à qui que ce soit, sonnant plutôt comme le prélude de ce qui les attend.

La surprise fut visible sur le visage des capitaines quand son regard se posa sur la jeune femme. Et de la surprise, il passa à la panique et de la panique, il repassa à son calme de façade habituel. Tout ça, en l’espace d’une fraction de seconde. Sans même répondre au Verseau, il attrapa la jeune femme par le poignet, avec délicatesse néanmoins, et dans le même temps, dégrafa le manteau qu’il avait sur ses épaules pour le faire basculer sur celle de la jeune femme. Puis, d’un signe de tête, il indiqua au chevalier d’or de les suivre. Il s’engouffra d’un pas rapide mais décidé dans le palais royale, tournant rapidement dans une allé moins fréquenté, baissant la tête, pour éviter qu’on ne le voit visiblement. Il finit par trouver ce qu’il cherchait visiblement, un ancien petit salon tombé en désuétude et peu utilisé à en juger par la poussière qu’on pouvait trouver là et les linges tirés sur les meubles.

« - Désolé d’avoir agi si rapidement mais… disons qu’il vaut mieux qu’on vous ne voit pas trop ici avec ça sur le dos. Enfin, vous ne pouviez pas savoir, vous êtes nouvelle ici, j’aurais dû vous le dire. J’ai fait une erreur. »

Il s’en voulait et c’était visible sur son visage et à sa lèvre inférieure qu’il mordait avec embarra. Il fit quelques pas dans la pièce et reposa son regard sur les deux chevaliers, il venait de reprendre sa mesure. Il ne lui en avait pas fallu beaucoup et déjà, il songeait à une solution :

« - Vous pouvez l’enlever et la renvoyer discrètement ? Vous avez... »

Il toussota légèrement.

« - Assez de vêtement en dessous ? J’ai vu certains chevaliers… enfin, comment dire… Fort peu vêtu sous leur armure dirons nous. Si vous ne pouvez pas la renvoyer mieux vaut la garder, nous pourrons faire quelque chose avec ces draps je pense. »

Il semblait particulièrement gêné à l’idée d’évoquer cette éventualité devant la jeune femme et un peu de rouge lui monta au vissage. Il toussa de nouveau et reprit :

« - Mais je peux mieux vous parler de ce que nous allons faire ici, nous devrions être tranquilles. Il y a un nouvel alchimiste à la Cour, comme je vous ai dit, qui ne m’inspire pas vraiment confiance. Vu de là où il vient, mais il est compétant. J’espère que votre… nouveauté, dans la cité, serrait la surprise dont j’ai besoin pour lever le lièvre que représente l’alchimiste Annazir. Je n’ai pas confiance en ces Perses… Nous avons rendez-vous avec lui et Epirus dans quelques minutes. »

Le Lotus ne s'attendait pas à un accueil aussi mouvementé. Durant les premières secondes, elle ne comprend pas, jusqu'à ce que ses épaules soient couvertes de la cape du capitaine, alors là seulement elle réalise son erreur. Elle se pince les lèvres, fautive. La jeune fille avait fait tant d'efforts pour ne pas s’empêtrer dans ses pieds pour rien finalement car elle avait quand même trouvé un moyen de se mettre dans l'embarra. Pourtant elle ne comprend pas. Les gardes ici sont tous des éveillés et le palais impérial est comme une extension du Sanctuaire non ? Alors pourquoi devrait-elle se cacher de ce qu'elle est ici ? Les joues empourprées, elle regarda tour à tour Kilian et Théophilius. Le premier avait l'air plutôt amusé par les événements, le second semblait aussi gêné qu'elle.

- Désolée

Inutile de rajouter « je ne savais pas », ça, ils l'avaient bien remarqué.

- Je vais l'enlever oui, il n'y a pas de problème.

