[Mai 553 AD] La catégorie des armes à roulettes mobiles

La guerre, une chose qui une fois déclenchée est difficile à arrêter. Tout ce qui suit n’est que bataille encore et encore, défense de positions, reprise de bastions ennemis, de places-fortes, jusqu’à ce que les deux camps soient anéantis, en aient assez ou l’un des deux obtienne une suprématie. J’étais rentré assez rapidement au sanctuaire avant de repartir sur le front. Ma mission avait été partiellement accomplie la dernière fois. J’avais affronté une Berserker nommée Liv pour défendre notre position et nos armes de siège. Ces dernières sont restées intactes, mais en échange la zone était complètement inutilisable. Liv avait été une féroce combattante et un digne chef de troupes.

J’avais réalisé mon rapport au grand Pope et reposé mes ailes après ce combat, pensant maintenant tout cela loin de moi. Quelle erreur j’avais faite, on n’avait pas arrêté la guerre, elle débutait seulement, d’autres batailles allaient arriver et je me devais d’être sur le front, comme mes frères et sœurs de l’Or. Nous devions montrer l’exemple et dans mon for intérieur, j’estimais que c’était ma responsabilité d’être le plus irréprochable, le plus proche de la volonté d’Athéna en hommage à ceux qui m’ont précédé.
Ainsi quand le Grand Pope nous informait des prochaines missions à menés, il était tout naturel pour moi de me proposer pour finir le travail avec les armes de siège. Je les avais protégés, il était temps pour moi de les rapatrier en sécurité.
C’est ainsi que je pris avec moi un petit contingent de troupes pour transporter les armes de siège, une troupe bien moins importante que lors de leurs défenses, mais suffisante pour transporter tout le matériel et le défendre au besoin. Je ne me faisais pas d’illusions, il y a peu de chances que le voyage se passe sans encombre. Un déplacement pareil allait sans doute attirer les regards hostiles et profiteurs et peut-être même des Berserkers.

Nous nous sommes rendus sur places, tout empaquetées pour le trajet, nous l’avions commencé à travers les plaines et forêts. J’étais sur mes gardes, le danger pouvant venir de n’importe où, je menais les convois et faisais attention à tout mouvement suspect, j’avais placé sur les machines, des petits engins de ma fabrication, petits bouts de métal contenant de mon cosmos, seulement en guise de service d’alarme, ainsi si quelque chose venait à pénétrer de manière trop proche le convoi, j’en serais immédiatement avertis.

Le chemin allait être long jusqu’au Danube.

Ses lèvres gercées expirèrent une buée incontrôlable, un mélange entre la chaleur qui occupait sa gorge et la froideur d'un mois pourtant plus chaleureux. Ce matin, il faisait froid. Ô, ce n'était pas la Transylvanie qui lui glaçait le sang, à en juger ses mains qui frottaient un mal-être inexistant dont elle ne parvenait pas à se débarrasser depuis déjà cinq bonnes minutes. Il y avait pire, pour un jour de mai. Seulement, la défaite avait ce petit goût amer en bouche, une sorte de fine alliance entre une déception pure, nette et un émoi indescriptible dont elle se serait bien passer.

Depuis son dernier combat, l'un de ses gardiens dans sa Lanterne était aux abonnés absents. Si Liv aurait pu s'en sentir insultée, il était clair, par le léger froncement de sourcils qui ne l'avait pas quitté depuis le début de sa marche, qu'elle n'en prenait nul ombrage. Elle avait mieux à faire, et la perspective de reprendre sa revanche était un met des plus délicieux: il lui tardait de remettre la main à la pâte.

La cargaison avança tant bien que mal ; les barbares voyageaient légers et ses quelques hommes n'avaient pas la prétention d'avancer un inventaire de biens particulièrement détaillés et riches au sein du Dédale. En outre, il n'avait rien à transporter que des armes et des peaux de bêtes qu'il lui plaisait de toucher pour y faire disparaître complètement sa main. Hélas, la jolie rousse savait aussi qu'il fallait parfois prendre ses responsabilités. Deux de ses hommes -lesquels l'accompagnaient à dos de cheval depuis quelques heures- s'échangèrent des regards complices ainsi que des rires pleins de bonhomie, leur réaction tantôt amusé tantôt rival révélant toute l'ironie de leur situation. Il n'y avait plus de guerre à réclamer, plus de victoire à fanfaronner et l'air se faisait étrangement bon enfant, mais les fondations restantes avaient encore un intérêt à leurs yeux. Un gros intérêt.

Un intérêt qu'on appelle sabotage.

La tour qu'ils avaient laissé derrière eux ainsi que les armes encore en état étaient de nouveau leur principale cible. Si les corbeaux avaient pu l'informer de la retraite des Saints vers la Grèce, il était fort à parier qu'ils ne s'étaient pas tous retirés ou qu'ils ne resteraient pas à Siebenburgen ; ç'aurait été illusoire. Pour autant, la Centurion ne s'attendait plus à retrouver les plus grands pontes. Sa main droite restait ainsi sur son manche, prêt à la dégainer en cas de mauvaise rencontre. Et par mauvaise rencontre, qu'elle ne fut pas se surprise d'entendre quelques bruits de pas. De fer et de bottes qui claquent. Des sons et des langages venus d'un autre pays. Un convoi d'où se profilait, faisant succéder apparitions et disparitions en un tempo presque régulier, une petite poignée d'hommes et un cosmos...Familier ?

Un cosmos de Saint, néanmoins.

L'avait-il repérer, lui aussi ? Si tel était le cas, Liv était désormais trop proche pour rebrousser chemin. Dégainant l'étrange épée en acier noir, sa main dressée vers les cieux réclama toute l'attention de sa petite troupe dans un silence de mort. Dans un silence compté à compte-gouttes. Dans un silence qui la vit pointer dans deux directions : la droite pour la gauche, pour encercler et prendre "par surprise" leurs opposants. Guère hésitante, Liv faisait partie de ces femmes froides qui prenaient leurs décisions sans succomber aux doutes. Sa cuirasse elle-même semblait avoir entendu ses résolutions et suivre sa logique: le long de ses doigts puis de ses avant-bras, une étrange armure blanche s'étira et couvrit l'ensemble de sa silhouette élancée. Son éclat ainsi que son fit disparaître toute trace de fragilité pour ne plus que laisser apparaître une pointe d'hostilité.

Une hostilité qui la vit elle-même commencer à charger en direction du convoi, laissant quelques hommes la devancer afin d'analyser le terrain, d'observer les soldats et leurs équipements et...Croiser le regard du Saint qu'elle avait affronté quelques semaines plus tôt. Déjà. Un sourire léger, mais ravi de pouvoir reprendre sa revanche. Cette fois-ci, Liv comptait bien faire honneur à sa Cuirasse et à Mars.