[Janvier 551] Tentative n°4 - Paros, apprenti de l'Ophiuchus? [PV Mehry]

- Au suivant... Il m’entraîne. Il m’entraîne pas. Il m’entraîne. Il m’entraîne pas. Il m’entraîne. Il m’entraîne pas...

- Excusez-moi, Chevalier! Est-ce que vous auriez quelques instants à m'accorder?

Entre les pavés et les terres ensablées, une âme baguenaude, bercée par des mélancolies étouffées. Comme rarement, les amandes ne se montrent pas aux aguets, pas plus que l’ouïe ne consulte les alentours. Sa voix ne porte plus et, pour l’heure, seuls les membres s’animent, conduisent le corps vers un antre présumé sacré. Dans les paumes halées, le masque joue, danse avec ses doigts ; une valse lente et légère s’exécute, entachée par des réflexions enflammées. En cela réside un témoin, l’observateur d’une absence noyée par une lueur naissante.

Le masque représente tout et son inverse, trahit les traits de ce qu’il est nécessaire d’effacer : le plus fidèle des alliés se transforme en l’opposé, dresse, en tapinois, la plus dangereuse des lames. Illusionnée, elle frappe dans le silence, entre dans le doucereux Jeu des Apparences.

Un instrument aux attributs redoutables, s’il s’accompagne d’un maniement maîtrisé.

Nonchalante, la silhouette continue son avancée. Emmurée dans les songes, elle omet la présence des ombres qui virevoltent, parsèment ses traits d’une association de lumières, l’éblouissant momentanément ; les paupières mi-closes se ferment alors, s’ouvrent derechef, subsistent dans un plissement qu’un dextre tente d’amoindrir. Quand bien même le poignet est assigné au front Corbeau, elle ne souhaite qu’écourter ce trajet.

Ce vœu, un Inconnu l’exhausse d’une manière inappropriée, bien qu’empreinte d’une certaine originalité. En effet, une masse déboule devant son nez, quitte sa branche et retombe sur ses pattes pour mieux l’interpeller.

— Pas trop mal.

Murmurées, les sonorités s’envolent, disparaissent aussitôt qu'elles sont manifestées. En outre, son regard glisse, se fige sur l’animal encore nouveau ; les Jades détaillent, jaugent le Curieux sans tergiverser. Assurément n'est-il pas chevalier.

— Oui, mais pas ici. Suis-moi, on sera plus tranquille par là-bas.

Au désir de dénicher une pierre sur laquelle se poser, s’ajoute une prudence dissimulée. Une précaution envers lui autant que les autres : son emplacement n’est pas encore déterminé et, même si le chemin n’est pas fréquemment emprunté, elle n’en reste pas moins démunie de cette couverture solidifiée.

S’ensuit un geste, une invitation supplémentaire, tandis qu’elle s’éloigne d’ores et déjà des pierres menant au Sanctuaire. Une courte distance, quelques mètres seulement, toutefois suffisante pour qu’elle ne soit plus perceptible : l’amas de rochers gît à proximité. Parvenue à leur hauteur, l’Ophiuchus se repositionne, s’adosse aux minéraux pour faire face à l’enfant demandeur. Bras croisés, corps relâché et prunelles émerillonnées : elle est prête, désormais. Prête à l’écouter.

— Donc, qu’est-ce que j’peux faire pour toi ?

- Merci! Ce ne sera pas long, je vous le promets.

- Je m'appelle Paros. Je suis à Rodorio depuis quelques mois... Depuis l'attaque des Berzerkers, en réalité. Je voudrais rejoindre les rangs de la Chevalerie d'Athéna, mais les instructeurs du Sanctuaire ont refusé ma candidature. C'est pourtant quelque chose de très important pour moi, plus que vous ne l'imaginez! Le seul moyen de contourner ce refus serait qu'un Chevalier me prenne comme élève. Accepteriez-vous de faire de moi votre apprenti? Ou au moins de me donner une chance de faire mes preuves? S'il vous plait!

Ça, c’est toi qui le dis, gamin.

Les pas s’enchaînent et s’épousent, s’éloignent du chemin qui mène au Sanctuaire. Pour l’heure, la destination demeure une belle inconnue, mais les pierres semblent être une place de choix pour musser les traces de cette future conversation. Une inauguration constituée de questions, sous-couvert d’une surveillance silencieuse ; l’Inquisitrice décrypte chaque parole que l’autre prononce, s’attarde sur les gestes qu’il souligne avec son corps. Se transcrit, par cette méthode, une analyse de facto plus fidèle à la réalité qu’il soumet, si bien que des paires de secondes suffisent à comprendre l’étendue de sa demande. Ce genou, posé sur le sol, en dit bien assez et met l’accent sur deux possibilités. En outre, un sourcil se rehausse à cette vision ; l’enfant génère un questionnement qu’elle conserve sous clef.

C’est qu’il est bavard, celui-là.
Pas comme la p’tite Argus, qui peine à balancer plus de trois mots dans la même phrase.