En cette période hivernale, évidemment qu'elle était suffisamment vêtue en dessous, sinon elle aurait bien trop froid. Il n'y avait que cela à faire de toute façon, elle n'avait pas vraiment envie d'être fagotée d'un drap ou d'un rideau. Nymphéa retira ses plates unes à unes et les rangea dans leur boite. Pour la renvoyer, cela serait un peu plus compliqué, comment faire cela de façon discrète ? N'ayant pas trop le choix, elle fit pousser du sol une fleur de lotus sur le pistil duquel elle déposa sa boite. La fleur referma ses pétales dessus puis s'enfonça de nouveau dans le sol, le laissant immaculé, comme s'il ne s'était rien passé. Elle ressortirait du sol dans la chambre de Nymphéa directement. Elle espéra que ce soit assez discret aux yeux du capitaine parce qu'elle n'avait pas trouvé comment faire autrement.

Seul bémol, elle n'avait plus de chaussures, mais heureusement sa jupe cachait ses pieds, si bien qu'en principe, cela devrait passer innaperçu.

- Voilà je suis prête.

Les questions et les réponses attendraient. Le capitaine observa faire la jeune femme et une forme d’admiration mêlée à de la fascination pouvait se voir sur son visage quand elle fit disparaître l’armure à l’aide de son cosmos. C’était une façon simple de faire, mais elle semblait faire beaucoup d’effet au capitaine de Constantinople. Il fut soulagé également de voir que le souci des vêtements ne se posait pas. Cette petite était prévoyante, plus que les deux vétérans qui auraient du, ici, lui préciser certaines choses sur le palais impérial. Mais c’était son devoir de le faire alors il faudrait qu’il corrige rapidement cette erreur. Il adressa un signe de tête aux deux chevaliers et mis en route dans le palais, tout en prenant soin de parler à voix relativement basse.

« - Même si le palais marche main dans la main avec le Sanctuaire, il nous faut garder certaines… apparences. Éviter les chevaliers armées dans le palais, d’utiliser son cosmos ce genre de chose. Il y a plus de gens qui ignorent notre existence que l’inverse. Cela risquerait d’embêter l’empereur de l’ empêtrer dans ce genre d’histoire, il a déjà bien assez à faire avec les vipères ici. »

Il avait dit ça avec un incroyable mépris dans la voix, tout en salua cordialement et avec un sourire chaleureux mais militaire ces différentes vipères qui croisaient son chemin. Il semblait être connu dans le palais et certaines personnes avaient voulu toucher quelques mots au capitaine, qu’il avait expédié rapidement. Puis, devant une porte où pouvait s’entendre deux voix, visiblement prisent dans une vive discussion il reprit à l’attention des deux chevaliers :

« - Vous n’y êtes pas trop seigneur Kilian, sur les Perses je veux dire. Mais vous devrez apprendre sur le tas… Je compte sur vous Dame Nymphea. Personne ne vous connaît et vous avez l’air d’avoir l’empathie nécessaire pour ce genre de mission. Ouvrez vos yeux et vos oreilles d’accord ? Et n’hésitez pas à prendre la parole ! »

Il était chevalier d’or après tout, il devrait savoir face à ce genre de situation, il devait savoir qui étaient derrière les Perses et qu’ils n’étaient pas possibles de négocier avec eux. Un léger vent d’inquiétude souffla sur le capitaine quand il frappa à la porte et le deux voix se turent, invitant l’équipage à entrer. Il ne se fit pas parier et d’un signe de la main, invita les deux personnes qui le suivaient à le précéder. Dans la pièce, relativement cossue, décorée de tenture et des meubles précieux, se trouvait deux hommes, attablés près d’une fenêtre avec vue sur un jardin, une coupe de vin à leurs côtés. Les deux hommes qui s’étaient levés pour faire face à l’assemblée de saints étaient très différents l’un de l’autre.



