[Début Avril 553] Rencontre informelle (Zvezdan)

Je me baladais à l'est du Dédale, dans une des forêts ombrageuses entourant le Dédale de Chair. Ces bois avaient longtemps été mon terrain de jeu, durant mon adolescence puis ma periode de jeune adulte, avant que la cuirasse du Wendigo fasse de moi celui que j'étais auparavant. Depuis mes dix ans, je vivais ici, enlevé à ma mère par mon père. Moi ce fils de viol, moi ce vaurien, ce bâtard... N'allez pas croire que je me plaignais, la moitié des Mistophoros était des personnes comme moi, nos pères violaient et engrossaient des paysannes, des prisonnières ou des esclaves pour augmenter le nombre de membre du clan. Cela m'allait, c'était la norme chez nous et je suivis ce pas lorsque je fis de même. A ce que je sache, je ne suis le père de personne, comparé aux autres, je n'ai jamais été voir si mes victimes était en cloque ou avait un gamin dans les pattes ensuite.

Bizarrement j'étais las de cela, comme si mon retour parmi les vivants avait créé une cassure en moi, une envie de changement. Je voulais toujours le meilleur pour mon clan, le retour de son nom parmi l'élite du Dédale. Mais pour cela il fallait faire tomber certaines règles archaïques, des règles qui freinait le retour au premier plan des Mistophoros.

L'ambition, mon ambition, celle que j'avais pour moi, celle que j'avais pour mon clan me rongeait comme la faim d'une bête en cage. Je voulais ce retour, je devais l'avoir et pour cela qu'une seule solution. Les Mistophoros était pour tous composé de mercenaires, de guerriers. Les lois du clan voulaient que seulement les hommes partent à la guerre, soit des soldats du Dédale. Les femmes, elles, servaient d'intendantes, de chasseuses, de guérisseuses, ou simplement au foyer. Certaines étaient les filles de grands guerriers, certaines avaient des capacités ou étaient même éveillées sans le savoir mais les lois du clan bridaient tout cela. J'avais donc pris ma décision, le lendemain je ferais sauter cela. Dès le lendemain, celles qui voudraient combattre le pourraient. Cela fera plus de combattants, plus de soldats pour Zvezdan et ses ambitions guerrières.

Mais pourquoi cette balade? Pourquoi le Pontife m'avait-il convoqué ici à l'extérieur du Dédale? C'était assez mystérieux, presque informelle... Justement je le sentais arriver, je reconnaissais son aura, son "odeur". Je le saluai, m'inclinant vers l'avant.

_ Alors Zvezdan, pourquoi m'as tu demandé de venir ici pour se retrouver?

Zvezdan était arrivé avec son calme habituelle, il me fit signe de lui ce que je fis en silence. Je me demandais toujours ce qu'il me voulait et pourquoi ici? Même si je comprenais que cela allait surement être informel, car il aurait choisit de faire cela dans le Dédale pour un truc plus officiel. Les paroles de nouveau Pontifex, lui démontre que l'homme se méfie toujours du Dédale, il se méfie de celui qui se cache dans sa chair, celui dont tout le monde se demande ce qu'il fout là alors que personne ne peut le blairer.

_ Je dois comprendre que ce vieux dégueulasse de Velya est toujours de ce monde donc?

Telle avait été ma réponse par rapport à la phrase de Zvezdan, il devait comprendre et surement se souvenir que je portais ce type dans mon coeur, et je m'étais toujours demandé qui il était vraiment et pourquoi il avait tant de liberté dans notre demeure à nous les Berserkers. Puis vint la question, droite, directe. Personnelle, oui car j'avais décidé de ne pas mentir, de ne pas lui mentir surtout pas à lui. J'allais lui offrir une belle tirade, tirade exprimant ce qu'il était pour moi et ce que j'étais maintenant.

_ Avant tout une chose. Zvezdan. Au Dédale tu es un des seuls que je respecte, un des seuls qui m'a donné ma chance à une époque, l'un des seuls qui s'est interessé à moi. Tu dois t'en souvenir tu m'as même entrainé et apporté conseil à un moment. Je te respecte pour cela, et c'est pour cela que je t'ai toujours suivi. Jamir, l'Italie par exemple.

Je le regardais droit dans les yeux, mon œil invalide le fixait de son voile blanchâtre, souvenir de ma mort et de ma résurrection.

