[Début Mars 553] Twilight Zone [PV Odoroï] [Terminé]

La quatrième maison. Kaleb avait entendu pas mal de rumeurs sur le temple du Cancer. On racontait qu’elle était hantée, habitée par des esprits. Kaleb avait déjà eu l’occasion de la traverser à plusieurs reprises depuis qu’il était devenu chevalier d’or de la Vierge. Pour aller voir Silas ou pour descendre à Rodorio notamment. A chaque fois, il n’avait pas croisé âme qui vive. Pourtant, le chevalier des Gémeaux le lui avait bien indiqué : seules trois maisons du Sanctuaire se trouvaient sans Gardien. Quatre en réalité car au Bélier, au Sagittaire et au Capricorne, il fallait rajouter la maison du Taureau, l’armure d’or trônant majestueusement dans cette dernière, signe qu’elle n’avait plus de porteur ou que ce dernier s’en était au moins temporairement séparé.

Mais cette fois-ci, alors que Kaleb se rendait à nouveau chez Silas, il sentit une présence en traversant le temple. Il s’arrêta au milieu du grand hall, attendant qu’on lui adresse la parole, cherchant à localiser d’où pouvait bien provenir cette lumière qu’il ressentait. La demeure était plongée dans l’obscurité. Il ne mit pas bien longtemps à remarquer deux yeux abyssins le dévisageant dans les ténèbres. Un chat. Mais un chat étrange. Sa lumière semblait plus complexe, plus froide, plus…noire que celle des animaux qu’il avait déjà pu rencontrer.

Kaleb s’accroupit à bonne distance de l’animal. Il avait déjà eu des expériences malheureuses avec des félins et en gardait des souvenirs d’enfance relativement désagréables. Le chat était noir. Seule une tâche blanche illuminait son poitrail. Le chevalier de la Vierge tendit sa main vers lui lentement pour qu’il puisse venir le sentir et se rendre compte par lui-même qu’il n’était pas une menace.

Puis, il entreprit de s’adresser à lui comme il le faisait régulièrement avec les êtres vivants qu’il croisait sur sa route, humains, animaux ou plantes.

«Alors étrange compagnon… C’est la première fois que nous nous rencontrons. Gardes-tu la demeure de ton maître ? Crois-tu qu’il m’autoriserait à passer pour me rendre chez mon ami juste en dessous ? Ou faut-il que je lui demande en personne»

Kaleb adressa un sourire calme et bienveillant au félin, comme s’il attendait que ce dernier lui réponde. Mais il sentait que dans l’ombre, quelqu’un d’autre veillait…

Une présence qui s’avance, entre en cette demeure qui est la leur. Un éclat rougeoyant qui le suit, l’observe entre les ombres des colonnes du temple du cancer. Un inconnu. Néanmoins, son aura est d’or, de cela, il n’en doute. Assit sur son séant, le félin à l’étrange aura contemple le chevalier. Ses prunelles écarlates observe alors l’homme à la chevelure de neige et à la peau basanée. Il s’approche, ce chevalier, s’arrêtant pourtant à une distance respectable de son être multiple. Les ombres le composent, se fondent en lui. Elles s’agitent un instant autour de lui, se faisant mirage alors que le chat demeure à sa place. Assit. Silencieux.

Il regarde seulement celui qui s’avance en ces lieux.

Une voix trouble alors la quiétude. Quiétude. Existe-elle réellement ici, en cette demeure ? Entends il les chuchotements des âmes ? Les chants d’affliction ? Ici pourtant est leur demeure, celle que garde leur passeur.

Un sourire. Un sourire qui lui ressemble. Doux et bienveillant.

Les ombres se meuvent autour du chat. « Il sait que tu es là. » Aussi nul besoin de lui demander quoi que ce soit. Ici, il est aussi sa voix. Une voix étrange par ailleurs qui s’échappe de cette créature. De ce Cath Sith. Non unique mais semblant multiple, se faisant alors timbre à la fragrance singulière. Malaisante. L’animal se redresse sur ses pattes d’ombre, écoute le chant des âmes. Lui aussi les connait. Après tout, il n’est pas si différent d’eux. Peut-être si. « Elles te connaissent. Tu passes souvent ici. » Nulle question ici, seulement une affirmation. Elles le lui ont dit.