Le premier, plus petit que le second, sûrement entre le mètre soixante et le mètre soixante-dix. Habillé dans le plus pur style byzantin, de vêtement rouge-orangé, brodé d’or. Sûrement de la soie à l’apparence. Une barbe poivre et sel, fourni sur un visage ridé et un peu dur. Des yeux inquisiteurs qui se portent sur chacun des deux nouvelles têtes, et une peau pâle. L’autre homme au teint halé, indéniablement oriental, aux cheveux noirs et aux bijoux provocateur, plus grand lui, sûrement entre le mètre soixante-dix et quatre-vingts. Des vêtements encore plus colorés que l’homme avec qui il discutait mais moins de bijoux. Des cheveux mi-longs, aux teintes légèrement orangés, sûrement colorées avec du henné.

« - Et bien capitaine, voilà les invités dont vous nous avez parlez ?
- En effet messieurs. Je vous présente le sieur Kilian et la dame Nymphea.
- Ravis de faire connaissance. Je suis Epirus, alchimiste impérial.
- Et je suis Annazir, au service de l’empereur pour les questions alchimiques également.
- Le capitaine nous a dit que nous pourrions vous aider sur quelques questions et en échange, vous pourrez nous aider à trancher quelques différents. Alors, commençons je vous en pris. »



D’une main, le plus vieux vous invite à prendre place sur les chaises autour de la table et lui-même se dirige vers celle en tête de table pendant que son homologue l’imite de l’autre côté du meuble.

« - Que pouvons nous donc faire pour vous ? »

Le soucis de tenue vestimentaire réglé, le groupe entre enfin dans la salle où se trouvent les deux protagonistes qu'ils sont censés rencontrer. Bien que le capitaine ait appuyé sur l'avantage de sa présence, elle n'est pas encore convaincue. Cependant, elle écoute attentivement, poliment, son regard virevoltant ci et là, incapable de se fixer durablement. Tout l'aspect livres et métériel lui passe au dessus. Mais lorsqu'ils parlent d'un différent, là elle se dit que peut-être, éventuellement elle pourra aider. Tout n'est donc pas perdu pour la jeune fille. mais d'abord, elle commence par saluer d'une inclinaison du buste, politesse oblige.

- Enchantée également.

Elle sourit doucement et attent que le Verseau ait terminé de parler pour ajouter quelques mots à son tour.

- Je ne m'y connais pas en alchimie, je ne fais qu'accompagner ce jeune homme, mais si je puis vous aider de par mon regard extérieur neutre je le ferai volontiers. Alors oui, expliquez nous ce sur quoi vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord.

La jeune fille ne peut s'empêcher de se balancer légèrement, s'amusant à voir et sentir le bas de sa jupe se mouvoir et lui frôler les mollets dans la manœuvre. Elle est curieuse d'entendre ce que les deux sieurs vont bien pouvoir leur répondre que ce soit à propos de ces écrits qu'a demandé Kilian que sur le différent qui les oppose. Pourvu que ce ne soit pas trop technique...

Le Persan regarde l’assemblée avec un sourire en coin tandis que le grec lui reste stoïque. Le capitaine garde son air imperturbable, comme s’il était tout à fait à cette place dans cette conversation d’intellectuelle et de magicien. De charlatan presque. Les deux hommes écoutent avec attention ce que propose leur collègue. Après tout, ce Kilian qu’on leur présente alors est sensé être versé dans l’art si particulier qu’ils pratiquent aux services de l’Empire. Les deux hommes hochent la tête, quasiment au même moment, quand vient la question de la bibliothèque et surtout les langues anciennes. Après tout, le talent d’un savant ne se mesure-t-il pas à la taille de sa… bibliothèque. Et les deux hommes, à leur tour, presque en miroir, de lever un sourcil et de faire une petite moue à la mention de la difficulté de se procurer du matériel efficace.

« - C’est délicat. Mais dans nos cordes. Tout est question de…
- Prix.
Oui, c’est cela. De prix. »

Un garde rentre alors et glisse quelques mots au Grec puis au capitaine. Les deux hommes se lèvent et Théophilius glisse un mot à Nymphéa pendant que le Grec lui, parle au Perse. Puis, les trois personnes de quitter la pièce, laissant Kilian seul avec Annazir.

