[Début Juillet 550] Dans l'Ombre de Zeta

"- Ma Dame."

Le bruit de pas dans son dos capta l'attention de la jeune prêtresse qui se trouvait près des armures. Conformément à ce qu'elle avait demandé avant de se rendre dans cette salle, le garde était allé chercher la personne avec laquelle elle désirait s'entretenir. Lentement, Eirwen s'était donc retournée en direction de l'entrée pour voir ce dernier accompagné d'une jeune fille d'à peine seize ans. Avec respect l'homme posa un genou à terre.

"- Voici Vigdis Hjálmardóttir comme, vous me l'avez demandé."

"- Merci. Vous pouvez disposer."

L'homme acquiesça et sortit rapidement de la pièce, laissant l'Asine en compagnie de la blonde enfant. Lentement, Eirwen approche de celle-ci tout en affichant un sourire qu'elle espérait parvenir à rendre bienveillant.

"- Bienvenue à toi Vigdis. Je présume que tu sais pour quoi je t'ai faite venir ici n'est-ce pas?"

Se plaçant derrière elle, Polaris viendra tendre la main en direction de l'armure de Zeta Prime.

"- Je sais que tu aurais préféré avoir Zeta. Après tout, il est dit que tu as tué ta sœur pour y parvenir."
Intérieurement, cette petite remarque la fit sourire de façon presque maléfique, mais d'apparence, elle était demeurée parfaitement stoïque. " Mais malheureusement, vois-tu, j'ai d'autres projets pour elle. As-tu déjà entendu parler d'Haldor, ancien Guerrier Divin de Gamma, et ancien tribut? Vois-tu je l'ai ramené de Lübeck, et il se trouve que je tiens à ce que cette armure lui revienne. Mais toi, tu seras celle qui le guettera parmi les Ombres. Tu seras celle qui s'assurera que sa dévotion pour Asgard et Odin est toujours entière. Comprends-tu? Si tu as le moindre doute à son sujet, tu viendras m'en rendre compte."

A nouveau, elle était revenue se placer face à elle, plongeant son regard semblable à l'or en fusion dans celui de la future Guerrière divine, guettant ses réactions.

Ne sachant trop comment saluer, elle se contenta d'une petite révérence modeste, pinçant sa jupette pour la relever très légèrement, digne et décente. « Oui ! » allait-elle répondre. « C'est pour ma fête d'anniversaire, n'est-ce pas ? » se préparait-elle à rétorquer, marquée d'un grand enthousiasme. Mais elle n'en eut pas le temps, fauchée par la cruelle déclaration. Elle aurait tué sa sœur ? Elle semble troublée. Pas par culpabilité cependant, mais juste comme si elle se remémorait cette perte tragique. La Robe présentée sort même du champ de ses préoccupations tant le fait d'évoquer Sigrid l'alarmait. Sa sœur après tout était toujours là, non ? Présente, avec elle… en elle !

Oh… elle semble se souvenir de quelque chose, oui. Vigdis reprend contenance, un doux sourire venant à nouveau éclore sur ses lèvres. Elle reprend le fil, entend et écoute la mission qui lui est confiée. Et déjà, elle a hâte de faire la connaissance de cet Haldor qui l'intrigue irrémédiablement. Oui, elle comprenait. Saisissait ce que cela impliquait. Elle eut un petit rire charmant avant de répondre avec une certaine joie infantile dans sa voix douce, bien que timidité et réserve restent ancrées à son registre.

- C'est un peu en retard pour mon anniversaire, mais ça valait le coup d'attendre. Je savais bien que l'on ne m'aurait pas oubliée, et quelle belle manière que de me le souhaiter. Quinze ans, ça se fête, pas vrai ?

Ne lui tenait-elle pas rigueur pour la mention à sa jumelle, ou était-elle simplement passée à autre chose, aussi rapidement que c'était venu ? Difficile à dire, en tout cas sa réponse sonne comme si l'allusion ne s'était même pas produite. Son sourire s'agrandit, et son plaisir peut clairement se ressentir dans l'éclat qui anime ses grands yeux bleus.

