[Event marina - Mai 553] Le choix du dragon des mers

Le quartier de l'Indien était calme. Trop calme, auraient pu dire certaines langues avides de suspense. Mais en vérité, un son lointain laissait supposer que ce n'était pas le cas partout. Des clameurs, des cris pouvaient être entendu dans la direction du Pilier gardé par Chrysaor. En s'approchant, le curieux ou l'inquisiteur pouvait découvrir une petite foule rassemblée sur la place devant l'entrée de la garnison du de l'Indien. Les paroles d'incitation au peuple avaient trouvé écho, même ici dans le fief du Primus Sénateur.

Plusieurs groupes de civils s'étaient armés comme ils le pouvaient avec leurs propres armes ou des ustensiles pouvant faire office de substitution. Bien peu possédaient des armures dignes de ce nom, et user du terme de milice pour les désigner aurait été une exagération. Mais au moins avaient-ils la passion et la détermination pour repayer les dettes que beaucoup avaient envers les Généraux de Poséidon.
Les gardes laissés en arrière par Arhan pour défendre les lieux étaient bien insuffisants pour correctement contenir un tel groupe. Une demi-douzaine à peine tentait tant bien que mal d'empêcher les civils d'entrer dans la zone sécurisée du Pilier en les repoussant de leurs lances. Pour l'instant, la situation était sous contrôle, et aucun affrontement n'avait éclaté. Mais l'insistance des civils à entrer pour défendre les lieux, et l'obstination des soldats à obéir à leurs ordres risquait à tout moment de créer un cocktail explosif.

Un nouveau groupe de gardes aux couleurs de la famille Sefirot arrivèrent en renfort d'une rue adjacente pour venir prêter main forte à leurs collègues et commencer à disperser les civils. Ces hommes avaient de toute évidence été envoyés depuis le domaine de la famille d'Astéria et Arhan, tout proche du Pilier dont leur famille avait eu la charge pendant des générations. Surement les lieux étaient-ils plus vides encore que le Pilier. Une occasion en or de s'y introduire. Mais si les choses dégénéraient au Pilier... Le Dragon des Mers ne serait peut-être plus là pour y remédier.
Il était des professions où aucun choix n'était jamais facile. Général de Poséidon était indéniablement de celles-ci.

L'intervention du Général du Dragon des mers avait calmé les choses. Les civils avaient reculé de plusieurs pas pour laisser place à Endymion, et les gardes hésitaient. Cela faisait un moment maintenant qu'ils essayaient de repousser les Atlantes en face d'eux sans les blesser, et la parole d'un Général pourrait permettre de ramener le calme... Mais un ordre contraire vint de derrière leurs rangs.

« Gardez vos position! »

Un homme sortit de la garnison du Pilier. Il avait jusqu'ici géré la situation depuis l'intérieur, mais l'arrivée du Dragon des Mers avait changé la donne. Il s'agissait à en croire les insignes qu'il portait d'un capitaine de la garde, et d'un membre d'une famille vassale des Sefirot. De longs cheveux sombres, une barbe bien taillée et une peau brune avec un tatouage lunaire sur le front... Il était clairement d'origine indienne. Le Capitaine portait deux carquois garnis de flèches dans le dos, ainsi qu'un arc long ouvragé qui semblait fait d'orichalque. Il s'avança jusqu'à dépasser ses gardes, et faires face à Endymion. L'inquiétude se lisait dans ses yeux noirs, mais également l'indignation.

« Vous... Que faites-vous ici, Général Endymion? Ne devriez-vous pas être en train de défendre votre Pilier? Et ce discours... Vous nous demandez de ne pas affronter nos frères et sœurs, mais vous nous menacez?! »

Le comportement du Général était pour le moins contradictoire, et le Capitaine n'avait pas manqué de le relever. La confusion et l'hésitation des gardes derrière lui commençait à se dissiper, et certains poitaient à nouveau leurs armes vers Endymion et la populace. Le vassal Sefirot cependant leva une main et leur adressa in regard pour qu'ils se mettent au repos. La violence ne serait pas la première réponse qu'il emploierait pour résoudre ce problème. Reportant son attention sur le pirate, il continua.

« Le Primus Sénateur nous a confié l'honneur de protéger ce Pilier pendant que lui et le reste des troupes vont au Pilier Central. Ces gens mettent leurs vies et notre mission en péril en restant ici! Nous ne pouvons ignorer nos ordres en les laissant passer, et il en va de même pour vous! Retrouvez la raison, et aidez-nous plutôt à les disperser! »

Une alternative sensée, mais qui allait davantage dans le sens des suivants du Primus Sénateur que dans celle du Général. Mais ce Capitaine ne semblait pas à être du bois à plier facilement sous la pression. Alors que les deux hommes se faisaient face, deux questions se posaient donc. Lequel allait plier? Ou faudrait-il plutôt que l'un d'eux se brise?