« - Ne vous en faites pas, il s’agit simplement d’une démonstration que nous avons organisé pour quelques nobles, mais rien qui devrait intéresser un homme tel que vous. Je me suis proposé de rester pour vous tenir compagnie et pour discuter entre… spécialiste. Alors, dites moi, que pensez vous de la place du Logos dans notre art ? »

Et ce dernier alors de s’enfoncer dans son siège, scrutant la réaction du onzième gardien.

Un sourire se dessine sur les lèvres de l’alchimiste perse, amusé par la réponse que son homologue du Sanctuaire lui sert quant à sa question. Mais il aurait l’occasion de revenir sur ça à loisir plus tard. Après tout, on ne comprend un confrère, que par son positionnement par rapport aux théories, posant les bases de l’art. L’alchimie est un art bien plus complexe et spirituel que simplement dessiner des cercles sur le sol et claquer des mains pour espérer sottement en faire sortir quelque chose. Certes, l’usage de certaines énergies peut faciliter ce genre de procéder mais l’alchimie, en réalité, c’est une science bien plus vaste ! Il passa rapidement sa main dans sa barbiche avant de répondre au onzième gardien :

« - En effet, vous êtes perspicace, Kilian. Je viens de Perse, de Damas, plus particulièrement. Voilà seulement quelques mois que je suis arrivé au palais mais je suis présent dans la cité depuis presque un an maintenant. Vous avez, nos liens avec l’orient nous offres certains… éclairages intéressant dont ne bénéficie pas encore votre pratique de l’alchimie. »

Il saisit alors la coupe de vin qu’il avait devant lui et en bu une petite gorgée avant de reprendre :

« - Vous voyez, l’alchimie, c’est l’art de déformer le réel et de fait, la raison. L’alchimiste travestit le logos et pour savoir comment déformer le réel, il faut avant tout le comprendre. Chacun, nous avons nos propres spécialités. Nos lubies et nos recherches, qui nous occupent dans nos obsessions. Il faut être un petit peu fou, pour pratiquer l’alchimie, ne pensez vous pas ? »

Il se fendit alors d’un petit rire nasillard avant de reprendre :

« - J’ai bien peur de ne pas être très original et de chercher de mon côté la pierre philosophale. Comme nous tous je suppose ? Mais je m’intéresse aussi beaucoup au changement d’état de la matière. Et vous, messire Kilian, vers quoi portent vos travaux ? Les langues ? »

Lâcha-t-il un sourire goguenard aux lèvres.

Un sourire sur le visage du Perse. Tous les chemins mènent à notre art ? Visiblement une remarque qui semble le faire réagir. Amusé visiblement, ou tout moins, semble-t-il y voir quelque chose. Mais le sérieux de la conversation reprend vite le dessus. Après tout, bien que l’ambiance semble agréable, il s’agit là de deux savants échangeant sur un art ô combien compliqué et ô combien étrange. Tantôt vu comme une bonne chose, tantôt comme une mauvaise, l’alchimie est un art délicat et compliqué où la marche entre justement, le savant et le fou est très mince. Un signe de la tête qu’il t’accorde, oui, la frontière entre folie et génie est mince et il en a conscience.

« -Sans surprise, vous êtes un maître de l’alchimie externe. »

Pour le reste, il fut silencieux un petit temps quand le onzième gardien énonça les différents états de la matière et ce qu’on attend simplement d’une pierre philosophale. Du moins, dans sa théorique vaste, suivant les principes de l’alchimie externe.

