[Mi-mai 550] Conseil et Consulat [PV : Ahran]

La politique, souvent, c’est le chaos. Particulièrement quand il m’incombe de faire régner l’ordre dans une cité déchiré par la guerre civile. Plus encore, le Sénat et les élections qui ont suivi. Si Rodolpho tient la chambre, il a fallu faire en sorte que ces événements importants se déroulent sans encombre. L’occasion rêvée pour la cité d’avancer, mais aussi la dernière chance pour des ennemis qui se seraient tapis quelque part dans les ombres. Mais rien ne s’est produit, pourtant, les nuits ont été brève et je n’ai pas pu véritablement me reposer. Entre l’organisation de ces élections et les quelques discours et audience à donner à l’ancien et au nouveau Sénat… La gestion de la cité retombe sur mes épaules en quelque sorte. Mes comparses ont leur propre travaille. Je sais qu’Ahran s’y donnera pleinement et je suis curieux de voir si le Dragon des mers saura profiter pour l’occasion de faire le bien.

Et c’est d’ailleurs lui qui m’intéresse ici. Il est temps que nous parlions, lui et moi. Après tout si le dragon est chargé de diriger l’oeil de notre maître vers le dehors, nous sommes ceux qui doivent briser les ennemis du dedans. C’est dans cet esprit que je lui ai fait parvenir une invitation. Quelque chose de simple, il est le bienvenu à venir me rencontrer dans mes bureaux du Sénat. Bien que je me sois installé à l’Atlantique Sud, il y a beaucoup de choses à nettoyer… le charnier des horreurs d’Emrys. Je n’ai pas pu le sentir dès que je l’ai vu, et je me rends compte maintenant, en foutant le nez dans ses affaires que j’ai eu raison de ne pas le sentir. Mais pour la gestion de ma propre capitainerie, je pars de zéro.

J’attends donc l’arrivée du nouveau capitaine, il ne devrait pas trop traîner vu que nous sommes sur ses terres. Le bureau dans lequel je l’attends est simple. Quelques meubles çà et là, un bureau plutôt large et massif. Peu de décorations et d’ornements. Le seul luxe est ici dans le siège que j’occupe et ceux réservés aux gens que je reçois. Peut être aussi dans les quelques réserves secrètes d’alcool çà et là. Pour fêter les grandes occasions et oublier les mauvaises. Bien que de par mes nombreux titres, je pourrais prétendre à bien plus. Patriarche d’une des grandes lignées d’Atlantis, général de l’Atlantique sud et Consul, peut être trop de pouvoir dans les mains d’un seul homme. Mais c’est l’occasion d’amener la cité dans la bonne direction : loin de cette ambiance despotique et délétère. Loin de la consanguinité népotique d’un Sénat gangrené. Nous avons besoin les uns des autres pour ça et beaucoup de choses à reconstruire. Surtout après cet épisode du conseil… J’ai des bons rapports à la nouvelle gardienne de fortune du Pacifique Sud. Rodolfo que j’ai côtoyé un peu plus maintenant s’avère être une bonne personne, loyale et fidèle aux siens et à la cité. Il est temps de voir de quel bois Ahran est fait, puis d’ensuite, d’aller rencontrer Endymion.

Qu'ils étaient lourds, les regards qu'on lui lançait dans les couloirs du Sénat. Lourds de reproches, de ressentiment, de déception. Même si la plupart des Sénateurs du nouveau cycle n'étaient plus les mêmes que ceux qui l'avaient élu à leur tête, tous ici connaissaient Arhan Séfirot, et ce qu'il avait causé. Qu'ils aient été pour ou contre son Conseil, tous savaient désormais qu'il avait sans le savoir été manipulé par Mu, et avait été une partie de la cause de la destruction causée, quelques semaines plus tôt. Alors, bien sur, lorsqu'on voyait désormais son masque d'argent au détour d'un couloir, la plupart ne se gênaient plus de cacher leurs sentiments à son égard.
Le principal intéressé sentait tout ceci, bien sur. Cette tension dans l'aise, ce malaise qui le suivait où qu'il aille... Mais il usait de toute sa discipline pour ne rien laisser paraitre. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était rassurer et balayer les critiques en leur montrant une force et une confiance dans failles. Toute faiblesse montrée serait sitôt exploitée par le mécontentement dont il était la cible. Le Consul devait endurer.

S'il avait pu, Arhan aurait certainement préféré délégué à autrui la responsabilité de rencontrer des politiques ou d'autres membres de l'Amirauté. Nessius aurait fait un parfait (bouc) émissaire pour cela. Malheureusement, ce rendez-vous ci, l'ex-Primus ne pouvait y échapper. Pas tant qu'il portait le titre de Consul, et que la personne l'invitant était son égal.
Il arriva finalement devant le bureau de Dardanos Bjornaer. Arhan prit une profonde inspiration, et frappa, avant d'entrer lorsqu'il y fut invité. Une fois à l'intérieur, il considéra le Patriarche Bjornaer, et le salua.

« Dardanos. »

Simple et cordial, sans forcément être trop familier. Arhan et Dardanos avaient déjà eut l'occasion de s'entretenir en de nombreuses occasions, mais chacun avait toujours eu des réserves et des secrets, une certaine retenue, du temps du Conseil. Désormais les choses étaient différentes, de bien des manières. Et ils devaient désormais travailler ensemble. De façon plus honnête, cette fois. Et plus efficace, idéalement.
Arhan portait une tenue d'officier de l'Amirauté. Une qu'il possédait déjà du temps de son service dans l'armée d'Atlantis. Seul le blason de sa famille, ainsi qu'une broche de corail, l'identifiaient comme un Sefirot et comme un Marina, respectivement. Le Capitaine du Makara portait comme d'ordinaire son masque pour cacher la moitié supérieure de son visage, et son bras droit était scellé dans une attelle. Les souffrances engendrées par la brulure de Varunastra se faisaient encore sentir, même plusieurs semaines après les faits. Cela, Dardanos devait le ressentir lui aussi, sporadiquement, par l'intermédiaire du lien mental qui les unissait désormais.

