[Début Avril 553] Deux branches du même arbre (Dardanos)

Quand la tempête se lève, le dieu des mers appel ses élus. Alors il n’était pas étonnant de voir de nouveau porteur d’écaille se présenter à Atlantis. Mais là, j’avoue avoir été surpris. Déjà car il s’agissait d’un retour des choses. Un membre de la famille porte de nouveau la scale. Non pas que ça change quelque chose, le sang n’a jamais été acheté l’honneur, la dignité ou la compétence. Les récents événements l’ont prouvé. Des sangs purs, descendants en ligne direct d’Atlas se sont succédé pour diriger la cité sous-marine et pour arriver à quel résultat ? Un soupir profond et j’attends de le voir arriver. Qu’est-ce que je savais sur lui ? Pas grand-chose. Lui et moi, avions le même âge. Je me demande si, comme moi, il a vieilli avant l’âge. Argurios me répète souvent que j’ai l’air d’être un vieux con avant d’avoir l’âge d’être vieux. Il a sûrement raison. Mais à part son âge, c’est à peu près tout.

Mais il dispose de quelque chose que les autres n’ont pas. Il a été poussé à vivre à la surface. Alors je dois m’assurer de plusieurs choses. Si sa haine n’est pas mal dirigée. Si sa haine peut nous desservir et, comme il a yeux ouvert par la vie hors de la cité, il peut comprendre ce que je compte faire. Simplement, j’ai envoyé des soldats le chercher. Il faut reconnaître à Deukalyon qu’il a bien mené sa barque. Orpheus savait bien s’entourer. Il est difficile de gagner la loyauté de ces hommes, c’est un combat de chaque instant. Mais je pense avoir les armes pour le gagner. Toujours est-il qu’ils ont l’intelligence de faire ce que je demande. Alors il frappa enfin à la porte et je l’invite à entrer dans la foulée. Courtois. Un bon point pour lui. Un sourire sur le visage, je ne me l’étais pas vraiment imaginé comme ça, ce fils prodigue. Mais tant mieux.

« - Bienvenue, Noah du Kraken. Je suis Dardanos, patriarche de la famille. Nous sommes sûrement cousins, ou quelque chose comme ça. Je ne suis plus très au faîte de l’arbre généalogique. »

Et à vrai dire, je m’en fou. Alors d’un geste de la main, d’une voix dure, de celle d’un capitaine plutôt que celle d’un noble, d’un marin plutôt qu’un politicien, je l’invite à s’installer. Face à moi, sur une chaise plutôt confortable. Je repousse de la main les quelques tablettes de cire qui jonche mon bureau. Une question simple alors :

« - Bien, maintenant que tu es de retour, tu dois avoir beaucoup de questions. Alors je te propose que nous y allions chacun notre tour. D’abord, parle-moi de toi. »

Ensuite, nous verrons le bois qui te compose et si tu es celui que j’attends ou si tu seras un problème de plus sur ma liste. Comme si la disparition de ton prédécesseur, cet assassin et tous les autres emmerdeurs n’étaient pas déjà assez…

Un jeune homme d’à peu près de mon âge se tenait assis devant moi, je répondis favorablement à l’invitation de prendre également place. Voici donc le patriarche des Bjornaer. Étrange, je n’avais pas gardé un tel souvenir de ma famille. Sa voix était dure, mais pas par simple autorité, elle l’était par son expérience, oserais-je dire le poids sur ses épaules ? En tout cas, il fallait faire preuve d’une certaine présence ainsi qu’une bonne autorité pour gérer une caserne de soldats, si tous ceux que j’ai croisés jusqu’à présent sont à sa solde, alors c’est qu’il doit représenter tout ça pour eux, voire même d’avantage en fonction jusqu’où va leurs loyautés. Moi qui hésitais à le tutoyer, son ton m’incita l’inverse.

« Vous parler de moi ? Je ne sais pas ce qui est resté de moi sur Atlantis. Pour être honnête, je m’en souviens à peine de cette cité. Je me rappel des arbres immenses, des lacs à n’en pas voir la fin, mais tout ça est altéré par ma perception d’enfant. J’ai majoritairement grandi à la surface, c’est là que j’ai appris plusieurs choses : Le travail, le repos une fois la tâche terminée, savoir reconnaître la valeur de certain, que l’orgueil ne mène à rien. Bref, je ne vais pas vous ennuyer avec toutes les choses assez futiles de la vie. Je peux rajouter que j’ai appris à forger dès mon plus jeune âge, que ça fait un peu partie de moi, le souffle chaud de la forge, le rythme régulier du marteau sur le métal, ce genre de choses.