« - Récemment, j’ai pu mettre la main sur des théories très… expérimental venu des royaumes de la soie. Disons que c’est à ce titre que je suis ici. L’alchimie qui ne passe pas par les élixirs, les potions, qui sont, bien souvent plus des poisons que des véritables remèdes. »

Puis, d’un sourire :

« - Vous n’est pas seulement un homme d’art n’est ce pas ? Il y a quelque chose dans votre attitude qui semble dire autre chose, mais je ne saurais pas vraiment dire quoi. Mais je me trompe peut être... Enfin, ce n'est pas grand chose. Nous pourrons bientôt reprendre notre conversation avec mon estimé collègue, il ne devrait pas tarder. »

Un sourire, suivit d’un signe de tête. Une réponse équivoque, après tout, les théories ne sont elles pas sensé être partagé et justement, discuté pour voir si elles ne sont fatalement pas que ça : des théories. Surtout dans un champ si vaste que l’alchimie, surtout dans un endroit si cosmopolite que Constantinople. Après tout, cette ville n’est-elle pas la plus grande du monde ? Une mine un peu moins enjouée par contre, quand la conversation continue sur ce qu’est l’alchimie.

« - Oh, il y a bien plus que des effets secondaires anodins comme vous dites, avec cette façon de pratiquer l’alchimie. Certains remèdes ont des conséquences sur le long terme, tuant à petit feu celui qui les prends sans que lui ou l’alchimiste ne s’en rende compte avant qu’il ne soit trop tard. Pire, qu’il ne comprenne pas pourquoi ils arrivent à ce résultat. Les remèdes comme vous dites, sont la plaie de notre art, si vous voulez mon avis. Ils sont passés duquel on doit se détourner pour éviter, justement, de passer pour des charlatans et des fous. »

Un crotale après tout, est là pour médire. Mais est-ce seulement là de la médisance. Peut-être toi, Kilian, es-tu plus mesuré dans sa pratique, mais combien sont ceux qui, pensant devenir immortel, se gavent de Mercure et se tuent à petit feu ? Ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres qui peut raisonner dans l’esprit d’un praticien de l’art. Ce qu’il dit, après tout, fait funestement sens. Il y a plus de menteurs et de savant fou que d’alchimiste sérieux, dans cet art qui incarne le changement permanent à cette époque aux savoirs en constante évolution.

Le deuxième alchimiste de faire son entrée dans la pièce, d’adresser un signe de tête à son comparse qui lui rend un sourire. Et de s’excuser auprès du chevalier d’or. Il lui signifie que la capitaine a été appelée, Dame Nymphea l’accompagne pour régler ce léger souci, rien de grave, et qu’ils pourront continuer la conversation ensemble. Ce dernier de reprendre alors :

« - Je suppose que mon compagnon vous a entretenu de ses théories.
- Si peu, je commençais à peine.
- Et bien, je t’en pris, Annazir, continue, il a besoin sûrement d’en savoir plus avant que nous puissions prendre son avis.
- En effet, alors, si vous le permettez, je vais rentrer plus dans les détails disons… technique. »

Il t’explique donc, pendant un certain moment, à grand renfort d’exemple, d’explication, de schéma et de démonstration, sa propre nouvelle théorie sur l’Alchimie. Une pratique venue des royaumes de la Soie. Le Shangqing pai, une pratique de l’Art interne, qui ne passe pas forcément pas la confection de potions dangereuses mais d’une sorte d’alchimie interne basé sur la cultivation du corps et de sa force, en somme : une pratique étrange, légèrement déformée, mais pas par maléfice ou malveillance de ce qu’est le cosmos : puissé dans la force universelle pour dépasser les limites humaines. Une pratique qui, tu t’en doutes forcément, boulverse les mœurs et les croyances de l’alchimie traditionnelle.

« - Votre avis sur tout ça, seigneur Kilian, maintenant que mon estimé confrère a pu vous faire une démonstration poussée. »

Tu peux sentir dans sa voix une pointe de mépris qu’il a du mal à déguisé, après tout, touché des doigts le divin de cette façon, c’est aussi un peu le mettre sur la paille. Mais, permettre à ce genre de croyance de se rependre risque d’avoir, à très long terme, des conséquences… imprévisibles…

Le Perse de baisser légèrement la tête, la faisant boucher de droite à gauche brièvement, avant de reprendre simplement, sans mépris ni agression, comme s’il s’agissait là de l’énonciation de fait.

