[Début Avril 553] Réunion en quatuor majeur (Nessius-Ea-Endy-Caly)

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Ressers-moi en un autre...

Bien qu'habitué à ma descente, le vieux barman haussa un sourcil réprobateur avant de poser une nouvelle bouteille face à moi. Il remplit alors mon verre d'un liquide ambré, que je fis promener à la surface, l'air pensif.
J'avais besoin de faire le point, et nul endroit ne se prêtait mieux à l'introspection que la "Dame rousse". Vu le couvre-feu et les gardes en patrouille à l'extérieur, la taverne était vide de tout client, à mon exception. Et pour une fois, cette solitude me satisfaisait. Trop d'évènements en même temps se bousculait dans mon esprit, et j'avais besoin de faire le tri. De déceler les informations importantes des futiles. Mais pas seulement.
J'étais en deuil. Celui de ma relation avec cet enfoiré d'Orpheus. Rien que de repenser à ce Légat hypocrite et manipulateur, ma main serra le verre, prête à l'exploser sous une poigne de fer. Mais je me ressaisis en un instant. L'entrevue avec le vieux Calum avait été une douche froide salutaire. Jusqu'à la fin de ce conflit, la colère ne serait plus ma conseillère.
Comment avais-je pu être aussi naïf ? Fort habilement, l'ancien Légat avait su tirer les bonnes cordes pour jouer avec mes failles, à une période où la perte de Nimue m'affligeait encore. Le souvenir de ses discours encourageants, de sa promesse de ne juger que mes actes et non mon passé... Du renouvellement régulier de sa confiance à mon égard... Mensonges et flatteries. Quand je pense que j'avais versé mon sang pour venger la mort de cet enfoiré... J'allais devoir avoir une conversation délicate avec Calypso, le moment venu. Car, connaissant un peu la nymphe, je me doutais qu'elle ne savait rien de la nature profonde de l'homme qu'elle avait aimé. L'avait-il manipulée, elle aussi ? Possible. Ce n'était pas mon affaire, en fait. Mais je tenais à ce qu'elle sache... A elle d'en faire ce qu'elle voulait. Déni ou deuil plus aisé.

Tu m'inquiètes, Endy...

La voix du vieux loup de mer borgne me ramena bien vite à la réalité. Je reposais mon verre par réflexe, et lui offris un sourire rassurant, un brin bravache.

Je ne vois pas pourquoi. Je gère la situation.

Son regard dubitatif me fit exploser de rire. Comment lui en vouloir de mettre en doute ma crédibilité en ces heures sombres ? Mais à vrai dire, je me sentais lentement redevenir moi même, malgré les revers et frustrations accumulées. Un O'Bannon avait su m'ouvrir les yeux à temps. Quelle ironie...

Une ombre se faufila jusqu’au comptoir. Silencieuse, le visage dissimulé. En le redressant vers le capitaine pirate, ce dernier pourrait remarquer un sourire mutin et quelques mèches carmines s’échapper du tissu. Deux rubis luisirent dans le noir, animés par un feu destructeur, une promesse de tempête.
Satine O’Bannon se pencha vers le Général.

« La Dame Rousse, hein ? À croire que cet établissement est fait pour moi. Un éloge à une ancienne conquête, peut-être ? »

Puis, remarquant sa mine :

« Tu as l’air bien morose. Je n’aurais jamais parié sur le fait que tu avais l’alcool triste, cher Endymion. »

Elle posa une main sur son avant-bras, concernée par sa douleur, le combat interne qui se jouait chez lui.

« C’est ma tournée ! » ironisa-t-elle en avisant la salle vide. « Tu attendais quelqu’un d’autre peut-être ? Désolée, Éa Tremere ne sera pas de notre côté, je le crains. Elle cherche à tout prix l’amour paternel, nous n’en tirerons rien. Tu devras te contenter de moi. »

Un chuchotis. Un message qu’elle lui faisait passer. Mais l’atlante commençait à douter : Endymion était-il en état ?