Vous me demandez de parler de moi, mais j’imagine que vous faites allusion aussi à mon sang ? Les Bjornaer. Comme vous, je ne suis pas du tout au fait de notre arbre généalogique et encore une fois, comme vous je pense, je n’ai pas vraiment l’envie de me plonger dedans. Tout ce que je sais, c’est que je n’en veux pas à toutes les branches de notre arbre, seulement a celles qui ont pourries et ont considéré que me laisser sur un rivage gelé était la meilleure des solutions. Quoi que, maintenant que j’y réfléchis, c’était peut-être le meilleur cadeau qu’ils m’ont pu faire, au moins grâce à ça, j’ai acquis une certaine ouverture d’esprit. Peut-être aussi que c’est grâce à eux si l’écaille en est venue à me choisir. Seul Poséidon le sait. »

Dardanos n’était pas Patriarche pour rien, si sa question était aussi ouverte, c’est qu’il voulait me jauger, apprendre à me connaître pour voir si je fais partie des simples soldats à l’extérieur ou si j’ai davantage en stock. Je n’allais pas non plus lui tirer toute mon histoire, elle n’avait guère d’importance à mes yeux pour cette situation.
C’était surprenant qu’on ait le même âge et pourtant, j’avais cette désagréable impression qu’un monde entier nous séparait. Son statut devait le plonger dans des affaires et des intrigues tous les jours, un peu comme un bateau avec une cargaison importante qui navigue en pleine tempête.
En revanche, il avait fait mouche sur le fait que j’ai des milliers de questions dans ma tête, j’espère juste qu’il sera assez patient pour en répondre au moins à la moitié.

« J’imagine que c’est à mon tour pour les questions. Vous comprenez que je n’ai pas eu une éducation complète sur les écailles et leurs fonctions, ainsi, quelles sont mes obligations en tant que Général du Kraken à part la protection du pilier et de la zone qui en dépend ? »

Lui demander de me parler de lui aussi ? À quoi bon à part faire une réédite et tourner en rond. Poséidon et l’écaille m’ont choisi, je devais donc au moins savoir à quoi m’attendre. Une fois que je serais au fait de mes fonctions, je pourrais poser des questions sur des sujets peut être plus sensible. Le Kraken lors de l’épreuve m’a bien avertis sur le fait que la cité traverse une crise.

Un sourire appréciateur de se dessiner sur mon visage quand il met de côté l’arbre généalogique. Bien. Une bonne chose. Il y a beaucoup trop de gens dans cette cité qui sont centrés sur le sang et sur eux même. Sur leur propre ambition. Enfin, nous n’en sommes pas encore là, mais au moins, il semblerait qu’il n’ait pas ce trait désagréable qu’on retrouve chez trop d’Atlantes. Peut-être me sera-t-il utile finalement. En plus de venir renforcer les forces de la famille, avec lui, voilà que nous pesons un peu plus dans l’échiquier du chaos.

« - La surface a ses propres merveilles que même Atlantis ne peut égaler. »

Voilà ma seule réponse à son monologue. Mais mon visage parle pour moi. Ce sourire que je lui renvois. Oui, j’aurais pu plus mal tomber. Après, s’il cherche la vengeance et qu’il désire couper quelques branches pourris de cet arbre qu’est notre famille, grand bien lui en face. J’espère juste qu’il me donnera le luxe d’attendre que les choses se calment. Mais ses parents sont des idiots. Il ne faut pas avoir vécu la souffrance de la perte d’un enfant pour agir aussi inconsidérément, être aveuglé par son propre prestige et le nez dans son propre cul jusqu’à le faire ressortir. Et à force de respirer la merde, on en devient. C’est plus sa question qui m’intrigue et m’intéresse. Ce qu’il va demander en premier. Et il a l’avantage pour lui d’être assez pragmatique.

