Arpenter des terres inconnues avec toi [Odoroï - Quête Janvier 553]

L’enfant des astres suit sa bien-aimée, laisse sa prise sur sa main se raffermir et tisser leur lien. L’ombre de son ombre arpente ce monde à leur côté, frôle les esprits, en éloigne certain. Il les protège de ceux qui peuvent les distraire, les soustraire à leur quête. Le nord ouest. Toujours plus loin, ils s’enfoncent main dans la main dans les profondeurs du monde. Un monde qui se dévoile peu à peu à leurs yeux. Le corbeau s’élance en avant, frôle les cimes et les branches de ses ailes charbonneuses et ils le suivent. Une partie de la meute se joint à eux. Bientôt, la brume levée laisse entrapercevoir entre ses volutes, les ondes d’un lac, puis sa chère et tendre reprend la route, suit son corbeau et ses loups.

Il la suit, leurs esprits liés.

Ils ne danseront pas finalement, mais le jeune homme laisse sa voix s’élever, murmurant à son côté le chant des astres qui résonne en son âme. Doucement, la mélodie se module pour accompagner celui des esprits qu’ils suivent à travers le vent. Les mots dansent et les accompagnent, se font mélodie d’harmonie chuchotant entre les arbres. Sa voix s’éteint finalement alors qu’il laisse sa prunelle unique détailler les lieux, les cimes s’échappant le plus haut possible, essayant d’atteindre de leurs branches les cieux inaccessibles. La vallée est ancienne. Les arbres plient sous le poids des âges et son âme vibre du chant des esprits.

Leur errance cesse au creux de ces bois.

Ailleurs.

Le borgne contemple les lieux, curieux et attentif. L’ombre de son ombre se mouvoie, reprend sa forme de chat noir aux pourtours cependant plus trouble, se confondant dans les ténèbres pour les examiner de ses prunelles rubis. Un tressaillement. Le regard du jeune homme vient glisser sur sa belle. Il la contemple, resserre les doigts qui sont liés aux siens. « Je ne te lâcherai pas. » Sa voix se mue en certitude. Il ne la lâchera pas. Ne la laissera pas. Une chaleur diffuse vient glisser sur ses doigts, caresser sa conscience pour apaiser ce tourment qu’il ressent. Son soleil perd de son éclat, mais il sera toujours là pour lui en rendre. Sa main libre vient effleurer sa joue. Tendrement. « Je suis auprès de toi. » Ici et maintenant. Ailleurs et après. Ses mots résonnent en elle, juste pour elle. Uniquement pour sa conscience battant à l’unisson avec la sienne.

Odoroï a écrit:

[Rêve 2 - Passage en Armorique autorisé par le conteur]

Il y avait des mots qui brûlaient les Rêves, des plaisirs qui se taisaient au point de laisser sans voix. Autour d'eux, ils entendaient chanter les mots, les rires et les esprits. La nature s'était révoltée de l'emprise des Hommes, un nouveau regard s'était ouvert sur le monde. Le souffle plus court, Sunilda et Odorei pouvaient sentir un cosmos latent autour d'eux. La nature. Elle était éveillée. Une conscience semblait la traverser mais il était difficile d'entendre ce qu'elle disait.

Soudain, d'un taillis près d'eux, deux biches sautèrent de bottes de terre en bottes de terre. On entendait à quelques lieues le son du cor de chasse. Des chiens jappaient. Une troupe de cavaliers se rapprochaient au son des bêtes. Dansant dans les airs, sur les branches d'arbre, des petites créatures dansaient comme des feux follets. Chaque trait des feuilles, chaque petite inclinaison des ramures... Tout cela était un prétexte à la danse et au mouvement. Toute personne avec un regard affûté voyait même des nuées d'étincelles les suivre avec volupté.

Un cavalier sortit brutalement du fourrée, étendard à la main...

Les esprits murmurent, chantent et virevoltent. Les branches ondoient sous le poids de leur danse, comme bercées par le vent. Il ressent un murmure plus ancien courir entre les arbres, s’échapper entre les cimes. Une musique qu’il se plaît à entendre. Qu’il se plaît à ressentir. Il veut l’écouter. L’absorber. Un chant semblable à celui des étoiles. Différent pourtant à son âme. Son oeil s’éteint un instant, s’essayant à en saisir le sens avant que sa belle ne l’invite pour une nouvelle danse. Il laisse un sourire couvrir ses lippes, se gorge de la brillance de l’hiver qui habille sa silhouette. Elle est toujours celle qui l’invite à entrer dans la danse. Lui se plaît plus volontier à faire résonner sa voix, néanmoins, cette dernière demeure muette pour l’heure, laissant la mélodie de la vie enfler dans son être. S’en gorger pour la suivre et ainsi la discerner.