- Est-ce que je peux ouvrir mon cadeau ? S'il-vous-plaît ?

L'impatience d'une enfant, qui toutefois tente de rester digne. Ses mains se lient dans son dos, se triturant un peu les doigts pour apaiser son caprice.

Comment dire qu'il semblait à la Prêtresse que la petite n'avait pas toute sa tête. Elle avait pu discerner, l'espace d'un instant ce trouble qui avait été le sien lorsqu'elle avait évoqué le meurtre de sa jumelle, de cette moitié d'elle-même. La surprise avait quelque peu éclairer le visage de l'adolescente, comme si celle-ci se trouvait choqué par les paroles qu'elle avait pu prononcer. Et pourtant les mots qu'elle eut pour l'Elue d'Odin ne laissaient en aucun cas penser qu'elle lui en tenait rigueur.

Quel dommage, l'Etoile du Soir aurait tellement aimé voir une expression de douleur à la triste évocation de ce drame familial, et en fut presque déçue. Elle avait su ce qui s'était passé, la façon dont on les avait retrouvé sa sœur et elle, enlacées, l'une vivante, l'autre le regard vitreux perdu sur l'infini du ciel. Pourtant, la petite princesse endormie au fond d'elle, éprouvait de la compassion pour la fragile créature qui lui faisait face.

Créature qui par ailleurs venait de poser une question qui désarçonna quelque peu la jeune femme. Avait-elle bien entendue? Un cadeau d’anniversaire? C'était tellement risible et ridicule qu'elle en aurait presque ri si elle n'avait pas eu besoin d'elle. Oui par pure moquerie. Elle prit donc sur elle pour se contenir, et offrit un sourire charmeur et charmant à la demoiselle qui lui faisait, venant délicatement poser une main sur sa joue de porcelaine.

"- Tu sais ce que l'on dit? Mieux vaut tard que jamais. Tu m'excuseras je n'étais malheureusement pas là pour ton anniversaire. J'étais partie chercher celui sur qui tu veilleras. Alors oui cette armure est ton présent pour tes quinze printemps. Tu as bien compris ce que j'attends de toi n'est-ce pas? Ce sera notre petit secret à toutes les deux."

Un pion entre ses doigts, voilà tout ce qu'elle était, pourtant il lui fallait donner le change. Une dernière caresse, et voilà Eirwen qui se recule pour laisser la place à l'adolescente:

"- Vas-y je t'en prie, ouvre ton cadeau."

Oui la Prêtresse attendait et guettait, mais elle était certaine que tout irait pour le mieux.

La petite se fige un instant, à la douce caresse d'Eirwen. Lui avait-elle permis de la toucher ? Oh ça non, certainement pas. C'était elle et uniquement elle qui choisissait de cela. Elle se contient. Juste une vague qui s'en vient et s'en repart tout aussi rapidement. Un peu tôt encore pour laisser remonter de telles choses à la surface. Son doux sourire reprend place, son masque ne pouvant se permettre d'être brisé si aisément. Sigridur ne se serait jamais offusquée de si peu après tout. Non, jamais de la vie. Alors, elle non plus ne le devrait pas, voilà tout. Mais combien de temps encore cela pourrait se poursuivre ? Ah…

- Oui oui, j'ai tout bien compris. Ce sera avec plaisir. Je m'ennuyais justement, toute seule dans ma chambre. Vous savez que ma sœur a disparu, n'est-ce pas ? Elle me manque beaucoup. Alors, j'ai hâte de faire la connaissance de votre ami, vraiment !

Ce n'était donc pas qu'une simple apparence. Elle paraissait réellement avoir oublié la mention faite précédemment par la Prêtresse concernant le meurtre de sa moitié, lui exposant sa peine comme si c'était la première fois que le sujet était évoqué, tout simplement. La pauvre Vigdis avait même paru sincèrement peinée en en parlant, son regard d'azur naturellement pétillant se ternissant un tantinet. Juste l'espace d'une seconde, avant que son timide sourire reparaisse.