« - Cela dépend du Légat. Les ordres du précédent ont confié au général de l’Arctique avait à charge la sécurité intérieure. Autant dire qu’avec le bordel ambiant il y a du boulot. Pour le reste, il est aussi chargé de protéger les Abysses. Les ténèbres des fonds marins, pour te faire la version courte. Mais c'est l'un des plus grands secrets de la cité. Tu en apprendras plus plus tard, en temps voulu. Donc voilà globalement ce à quoi ressemblera ton travail en temps normal. »

Dis-je en ouvrant les bras pour désigner le bureau. Je vais pouvoir me dégager du temps pour faire des choses plus utiles. Oui, ta venue est une bonne chose pour moi, pour nous.

« - Qu’est-ce que tu penses de la politique de la cité sur les vulgaires ? Et que sais-tu de la situation actuel ? Ça fait deux questions, alors, n’hésite pas à en poser deux aussi. »

Et cracher ce mot me fait mal. Il n’y a plus vulgaire que celui qui s’enduit de sa propre importance vide et inexistante. Je ne le cache pas vraiment, que je n’aime pas ce terme. Pas face à lui en tout cas. Et voyons s’il le relève ou non.

J’avais l’impression qu’on se comprenait un peu lui et moi. Il avait parlé des merveilles de la surface comme si cela lui manquait un peu également. Oui, ces merveilles. Cela me fait remonter quelques souvenirs de ma traversée de l’océan Arctique. Ces différentes personnes, toutes plus intéressantes les unes que les autres.
J’espérais pouvoir un jour revoir ces géniteurs et leur montrer leurs erreurs, qu’au final, il ne faut jamais se fier aux apparences.
Le sourire de Dardanos me renvois néanmoins qu’il a l’air soulagé de me voir en quelque sorte. Peut-être est-il juste heureux de voir l’écaille tomber en de bonne-mains ou alors il peut également nourrir un autre espoir, un autre projet. Pour l’heure, je ne saurais pas le dire.

Lorsque mon interlocuteur m’apprit mes fonctions, je reconnais que ma curiosité a été piquée au vif lorsqu’il a mentionné ces fameuses Abysses. Qui ne serait pas intrigué par une chose présentée de la sorte ? Un secret gardé de toute la cité, des informations que je ne pourrais avoir que plus tard, les Ténèbres, avec majuscule, des fonds marins. N’importe qui voudrait en savoir d’avantage, mais pour le moment, il fallait mettre cette curiosité dans un coin de l’esprit.
La paperasse en revanche faisait d’un coup moins envie avec toutes ces tablettes de cire présentent sur son bureau, mais il fallait aussi passer là. La sécurité d’une cité, ou d’un quartier, ne se faisait pas toute seule malheureusement.
Cette fois, son sourire disait complètement autre chose en plus du soulagement de se dégager enfin de ce poids.
Pour l’heure, je me concentrais sur ses nouvelles questions, qui révélaient un peu plus son jeu. Cette fois, on était sur quelque chose d’un peu plus pointilleux, surtout en cette période de crise dont j’ai eu vent par quelques bribes de mots ici et là. C’est surtout le terme qu’il employa, vulgaire, qui me donna presque l’impression de le recevoir sur le visage, tellement il l’avait lâché avec haine et dégoût. Pas de ceux qu’on qualifiait ainsi, mais de l’existence même de ce mot.

« Les vulgaires ? Déjà, comme vous, je n’aime pas vraiment ce mot. Cela donne l’impression qu’on réduit des êtres vivants à des bêtes qui pataugent dans leurs fanges. De plus, honnêtement, comment voulez-vous que je sois contre les êtres de la surface, sachant que ce sont eux qui m’ont recueilli, nourris et éduquer. Qui est le plus vulgaire à votre avis entre ceux qui vivent à la surface et ceux qui m’ont banni de cette cité ?
Malheureusement, le sang a toujours une importance pour cette cité j’ai l’impression. J’ai conscience que vous êtes un homme de pouvoir et que mes mots pourraient me valoir une belle peine. Pourtant, ne pensez-vous pas, comme vous l’avez dit vous-même, que les merveilles de la surface méritent que l’on s’y attarde ? Atlantis est belle, puissante, pourtant toute cité est vouée à l’échec si elle ne se repose que sur ses acquis, car il viendra un moment où elle se mettra à stagner, ne sachant plus quelle voie prendre. Tout cela, uniquement car elle se refuse à voir ce que les voisins font et s’en inspirer pour continuer à embellir leurs cités. »

Mes mots avaient afflué sans que je m’en rende compte. Je m’étais sûrement un peu trop ouvert et avait probablement un avis très tranché sur le sujet. Pourtant, n’étais-je pas moi-même une alliance de ces deux pensées ? Cela ne m’avait aucunement desservi, au contraire.
Je me raclai rapidement la gorge et répondis à la seconde question.