Sa main relâche la sienne, mais il n’est pas inquiet. Il sait. Toujours, leurs mains se retrouvent. Un murmure s’échappe finalement de ses lèvres, suit le rythme de cette mélodie qu’ils perçoivent, qui enfle dans son coeur. Il en cherche l’harmonie, la saisit d’un souffle et laisse ses pas suivre la mesure qu’il perçoit. A ses côtés, s'effleurant, tournant et virevoltant entre les esprits et les étincelles qu’ils font naître. Sa prunelle unique les caresse avec bienveillance, puis se gorge de sa brillance. L’éclat du soleil de l’hiver qui se mouvoie dans la brume.

Le son d’un cor se fait entendre. La fuite éperdue de deux créatures de la forêt fait cesser sa danse. Cesser son chant. Deux biches qui s’échappent dans un galop éperdu. Sa prunelle vient les suivre alors l’ombre de son ombre vient rejoindre les ténèbres des racines, disparaît entre leur entrelacs. Patient, il attend la venue de l’intru qu’il sent approcher. Prends garde quelqu’un arrive. La mise en garde effleure sa conscience encore embrumée par leur danse. Il la contemple, savoure cet éclat avant de saisir cette main qu’il ne relâchera pas. Qu’il n’a jamais réellement relâché en réalité.

Ses mots font frémir son coeur. « Je suis à toi, Je prends ta main. » chantonne t-il avec douceur suivant le rythme de ses propres mots/ Il la fait tournoyer une dernière fois pour la ramener auprès de lui dans un dernier pas de danse. Une danse qui s’achève à l’arrivée du cavalier. Sa belle s’incline et le borgne fait de même, de moindre manière. Il détaille l’homme, contemple l’étendard qu’il tient pour s’approprier son sens. Les paroles de la belle se font musiques douces et se font bientôt suivre des siennes. « Pouvez vous nous donner le nom des terres que nous foulons ? »

Une fêlure. Un amour volé. L'homme, vêtu d'une armure de sable et d'or, avait ses épaules recouvertes d'une large fourrure qui tenait une lourde cape en laine. Ses yeux observaient avec étonnement les étranges formes éthérées. Alors que les autres cavaliers sortaient des fourrées, un geste de leur Maître les fit cabrer leurs chevaux. Les questions se lisaient sur leurs visages alors qu'ils observaient aussi les étrangers. A l'instar de leurs destriers, leurs cavaliers laissaient s'échapper des légères buées entre leurs lèvres. Le premier ajusta un instant ses gants afin de les resserrer et prit la parole.

" Voici des esprits que je ne connaissais pas, polis en plus. Je suis Léodagan, Roi de Carmélide. Nous chassions avec mes vassaux pour nous sustenter quelque peu, après nos derniers combats contre les Francs. Vous êtes ici en Armorique, la terre du Roi Gradlon. Puis je savoir ce que vos esprits égarés font ici ? "

Le vent se levait. Doucement, les regards devenaient acérés envers les inconnus. Une respiration lourde se faisait sentir des chevaux comme des cavaliers, tout semblait au ralenti. Une petite chose pouvait se voir, légère mais d'importance, le Roi portait un double pendentif sur une chaîne qui entourait son cou : Une sainte croix et une sorte d'étoile à trois branches.

Un homme sortit enfin des fourrées aveux deux énormes chiens à leurs laisses. Il portait sur ses épaules une étrange boîte de couleur acier. Une étrange lueur s'en échappait. Le maître chien observa les deux formes spectrales en se faisant un signe de croix. Léodagan continuait de regarder le couple, une légère lueur traversa brusquement. Une lueur de compréhension ? De la remarque des ombres des mondes d'en bas, ils prendraient la décision ou non d'agir afin de les renvoyer dans leur monde.

Le roi de Carmélide. Ainsi est-ce le nom des terres qu’ils foulent de leurs esprits. Des noms de royaumes inconnus se mêlent aux esprits du vent. Un acquiescement se fait remerciement muet, puis son soleil s’exprime, laisse échapper de ses lèvres des paroles qui se font prophéties. Lui demeure à son côté, étreignant sa main, contemplant ceux qui les entoure. Il sent la méfiance de la Bête qui fait silence, se fond dans les ombres de cette terre d’Armorique. Dans son coeur, il murmure la prudence, mais lui demeure attentif au présent. Aux mots et aux gestes, à ce qui est dit et ce qui est tû. La belle offre à tous un sourire qui vient couvrir également ses lippes. A lui à présent de prendre sa suite, sa main s’échappe de sa prise, alors qu’elle va rejoindre le dernier arrivé, l’interroge.

Sa mission. La leur aujourd’hui, car elle n’est pas qu’un guide à ses yeux. Bien plus. Les mêmes étoiles ont bénis leurs naissances. Au borgne de s’adresser au souverain du royaume qu’ils foulent, d’une voix nullement troublée par ces regards acérés qui leurs sont pourtant adressés.

« Nous recherchons un chemin vers une terre qui se nomme Brittania. Vos contrées nous sont inconnues. Est-ce une terre que vous connaissez ? » L’enfant des étoiles se laisse aller à un silence, écoutant d’une oreille distraite les paroles de son aimée avant de laisser le chant de la forêt imprégner son âme. Un instant, sa paupière s’éteint, profite des sons qu'il perçoit. « Ces terres ont un chant mélodieux. » Il apprécie cette mélodie, néanmoins une ombre vient couvrir son coeur. La méfiance demeure.

L'ombre de son ombre.

Il le sent s’agiter dans les ténèbres. Silencieux. Odoroï l’apaise d’une pensée effleurée, frémissant dans son âme. Sa prunelle unique observe, contemple et comprend, en parti seulement, les émotions qui semble se bousculer dans les cœurs, au bord des lèvres des présents.

« Notre présence sur ces terres vous importune t-elle ? » La question est sincère. Innocente. Et réelle.

Le Roi de Carmélide continuait de fixer les deux fantômes qui lui faisaient face. Il ne savait que penser mais écoutait avec sagesse leurs demandes. Une mission ? De quel royaume ? Pourquoi ? Bien des questions s'ajoutaient, les unes après les autres. D'un signe, il donna ordre à ses vassaux de rester à l'écart.

" L'Hiver, le souffle de Borée... Voilà un titre bien pompeux ! Ma parole, des engins comme vous, ça devrait être fourni avec une notice ! Mais je ne sais qui vous êtes et qui vous envoie ! Vous me parlez de mission, au nom de qui ? Pourquoi ? "

Un léger manteau mordoré se tissait autour du Roi.

" Voici bien des questions en tout cas... Malgré votre impolitesse, ambassadeurs, je vais vous répondre sur quelques points. Vous voyez là une armure et cela en est une en effet, vous venez donc d'une terre sacrée qui se trouve dans les royaumes du sud... Pour le reste, cela ne vous concerne pas. ET quand à vous, vous êtes déjà sur les terres de Britannia, Teyrnas Llydaw est son véritable nom. Maintenant, j'attends de vous des réponses un peu plus fournies sur vos origines... "

Le ton était glacial. On pouvait sentir des gouttelettes qui se formaient avec son cosmos. Son aura prenait la forme d'une colline fortifiée. Le gardien de la Table Ronde ne comptait pas laisser des ennemis entrer dans le royaume de Bretagne aussi facilement.

Importuné, en effet, il l’est. Le ton du roi de Carmélide est glacial en réponse à ses interrogations, néanmoins, prend t-il la peine de le faire. Ambassadeur. Voilà un atour que le saint n’a jamais arboré. Jusqu’alors il n’était rien de plus qu’un voyageur errant auprès de son aimé, parcourant un monde qu’il avait oublié, écoutant le murmure et les chants du commun. Mais pour cette mission, il se doit d’aller plus loin. Et si l’étonnement vient se perdre dans sa prunelle unique lorsque le roi avoue que la terre qu’ils foulent est celle qu’il cherche, le saint laisse ses interrogations mourir au creux de ses lèvres.

L’heure n’est plus aux questionnements à présent.

La belle s’incline, revenant à ses côtés pour révéler ce qu’elle est. Ce qu’ils ont toujours tûs. Car pour eux, cela n’a nulle importance. Sa main au creux de la sienne l’encourage et le rassure. A lui de reprendre la danse. « Je ne peux vous en révéler autant que ma compagne sur ce que j’étais car je n’en ai nul souvenir. Mais j’ai été béni par la constellation du cancer, et sert aujourd’hui la déesse aux yeux pers.» Une courte pause avant qu’il ne précise. « Athéna. » Il ignore si ce nom leur parlera. Ce roi semble cependant savoir. En savoir plus en tout cas.

C’est à lui cette fois de mener la danse. Une danse qu’il ne connaît pas et qu’il devra improviser. Ce ne sera pas la première fois. Les mots du Lion lui reviennent en mémoire, et il s’en inspire pour reprendre. « J’ai pour mission de me rendre en Brittania pour vérifier des informations qui nous ont été transmises par le passé. Nous ignorons la fiabilité de ces dernières, mais si elles s’avèrent vraies, c’est une grande menace pour tous. » Dans les ombres, la bête s’agite, ne perd une seconde des paroles échangées. Elle se montre prudente mais sur le qui-vive pour défendre son protégé, à l’image du soleil au côté de son aimé. Un murmure effleure pourtant l’âme de l’enfant des étoiles qui répète ce qu’elle lui a susurré.

« Cela concernerait le sombre monarque. » Le titre revêt des atours plus dangereux.

Le jeune homme baisse un instant la tête, laisse sa prunelle s’éteindre avant de reprendre en contemplant le roi des lieux. Son ton est plus hésitant lorsqu’il reprend. « Nous ne voulions pas vous paraître impoli. Je m’excuse si nos paroles et nos actes ont ainsi été perçu. »

Le Roi de Carmélide écoutait froidement les paroles des deux inconnus. La première, étrange phénomène qu'elle était, toute en nuance lunaire. Le second était de la même veine, à n'en point douter ! Silencieux pendant un long moment, il prit acte que le couple ne semblait pas mentir. Sa mémoire travaillait à se rappeler des enseignements de Myrddin sur les peuples méridionaux... Peuples fiers mais corrompus par leurs propres suffisances.

Si les Romains étaient devenus "ça". Il comprenait mieux la raison de la chute de ce glorieux empire. Soupirant lourdement, son regard se porta ensuite sur le blondinet. " Informations données dans le passé... Sombre monarque... " Quelle était cette menace ? Qui était ce Roi ? Oh bien sûr, le Roi était érudit du latin et des mythologies de son peuple mais des autres... Il avait déjà bien de la peine à comprendre l'ancien grec.

Il termina sa réflexion afin de s'adresser à l'Oracle.

" Votre Dieu ressemble au Dieu des Chrétiens non ? Ou alors du culte de Mithras ? J'ai parfois croisé ses prêtres sur mes terres il y a quelques années... Enfin, un Dieu prisonnier ? Vous moquez vous de moi ? On n'enferme pas les Dieux. C'est impossible. Ils se créent leurs propres prisons afin de feindre l'indifférence ! "

Puis, il tourna la tête vers le Saint.

" Voici des paroles énigmatiques... Je connais quelques Rois de ma connaissance au regard bien sombre et aux comportements tout aussi étrange que les vôtres. Auriez vous un nom ? "

Le regard était froid. Il avait de plus en plus mal avec ces étrangers. Ils manquaient de la simplicité qui lui plaisait par bien des égards. Lui qui avait œuvré avec acharnement à la stabilité de Camelot, gardé la Table Ronde de la proie des cupides et des méchants... Il ne comptait pas laisser un poison entrer dans la danse qui se préparait dans les mois à venir. Myrddin avait prévenu que cela arriverait, que des étrangers venant du sud viendraient par légion... Léodagan de Carmélide ne comptait pas tendre une joue ou l'autre.

Silencieux, Odoroï s’essaye à comprendre sans question, sans mot, le roi qui leur fait face. C’est là le chemin qu’il a choisi. Une voie difficile, qu’il peine parfois à arpenter, à appréhender. Les nuances des âmes sont parfois si complexes à saisir. Mais il s’y emploie. S’y essaye. Sa mission est importante et il ne veut pas le décevoir, ne souhaite pas échouer. Trop est en jeu pour cela. Son aimée reprend et propose sans rebondir sur les propos du souverain. Une invitation à partager, un moment côte à côte et non plus face à face. L’idée lui plaît davantage que cette situation se transformant peu à peu en un terreau hostile.

Comment planter une graine de confiance dans une terre glacée ?

Il se doit d’être plus clair. D’être plus précis. C’est ce que lui souffle la voix de Rùn dans son esprit. Il comprend, acquiesce silencieusement à ses paroles murmurées dans son âme. C’est à lui à présent de reprendre. De lui offrir ce qu’il désir. Un nom. Juste un nom dont il ignorera peut-être tout du son. « Hadès. C’est l’un des noms qui lui ait donné par chez nous. Il est le souverain du royaume des morts. » Il espère avoir été suffisamment précis cette fois ci. Il veille à présent à la réaction du roi. A sa compréhension.

Sa main demeure toujours au creux de celle de son aimée. Étreint ses doigts. Il espère à présent que le roi acceptera l’invitation de son soleil, et qu’il n’y verra nul piège ou malice. Il reprend à son encontre. « Si vous avez d’autres questions, j’y répondrai dans la mesure de mes moyens. Ici ou là bas. » A lui de décider à présent. Il est le maître de ces terres.

Le Roi descendit de cheval après avoir écouter les deux perdreaux. Il ne sentait pas de menace et d'un geste de la tête, il invitait ses chevaliers à faire de même. Hadès... Pour sûr, voilà un nom que le vieux Druide lui serinait depuis des mois. Il serait lié à cette garce de Medb. Grognant un peu, il s'approcha des deux êtres spectraux et prit la parole en les fixant.

" Je ne suis pas contre du fait de parler à vos personnes. Votre magie crée une frontière qui ne m'invite pas à la confiance, amenez vos gens dans le village à quelques lieues d'ici et j'y serais. Hadès hein... Je connais en effet, si vous êtes ici pour cet ennemi commun, bien. Je n'entends pas d'accent saxon dans votre verbe, ce évitera bien des querelles. Ni Franc non plus. "

Croisant les bras sur son torse, il se demandait bien pourquoi les anciens domaines sacrés du sud leur envoyaient des ouailles pareilles. Ce couple était aussi étrange que les discussions entre le roi Caradoc de Vannes et Gradlon d'Armorique. Soupirant, il souffla...

" Il vous faut combien de jours pour cela ? "

Soudain, il s'arrêta. Il sentit une présence autour des étrangers. Quelque chose dans l'air et il fixa longuement le Chevalier d'or du Cancer avant de se raviser. Était-ce une mauvaise impression ? Pour l'instant, il garda cela pour lui. C'était inutile de dire quoi que ce soit tant qu'il ne les aurait pas en face de lui, d'homme à homme.

Le borgne observe, veille la réaction du souverain à ses mots. A ce nom. Lentement, l’homme met pied à terre, invite ses vassaux à faire de même. Une lueur qui apaise son âme. Il comprend. Il reconnaît, visiblement. Un ennemi commun. Voilà une information qui est plaisante à entendre au vu de la teneur de sa mission. Ils peuvent être alliés, si tant est qu’ils parviennent à se comprendre. Ambassadeur. Cela fait également parti de sa mission à présent. Ils se retrouveront, et pourront échanger. Peut être cela sera t-il plus simple. Cela semble être le cas pour ce roi.

Son soleil répond à sa question alors qu’il sent Rùn se tendre. Léodagan de Carmélide le fixe en silence, trop longtemps. Sur les traits du saint vient se perdre une curiosité que ses lèvres ne reflètent pas. Elle l’intime au retrait, alors il offre au souverain un sourire simple. « Alors je vous parlerai davantage de ma mission lorsque nous nous retrouverons là bas, Roi de Carmélide, en espérant que notre présence vous mettra plus en confiance. Que les étoiles vous accompagnent. » Et l’enfant des astres suit son aimée, réintègre son corps à ses côtés.

A sa première question, le borgne acquiesce simplement. « Peut être a t-il perçu la présence de Rùn. » Il l’ignore en vérité. En réponse, l’ombre du cath sidhe vient se glisser hors de son ombre, s’asseyant à son côté. « C’est un éveillé, alors c’est une possibilité à ne pas négliger. » L’animal funeste dodeline de la tête alors que la belle s’échappe, abandonne les deux liés dans sa propre roulotte. Odoroï contemple la silhouette du soleil disparaître dans le manteau de sa saison, reste silencieux après ses mots. Elle a raison. Lui aussi a perçu cette différence.

Cette distance. Comme la terre faisant face à la trame du ciel. Pourtant, les deux s’allient si souvent malgré leurs propres nuances…

« Je pense qu’il est préférable que je demeure dans ton ombre, mon enfant. Ce roi est suffisamment méfiant sans que ma funeste nature n’intervienne dans vos échanges. » Le jeune homme acquiesce à ses mots, laisse son esprit s’échapper dans ses réflexions. Il doit s’adapter à lui, le comprendre aussi. Il espère qu’il parviendra à saisir son essence sans compliquer davantage leurs échanges. « Je te guiderai si il le faut. » Il n’est pas seul. Cela le rassure un tant soit peu. Bientôt. Cela arrivera bien assez tôt. Cette mission compte pour lui. Peut-être parviendront ils à devenir allié dans ce conflit. Il l’espère. Espère y parvenir malgré leurs nuances divergentes.

Son coeur demeurera sincère.

Les doigts de l’enfant des astres viennent glisser dans l’encre de son pelage puis il se redresse, s’échappe à son tour de la roulotte pour rejoindre son aimée. L’ombre de son ombre demeure à ses côtés alors que le froid vient étreindre sa silhouette. Il laisse ce dernier éveiller son corps et ses pensées, profite de cet éclat solaire perçant le gel de l’hiver. Le saint s’approche de son soleil, offre à la troupe des signes de tête et quelques mots avant de glisser sa main dans la sienne alors que la meute s’avance sur ces terres, guidée par Théodorus.

« Je suis heureux de t’avoir à mes côtés. » Sa présence l'apaise. Ils se comprennent sans mots, sans réflexion. Naturellement. Bien différemment de ce Léodagan. Est ce un mal pour autant ? Juste différent. Les nuances des âmes et du monde. D'ici quelques jours... Le temps pour eux de se préparer. Pour lui surtout.

Quelques jours passent,
Alors que les Roulottes avancent,
Le soleil trépasse,
Alors que la neige se balance.

Un village se dévoile dans la brume,
Le blanc manteau accueille,
Les deux invités qui s'enrhument,
Avant que la Mort ne les recueille.

Le Conteur

Les étoiles ont chantés dans les cieux obscurcis. Chaque nuit, elles ont offert à leur enfant leur douce symphonie. Apaisé par leur éclat, le saint a laissé son esprit dériver dans cet océan clairsemé. Elles l’accompagnent elles aussi. Tout comme son aimée. Ce voyage cependant demeure différent des précédents. Nulle errance ici, mais un chemin, une destination qui se fait mission à atteindre. A accomplir. Il ne l’oublie pas. Ne peut l’oublier. Cette dernière compte trop pour cela. Il y pense à la faveur des flocons s’écrasant mollement sur une terre parée de son voile d’hiver. Son étreinte se fait plus prégnante lorsque la belle éternue entre ses bras, relève son visage vers lui entre les pans de sa cape. Une tendresse similaire arbore ses traits en la contemplant.

La brume levée laisse dessinée dans les cieux les pourtours d’un village. Leur destination.

La troupe s’éparpille d’un simple ordre de main, et le jeune homme contemple cette danse dont il ne se lasse pas. Un pas après l’autre, chacun prend sa place, aujourd’hui cela dit, les deux astres n’y prendront pas part. Pas pour le moment tout du moins. Sa belle lui offre quelques mots et un baiser avant de s’échapper de son étreinte, fouler la plaine glacée de ses pieds nues. « Dansons. » Il lui offre un sourire et l’accompagne dans sa danse. Contrairement au soleil de l’hiver, le saint du cancer est drapé d’une longue cape aux nuances bleutées, rappelant la robe de sa compagne, agrémentée d’une fourrure sombre. Cette dernière laisse entrapercevoir des vêtements plus chauds, mais nullement l’armure dont il est l’élu. Rares sont les occasions où il revêt le cancer.

Il ne veut pas combattre ici bas.

Ses doigts viennent glisser entre les siens demeurant libres alors qu’ils s’avancent côte à côte jusqu’aux troupes du roi. Dans son ombre, il sent la présence de son familier. Ombre de son ombre. Au côté de sa belle, le borgne paraît gigantesque, même si il s’agit surtout de cette dernière qui se fait bien menue en comparaison.

« Sunilda et Odoroï se présentent à vous.» rajoute t-il à la suite des paroles de sa douce.

Une chaumière faisait office pour la petite troupe qui accompagnait le seigneur Léodagan. La neige tombait depuis quelques heures et le roi se réchauffait les mains près de l'âtre. Dans quelques minutes, il allait se présenter auprès des étrangers. La Grèce... Son père lui avait parlé de ces régions lointaines où le soleil ne dormait jamais. Un sourire maussade se dessinait sur ses traits alors que le feu crépitait. Rajoutant du bois sur le brasier, il se demandait de quoi il en retournait... Cela faisait près d'un siècle que Rome avait abandonné les terres des Bretons. Abandonner. C'était le mot.

Perdu dans ses pensées, un de ses hommes lui tapotait l'épaule afin de lui signifier que le temps était venu d'y aller. Il remit lentement ses gants et fit signe qu'il avait compris. Le silence était une habitude pour lui, il veillait depuis des années dans une destinée qui n'était pas la sienne. Lui, Roi... Il avait espérer autre chose au temps de sa jeunesse. Mais les attaques sournoises des Saxons l'avaient endurcis, rendu amer par quelques côtés. La défense de ses terres était primordiale, il était clair que le monde changeait trop vite pour lui. Un vassal lui ouvrit la porte alors que les étrangers entraient en scène. Ils étaient maintenant aussi physique qu'un arbre et, un arbre, cela s'abat s'il gêne le paysage.