Un soupir, finalement, s’échappe de ses ombres.

« Pourquoi un chevalier d’or doit il demander à un autre l’autorisation de se déplacer ? Tu n’as pas à demander. Si les âmes t’on laissé passer, c’est qu’elles l’acceptent déjà, si non, tu serais déjà tourmenté. »

Une petite silhouette les observe. Un cosmos fragile. Une présence l'étant tout autant qui regarde, dissimulée dans les ombres. Entournée de quelques âmes silencieuses...

Donc l’animal parlait… vraiment ! Ce n’était pas juste sa lumière intérieure qui conversait avec celle de Kaleb, projetant en lui des impressions, des émotions, des images comme il pouvait en avoir l’habitude. Là, il s’agissait d’un discours construit, audible. Sujet, verbe, complément. Comme avec n’importe quel être humain. Sauf qu’il semble porter la voix d’une multitude à l’unisson. Troublant. Mais il en faut plus pour l’effrayer. Aussi, le chevalier de la Vierge esquissa un sourire qui vint éclairer sa mine surprise.

«Tu n’es pas un chat ordinaire, pas vrai ? Parles-tu au nom des âmes qui habitent cette demeure ou bien celui qui est chargé de la protéger ? Sans doute un peu des deux, non ?»

Pourquoi il demandait l’autorisation ? Car c’était ce que l’on lui avait enseigné. Un usage protocolaire autant qu’une politesse lorsqu’un chevalier se trouvait dans sa demeure. Irait-il jusqu’à dire qu’il conversait aussi avec les armures d’or qui n’avait pas de porteur ? Cela lui était arrivé. Notamment avec celle du Sagittaire qui semblait se languir de trouver un porteur. Le Capricorne était plus fier et plus avare de lien. Il n’avait pas encore pris le temps de chercher à ressentir le chant du Bélier et du Taureau. Quand l’occasion se présenterait sans doute. Cela faisait peu de temps.

En attendant, l’animal venait de poser une véritable question. Et de faire une réflexion des plus pertinentes. Si les âmes lui avaient refusé le passage, elles auraient tenté de protéger la demeure de manière beaucoup plus agressive. Kaleb sentait leur obscurité et, en se concentrant, pouvait presque les entendre murmurer.

«J’imagine qu’elles l’auraient fait oui… En réalité, j’espérai en profiter pour rencontrer le chevalier d’or du Cancer. Nous n’avons pas encore été présentés. Je suis Kaleb de la Vierge, gardien de la sixième demeure… »

L’axoumite s’accroupit, tendant la main vers le chat comme s’il attendait une approbation et qu’il désirait joindre son geste à la parole. Il ressentait toujours cette présence dans les ombres. Etait-ce de la fragilité, de la crainte ou de la réserve qu’il percevait émanant de cette âme qui semblait l’observer ? Il ne saurait le dire avec certitude tant les ténèbres des autres l’entouraient. Mais il avait le sentiment qu’il faudrait redoubler de patience et de douceur s’il voulait que le Crabe sorte de dessous son rocher.

«Je peux aussi revenir plus tard si le quatrième gardien est occupé. Je ne voudrais pas l’interrompre dans sa tâche… »

Laisser une porte de sortie lui parut judicieux. Il ne servait à rien de brusquer un frère ou une sœur d’arme. D’autant plus quand ce dernier ou cette dernière était le gardien des âmes défuntes…

La surprise s'affiche sur le faciès du chevalier aux paroles de l’ombre. A sa question, la bête se gausse. Vient-il seulement de le remarquer ? Alors que tout son être multiple se fonde dans les ombres qui le composent dans son entièreté ? Un amas d’âmes damnés dont l’éclat écarlate semble rougeoyer. Le félin s’avance, les ténèbres se meuvent autour de sa silhouette. Des âmes, voilà ce qu’il est. Un ensemble d’être reliés à la vie par une sombre parodie. « Aucun être n’est ordinaire ici. Ne te fies pas à tes yeux, Saint. » glisse la bête de sa voix multiple alors que les ombres lèche sa silhouette, la rendant plus trouble. Un monstre tapie dans cette apparence féline qui est tû encore, dissimulée à la vue.