« Pour la situation actuelle, je n’ai entendu que des bribes, des phrases ici et là, comme quoi l’ancien légat est mort, que le nouveau Primus Senator, vient avec de nouvelles idées, qu’il a d’ailleurs révéler de grandes choses au jour pour affirmer son nouveau statut. J’ai ouï dire la formation d’un nouveau Conseil pour faire des réforme, composé de quelques patriarches et de nobles. Malheureusement, c’est tout, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de tout apprendre encore. »

C’étaient de lourdes questions qu’il m’avait adressées. Il ne faisait pas cela sans réfléchir, surtout au vu d’une première entrevue. Il me jauge, m’analyse, voir mes motivations, mes craintes, mes envies.
Alors s’il voulait tant savoir sur moi, c’était à mon tour de lui adresser une question.

« Cela vous va si je troque deux questions, contre une importante ? J’ai l’impression que vous attendez quelque chose de moi. Que vous m’analysez. Voici ma question : Qu’attendez-vous de moi ? Que voulez-vous ? »

Finalement, ça faisait bien deux questions, très importantes également. Il fallait maintenant voir s’il comptait me révéler davantage de cartes ou tout simplement me cacher sa main et continuer sur des choses superficielles, voir pire, me congédier.

Le terme consacré est déplaisant. Je suis content de voir que tu gardes de ta vie à la surface des bons souvenirs et que tu ramènes avec toi cet esprit d’ouverture qui est si nécessaire à cette cité engloutie. À force de trop tourner sur elle-même, elle a fini par en devenir folle. Quelle différence, après tout, entre ces vulgaires et nous ? Si ce n’est l’ego et l’orgueil d’une supposée meilleure naissance ? Mais le sang restera la fondation d’Atlantis, à ceux qui l’ont bleu de faire en sorte que la barque navigue dans la meilleure des directions. Pour tous et pas seulement pour leurs propres intérêts. Mais c’est une tâche difficile, et je me sens bien seul dans cette mission. Certains cherchent le bien de la cité, d’autres leurs intérêts et certains sont… insaisissable. Ce conseil traduit parfaitement cette ville, au final.

« - C’est le bordel, actuellement, pour faire simple. Ahran représente une forme d’espoir, il n’y a que les cons pour croire qu’il fait ce qu’il fait pour son intérêt propre. Il agit pour la cité, du moins, pour ce qu’il croit être juste. C’est pour ça que je l’ai suivi. »

Et pour faire avancer mon propre agenda, mais nous n’en sommes pas encore là, petit. Le temps viendra où peut être, tu seras le bras armée de mes secrets et où tu m’aideras, mais j’ai besoin de savoir si je peux te faire confiance. Tu ressembles un peu trop à un fils prodigue pour que tout cela soit parfaitement honnête. Pas avec la menace des Muiens dans l’ombre.

« - J’attends de voir qui tu es, avant tout. De savoir la place que tu vas prendre dans ce jeu politique, mais surtout et avant tout de vie et de mort. Tous, à notre façon, nous prenons des risques. Alors… je vais te tester. Je vais te demander d’enquêter sur la disparition de ton prédécesseur. Un travail que j’ai déjà commencé mais j’ai besoin de ton regard neuf, ainsi, je ne vais pas le polluer. Voilà tout ce que je peux te dire : il a disparu à peu près en même temps que l’ancien Légat, Orpheus. Et cet homme était son ombre, un suivant parfaitement dévoué. Et… vu que tu portes son écaille et bien je doute qu’il se soit simplement retiré pour défendre les intérêts de son ancien légat. »

Reste à savoir ce qui s’est passé exactement…

Dardanos, un bien étrange personnage. Il semblait mener sa propre barque au milieu de cette tempête qui s’annonce sur la cité et il avait l’air de très bien naviguer. Il avait vraiment l’air de croire en ce nouveau Primus Senator. Je ne pouvais pas encore avoir d’avis sur le sujet, il était bien trop tôt, c’était trop prématuré. La seule chose qui était certaine, c’est que si la cité était bien emmêlée dans une situation politique comme il me la décrivait, alors je pouvais représenter un atout de taille à quiconque pourrait me rallier en premier. Je ne devais pas me laisser manipuler.