« Qu’est-ce qui te tourmente à ce point ? C’est le vieux Calum ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Raconte-moi. »

L’heure n’était pas à l’hésitation, ni à l’abattement. Si son réflexe premier aurait été de secouer les puces de cet homme, il s’avère que la pirate adopta une tout autre stratégie.

Elle accumulait les paris risqués, et les grains de poussière…

Spoiler:

Satine fut la première à me rejoindre. La belle rousse m'apostropha, s'étonnant de mon air sombre.
Mais avant que je ne puisse lui répondre, Nessius puis Calypso arrivèrent à leur tour.
D'abord silencieux, je croisais le regard du tavernier, visiblement contrarié par l'ordre donné par le jeune coq. Après avoir hoché la tête à l'adresse de mon employé, j'engloutis le contenu de mon verre, regard perdu droit devant moi.

Pour ton intégrité et ta sécurité, je te remercie de ne pas donner de directives à mon personnel à ma place.

Un simple rappel, lancé sans animosité mais avec fermeté. Après mon échange avec Calum, je n'étais plus vraiment d'humeur à supporter les défis et excès de suffisance. Pour autant, je n'avais nulle envie de me montrer hostile.
Je finis donc par me retourner, coudes sur le comptoir, afin d'embrasser du regard le trio.
Un claquement de doigt et l'esprit du magicien sombre se matérialisa dans un recoin, prêt à surveiller les alentours, juste par précaution. La Justice et l'étoile firent de même.

Bien... Nessius du Naga, Calypso des Hyades et Satine, la seconde de la "Rose sanglante".

Une manière d'achever les présentations, notamment pour la Nymphe. J'avais noté que "Ea" avait endossé son visage O'Bannon, m'encourageant à m'adresser à elle sous cette couverture. Soit. C'était son secret.
Mon expression restait grave, attentive, inhabituellement concentrée. Assurément, les trois marinas ne m'avaient pas encore vu arborant mon masque de général, bien loin du pirate désinvolte.
Mon attention se porta tout d'abord sur Satine et Nessius.

Mon entretien avec ce vieux loup de mer a été éprouvante... Et j'ai appris des informations dont je me serais bien passé... Mais, c'est personnel. Concernant l'affaire qui nous réunit, Calum ne sait rien des Muiens infiltrés dans les rangs du Sénat. Je sais juste que c'est bel et bien Astéria qui a informé son cousin de l'existence du secret des Abysses. Mais je commence à douter que cela ait un rapport avec nos réels ennemis... Selon Calum, Arhan a juste frappé au bon moment, en usant d'une opportunité politique.

Et sur ce point, rien de nouveau sous le ciel marin d'Atlantis. Sans la menace des Muiens, le coup d'état du Sefirot n'aurait pas ému grande monde, tant il entrait dans la lignée de bien des putsch au fil des siècles.

Plus problématique encore, j'ai appris par le vieux Etrius Tremere que la voûte océanique commençait à montrer des signes de fragilité. Comme si la puissances des piliers était perturbée. Nos véritables ennemis semblent donc profiter du chaos ambiant...

Mon regard se posa alors sur Calypso, dévoilant une part de compassion.

Bien sur que non. Mais une fois la situation revenue dans l'ordre, nous devrons avoir une conversation en tête à tête.

Évoquer le véritable visage d'Orpheus ne pouvait que la déstabiliser. Aussi, mieux valait reporter cette révélation à des temps plus... Apaisés.

Utilisation d'Alliés rang 5 pour monter la garde

« La poliquoi ? » asséna Satine en rabattant sa capuche sur ses épaules. « Au moins ça a eu l’effet de te faire venir plus vite ! »

Son réflexe premier fut de détendre l’atmosphère pesante. Endymion ne paraissait pas au meilleur de sa forme. Quant à Nessius, elle commençait à le connaître suffisamment pour remarquer que quelque chose n’allait pas non plus. Derrière son sourire et ses manières, une ombre flottait dans les yeux du Naga.
Sur le point de le relever, une femme fit son entrée. Une parfaite inconnue, mais dont les couleurs arborées eurent de quoi l’aiguiller un peu.

Ses mots, lourds de sens, furent salués par un lever de verre empli d’un alcool ambré et odorant.

« Hey Capt’ain, je suis une grande fille, je peux me présenter toute seule à la dame ! » Et puisqu’elle avait été présentée en tant que second -ce qui eut de quoi la réjouir au plus haut point- Satine se permit une familiarité en frappant gentiment l’épaule du Dragon des Mers. « Enchantée M’dame Calypso. Même si les circonstances ne sont guères réjouissantes et que j’aurais préféré faire votre connaissance à un moment plus propice. »

Ainsi parlait le Destin. Endymion poursuivi, détaillant son entrevue avec le vieil O’Bannon. Là encore rien de bien glorieux. La situation semblait catastrophique et sans espoir.

« On est pas dans la merde. » décréta Satine. C’était une évidence. Une terrible évidence. « Z’avez entendu l’histoire de cet assassin qui sévit aussi dans les rues ? Ça fait froid dans l’dos ! »

Histoire de noircir encore un peu le tableau. Pour le moment, elle gardait pour elle ses cartes dans sa manche. Prête à les dégainer au besoin. Mais pour le moment, la rousse préférait rester en retrait.
Évaluer la conversation et le ton. Observer un peu ce lieutenant, nouvelle dans cette sordide équation.
Ils marchaient sur des œufs…

Satine resservit son Capitaine d'une bonne dose de rhum.

J'écoutais attentivement les rapports des uns et des autres, comprenant vite que rien de bien nouveau n'émergeait. Plus que jamais, la brume continuait à handicaper notre vision des évènements...

Tout le problème est là. D'après mes informations, les sénateurs disposent d'un dossier solide concernant ce qu'ils considèrent comme des activités nuisibles pour Atlantis de la part d'Orpheus. Qu'importe la vérité, je pense que sur ce point, ils sont inattaquables.

Et à dire vrai, vu ce que j'avais appris concernant la véritable nature de l'ancien légat, je serais bien le dernier à le défendre aujourd'hui. Mais connaissant Calypso, il était nécessaire de barrer cette voie sans issue, avant qu'elle ne s'y épuise en vain.
Mon attention se porta alors sur Nessius.

Etrius, Arhan, Calum... Aucun d'eux ne semble œuvrer pour les Muiens, en définitive. En nous montant les uns contre les autres, nous passons plus de temps à nous focaliser sur le camp adverse qu'à chercher véritablement la taupe. Une bonne stratégie de diversion. D'ailleurs comment s'est passé votre entretien ?

A la surface de l'eau, la situation était claire : le Conseil contre les partisans de Cinead. Et ce combat de requins permettait à la lie d’œuvrer à notre perte dans les bas-fonds. Tout le problème était là.

Astéria serait une bonne candidate pour entrer dans le costume de l'assassin à la lance. Je pense que je vais aller traquer cette ombre, après notre entretien. Manière de lui soutirer quelques informations et comprendre les raisons de ces crimes. A moins que l'un d'entre vous souhaite s'en charger.

Une nouvelle énigme qu'il ne fallait pas négliger. Une de plus.
Surpris par l'annonce de Calypso, je haussais un sourcil étonné avant de relâcher un léger sourire.

Satine est tout sauf une petite chose fragile, et je n'irais pas empiéter sur son libre arbitre. Nous sommes tous en danger, de toute manière. Mais si cela peut apaiser ta conscience, s'il venait à lui arriver malheur, je prendrais mes responsabilités.

Quitte à avoir le dos large... Autant y aller franco. De toute manière, vu l'ascendance de Satine, je ne prenais pas grand risque. Mais pour sa propre sécurité, Calypso n'avait pas besoin d'en savoir davantage. Elle avait bien assez souffert.

Ma priorité est aussi de me concentrer sur cette affaire de voûte océanique, vu que cela semble venir du triangle des Bermudes. Ce conflit interne ne doit pas me faire oublier mes obligations... Car une victoire politique contre ce Conseil fantoche ne servira à rien, si l'océan nous engloutit.