Un avertissement. Peut-être un conseil.

La bête le jauge. L’observe. Il veut le voir. Voir celui qu’il protège et qu’il garde. Le véritable gardien des lieux. Pourtant il n’est pas l’heure encore. La créature se fend d’une étrange expression à son geste, devant cette main tendue, dans l’attente d’un geste qu’il ne peut voir. Une part d’elle s’insurge alors que les ombres s’agitent de nouveau. La silhouette du chat laisse place à celle plus massive de la panthère monstrueuse accompagnant le cancer sur les champs de bataille. Elle s’avance d’un pas, laissant son apparence changer et se muer, gronder sourdement en dardant l’éclat sanguin de ses yeux dans ceux de cet impromptu invité. La bête s’avance puis se fige lorsqu’une silhouette se glisse entre eux. Une main vient rejoindre l’encolure de son protecteur grondant.

La présence le calme.

L’homme venant d'apparaître sourit à son vis à vis. Un sourire doux duquel émane une réelle bienveillance. Pourtant, dans son oeil unique à l’éclat azuré se perd un fragment de mélancolie. Tout son être semble s’y baigner. Affublé de simple vêtement de voyage et d’une cape à la teinte bleuté, le rêveur adresse un regard à la créature avant de revenir sur le saint face à lui. « Nous vous offrons l’hospitalité comme nous le faisons de coutume. » glisse doucement l’enfant des astres, semblant s’adresser à tous. « Guides le jusqu’à moi Rùn. » Le saint laisse son regard balayer les lieux avant de s’arrêter sur cette fragile présence dissimulée dans les ombres. Son sourire s’adoucit davantage en apercevant cette fragile aura. « Toi aussi Léna. » La petite silhouette à l'abri derrière une colonne se fige puis après un léger pas de côté permettant au visiteur de détailler une fillette de moins de 10 années à l’allure éthérée, l’enfant s’échappe, disparaissant dans les couloirs.

Un dernier sourire avant que le rêve ne s’efface, emportant la haute silhouette du cancer dans les ombres.

La bête grogne mais obéit, gardant pourtant son apparence plus massive. Les ombres autour de lui se sont cependant calmées, comme absorbées par le doux éclat de son protégé. « Suivez moi. » Un grondement s’échappe de cet être multiple qui s’avance dans l’antre du cancer. La Vierge peut apercevoir de ci et de là quelques éclats malicieux hantant les lieux. Et puis finalement, il sera introduit dans une pièce de vie, un feu crépitant et 3 tasses posées sur une grande table en bois.

L’enfant des astres offrira à la vierge ce même sourire accueillant, l’invitant à s’asseoir d’un simple regard. Son allure est semblable au rêve qui lui est apparu. Une haute silhouette, un œil unique et l’autre dissimulé sous des cheveux blonds. Déjà assise, une silhouette plus menue. Celle de l'enfant qui s'est enfuit. Si le saint devait être semblable à un astre il serait le ciel et le soleil là où l'enfant serait lunaire. Menue, les cheveux d'argent et le regard aussi pâle, elle demeure pourtant silencieuse et discrète, comme ayant envie de disparaitre. Pourtant, il se dégage des deux êtres une semblable lueur. Une lumière lunaire rappelant l'éclat de l'astre parant les cieux nocturnes de sa douce brillance. A moins que ce ne soit l'éclat des étoiles...

« Je suis celui que vous cherchiez.» Des feux follets accompagnent le ballet de ces gestes, rajoutant de l’eau frémissante dans chaque tasse. Il sourit. Un sourire de connivence alors que les âmes chuchotent à ses sens. « Elles vous apprécient. »

«J’imagine que tu ne me dis pas ça au hasard et que ces propos s’adresse aussi bien à ton maître qu’aux âmes qui habitent cette demeure, pas vrai ? Je te remercie pour ce conseil, je tâcherai d’en faire bon usage.»