« Me tester ? Je comprends, je viens seulement d’arriver et je représente peut-être ce que certains ont cherché. Un nouveau Bjornear portant le Kraken. À votre place, je nourrirais des doutes à mon égard. Une situation complexe dans la cité et comme par magie, un œil neuf qui arrive. C’est trop parfait n’est-ce pas ? »

N'importe qui voudrait d’abord voir de quel bois est fait la personne en face de lui avant de lui confier des informations importantes. Dardanos et moi partagions peut-être plus que du sang, nos caractères avaient l’air de se ressembler, du moins sur le point stratégique et analyse, j’ai comme un doute sur le fait de passer une bonne soirée arrosée avec lui. Bref, l’heure n’était pas aux digressions.
Enquêter sur mon prédécesseur était une bonne idée dans un sens, je ne savais pas ce que Dardanos voulait en tirer, mais pour moi ça me permettrait de peut-être découvrir quelques secrets liés à lui ou la cité.

« L’ancien porteur. Je me rappel avoir lu quelque chose à son sujet. Deukalyion, c’est bien ça ? C’est vrai que disparaître ainsi est pour le moins suspect. Vous n’avez pas au moins une piste à me donner pour démarrer mon enquête ? Sinon cela risque d’être compliqué vu la situation actuelle de courir partout en cherchant quelque chose dont je ne connais rien. »

Dardanos donnait l’impression, derrière ses yeux durs, que quelque chose d’autre le préoccupait, mais comme il m’a si bien dit, il a des secrets. Peut-être, il les partagera avec moi un jour. Tout ce que je souhaite, c’est que cet homme en face de moi, soit suffisamment digne de confiance.
La cité est devenue un beau nid de serpent, les ficelles de la politique se tendent entre chaque pilier, entre chaque membre du Sénat.

Un sourire amusé de s’étirer sur mon visage. Oui, il semble comprendre où il met les pieds. Il est difficile de faire la transition. J’ai eu du mal à m’adapter, après être parti si longtemps. Après avoir découvert un monde ouvert, qui est autre chose que tourner simplement vers son nombril, il est difficile de revenir à ce monde d’intrigue et tourné plus vers lui-même. Comme s’il était tout ce qui comptait et que le reste était négligeable. Pourtant, surfacien et sous-marin font tous parti du cycle non ?

« - Il y a beaucoup de choses trop parfaites en ce moment, alors oui, en effet, je doute sur l’homme que tu es et j’ai besoin de t’éprouver. J’ai tendance à croire que les actions parlent plus que les mots et qu’on doit gagner sa place plutôt que l’avoir par le sang. »

De nouveau, je le laisse parler, poser ses questions. Mais ce qui m’intéresse le plus, c’est son regard neuf, objectif et libre de ces biais qui nous habitent tous, quand on passe du temps dans cet endroit, quand on connaît les gens dont il est question. Il est important pour moi de savoir qui tu es, Noah, si tu es un pion ou justement, si nous pourrons avancer ensemble.

« - C’est ce qui m’intéresse, justement, que tu n’y connaisses rien. De voir ton regard neuf sur le sujet. Le sujet est épineux. Je peux te dire qu’il semble avoir disparu ici, dans notre propre fief. À toi de voir comment tu veux commencer ton enquête et par quoi. »

Un soupir.

Dardanos me fit afficher un léger sourire sur mon visage. Il était des plus intéressants. Un homme qui prévalait des choses que la cité considérait comme superflu. Un homme qui voyait au-delà de ce qu’Atlantis et son rôle de membre du Conseil voulaient lui imposer. Finalement, on est bien de la même famille lui et moi, comme si une version du passé et du futur se rencontraient.
Naturellement, il confirma que des soupçons était plus que probable à mon égard. S’il voulait me tester, parfait, faisons-le, il en ressortirait peut-être une excellente relation de confiance de tout ça.
En revanche, je ne m’attendais pas à ce qu’il ne me donne quasiment rien en informations pour démarrer mon enquête. J’imagine que je vais devoir commencer à éplucher des dossiers ici et là pour trouver un peu d’informations.