Capitaine de la Garde de l'Indien:

La pupille du capitaine tiqua alors qu'il écoutait le général, et son visage se durcit peu à peu. De toute évidence, il n'appréciait pas d'être pris à la fois pour un imbécile et pour un sourd. Dès qu'Endymion lui en laissa l'occasion, il tenta de lui faire comprendre, sans complètement parvenir à masquer l'énervement dans sa voix.

« Sauf votre respect Général... Vous devriez mieux choisir vos mots, plutôt que de vous soucier de mon audition. Une menace voilée reste une menace... »

Le reste du plaidoyer du Dragon des mers fut écouté avec politesse, mais également avec réserves. Les bras croisé, le vassal Sephirot ne sembla à aucun moment touché par les arguments de son interlocuteur. Il comprenait bien que ce dernier cherchait l'apaisement... Mais rien dans ses paroles ne provoquait sa surprise ou sa confusion. Comme si ce que lui racontait le Général lui était déjà connu...
Lorsqu'Endymion évoqua finalement les ordres en insistant sur le fait qu'Arhan n'avait surement pas spécifiquement interdit à ses hommes d'empêcher un Général d'entrer au Pilier, l'homme sourit.

« Au contraire. Le Primus Sénateur a donné des instructions claires sur ce que nous devions faire, si un Général se présentait à nous sans avoir suivi sa recommandation de rester à la garde de son Pilier. »

Portant ses doigts à sa bouche, le capitaine siffla deux fois à courte reprise, puis un troisième sifflement plus long que les précédents. Au fenêtres de la garnison et sur son toit, plusieurs archers apparurent, flèches encochées sur leurs arcs. Ils ne les pointèrent pas ni sur le Général, ni sur la foule, mais leur présence fut notée par les civils, qui commencèrent à s'affoler. Le capitaine reprit.

« Vous parlez beaucoup, et bien. Mais vous parlez comme un politicien, pas comme un soldat. Notre honneur nous est aussi précieux que notre vie. Et notre devoir est de protéger ce Pilier jusqu'à ce que le Primus Sénateur revienne. Qu'il s'agisse de nos propres citoyens, des Muiens, d'un Général, de fantômes, ou que sais-je encore... Nous garderons notre poste, et répondrons à ces menaces par des moyens appropriés. »

Le dévouement pouvait être une chose aussi belle que terrible. Capable de faire du plus faible soldat un indéfectible gardien... Mais également un fanatique au-delà de tout espoir de rédemption.
Mais était-ce vraiment juste cela? Juste l'expression de son sens du devoir? Quelque chose pouvait peut-être encore déranger le Dragon des Mers. L'assurance avec laquelle cet homme lui faisait face et s'opposait à lui, alors même qu'il n'était pas Éveillé, était déconcertante. L'explication vint assez vite, lorsque le capitaine sorti d'une sacoche à sa ceinture un pieu de cristal à la teinte du rubis. Il se dégageait de cet objet une énergie étrange, puissante, vivante.
Avant d'en faire quoi que ce soit, l'homme tenta une dernière supplique.

« Ne nous obligez pas à en arriver là... »

Face à la ruine imminente d'Atlantis, le Dragon des mers avait fait un pari drastique : celui de lancer sa plus puissante arcane sur le Pilier de l'Indien. Dirigé directement sur la rune étrange apparue à plusieurs dizaines de mètres de hauteurs, le trou noir miniature percuta la source du rayon d'énergie qui partait vers le Pilier central. Le flot d'Onde devint instable, puis se brisa. L'attaque d'Endymion sembla absorber une partie de l'aura qui entourait le pilier, avant de détoner dans une explosion assourdissante qui souffla sur tout le quartier.
Quand les fumées de dissipèrent, le Général put observer les alentours, et découvrir qu'il était partiellement parvenu à son but : la rune avait été brisée, mais l'énergie qui possédait le Pilier était toujours présente. Lentement, elle semblait combler le vide créé par l'attaque du Dragon des mers. Tout laissait à penser que, sous peu, la rune allait réapparaitre. Il avait au moins gagné un peu de temps!

« Général! Venez vite! Nous avons besoin de votre aide! »

Dans l'entrée de la garnison de l'Indien, un garde venait d'apparaitre, essoufflé. Il faisait signe à Endymion pour attirer son attentions. En faisant jouer sa mémoire, le pirate pourrait peut-être reconnaitre l'un de ceux qui avait déposé les armes lors de son affrontement contre Asvatt. Il ne semblait pas lui vouloir de mal, et surtout une réelle panique déformait ses traits n'aurait pu que très difficilement être feinte.
Sans perdre de temps, il invita le Général à le suivre. En courant, il le fit passer par un couloir avant de lui désigner les escaliers. Alors qu'ils montaient les étages, il lui expliqua le souffle court ce qu'il se passait.