Puis ses yeux se reportèrent sur la Robe Divine de Zeta Prime. Son présent. Rien qu'à elle. Les lèvres de la jeune blonde se plissent d'excitation, alors que ses mains dans son dos se délient enfin. Elle s'approche avec une certaine élégance bien que demeurant infantile, et ses doigts se tendent pour effleurer le loup d'ivoire.

Hati, le fils de Fenryr. Tout comme elle était la fille de Hjálmar.

Leurs Cosmos entrent en symbiose, la température déjà faible chutant notablement. Une vive lumière émane de l'armure encore sous forme d'un canin aussi redoutable que divin.

Hati, chasseur de Lune.

Il implose pour se recomposer autour d'elle, sur elle, en elle. Les protections prennent place, s'adaptant à sa morphologie, et leurs Cosmos ne font plus qu'un désormais.

Hati, la Haine…

Elle se retourne vers la Prêtresse, le regard étincelant et ses dents largement dévoilée par un sourire épanoui et magnifique. Vigdis effectue un petit tour rapide sur elle-même, faisant virevolter sa cape en riant. La petite dame respire la joie, de toute évidence.

- Elle est parfaite ! Je ne sais comment vous remercier. Pile à ma taille, c'est fou, comment avez-vous su ?

Oh cette lueur qui avait allumé le regard de l'adolescente lorsque sa main était venue caresser sa joue, Polaris l'avait constaté. Certes elle l'avait bien vite réprimé, replaçant rapidement ce sourire enfantin sur ses lèvres. Oui, rien échappait aux yeux avisés de la jeune femme. Néanmoins la remarque de la future Zeta Prime, lui faisait clairement penser que la pauvre malheureuse n'avait plus toute sa tête. Après tout, ne venait-elle pas de l'accuser quelques instants plus tôt du meurtre de sa Jumelle? Le moins que l'on pouvait dire de cette gamine, c'est qu'elle était particulièrement étrange. Qui sait, loufoque même.

"- J’espère que tu apprécieras mon ami. Tu verras il est du genre plutôt...imposant si je puis dire. A présent, je t'en prie, prends ton cadeau d'anniversaire."

La Demoiselle s'était portée en retrait pour observer la scène avec attention. Autour d'elle, elle pouvait ressentir la fraîcheur de la pièce devenir froide avant de se faire plus mordante. Décidément, elle ne se ferait pas à ce climat maudit. Aussi un instant, resserra-t-elle sa cape de fourrures autour d'elle. Le spectacle qui s'offrit à elle était captivant. Les fragments de la blanche armure se détachèrent, venant recouvrir un par un le corps frêle de la jeune guerrière.

Un nouveau sourire qu'elle voulait bienveillant à l'encontre de la demoiselle qui virevoltait sur elle-même, visiblement ravie de sa protection. Enfin ravie semblait un mot des plus faibles à son goût. Elle rayonnait oui. Eirwen s'amusa presque de ses paroles, tandis qu'elle revenait lui faire face, la détaillant de haut en bas:

"- Hum. Il est vrai qu'elle te va à ravir. J'en serai presque jalouse vois-tu? Pour la taille, ne me remercie pas, je pense simplement que l'armure s'est adaptée à toi. Quant à ton remerciement, et bien, je t'ai déjà dis comment me remercier. Surveille Haldor, et rapporte moi ses faits et gestes ma petite Ombre fidèle. A présent, cache toi, il ne devrait plus tarder à arriver."

Oui le géant à la chevelure argentée n'allait plus tarder à arriver, et il ne devait pas connaître l'existence de celle qui allait le suivre comme son ombre. Alors d'un geste de la main, la prêtresse indiqua une colonne derrière laquelle l'adolescente pourrait se cacher et ainsi participer à l'entretien qu'elle allait avoir avec le futur porteur de Zeta, sans que celui-ci n'en ressente la présence.

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