" Bienvenue. Entrez ! "

Se mettant sur le côté, il les laissait entrer dans sa demeure de passage. Il constatait que le "reflet de chimère" n'avait pas caché sa grandeur. L'image qu'il avait des Grecs en prenait un coup mais ce n'était pas pour lui déplaire. Une fois installé, il reprit la parole après un moment de silence.

" Bien. Venons en au fait, vous êtes donc là pour rechercher des informations sur cette ancienne divinité du sud... du nom d'Hadès ? Personnellement, je ne sais si ses ouailles sont dans sur nos terres, des informations ? Au passage... "

Se tournant vers Odoroï.

" Cancer... C'est ça ? Donc Chevalier d'Athéna... J'ai entendu des rumeurs sur votre Ordre. Cela tombe bien que vous soyez ici, connaissez vous le Chevalier Artorius du Capricorne ? Est-il toujours en poste dans votre Ordre ? "

Bien des années étaient passées depuis que le Vieux Druide était allé le chercher. Il n'avait plus eu de nouvelles depuis et il espérait juste une réponse négative du géant aux yeux bleus, qui se présentait par devers lui. Le pouvoir des Sidhe se répandait dans le monde mais comme une marée montante, le Roi de Carmélide craignait le ressac que cela risquait de créer. Les brumes s'échappaient des lipes, le froid était présent, le feu lui même n'était pas assez fort actuellement. Il rajouta encore quelques bûches. Décidément, l'hiver allait être bien glaciale cette année...

Les portes de la chaumière s’ouvrent sur les deux amants, laissant apparaître la silhouette du roi de Carmélide. Son humeur semble meilleure que lors de leur première rencontre. Un bon augure pour la conversation à venir. Odoroï offre à ce dernier un salut silencieux qui se fait remerciement muet lorsqu’il les invite à s’installer. Malgré le feu dans l’âtre, le froid demeure prégnant même au sein du bâtiment. Coutumier des routes, il ne s’en étonne que peu. Il a toujours préféré le froid de l’hiver à la chaleur étouffante de l’été. Silencieux, le Saint laisse le roi reprendre ses questions, car c’est ce qui avait été convenu à la fin de leur rencontre. Aux paroles de son aimée, l’homme acquiesce avant de reprendre à sa suite après un instant de réflexion.

Rùn lui a signifié d’être direct et précis, à l’image de ce souverain aussi, se concentre t-il à l’être autant que possible. « Il souhaiterait trouver la créatrice de la lame des rois. Nynaeve, si je ne me trompe pas. » La prononciation de ce nom lui étant étrangère, il ignore si elle est exacte et se contente d’une formulation approximative. « Si il parvient à la capturer, il serait capable de forger une arme nous contraignant tous. » L’enfant des astres ne s’embarrasse pas des détails. Ils n'en ont nul besoin pour l'heure. Qui plus est, les détails sont d'autant plus troubles.

A présent, le roi de Carmélide en sait presque autant qu’eux. L’ombre de son ombre demeure dès lors dans l’attente, attentif à la réaction du souverain à chaque parole, chaque mot prononcé, alors que la belle reprend elle aussi, les yeux parées d'argent. Odoroï lui, se contente de laisser son esprit se plonger dans ses souvenirs, guidé par ceux de son familier. Artorius. Il connait ce nom. Une image indécise se dessine dans son esprit. Lui aussi, à l’image de son mentor, était un astre solitaire.

« Je l'ai croisé lorsque je n’étais qu’une âme errante au Sanctuaire. » Commente t-il sobrement en contemplant le feu crépitant dans l'âtre. Son regard unique à la lueur polaire vient se poser sur Léodagan lorsqu’il reprend. Précise. « Mais cela fait plusieurs années que je ne l'y ai plus vu. » Des années dont il perdait lui même le fil. Le temps lui est moins précieux que le passage des astres quand bien même sont ils tous deux liés.

Curieux, le Saint demande finalement à l'adresse du souverain de ces landes. « Vous le connaissiez ? » Eux aussi, veulent en apprendre davantage sur cette terre. Cette terre froide au chant pourtant si singulier.

Le crépitement des flammes fut la réponse aux propos des protagonistes de cette étrange rencontre. Léodagan observait les deux étrangers et il avait un point de vue de plus en plus positif. Pas de commérage ou de discussion stérile, ils en arrivaient immédiatement au fond des choses. Un sourire ourla ses lèvres alors qu'il fit signe à un serviteur d'apporter un peu de vin. Ce dernier vint alors vers les convives afin de leur présenter verres et vin. Le Roi observait avec soin leurs réactions.

" Gradlon ? Ce vieux bougre vit à Caraezh, bien loin d'ici et il est aussi insupportable que ma femme. Toutefois, c'est un bon Roi envers les siens, il a eu quelques déconvenues récemment avec les enfants de Medb, cette scélérate ! Vu vos atours, je pense que vous aimeriez sa fille, Ahès. "

Ahès, fille de Dahud et de Gradlon. La jeune princesse vivait depuis son plus jeune âge sur les terres armoricaines. On la disait prêtresse du Roi Llyr et disposait de grands dons spirituels avec les esprits des marées. Léodagan avait croisé à plusieurs reprises le Roi et sa fille. Et Dahud.... Fascinante autant que dérangeante, elle avait eu une relation avec un ancien Sidhe, au point d'en perdre la raison et de tenter de détruire l'antique cité de Ker-Ys. Ces histoires étaient anciennes et Gradlon n'en parlait jamais, c'était comme une blessure, une haine, dont il aimait se parer en rejetant sa propre fille. Pff... Les femmes.

Les propos du Cancer le firent frissonner. Lancelot avait donc eu raison, il avait espéré que ce soit qu'une simple rumeur. Nynaeve, gardienne d'Avalon et Prêtresse de Lug, était celle qui avait offert au Pendragon Excalibur, la lame sacrée de Lug. Depuis, celle-ci était devenue la pomme de la Discorde entre bien des Ligures. Soupirant, il répondit.

" Je vois, je vous remercie de me confirmer une chose qu'un de mes amis craignait. J'ignore d'où vient ce fléau mais bon, il faut combattre le feu par le feu dirons nous. Quand à forger une arme... Je ne pense pas que la douce Nynaeve en soit capable... mais disposer d'elle, c'est contrôler Excalibur et les accès à Avalon et au Royaume sombre. En tout cas, apprendre que Artorius n'est plus par chez vous m'inquiète.... Myrddin... "

Le connaître ? Il l'avait connu bébé mais sans plus, dur à dire. Mais, la confiance n'étant pas totale, il laissait la question en suspens. Les deux bougres semblaient honnêtes, élevés comme des pots sur le toit de la cheminée, mais ils semblaient "gentils".

" Des rumeurs circulent que les Byzantins ont repris Rome. Est ce vrai ? Un nouvel Evêque de Rome a été nommé ? "

Alors qu'ils discutaient, un souffle froid attira l'attention. Un homme venait d'entrer dans la chaumière et faisait tomber la neige de ses épaules en tapotant une robe de bure. De grande taille, il rayonnait de ce prêtre une profonde bonté alliée à une certaine ruse dans le regard. Il portait la sainte croix autour du cou. Il observait Léodagan et ses invités. Il s'approcha en saluant l'assistance.

" Mon seigneur, je viens de rencontrer l'ambassade du Roi des Francs... qui sont vos invités ?
- Je te présente deux serviteurs des anciens dieux. Voici Sunilda, servante de Lug, et le chevalier du Cancer.
- Oh.... Je me présente, Père Bleizh. Prêtre de Camelot.
- Il s'interrogeait de la présence d'Hadès dans notre royaume... vous qui lisez tant de livres, vous auriez peut-être plus de réponses ?
- Oui, les suivants de la Mort agissent dans l'ombre. Pas une nouveauté, le retour du Roi des Fomoires est en soit un gros problème et le roi d'Orcanie...
- Oui, un autre connard celui là...
- Messire...
- Oui désolé... Voyez chers voyageurs, nous avons quelques problèmes au nord, on raconte que des Nordiques seraient responsables du retour des ombres dans ce monde. Hadès ? Pfeuh, Les Nordiques sont plus dangereux que ce petit culte de retardés. Enfin, c'est le Conseil des Ligures qui décidera ! "

Une pointe de haine sortit du regard du Roi de Carmélide rien qu'à l'énoncé du Roi d'Orcanie, les rivalités entre Roi fédérés n'étaient pas plus faibles que celles entre les domaines sacrés qui entouraient la Mare Nostrum. Léodagan fulmina un instant alors que le Prêtre se servait un peu de vin.

" Vous vouliez aller où en Armorique ? Vous n'êtes pas venus ici sans savoir où allez non ? "

Une pointe d'agacement ? Peut-être.