« Hmmm disparu ici hein ? J’imagine que ça doit être suffisamment récent pour que déjà une enquête de votre part soit en cours, mais aussi pour que la stèle qui repose au cœur du pilier ne porte pas son nom. À moins que vous nourrissiez des soupçons à son égard ? Ce serait pour ça que vous désirez mon regard neuf, voir si un porteur aurait trahi la cité ? Ainsi, il ne mériterait pas de figurer sur cette plaque ?
Deukalyion, je pense, je vais commencer au minimum à éplucher les archives sur lui. Même si c'est des informations officielles, elles pourront me donner un point de départ sur quoi chercher. Peut-être une coquille glissée ici ou là. »

Pendant que mon cerveau commençait à travailler sur cette tâche, une autre partie restait en traitement sur une chose curieuse et étrange de la part de Dardanos, ce qu’il me demande ne sera pas gratuit, voyons quel prix il est prêt à payer.

« Je veux bien apporter mon regard neuf sur la situation, ainsi faire mes preuves. Cependant, j’espère aussi avoir en retour des informations intéressantes. Comme sur l’Abyss dont vous avez très habilement détourné le sujet. Je comprends que ce soit un secret sensible de la cité vu comment vous en avez parlé, mais si cela relève aussi de ma fonction, j’espère avoir des détails dessus au fur et à mesure de mes avancées. Si nous voulons construire une relation stable et de confiance, autant commencer par un échange équitable, vous ne pensez pas ? »

Mon sourire en coin se fit un peu plus présent, ainsi qu’un regard amusé. Dardanos n’était pas idiot, je pouvais essayer de commencer à gratter des informations ici ou là, surtout pour des secrets qui concernent ma fonction directe.

Je l’écoutai en silence faire faire ces premières demandes sur cette affaire de disparition. Voilà donc vers quoi son esprit se tourne. Logique, rien à redire à ce qu’il demande. Je pourrais lui donner déjà tout ce que je sais, mais ça n’aurait pas d’intérêt. Il sait pourquoi, j’en suis sûr. Pourquoi il est nécessaire qu’il prouve sa valeur aux siens. A défaut de mérité par le sang, on s’éleve par ce qu’on fait. C’est à mon tour de sourire, pour lui répondre.

« - Des soupçons ? Oui. J’en ai pour tout le monde. C’est tristement comme ça que fonctione cette cité et ce Séant. Il est difficile de pouvoir vraiment faire confiance. Pour le reste, je veux surtout voir si tu mérites cette écaille ou si c’est le lien de sang qui l’a mené à toi. »

Je le fixe alors silencieux, le sourire sur mon visage, réponse au sien, s’efface alors rapidement et je reprends l’air dur que j’affiche souvent dans ces moments-là.

« - Deukalyion était un fanatique de l’ancien Légat. Traitre ou pas ? Les choses sont plus compliquées maintenant. Pour beaucoup, Ahran est un traître, un dissident, et le conseil avec lui. Mais la réalité est plus grise que ça. Certes, c’est un arriviste, nous le sommes un peu tous. Mais à sa propre façon, il cherche à améliorer la cité et selon lui, ceux qui ont dirigé jusqu’alors n’ont pas aidé. Tous les soutiens de la famille Mérinita s’oppose à perdre le pouvoir. Pour le reste, il a juste disparu. Dans sa propre zone, sous notre propre nez. On doit savoir pourquoi. Alors je doute que tu trouves quoi que ce soit dans les archives et il te faudrait trop de temps pour t’y consacrer. Un temps que tu n’as pas.»

Je me tais ensuite, laissant le silence s’imposer encore une fois, avant de le briser de nouveau :

« - Et bien, si d’aventure je dois être celui qui te parlera de ça, je partagerais ce que je sais avec toi. Qui sait, un nouveau Légat pourrait décider de voir ces secrets déplacés ailleurs que sous notre bannière et moins tu en sais, mieux ça sera pour toi, crois moi. Mais oui, montre moi ta valeur et nous pourrons avancer ensemble. »

Je le fixe cette fois, avant de finir ma phrase :

« - Afin que plus jamais aucun connard n’envoie leurs enfants en enfer sous des prétextes cruelles. »

Et seulement ceux qui n’ont pas connu la perte d’un enfant pourraient prendre ce genre de décisions stupide. Je donnerais cent fois ma vie pour ramener le mien.