« - Je ne sais pas où vous avez appris l’alchimie, sieur Kilian, mais de par le monde, ces pratiques tuent plus qu’elles ne soignent. Mais vous confondez je pense là largement ce qu’un herboriste et un alchimiste sont. Le premier change l’état des matières et transcende le réel, le second, en effet, peut sauver comme prendre des vies. Vous me semblez sage, et donc, savez faire preuve de cette retenu, mais combien de savants fous pour combien de Kilian ? »

Sa question n’était pas dénuée de fondement et le fait qu’il ait touché le coeur du sujet et des problématiques de l’alchimie pouvait se lire et se voir sur le visage de son collègue. Anazir ne désirait qu’élever la discipline vers quelque chose de nouveau, Epirus, plus mesuré, avait le recul nécessaire sur les problèmes de l’alchimie, dont le principal soulevé ici. Ainsi il t’écouta parlé et se permit une correction.

« - L’alchimie n’est pas que remèdes, seigneur Kilian. Votre pratique semble plus médicinal au final que véritablement alchimique, mais cela ne fait qu’aiguiser ma curiosité.
- Et moi donc ! Mais vous avez raison, seigneur Kilian, néanmoins, la cultivation du corps passe avant tout par celle de l’esprit. La méditation, la réflexion, l’étude… On ne peut arriver à l’un sans l’autre et je en ça, je dois vous donner raison.
- Pour le reste, je partage votre avis. Il faut faire preuve de retenu avec ces nouvelles théories et je ne vois pas en quoi elles pourraient nous être utile à terme…Enfin, notre estimé collègue ici présent semble avoir donné son avis, n’est-ce pas ? À moins qu’il ne désire ajouter quelque chose je pense que nous avons de quoi trancher notre différent théorique.
- Il semblerait oui... »

Les deux hommes de hocher la tête, presque en même temps, signifiant qu’au final, ils sont d’accord avec ce que tu viens de leur servir. Ou du moins, qu’ils se rangent à ton avis. Après tout, il y a des dérives partout. Y compris parmi ceux qui veulent repousser les limites de la raison et du réel. Le mercure après tout, n’apporte-t-il pas l’immortalité ? De même que tes déclarations suivantes sur ta propre pratique de l’alchimie. Visiblement, tu sembles versé dans un domaine qu’eux deux ne suivent que de loin. Ou du moins, dans lequel ils n’ont que peu de connaissance. Peut-être est-ce là le moyen de vous être mutuellement profitable ?

« - Bien, Seigneur Kilian. Je pense que nous pouvons arriver à un accord tous les trois.
- Vous m’ôtez les mots de la bouche, cher confrère.
- Pourquoi ne pas collaborer plus… activement ?
- Cela me semble en effet une excellente idée.
- Vous pratiquez une alchimie que nous échappe à tous les deux.
- Et nous avons les ressources qui semblent vous manquer. Mais, nous nous sommes engagé alors.
- Nous vous aiderons pour votre laboratoire et je dois pouvoir vous trouver quelques ouvrages de langue.
- Si vous parlez persan, je dois en avoir pour vous également. Sinon et bien… peut-être est-ce l’occasion d’apprendre ? »

Puis, après avoir échangé encore un peu sur cette proposition. Les deux alchimistes de se retirer, te laissant libre de retourner à tes occupations. Plus fort de relation pratique, plus fort d’avoir mis le pied dans le monde de l’alchimie et d’être sortie de ta pratique solitaire de l’art.

Citation :

Kilian dispose désormais de contact avec les alchimistes de la Cour impérial, ainsi que des ouvrages qui lui permettront de traduire le jamirien (avec un peu de travail)