Arhan observa brièvement le bureau du Consul des Pluies, puis vint au devant de ce dernier pour lui tendre une main amicale. Il n'avaient plus eu vraiment l'occasion de s'entretenir depuis leur entrevue avec Poséidon, au côtés d'Endymion. Le Séfirot supposait que, vu leurs positions, ils allaient avoir de nombreux sujets dont il fallait s'entretenir. Il n'alla donc pas par quatre chemins.

« Le bruit court que tu as commencé à réorganiser toute la protection de l'Atlantique Sud mise en place par Emrys. Souhaites-tu revoir nos lignes d'approvisionnement pour accélérer la mise en place de ton propre système? »

Arhan allait droit au but en entamant avec un sujet qui devait surement intéresser Dardanos. L'attribution des ressources de la cité allaient être difficile, après l'attaque des Muiens, les changements au sein de la cité, et les opérations futures qu'il fallait préparer. Avant que les différents Consuls ne se disputent les moyens mis à leur disposition, il valait mieux essayer de régler cela à l'amiable afin que chacun y trouve son compte.
Le nouvellement nommait Capitaine s'imaginait que c'était là le but premier de cette entrevue. Il n'avait pas envisagé d'autres possibilités. Pour quelles autres raisons les deux Consuls auraient-ils à se voir que pour planifier le futur de la cité, de toute façon?

Il était étrange de le voir maintenant, de le voir après tous les événements qui ont secoué la cité. Pourtant, maintenant, nous étions égaux. De chef du conseil, meneur d’un coup d’état en réalité, le voilà plus haut officier de la cité. Un destin que je partageais. Bien que, contrairement à lui, j’ai retrouvé l’écaille qui jadis fut la mienne. Alors, je réponds simplement à sa salutation :

« - Ahran. »

Une inspiration profonde quand un pic de douleur venant de sa brûlure se dégage dans mon propre bras. J’ai appris à vivre avec ça, comme lui. Bien qu’au premier jour, tout ça ne fut que fort peu naturel. J’ai cherché un temps à comprendre d’où pouvait venir cette douleur et à la soulager, mais j’ai vite compris la réalité du lien que nous partagions, Endymion, Ahran et moi. Un lien de sang et de souffrance. Une laisse d’acier qui nous empêche, une nouvelle fois, de nous dresser les uns contre les autres. Un collier nécessaire après les événements précédents qui ont secoué la cité. Je sers alors la main qu’il me tend. Avec franchise, pour une fois, peut-être la première fois même que nous échangeons un geste vraiment honnête l’un envers l’autre. Ce conseil n’avait été que mensonge et tromperie. Envers les autres et nous-même. Mais cette ambiance étrange nous a permis malgré tout de garder pour nous quelques cartes. Un mal pour un bien…

D’un geste, après notre poignée main, je l’invite à prendre place face à moi donc, pour que nous puissions commencer à discuter. Un sourire sur mon visage de se dessiner quand il choisit simplement de ne pas s’embarrasser de rond de jambes et de foncer directement dans le tas. Typique de lui, mais plutôt plaisant dans le moment. Il n’y a rien de plus barbant que la palabre et les boniments patriciens. Ce n’était pas non plus forcément pour ça que j’avais demandé à le voir. Nous avions tous les deux beaucoup de choses à nous dire. Alors peut-être qu’il cherche à repousser ce moment où il devra, métaphoriquement, tombé le masque ? Mais autant en profiter donc.

« - Moi aussi, je suis content de savoir que tu vas bien, Ahran et que tu te remets de tes blessures, enfin, doucement mais sûrement. »

Après voir dit ça, je me frotte le bras qu’il tient en écharpe. Les douleurs qu’il a dû ressentir de ma part et de celle d’Endymion ont depuis longtemps été résorbées. Au moins, aucun de nous ne semble partir des fort probables maladies de marin du dragon des mers. C’est déjà un bon point. À moins que dans sa sagesse, notre seigneur nous ai prémuni des… problèmes précédent notre lien. Enfin, avec le sourire sur mon visage et le ton de ma voix, j’espère qu’il saura discerner la plaisanterie. Néanmoins, il avait mis le doigt sur un sujet d’importance.

« - En effet. Je souhaite remplacer les officiers mis en place et surtout, établir une force capable d’agir et de penser par elle-même. De ne pas priver de leurs êtres nos propres hommes… Il y a beaucoup à faire en Atlantique Sud, les dégâts sont grands, mais rien qui ne saurait mettre la cité à genou ou puiser trop grandement dans ses caisses. Le plus complexe sera de reformer les flottes extérieures d’habitants de la surface qui travaillaient pour nous. Mais je pense qu’Endymion et moi devrons arriver à gérer l’affaire. »

Je n’avais pas senti Emrys dès le début. Pas plus que l’ancien Légat. Si j’avais pu trouver quelques intérêts dans les nécessités des actions du second, le premier n’avait aucun excuse et il y aurait beaucoup à faire pour corriger ça. Malheureusement… les vies humaines, elles, ne pourraient être sauvées.