« Nous avons essayé d'arrêter ce que faisaient les hommes du Seigneur Asvatt... Mais ils ont un otage avec eux! Un enfant! »

Quelques instants plus tard, ils débouchaient sur le toit de la garnison. Là, Endymion eut droit à une vision familière : un Pylone identique à celui qu'Etrius Tremere avait érigé dans son propre domaine. Cette fois cependant, l'artefact était actif. L'obélisque d'obsidienne était devenue rouge comme le sang, et des runes semblables à celle qui était apparue sur le Pilier de l'Indien le parcourait.
Aux pieds de l'engin qui émettait cette aura corruptrice, deux groupes de gardes se faisaient face. Une douzaine d'entre eux, qui formaient un arc de cercle, pointaient leurs armes vers le Pylone. Un second groupe de quatre était retranché aux pieds de l'artefact, leur en interdisant l'accès. L'un d'eux enfermait dans son bras un jeune garçon à la tunique déchirée. Il ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans. Ses cheveux bruns en désordre étaient maculés de boue. Il n'essayait pas de se débattre, mais les larmes coulaient abondamment de ses yeux. Ses sanglots étaient à peine audibles : une dague était pressée contre sa gorge, assez pour faire couler un filet de sang vers sa tunique, et lui faire passer toute envie de crier.
Le garde qui tenait l'otage avisa de l'arrivée du Général avec le garde, et cria vers eux un avertissement.

« Vous tous! Chiens atlantes! Reculez et acceptez votre destin, ou le sang de ce gamin abreuvera le sol! »

La menace était sans appel. La moindre tentative de s'en prendre à aux où à ce qu'ils protégeaient se solderait par la mise à mort expéditive de cet enfant. Dans la balance des intérêts, une seule vie pour sauver toute Atlantis représentait surement bien peu de choses. Mais jusqu'où Endymion serait-il prêt à aller pour cette cité? Verrait-il une autre issue que celle de la froide logique?

Spoiler:

La tension était à son comble alors que les soldats Atlantes regardaient les traitres. Les mêmes pensées traversaient leurs têtes, comme celles du Général. Sauver l'enfant, alors que le sort de la cité toute entière en dépendait? Mais aucun n'avait eu le courage de prendre cette décision. Ce fut Endymion, par sa force et son ingéniosité, qui parvint à renverser la situation.

« Ah... AAAAARGH! MES MAINS!! »

Le cri de douleur du traitre qui tenait l'otage déchira l'air. Ses bras tremblant, il laissa tomber lame et gamin. Quelque chose d'invisible aux yeux de tous était en train de l'assaillir. Les apparitions fantomatiques surgirent alors à l'ordre du Dragon des mers, semblant frapper au cœur de la formation ennemie alors qu'en réalité ils emportaient le petit garçon. Les gardes atlantes aux côtés d'Endymion saisirent l'occasion et se ruèrent vers les traitres dans un cri groupé, et alors qu'un combat à l'avantage de ses alliés s'engageait, le pirate projeta son étoile droit sur le Pylone érigé par les effort du Tremere. L'arcane percuta l'obsidienne écarlate avec violence, la fissurant progressivement pour finalement la briser en deux.

Les silence retomba peu à peu. L'aura sanguine qui entourait le Pilier de l'Indien était encore visible, mais commençait à se résorber. La rune sur la surface de pierre de l'édifice disparaissait peu à peu. Le sang des traitres se répandait désormais sur le sol... Et aux côtés d'Endymion, une petite voix s'exprima.

« Merchi Monchieur Endymon! Vous êtes trop fort! »

Le petit bambin avait été déposé aux côtés du Général par les fantômes convoqués par le Général. De sa petite taille, il le regardait la tête levée et les yeux grands ouverts, de soulagement, de gratitude. Il avait fait de son mieux pour essuyer ses larmes, mais les traces subsistaient, comme la coupure au niveau de son cou.

Le moment aurait dû être heureux. Et il le fut. Pour un bref instant.
Puis le tonnerre gronda et l'air vibra. Au Main Blade Winner, un Pilier de lumière venait de partir du vortex projeté par les autres Piliers corrompus pour partir vers la voute océanique... Ou un visage humain aux proportions gargantuesques venait de se former. Et sa parole de résonner aux quatre coins d'Atlantis.

« Poséidon! Peuple d'Atlantis! L'océan au-dessus de vos têtes est désormais sous notre contrôle. Nous, Okheanos des Courants, vous laisserons une seule chance. Déposez les armes... Ou les flots vous emporterons, et vous serez à jamais effacés de l'histoire de ce monde! »

Endymion sentit une pression à sa jambe. Le jeune garçon venait de s'agripper aux jambières de sa Scale pour se mettre à l'abri de la ruine qui les guettait tous. A quelques mètres, l'un des gardes venait de tomber genoux à terre. Après la brève lueur d'espoir de leur victoire, cette terrible menace avait été trop lourde à porter. Un autre lâcha son arme, qui tomba dans un tintement métallique au sol. Le jeune soldat qui était allé chercher le Dragon des Mers se tourna vers lui. A nouveau, il espérait que le Général pour retourné cette situation qui semblait désespérée.

« G-Général... Que devons-nous faire? »

La peur n'était que trop difficilement masquée dans le ton du garde. On pouvait lire dans ses yeux que son esprit peinait à appréhender tout ce qui était en train de se passer. La fin n'allait peut-être pas tardé à venir. Les options d'Endymion et de la cité entière s'amenuisaient.

Spoiler: