[Fin Août 550] Le Grand Amiral est de retour [PV Endymion]

« Ah… te voilà Dragon des Mers ! Cela fait un moment que je te cherchais. J'ai entendu parler de toi. Pas qu'en bien je le crains, j'ai eu vent de tes déboires en Asgard, tu t'es débrouillé comme un manche mais… je suis certain que ce n'est pas irrattrapable. »

Une voix susurrée dans son dos, grave mais mélodieuse. Terriblement envoûtante, autant que pouvait l'être la Sirène Maléfique lorsqu'elle chantait de toute son âme. En se retournant, il ne vit personne, juste les ombres d'une ruelle qu'il arpentait depuis un moment. Avait-il eut le sentiment qu'on le suivait ? Fort possible puisque tel était le cas. Une silhouette ombrageuse l'avait guetté du haut des toits des maisons atlantes se glissant dans les ténèbres qui paraissaient danser avec lui.

« Je suis là. »

Il était là sous ses yeux quand il fit volte-face. Plutôt grand et d'une belle stature, de ce qu'il pouvait en juger sous les couches de ces vêtements aussi sombres qu'atypique. Vêtu comme un assassin, un capuchon recouvrait les traits de son visage, une courte cape, ses bras et ses gants de cuir. Tout chez cet homme transpirait le mystère et la noirceur. Mais étrangement, quelque chose de rassurant aussi. Un mince sourire ourla ses lippes, froissant sa barbe rousse que le Dragon pouvait entrevoir à peine.

« Je me présente, je suis Nhaerys, Grand Amiral de notre Empereur. Et mon garçon, ça fait un moment que je t'observe. »

Grand Amiral Nhaerys. Ce nom devait forcément lui dire quelque chose tant sa notoriété ici, en Atlantis, était grande. Légendaire pourrait-on dire. Mais on savait aussi que cet homme n'était pas réapparut depuis la dernière guerre d'il y a cinq ans… Qu'il se retrouve ici et se dévoile maintenant n'était pas anodin.

« Hé hé détends toi la nouille, vous faites tous des têtes pas possible à chaque fois que je débarque c'est fou. Allez ! Suis-moi, on va aller s'en jeter un petit. » Une pause en voyant son hésitation. Ou ce qu'il prit pour un temps de latence : « Un godet quoi, un peu d'alcool et pourquoi pas une bonne paire de miches… de pain ! »

Il partit dans un grand rire et entraîna, avec une force assez surprenante, le marina qui eut nul autre choix que de le suivre. S'il tentait de se défiler, une étrange sensation le prendrait alors aussitôt, le contraignant à obéir, de son propre chef ! Comme si son esprit était envoûté par une étrange mélodie. Le personnage étrange marmonnait à peine une mélopée entre ses lèvres alors qu'ils marchaient dans les rues sombres d'une Atlantis endormie.

« Nous y sommes, l'établissement m'est réservé, à moi et les hommes de mon équipage alors entrons, nous serons plus tranquilles. »

La porte grinça et une bonne odeur flotta immédiatement dans l'air. Ils n'étaient pas seuls. Quelques dames à peine vêtues s'évertuaient à contenter ces messieurs lascivement installés et gravitait comme des abeilles autour du miel. À son approche, il fit un signe et tous, de concert se levèrent pour quitter les lieux, grimper à l'étage. Parfois avec une bien belle proie sous le bras. L'une d'entre elle faillit bien être happée aussi par un fort et robuste gaillard que Nhaerys stoppa d'un regard. La demoiselle eut un petit sourire.

« Je te présente Rose. Elle vient du port de Massalia ! C'est une magicienne. Ma Biche, tu veux bien t'occuper de nous ? »

Rose étouffa un rire derrière sa main.

« Avec ce que tu m'as payé comme compensation pour ton « Jack » là… je serai prête à faire n'importe quoi. »

Elle s'éloigna, lui, guida Endymion jusqu'à la table la plus éloignée, la plus plongée dans le noir aussi.

« Pose ton cul là, on va peut être pouvoir causer, si t'es intéressé. Mais avant ça, je veux que tu me promette que ce qui va se dire ici ne sortira pas d'entre ces quatre murs. Tu m'as bien compris ? Boarf tu as pas vraiment le choix de toute façon… crois-moi et tente pas de me la faire à l'envers. Avec le patriarche des O'Bannon, ça fonctionnera pas. »

« Je le sais gamin, sinon je serais pas là à te causer. J'aime pas perdre mon temps, tu imagines bien. J'sais que tu es loin d'être un abruti, et que toi et moi, on peut s'entendre. »

Son « invitation » n'était pas anodine, cela Endymion l'avait très bien compris. Un fait qui soulageait assez le Grand Amiral. Il se trompait rarement sur la marchandise et le voir louvoyer de la sorte avec une certaine aisance l'amusait un temps soit peu. Aoden continuerait de le tester, encore et encore pour voir à quel point cet homme-ci pouvait lui être utile. Oh, il aurait pu l'appeler à son service quelques temps plus tôt mais il n'avait pas voulu précipiter les choses. En revanche ce qui s'était passé au Sanctuaire avec Nimuë ne lui plaisait pas dû tout et le patriarche des O'Bannon avait dû revoir ses plans. Et bousculer certaines choses. À son grand damne. Ou peut être pas en fin de compte. Le joueur de carte pouvait être un précieux atout dans sa manche. À lui de voir à quel point. Posant nonchalamment ses pieds sur un coin de la table, il fit un petit signe à Rose pour qu'elle se hâte de leur servir à boire. Que serait de bonnes négociations sans un peu d'alcool ?

« Ouais et qu'est-ce que tu en as retiré au final ? Je serais curieux que tu me l'expliques. Parce que bon, j'espère vraiment pour toi que tu as su en tirer quelque chose. Et pas y être allé que pour te geler les couilles. Retrouver le Kraken, ou sa dépouille comme tu préfères, c'était un prétexte, en vrai on s'en branle, hein. Entre toi et moi. L'armure est là, c'est tout ce qui compte. »

Il eut un petit sourire sous cape. Évaluant de son regard dissimulé sous l'ombre de son vêtement, l'homme qu'il avait devant lui, le O'Bannon se prit à rire, d'un petit rire assez mélodieux, quoique mesquin.

« Bien, je vois que j'ai toute ton attention. Surtout quand il s'agit de ma fille hein. Je sais que tu aimerais bien l'épingler sur ton tableau de chasse, mais elle t'est inaccessible, à bien des égards. Sans vouloir te vexer mon grand. Une question de sang, entre autre et j'ai ouïe dire qu'elle était déjà… dans les filets d'un autre grand gaillard. Du genre belle gueule, prince charmant-déchu et tout le bordel. Apparemment elle sait les choisir, mais je t'avoue que cette… association ne me convient pas vraiment. Un Saint et une Marina ? Ouais, ça m'emmerde. »

La belle serveuse répondant au nom de Rose s'approcha d'eux pour les servir. Elle disposa sur la table tout un tas de cochonnailles, de pains, de fromages et de quoi abreuver deux hommes. Avant qu'elle ne reparte, le Grand Amiral flatta sa croupe d'une belle fessée, éveillant l'hilarité de Rose dont l’œil se prit à pétiller.

« Cette femme-là saurait te faire oublier tes malheurs ! Une petite avance en l'échange de toute ton attention, compréhension et soutien ? Je sais qu'elle est loin d'être aussi… hm, très loin d'être comme ma fille mais… Réfléchis bien. Tu pourrais y gagner beaucoup, vraiment. »

Il semblait appuyer ces propos aux forts accents de sous-entendus lourds de sens. Oh oui, Nhaerys avait bien étudié son sujet, ce drôle de Dragon des Mers.

« Bois, mange, c'est moi qui offre. D'ailleurs, si je peux pousser le vice un peu plus loin, tu pourrais pas me tirer les cartes hm ? Je serai curieux de te voir à l’œuvre. Je sais pas pourquoi, j'sens que le Destin veut nous parler. Tu ferais mieux d'écouter. »

Encore il enjoignait son interlocuteur, d'une manière douceâtre et détournée, à faire ce qu'il lui commandait.

« Sois pas timide avec moi ! »

L'encouragea t-il en porta sa coupe à sa bouche pour faire un sort, d'un seul trait, à sa boisson.

Déjà Rose revenait pour les resservir. Lui, ne quitta le jeune Dragon des yeux que pour observer le déhanché ravageur de la belle serveuse.

« Bonne réponse ! » s'esclaffa t-il quand Endymion mit fin au sujet « Asgard ». « Tu commences à me plaire mon garçon, je savais qu'on pouvait s'entendre toi et moi. »

La nouvelle génération était assez prometteuse, il devait se l'avouer. Et en être fier. Le tout était de savoir maintenant jusqu'à quel point allait leur dévotion pour la grande Cause. Il était là entre autre pour cela et les évaluer. Seulement, pour le moment il était là pour une raison plutôt personnelle. Des affaires d'importances pour eux, O'Bannon. Quand enfin le gamin comprit à quoi il faisait allusion, invoquant ses cartes, l'Amiral se redressa sur sa chaise, adoptant un air plus sérieux et froid. Calculateur, appréciateur même. À la fin de son petit manège, le père de Nimuë ne sut retenir une fois de plus son hilarité.

« Le moins que l'on puisse dire c'est que t'en as dans l'froc ! J'aime ça. J'apprécie les hommes qui ont un peu d'ambition. »

Doucement et une à une, son index effleura ces belles cartes où il pouvait sentir en elle, une signature bien différente. Il s'arrêta sur l'Ermite. Endymion ne pouvait le voir mais les sourcils du pirate se froncèrent.

« Hm… c'est un choix intéressant. J'avoue que ça lui correspond assez bien, même si il va te falloir bientôt lui en choisir une autre. » Du plat de la main et avec une certaine douceur et dureté mêlées, le Grand Amiral commanda à une autre carte de se superposer à celle de l'Ermite : L'impératrice, placée sur son trône. « Mieux. Et mettons-la ici veux-tu ? »

Habilement l'homme encapuchonné, à l'instar d'Endymion pour le mort sur sa carte, posa l'Impératrice-Ermite contre le Pendu. De même, il alla prendre entre ses doigts gantés de cuir, la carte de l’Étoile qu'il mit aux côtés du Diable et de la Mort.

« Voilà. Je pense que tout est à sa place. Ah. Non. Et en effet je connais très bien ma carte. Le Monde... »

Il se plaça tout en haut des autres, à veiller sur elles. Dans l'ombre. Là où était sa place. Soudain sa voix de stentor s'exclama :

« Oh non j'ai oublié quelque chose ! »

Dans un geste théâtral, Aoden O'Bannon, d'une simple pensée, fit se tenir à l'écart une carte retournée. D'un coup il sortit un petit poignard d'une cachette sous son brassard pour le faire danser avec une certaine dextérité. Sans crier gare et d'un geste si vif que peu de monde saurait suivre, le Grand Amiral Nhaerys planta la lame dans le bois, non loin de la carte. Celle-ci se retourna, dévoilant l'Amoureux.

« Là. Qu'en penses-tu, Diable ? »

« Ah ouais ? »

Il était assez curieux de connaître cette note de « folie » qui manquait à son jeu. Non pas que cette notion lui était déplaisante, mais l'Amiral n'était pas réellement un homme à laisser un tel élément, souvent hasardeux, se glisser dans la trame des ses desseins si subtilement accordés. Comme la plus magnifique des musiques, cette dernière devait être jouée parfaitement, sans accrocs. Sinon quoi la dissonance risquerait fort bien de leur coûter très cher. Posant son menton mangé par sa barbe rousse contre sa main, le O'Bannon réfléchissait. Eut même un petit sourire qu'Endymion put à peine percevoir dans cette semi-obscurité.

« Elle est intrigante et révélatrice sur l'homme que j'ai en face de moi. Pas si étonnante que cela en faite mais... » Sciemment il laissa sa phrase en suspend pour ménager son petit effet. Sa décision tomba dans un petit rire amusé : « … ne précipitons pas tant les choses mon garçon. Je peux étudier toutefois la question avec beaucoup de sérieux. Surtout si tout se passe bien. Tu me suis ? Bien sûr que tu me suis ! Jusqu'ici je trouve que l'on s'est pas mal compris ! Ah ah ! »

Lentement l'homme se redressa, faisant racler la chaise contre le plancher en bois. Sa grosse main autoritaire et habillée de cuir sombre se tendit dans la direction du jeune Dragon. Sceller leur petite affaire ne fut pas bien long. Tant mieux !

« En voilà une affaire rondement menée, je te remercie, Dragon des Mers. Je compte sur toi, nous nous retrouverons très vite. Enfin… je te recontacterai sans que tu n'ai à le faire. Je sais tout, je vois tout… Je suis l'Ombre d'Atlantis. Nhaerys, Grand Amiral de Poséidon ! »

Avant de monter à l'étage, Aoden adressa un petit signe à la serveuse Rose. Celle-ci sembla très bien comprendre le message car elle hocha la tête avec un petit sourire enjôleur. Il disparut rapidement dans les ténèbres. Rose quant à elle, s'approcha avec souplesse et grâce jusqu'à Endymion. Prestement la belle alla prendre place sur les genoux du Général.

Un petit rire sombre sembla être la dernière note, l'ultime mélodie de l'ancien Sirène Maléfique.