Dardanos n’était pas un mauvais bougre. Il exposait les faits et ses pensées avec aisance, montrant qu’il se fichait royalement de ce qu’on pouvait penser de lui. Il avait ses objectifs, ses peines et ses remords, comme tous êtres humains.
Je l’écoutais parler, me donner de plus amples informations et même me rediriger. Une bonne relation était en marche entre les deux.

« Merci pour tout ces détails et cet entretien. Je pense qu’on a fait le tour de ce que l’un ou l’autre, nous désirions savoir. Vous m’avez confié une tâche que je trouve des plus intéressantes. Je me demande aussi ce qui a pu arriver à l’ancien porteur de l’écaille. Si cela peut vous prouver par mes actes que je ne suis pas né de l’ombre et que ma présence relève du plus total hasard, ainsi soit-il.
Cette cité à besoin de personnes qui veulent la redresser et non en tirer leur propre profit. »

Je m’amusais aussi de sa remarque sur le fait qu’il ne désirait plus de personnes comme mes géniteurs. Cela l’impact énormément, mais ce qui se passe dans son cœur ne me regarde aucunement.

« Vous savez, je pense que notre relation pourrait encore grandir et se développer au fil du temps. Nous ne sommes pas idiots et j’ai l’impression que nous avons des visions en commun. Si l’un comme l’autre, on arrive à se prouver que nous sommes dignes de confiance, nous pourrons faire de grandes choses ensemble, j’ai l’impression. Je veillerais à trouver des informations sur Deukalyion, ainsi que ce genre d’événements qui ont donné lieu à mon passé d’exister, ne se reproduise plus à l’avenir. Nous avons assez de problèmes comme ça pour que des personnes abusées de leurs propres sangs se permettent ce genre de choix. »

Une relation débutait dans cette pièce, qui sait ce qu’elle donnerait dans le futur ? J’avais hâte de le découvrir, comme de découvrir ce que recèle cette cité qui de primes abords, ne donne pas du tout envie.

« Je ne sais pas si vous vous en souvenez. En revanche, à la surface, il existe une méthode bien connue pour sceller un accord entre deux personnes. Une méthode qui permet de les lier et confirmer qu’ils se sont entendus. Au lieu des protocoles et des saluts interminables, que diriez-vous de sceller notre conversation de la même manière ? Comme des êtres humains ? »

À ce moment, je lui tendis ma main pour qu’il la serre à son tour, scellant ainsi notre accord. Je ne savais pas ce qui m’attendais dans le futur, mais peut-être qu’un allié se trouvait en face de moi, du moins je l’espérais.

Citation :

Que tu accepte de serrer la main ou non, tu peux dire que Noah s'éclipse ensuite Merci pour le Rp !

Un signe de tête en réponse à ses remerciements. Je ne pense pas que tu me remercieras dans le fond, petit, mais on verra. Les loups, peut-être, ne te mangeront pas. J’aimerais bien qu’il ne te mange pas.

« - Il y en a plus qu’on ne le croit, dans cette veine. Y compris au sein du conseil. Ahran en fait parti, même si je suis loin d’être d’accord avec lui sur tout. Je ne l’ai pas suivi pour rien. »

Il te faudra rapidement apprendre, Noah, que le gris est la couleur qui prédomine cette assemblée de sang noble. Personne n’est jamais simplement malfaisant. Tous, ont leur propre raison d’agir, de s’impliquer, de vouloir le pouvoir ou simplement le changement. Il serait tellement plus simple, de devoir poser des étiquettes sur les gens et décidé, certains le font. Mais ce sont des cons, du genre qui envoient leur propre enfant faire face à désert de glace, non ? Puis, un sourire amusé de se dessiner sur mon visage, une esquisse de rire étouffé, même, de sortir de mes lèvres.

« - Je me souviens oui. »

Alors, à ces mots, de me lever et de prendre sa main dans la mienne pour la serrer et qu’ainsi, l’accord que nous venons de passer ici soit entériné à la manière des surfaciens, loin du sang mêlée étouffée par lui-même qui engonce cette cité glorieuse dans sa propre crasse. Pour la première fois, depuis longtemps, je crois que nous avons enfin un avenir. Mais il ne faut pas se relâcher pour autant, c’est dans ce genre de moment qu’il faut, justement, que nous soyons plus prudent que jamais…

« - Bon courage, Noah. Nous nous reverrons bientôt. »