_ Je ne te mentirais pas. Je suis un peu perdu. Je me demande comment je suis encore vivant, pourquoi aussi? Je me suis senti mourir. J'ai senti mon cœur se faire transpercer et des mois plus tard je me réveille avec quelque chose en moi. Je sens ce cœur battre mais je le sens différent. Mon corps agit différemment, j'ai perdu de mon physique, de ma force d'antan mais j'ai gagné en puissance, c'est indéniable. Mais je n'arrive pas à en dégager tout le potentiel, comme s'il y avait une sorte de blocage à ce que je l'utilise entièrement comme je le souhaite... En moi résonne toujours la faim, mais je la sens différente. Elle n'est pas que nourriture et sang, elle est plus grande, plus profonde... Je sais bien que je n'ai jamais été le plus malin des Berserkers, je n'étais qu'un chien d'Arès, un homme de violence... Mais je me surprends moi-même depuis mon réveil, à être une personne plus curieuse, plus intelligente?

Je ne lui avais rien caché, cela ne servait à rien et je ne le voulais pas. Je lui faisais confiance et je voulais qu'il en fasse de même avec moi. Comme déjà dit, il était le seul qui méritait à ce que je le serve.

Je devais avouer que les réponses de Zvezdan quand à ma survie, ou ma nouvelle vie me surprirent. Ma cuirasse, cette salope symbiotique, cette armure vivante qui m'avait gangrenée le corps et l'esprit avait rempli bien plus que sa fonction. Elle m'avait sauvé, elle remplacé carrément mon coeur... C'était une chose vraiment surprenante voir effrayante même.

_ Je crois que je dois me sentir chanceux d'être revenu presque intacte donc... Fuhahaha...

J'avais lâché un petit rire, bien moins fort qu'à l’accoutumée tout en me grattant sous mon œil invalide, l'une des choses étant la preuve de mon retour et de mon changement. Au moins je ne devais pas ma vie à ce salopard de Velya, c'était une bonne chose et mon sauveur si je pouvais le dire ainsi était une personne que je respectais profondément.

_ Je ne pense pas que tu ais tiré un mauvais lot avec mon retour et mon accession au grade de cardinal non? Il est vrai que cela est surprenant mais les choix d'Arès sont quelques fois surprenant non? Nous avons vu toi et moi, d'étranges cardinaux quelque fois... Fuhahaha.

J'écoutais le Pontife avec intérêt, il disait bien des vérités. J'étais un chien de guerre en effet, chef d'un clan mais d'un clan de chien, d'une meute. J'étais une bête assoiffé au commande d'un certains nombre de trou du cul alors avais-je l'étoffe d'être l'un des quatre piliers des armées d'Arès. Je l’espérais profondément malgré le mauvais début avec cette salope de Déirdre, cela se passera dans le temps, il suffisait qu'elle arrête de vouloir se la jouer solo, sans moi.

_ Y-a-t-il des choses que je dois vraiment savoir? Peux-tu me dire ce qu'il s'est passé durant cette dernière année et demi?

Biensur, j'avais déjà eu des échos, des histoires de connaissances et quelques rapports. Mais je me demandais bien ce que Zvezdan allait me rendre public et officiel. De plus il y avait peut être des choses que les autres enfants du Dédale ne savait pas, des choses que seulement les pontes avaient vécues ou savaient.

J'écoutais Zvezdan dans le calme, buvant ses paroles comme un chrétien devant son curé un dimanche matin. Ses paroles étaient d'évangiles mais comparées à celle du cureton, elles étaient vraies et non masquées par la supercherie d'un ou plusieurs dieux pour les manipuler. Il était le Pontife à qui je rendais des comptes, il était mon guide, celui qui m'avait aidé à une époque et qui m'aidait encore à celle-ci. Je le respectais fortement, il était l'un des seuls qui méritait ce respect, respect que je n'ai accordé à quasiment personne dans mon existence passée.
Il semblait que cela avait pas mal bougé durant ma mort. Des morts, des nouveaux arrivants, une défaite, une débâcle. Tout cela était intéressant et il semble que celui qui était maintenant la nouvelle voix du dieu de la guerre avait déjà tiré les leçons nécessaires des dernières années. Je ne pus retenir un sourire moqueur quand il parla des Oracles, bien qu'alliés je ne les appréciais pas forcément, ils étaient pour moi que des troubadours préférant se toucher la queue en écoutant la musique des petits oiseaux au lieu de faire ce qu'il fallait pour gagner une guerre, guerre qu'ils perdirent et qui nous causa pas mal de perte de leur faute. Puis vint les créatures, j'ouvrais enfin ma gueule après les longues paroles de mon guide, paroles nécessaires.

_ Ouais j'en ai déjà croisé quelques unes. Encore plus dégueulasse que celles qui rampent dans le dédale. Des amis de ce cloporte de Velya?

Il rappela ensuite ce qui allait être notre future mission, les citadelles.

_ Les vider pour les faire nôtres, comme le coucou qui gicle les autres œufs pour y foutre le sien. Sauf qu'on se fera pas entretenir par la pucelle d'Athènes... Fuhahaha...

Il était temps pour moi de parler de mon petit plan, de ma petite envie, espérant que Zvezdan me donne son aval et me suive dans ce petit projet.

_ Comme tu sais j'ai été punir les déserteurs en compagnie de Ghanima.

J'aurais bien voulu dire cette salope de Ghanima mais je me retins, je savais pas vraiment si sa remplaçante était dans ses petits papiers ou non.

_ Je me suis permis d'en laisser en vie, vingt six exactement. Point de clémence pour eux Zvezdan mais j'ai trouvé un sort pire que la mort, un sort qui nous sera plus utile. Avec ton autorisation, j'aimerai que tu me laisses les transformer en créatures affamées, bestiales... J'en ai déjà touché deux mots à la Pestilence pour piocher son aide. Il est d'accord sur le principe mais ne le fera qu'avec ton autorisation. Ils pourraient être un atout pour la prise des citadelles. Une utilité pour ses cloportes.

Cela avait déplu à Ghanima et elle avait surement du le mentionner dans son rapport mais je m'en foutais comme de ma première cuite. Elle ne m'aimait pas et je ne l'appréciait pas plus, elle semblait rouler pour elle et non pour la gloire d'Arès...

Luan c'était un nom que je me devais de retenir. Ainsi donc c'était elle la mère des étranges créatrices. Elle devait être une douce amie de ce cafard de Velya pour pouvoir engendrer de tels horreurs. Ainsi donc Zvezdan acceptait la transformation de ses enfoirés de déserteurs mais il n'allait pas me les laisser les guider par moi-même lors de l'assaut. Je fis une petite moue désapprobatrice face à cet ordre mais je ne pouvais que l'accepter. Il venait du Pontifex après tout et je n'avais ni l'envie ni la force de pouvoir contredire Zvezdan.

_ Si tels sont tes ordres, mes créatures iront donc renforcer les rangs des forces de Luan. Sur les vingt-six puis-je en garder trois ou quatre pour plus tard bien au frais dans les geôles de cristal? Ou veux-tu qu'ils rejoignent tous le bataillon des monstruosités?

Il enchaina ensuite sur mon clan et le fait que je les avais fait rejoindre les rangs la légion des ombres. Il n'avait pas tort mais depuis mon retour j'avais changé, bien changé même. Trop peut être pour certains mais je voyais cela comme une sorte de maturité atteinte dans la mort. C'était étrange mais je m'étais transformé, j'avais mué tel un asticot devenant une mouche...

_ N'aies aucune crainte Zvezdan, je sais faire la part des choses. En tant que Wendigo, j'aurais surement fait passer les miens en avant ou aurait tenté une entourloupe pour cela. Si j'ai demandé l'adhésion de mon clan à ma légion, c'est pour garder un œil sur eux, c'est vrai mais aussi pour gonfler ses rangs qui semblait assez maigre sans mauvais jeu de mot, fuhahahaha...

Quand j'étais revenu en tant que Cardinal, la légion était désorganisée, une partie de ses membres avait disparu et une autre partie avait intégré les autres légions. Pour remédier à cela j'avais rappelé une partie d'entre eux pour qu'ils reviennent mais il manquait encore des membres et donc pour palier cette perte, l'intégration des Mistophoros était la solution. De plus comme Zvezdan devait le savoir aussi, j'avais ouvert la voie pour que les femmes de clan puissent désormais devenir des membres des légions d'Arès, de véritables guerrières et berserkers.

_ Je pense qu'on a fait le tour des questions... Je vais finir mon projet avec la Pestilence puis finir de réorganiser ma légion comme il se doit d'ici à ce qu'on lance l'assaut contre les forces de la pucelle d'Athènes... Fuhahahaha...

Ce rire, l'un des derniers vestiges de feu Kostas Mistophoros, le Wendigo.