[Fin Mai 553] Ne pas réveiller le chat qui dort

Paros savait que la cinquième Maison serait la plus terrible de toutes à traverser. Le Chevalier qui la gardait était la plus terrifiante de toutes! Non pas à cause de sa force, non, même si celle-ci était considérable... Mais parce que Pégase connaissait bien Ryme, et qu'il savait que celle-ci allait le tourmenter à un niveau inimaginable! Il entendait déjà ses moqueries de sa voix mielleuse et provocatrice lorsqu'il allait devoir nettoyer les marches autour de son Temple. Pégase y survivrait... Mais les blessures infligées à son égo allaient le faire souffrir pendant des années à venir! La Lionne ne manquerait pas une occasion de lui rappeler ce jour. Il le savait! Et il devait donc agir!

Le plan était parfait. D'ordinaire, Pégase se levait à l'aube pour monter les marches des douze maisons pour rejoindre là où il avait stoppé son ménage la veille, puis continuait jusqu'au crépuscule. Cette fois, il attendrait un peu. Pour l'avoir côtoyé pendant des années, Paros connaissait quelques habitudes de Ryme. Il s'avait qu'après un bon déjeuner, elle était du genre à se trouver un coin tranquille pour faire la sieste... Le Chevalier de Bronze avait donc usé de sa paie pour soudoyer les cuisiniers charger d'amener de quoi se sustenter aux fiers Chevaliers d'Or. Non seulement les quantités de la Lionne d'Or allaient être augmenté, mais son ami avait fait en sorte que plusieurs de ses plats préférés lui soient amenés, de la part d'un admirateur anonyme!

La suite serait simple. Il userait du reste de la matinée pour terminer de nettoyer les escaliers qui séparaient la Maison du Cancer de celle du Lion, et s'arrangerait pour arriver à destination juste après le déjeuner... Pendant que Ryme serait en train de faire la sieste! Il n'aurait alors qu'à traverser discrètement les lieux, et avancer assez vite dans sa tâche pour être déjà loin lorsqu'elle se réveillerait! Du génie!

Les serviteurs avaient été soudoyés. Les marches avaient été nettoyées. Le soleil avait passé son Zénith... Tout se déroulait comme il l'avait prévu!
Sur de son plan, le malicieux Pégase arriva sur le parvis du Temple du Lion, un sourire sardonique sur le visage. Sur la pointe des pieds, il commença à traverser les lieux. Paros s'arrêta fréquemment, tendant l'oreille pour essayer d'entendre quelque part dans le Temple les ronflements de la Lionne. Armé de sa serpillère et de son sceau, le Bronze fit attention à ce que rien ne se trouver sur son passage... Et s'élança finalement pour essayer de traverser le hall en toute discrétion!

S'il semble régner un calme olympien dans la Maison de Ryme, rien ne laisser pourtant présager qu'une telle ambiance allait se poursuivre ainsi. Sans doute innocemment, les légers marmonnements audibles de la jeune femme laissent visualiser au loin une poitrine qui monte et qui descend, toujours au gré de ses respirations, vaguement plongée dans un rêve déjà trop lointain. Pourtant, le Cinquième Temple ne manque jamais d'un gardien : Paros en a-il seulement conscience ?

Frotte, Paros. Frotte encore ce sol qui attend ta main délicate.
Frotte, Paros. Essuie les petites tâches qui parcellent les dalles en marbre blanc et qui font de ce Sanctuaire le joyau d'Athéna.

Déjà, le Chevalier de Bronze sentira la chair de poule faire hérisser ses poils le long de sa nuque. Car dans ce temple, se tapit un Lion qui ne dort jamais véritablement : on l'appelait la Bête, indissociable à tout bon Chevalier du Lion qui se devait s'accommoder d'un tel don. Ou plutôt, d'une telle Malédiction.

Pourtant, et bien qu'elle ne se soit pas encore révélée, la créature invisible n'arbore rien de maléfique. Si elle pétille comme un fantôme dans les airs, sans sons et sans couleur, une certaine douceur d'âme se dégage de sa présence. Pas un seul instant, elle ne trahit son caractère habituellement territoriale face au jeune Pégase.

Ou peut-être considère-t-elle que le jeune Chevalier fait partie des meubles de cette maison?

Au coin d'un temple, l'air vacille, se tord, et forme une spirale. De ce trouble, une lionne bondit finalement, dont le pelage semble se dessiner petit à petit comme un ciel étoilé. Rapidement, le cosmos recouvre toute sa silhouette bondissante sous les yeux d'un pauvre chevalier qui, sûrement, n'a pas prévu de voir un félin aux dimensions plus grandes que nature se ruer chaleureusement vers lui. Sans malice mais pataude comme à son habitude, son museau heurte le ventre de l'invité, quand ses pattes agrippent avec force les épaules de Paros afin d'en lécher le visage à plusieurs coups de langue bien mérités.

La lionne est heureuse de voir le chevalier dans ce temple. Que fait-il ici? Pourquoi ne pas aller la voir directement ? Moins consciente et moins facétieuse que son alter ego humaine, la Bête est trop excitée pour arrêter les festivités en si bon chemin. Sa respiration ne manque pas de chatouiller le cou sur ses deux pattes, enfin, si sa petite victime n'est pas déjà sur le point de tomber à la renverse face au poids et à la force de l'animal. A charge pour ce dernier de ne pas réveiller ses pattes griffues et ses crocs acérés et capricieux, lesquelles n'étaient pas prêtes à le laisser s'échapper de sitôt...

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