Satine lâcha un petit rire suite aux bons mots de ce cher « Monsieur ». Être présentée comme le Second du Général du Dragon des Mers pourrait s’avérer utile. Un nouveau rôle qui lui allait à ravir, à n’en point douter.
Mais à double tranchant. Car, comme le soulignait Calypso après les différents échanges, elle n’était pas une Marina. Pas sous cette couverture-ci. Et si elle n’avait pas voulu prendre l’apparence d’Éa, c’est justement pour s’éviter quelques déconvenues supplémentaires : son père l’avait à l’œil. Que son unique héritière fraie avec Endymion, au sein même de ce que les autres nommaient aussi tripot, ce serait la disgrâce assurée ! Elle pourrait dire adieu à ses tentatives de rapprochements.

Le sujet de la voûte océanique venait d’ailleurs sur le tapi, mais Satine dut s’abstenir du moindre commentaire. Ni avouer qu’elle travaillait sur la question. La présence de Calypso ne l’arrangeait pas et se dévoiler maintenant alors qu’elle ne la connaissait que de réputation serait une erreur.

Éa ira la trouver à un autre moment. Elle se tourna vers elle, mais là encore, son Capitaine fut plus rapide et elle mima une attitude fière et obstinée.

« C’est gentil de vous faire du mouron pour moi, mais… j’ai une dette envers Endy’ et je suis une femme de parole ! » Manière de se faire pardonner pour sa « petite » bravade » sur la Rose Sanglante ? Peut-être bien ! « Mais si ma présence est trop gênante, je commencerai la traque de cet assassin sans vous Capt’ain ! » ajouta-t-elle, confiante.

« Diviser pour mieux régner ! Et avoir les oreilles qui traînent, accessoirement. Pour cette histoire de meurtrier, vous avez raison Dame Calypso, ce n’est pas un bruit qui court, mais une réalité. Ce que je sais, c’est qu’il est très bon dans ce qu’il fait ! » La jeune femme porta une main sur sa poitrine. « Le cœur est systématiquement percé. C’est tout. Il ne tue pas au hasard et se focalise que sur des coloniaux. Pas d’Atlantes. Il semblerait aussi qu’il fait toujours les poches de ses victimes. Il cherche quelque chose. Mais quoi ? Ou qui ? Il ne frappe pas à l’aveugle et assomme ceux qui gravitent autour de sa cible sans les tuer. Il a un but, précis. Un objectif. Ce n’est pas un fou et c’est ce qui le rend d’autant plus dangereux. »

Déjà, Satine se relevait.

« Merci pour le verre. »

Au fur et à mesure de la discussion et des avis de chacun, deux priorités se dessinaient nettement.
Mener une enquête sur ce mystérieux assassin et découvrir ce qui se tramait au triangle des Bermudes.
Je les écoutais à tour de rôle, lancer leurs propositions, leurs idées, se positionner sur l'un ou l'autre des objectifs.
Tel le haut gradé que j'étais, je pris donc la direction des opérations afin de cadrer au mieux notre stratégie.

Je vais avoir besoin de soutien pour mener à bien ma tâche concernant la protection de la voûte océanique. Communiquer avec le dragon des mers va requérir toute mon attention, et je serais donc sans défense au cas où un ennemi tenterait de profiter de cette occasion pour me nuire.

Mon regard se posa aussitôt sur Calypso, puis sur Satine.

Acceptez-vous de me prêter main forte, avant de partir à la chasse au meurtrier ?

Car les deux jeunes femmes étaient bien les seuls personnes à Atlantis en qui j'aurais une confiance aveugle en un instant de telle faiblesse. hormis Cinead et mon épouse, bien entendu.
Mon attention se porta alors sur Nessius.

Pendant notre tentative, essaie de récolter discrètement des informations menant à une piste sérieuse dans la traque de cet individu. Cela pourrait vous faire gagner un temps précieux, afin de prendre de vitesse les chiens d'Arhan. Le temps joue contre nous...

Bras croisés, mon regard se fit lointain. Il était inutile de mettre toutes nos bouteilles de rhum dans la même cave. Puisque ces trois là brûlaient de démêler le mystère du tueur à la lance, j'en profiterais pour tenter un contact avec un autre membre du conseil. Tout en mettant à profit la leçon de Calum.

Satine, Calypso, si ce plan vous convient, retrouvez-moi à mon pilier d'ici une demi-heure. Le temps que Nessius me fasse part de son projet entre reptiles.

Et sur un sourire amusé, je levais la bouteille restée sur le comptoir à l'attention du capitaine. Quel plan ce petit filou avait-il pu concocter ? J'étais curieux, à vrai dire.

« Allons, allons, que d’enthousiasme pour la traque d’un homme ! » Un sourire malicieux sur les lèvres, Satine ajouta sur ce même ton goguenard qu’on lui connaissait bien et que Calypso allait découvrir : « Ou à faire équipe avec ma modeste personne ! »

Elle s’esclaffa. Faire équipe n’était pas dans ses habitudes. Satine avait l’âme d’une solitaire lorsqu’il s’agissait de débusquer du gibier. Plus encore en combat, n’osant avouer que son tempérament de feu pouvait conduire à une certaine… débandade qu’il serait malencontreux de faire profiter ses compagnons.

« J’ai l’habitude de me battre en solo. Mais pour lever un lièvre, j’avoue qu’une autre paire d’yeux ne serait pas de trop, j’imagine ? »

C’était sans compter la demande d’Endymion. Une demande bien incongrue, mais pas dénuée de sens : après tout, en tant que Second, il était normal que le choix du Dragon des Mers se porte sur elle. Même en connaissant la vérité, ça ne changeait rien. Satine lui en devait une.

Elle observa un instant Nessius du coin de l’œil. « On aura d’autres occasions de… chasser toi et moi. » fit-elle en lui faisant un clin d’œil. « Et je suis contente d’avoir un soutien féminin, ça me changera ! »

Toutes deux allaient avoir une occasion de faire plus ample connaissance. Alors, avec beaucoup de familiarité, la pirate rousse noua son bras à celui de la Nymphe. S’approchant de son oreille, Satine lui glissa :

« Laissons ces messieurs à leurs sifflements. Je suis sûre que nous allons trouver de quoi nous occuper le temps qu’ils fassent leur petite affaire. »

La fin de sa phrase fut prononcée suffisamment fort pour en faire profiter les deux intéressés. Sans leur accorder toutefois un regard. Ce qui l’intéressait, c’étaient les réactions de Calypso.
La O’Bannon se demandait quel genre de femme elle était, outre ce qu’on racontait sur elle. Ou ce qu’elle avait pu glaner ici et là.

Satine poussa les portes de l’établissement.

Spoiler:

L'affaire était donc entendue, et chacun savait désormais quoi faire en priorité.
Un peu d'organisation et de coordination ne risquait pas de nuire à nos objectifs, bien au contraire.
Sans surprise, les deux jeunes femmes acceptèrent ma demande, et je remerciais chacune d'un hochement de tête reconnaissant.
Laisser ma vie en d'autres mains ne me plaisaient guère, mais je n'avais plus trop le choix. Je me devais d'obtenir des réponses clairs et précises dans ce brouillard d'incertitude.
La révélation de Nessius me laissa pantois, là où Calypso ne put retenir sa stupeur. Bon sang, mais qu'avait donc pu sortir le jeune arrogant à Arhan pour mériter ce bannissement ?!
L'ironie me frappa de plein fouet, m'arrachant un sourire. Vu mes réactions impulsives face à Etrius et Calum, j'étais bien le dernier à pouvoir jeter la pierre sur le capitaine du naga.
Je laissais donc les jeunes femmes quitter les lieux, avant d'apostropher Nessius.

Tu as l'air aussi diplomate que moi... Si tu as mis Arhan autant en rogne, il va te faire surveiller, sans aucun doute. Sois prudent, et garde un œil dans ton dos...

Un avertissement qui tombait sous le sens. Mais au moins, c'était dit.
Machinalement, je remplis deux verres avant d'en pousser un vers le sanguin Nessius.

Bon alors ? De quoi voulais-tu me parler ?

Vu l'emportement du naga, j'avais de quoi craindre le pire. Mais parfois, une bonne idée pouvait surgir des pires ambitions. Toutefois, qu'importe la proposition, cela ne remettrait pas en cause ma promesse à Calum.

Servir de diversion incarnée ? Effectivement, vu le comportement qu'il avait dû adopté face au Primus Senator, nul doute que Nessius allait endosser cet habit sans mal. Espérons juste que cette surveillance accrue ne contamine pas les autres membres de notre groupe dissident...
Vint alors sur la table le sujet Astéria.

Une jeune générale, promue très récemment. Nous avions même fêté sa promotion... Une bien belle soirée, à vrai dire.

Que ce temps me semblait loin, alors qu'il se décomptait en mois. Nous étions tous réunis dans un même lieu, avide de rencontres, de rires, de chants. Même Orpheus s'était joint aux festivités.
Un mensonge, une illusion de plus, ou une approche sincère ? Aujourd'hui, ce souvenir se teintait d'une touche d'amertume.

Elle avait la charge de former les soldats de la cité. Et elle s’acquittait de sa tâche avec sérieux. Sans fausse modestie, ses compétences martiales ne m'arrivaient pas à la cheville, mais elle possédait un potentiel intéressant. Un peu trop rigide comme officier, peu portée sur la parole ou le sourire. Militaire jusqu'au bout de sa lance.

Des généraux aujourd'hui disparus, Astéria ne m'avait pas laissé un souvenir marquant. Notre unique collaboration s'était déroulée lors de la venue des Saints. Rien de notable.
Les paroles suivantes du capitaine me firent hausser un sourcil étonné, puis stupéfait. Je compris rapidement où il voulait en venir. Et ma seule réaction fut un rire marqué d'ironie. Une fois mon sérieux pleinement retrouvé, je tâchais d'expliquer à Nessius le comique de la situation.

Oui, je vois parfaitement où tu veux en venir... Tu m'aurais fait cette proposition voilà quelques jours, j'aurais probablement sauté sur l'occasion. Mais quelque chose à changer... Mettre la cité à feu et à sang ne servirai pas nos intérêts. Que ce soit nous ou le conseil qui remporte la victoire finale, nos ennemis intérieurs n'auraient plus qu'à surgir pour achever les survivants.

En outre, je ne venais pas exactement du peuple, même si mon lien avec les basses gens restaient particulièrement présent. Il suffisait à un membre du Conseil bien informé de faire fuiter mon ascendance O'Bannon et mon image de général surgit de la fange serait immédiatement écornée.

J'ai fait une promesse... Celle de tout faire pour régler cette situation par le sang-froid et la retenue. D'observer, de peser mes décisions. As-tu déjà vu une révolte populaire ? Elle peut rapidement se muer en un véritable tsunami incontrôlable et dévastateur. Une arme à n'user qu'en ultime recours...

Astéria et Nessius...
Oui, ce duo aurait fait de sacrés étincelles. Et pas dans le bon sens du terme.
Même si notre première entrevue avait été pour le moins physique, le jeune capitaine et moi avions de quoi nous entendre. Contrairement à d'autres généraux, dont les caractères se seraient mal adaptés à la fougue de l’exilé. Un sourire me vint en songeant à une rencontre entre Emrys et lui...
Quel spectacle.
Mais passons.
Comme prévu, le Naga s'étonna de ma retenue, et je ne pouvais l'en blâmer. Ce trait restait assez récent, mais bien des informations lui manquait pour comprendre. Pour autant, je ne pouvais trop lui en dire, sans risquer d'éventer le secret de ma naissance.

Que t'as valu le rapport de force avec Arhan ?