Soudain, une autre voix se fit entendre. Et un homme apparut. Les cheveux d’une blondeur presque blanche. Un sourire mêlant la douceur à une pointe de tristesse. Un regard azur provenant d’un unique œil, comme un saphir luisant dans les ténèbres.

Kaleb eut un sourire en coin. Bien évidemment. C’était clair. Sa lumière était trop peu dense pour qu’il puisse s’y tromper. Une projection. Sans doute. Ainsi la Vierge ne se trouva pas dépourvu quand l’apparition ordonna au chat de le mener jusqu’à lui. En revanche, l’apparition d’une petite fille d’une dizaine d’année qui semblait s’être cachée derrière une colonne et disparu le long du couloir le laissa interdit. Il ne l’avait pas perçu. C’était surprenant. Etait-elle son apprentie ?

Kaleb suivi docilement l’animal jusqu’à une pièce à l’écart du grand hall. Il avait senti une certaine hostilité. Après tout d’aucun avaient bien des chiens de garde alors pourquoi pas un chat qui parle ? Les feux follets jouent à cache-cache derrière les colonnes, épiant le sixième gardien et disparaissant comme des enfants malicieux.

Alors qu’il pénètre dans la pièce, il trouve l’homme et l’enfant assis devant un feu de bois, trois tasses posées sur une simple table de bois. Kaleb sourit. Il était attendu à priori. Surprenant. Etait-ce un pouvoir de prémonition du chevalier du Cancer ou simplement l’art de la préparation et de la courtoisie ? Il resta debout, attendant que son hôte l’invite à s’asseoir.

«Je vois que que je ne vous prends pas au dépourvu. Je vous remercie pour votre accueil. »

Quand le chevalier lui signifia que les feux follets l’appréciaient, la Vierge baissa la tête et joignit les mains en signe de gratitude.

«La réciproque est également vraie. Même si j’avoue que je suis plus habitué aux lumières des vivants. J’imagine qu’il s’agit de défunts qui veillent sur le temple ? »

L’après-midi s’était déroulée sans encombre. Odoroï s’était montré un hôte affable et accueillant. Le chat avait continué à dévisager Kaleb tout du long de sa présence dans le temple du Cancer.

Un personnage consciencieux qui vous prépare le thé, cela mérite forcément que l’on prenne le temps de le découvrir. Pour autant, ce qu’il ressorti de cette échange était un sentiment de frustration. Kaleb semblait n’avoir qu’effleuré la personnalité du Cancer sans passer au-delà du masque de la politesse et de la bienséance qu’il convenait d’avoir pour ses frères d’armes lorsque l’on était l’un des douze.

Une sorte de mélancolie semblait néanmoins transpirer derrière le côté affable et respectueux. Cependant, malgré quelques perches lancées ci et là, la Vierge ne parvint pas à en savoir davantage. Il était peut-être trop tôt, ou trop tard pour cela. Aurait-il d’autres occasions ? Il l’ignorait. La lassitude du quatrième gardien l’avait interpellé. Comme si une ombre s’était invitée au tableau de sa lumière personnelle. Comme si le devoir avait surpassé l’envie.

Kaleb prit poliment congé au bout de quelques heures. En traversant le temple du Lion, il tenta de faire le point sur le déroulé de cette rencontre qui le laissait plus que circonspect. Il ne savait pas vraiment quoi en penser. Et c’était suffisamment rare pour le graver dans le marbre. Il retrouva Eireen qui l’attendait sur le seuil de la demeure. A sa mine interrogatrice, le gardien de la sixième demeure répondit par un simple sourire. Chaque chose en son temps et un temps pour chaque chose. Il avait pour le moment d’autres chats à fouetter.

Repensant à celui qui l’avait surpris à l’orée du quatrième temple, il eut un sourire en coin. Pas sûr que ce dernier apprécie cette métaphore. Puis s’enfonçant vers la bibliothèque, il reprit le cour de sa journée.

Citation :: RP Terminé. Merci

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