Point de reproche, mais un rappel des faits. Bras croisés, œil malicieux, je dévisageais le Naga afin de lui faire comprendre la suite de mon raisonnement. Son opposition frontale au Primus Senator n'avait fait qu'empirer les choses, en engendrant son exil de sa propre zone de capitainerie. Cette erreur devait me servir de leçon. Les propos de Calum prenaient alors tout leur sens. Ironiquement, j'eus l'impression de voir un reflet de mes propres turpitudes face à moi.

Disons que j'ai réussi à obtenir de nouvelles cartes dans ma manche. Tu n'es pas certain de nous voir réussir par la patience et l'observation, pour autant tu ne peux pas non plus garantir une victoire par les armes et le sang. Les deux options sont risquées, chacune à leur manière. Et je préfère essayer toutes les options avant d'embraser une mèche, qui coûterait la vie à bien des Atlantes.

Vu le caractère sanguin du Naga, je me devais de lui donner un os à ronger. Je réfléchis donc quelques instants à l'étendue des révélations que je pouvais lui faire, sans pour autant en dévoiler plus que nécessaire.

Ce n'est pas pour rien que je souhaite communiquer avec l'âme de mon dragon. S'il parvient à me révéler qui est véritablement à l'origine de l'affaiblissement de la voûte océanique, nous pourrions lever le voile sur les méfaits d'un membre du Conseil, et ainsi remonter la piste jusqu'à la source. Tu sais bien que pour tuer une hydre, rien ne sert de couper les têtes... Il faut attaquer directement le cœur.

Un rictus mauvais se dessina alors sur mes lippes. Oui, j'avais déjà hâte de savoir... Et de frapper, tel un chat bondissant sur un rat à découvert.

Cet assassin est également une voie à explorer. Il sait des choses, et nous devons mettre la main dessus pour le faire parler. Concentre toi sur cette mission. C'est une piste essentielle pour comprendre... Ce n'est sûrement pas un hasard s'il vise uniquement des surfaciens.

Un portrait d'Arhan fait au vitriol.
J'aurais aimé avoir une oreille dans le bureau de ce dernier, lors de la rencontre avec Nessius. Bon sang, ça devait être truculent... Mais le mal était fait et l’œil attentif du sénateur était désormais posé sur l'impétueux Naga. Un fait à exploité à notre profit, d'un certain coté.

S'il ne possède aucun sang-froid et se pare d'un tel ego, cela le rend d'autant plus dangereux. Reste quand même sur tes gardes...

J'avais rapidement acquis la certitude qu'Arhan restait un pion, davantage qu'un cerveau. Ce qui n'enlevait en rien à son ambition et ses moyens d'action. Il était probablement sincère dans son souhait de purger Atlantis, pour son propre bien. Mais en faisant preuve d'un tel fanatisme, il ne prétait guère garde aux racines même du réel problème. Et le raisonner semblait impossible. En tout cas, je me voyais mal m'occuper de cette tâche, pour l'heure actuelle.
Bras toujours croisés, j'écoutais attentivement les craintes légitimes de Nessius. Le temps filait entre nos doigts, je ne pouvais le nier. Mais céder à l'urgence ne nous vaudrait rien. Callum m'en avait convaincu.

Nous marchons dans l'ombre la plus épaisse, et c'est bien le problème. Or pour frapper au bon endroit, il faut connaître la faille dans l'armure. Quelque chose nous échappe, Nessius... Un élément fondamental. Et je le trouverais.

Où je périrais en essayant.
Le capitaine me fit alors une proposition entendable. Vu le peu d'informations que je pouvais lui donner, c'était une négociation intéressante.

Soit. Faisons ainsi. Mais normalement, nous n'aurons pas à en arriver là...

Je me relevais alors, m'étirais tel un chat, et relâchais un soupir amusé.

Après toute cette histoire à la con, on se fera la plus belle soirée de beuverie et de débauche qu'on ait vu depuis des années.

Et sur un dernier sourire complice, je pris congé de l'officier. Un dragon m'attendait.