La faute à l’expérience, sans l’ombre d’un doute. Toujours est-il qu’il annonce les raisons de sa venue, surprenantes sans l’être véritablement pour autant. Le débit se veut écrasant, les mots pesés pour atteindre une justesse élevée offrent un discours fluide à ses oreilles. Une plaidoirie trop rodée pour que la démarche provienne d’un simple coup de tête. Malgré tout, la demoiselle s’autorise un soupire, ancre derechef les amandes Céladon sur la silhouette à terre.

— Bon, reprenons et mettons deux-trois trucs au clair. Déjà, le vouvoiement, tu oublies : Mehry suffira. Pas besoin d’être aussi formel avec moi. Ensuite, t’es gentil, mais tu te relèves et tu me fais face correctement, regard compris. Pas de supériorité, pas d’infériorité, on est à la même hauteur et on parle normalement, d'égal à égal. On est bon là-dessus ?

Une main remonte, plaque quelques mèches de jais et les mélange, ne cesse cependant pas un seul instant de le jauger. Inspiration, expiration. De prime abord, les raisons liées à ce désir semblent louables, mais il n’est, hélas, guère rare qu’un serpent se cache sous un drap.

—Bon, et donc, pourquoi tu veux autant devenir Chevalier, pour la vengeance ?

Un pincement des lippes s’affiche à la mention de l’offensive de la Transylvanie ; cette période est gravée dans sa mémoire, elle et les ravages qu’ils ont causés. De surcroît, les doigts l’invitent à prendre place à ses côtés, à partager la place sur ces rochers.

— T’as demandé à combien de personnes jusqu’à présent ?

Aucun refus, ni acceptation. Pour le moment, elle attend.

- Oui! D'accord! Pardon!

- Non je... Ce n'est pas la vengeance que je poursuis. Enfin... Je ne sais pas. Je ne sais pas ce que je ferais si je me retrouvais devant les Berzerkers qui nous ont attaqué...

- Mais mon désir de devenir d'être un Chevalier remonte à bien avant cet événement. Je l'ai depuis que je suis enfant. A l'époque c'était juste un rêve de gamin... Mais maintenant, si je veux porter une armure, c'est pour retrouver ce que j'ai perdu. Pour protéger ce qu'il me reste et ne plus jamais laisser ça se reproduire. C'est ça, ma vraie motivation.

- Vous... Tu es la quatrième. J'ai commencé à demander aujourd'hui aux Chevaliers que je croisais.

Des réactions amusantes s’offrent à ses perceptions ; l’enfant s’empourpre, met les revendications en application, bredouillant quelques excuses d’une mélodie des plus aiguës. Silencieuse, l’atrofusca s’interroge sur les raisons qui le conduisent à ces expressions autant qu’à ses motivations. Il se corrige, certes, mais ne cesse pour autant pas de fuir. À cela, des quoi s’ajoutent et des hypothèses émergent d’ores et déjà de ses maigres réflexions. Une assurance inexistante, preuve évidente de cette expérience manquante. Or, la créature du sable ne s’arrête pas au premier coup d’œil, envisage de récolter davantage d’informations à son sujet. Le sien, comme d’autres.

Les fantômes ne sont jamais bien loin. Du haut de leurs branches, ils se glissent dans la pénombre et guettent le moment opportun pour jaillir des tréfonds de la mémoire.
Ils sont oubliés mais, eux, n’oublient jamais.

Or, il appert que certains ne parviennent à s’y résoudre, éprouvent une réticence quant à ces disparitions. Volontaires ou involontaires, ils continuent de vivre, de pleurer et de maudire. En ce sens, la langue provoque et, aiguisée, n’hésite en aucun cas à poignarder les réminiscences et les cauchemars d’une époque. Le hasard n’a pas sa place et, comme attendu, il dément.

Il dément et avoue dans le même laps de temps. En outre, le discours se transforme et celui qui était autrefois bien rodé n’est désormais plus qu’un morceau de tissu décousu. Un étonnement dissimulé, autant que la satisfaction qui s’y assimile ; il paraît, en effet surprenant que nul ne l’ai questionné jusqu’à présent, tant les motivations semblent si importantes à leurs yeux. Ainsi, pour toute réplique, les orbes Céladon percent et les paupières se plissent, fronçant, par la même occasion, les sourcils et, nonobstant les mots qui dansent sur le bout de la langue, Mehry le laisse finir.

Un but inavoué, poussé par les sombres réalités mises en avant par les actions des Éveillés. Malgré tout, cela n’empêche pas le Flamboyant de se bercer de doucereuses illusions et les réponses sont assurément incomplètes. Machinalement, la plante du pied frappe le sol, sans pour autant le quitter ; ses bras se croisent tandis qu’un souffle se libère, presque orageux.

— Je vois, tu perds pas de temps, on dirait. Pourquoi ne pas avoir pris le temps d’observer et de sélectionner la personne à qui t’adresserais ta demande plutôt que de foncer dans le tas ?

Toutefois, l’origine de sa contrariété se trouve ailleurs ; la forte activité dans ses recherches démontre le sérieux, quand bien même il se parsème des graines de l’impatience. Là encore, il lui faudra apprendre. Non, la source de cet ouragan étouffé réside dans ces justifications hachées. Par ce biais, il mutile ses propres pensées, et cela ne lui convient en aucun cas.

— Dis-moi plutôt pourquoi tu voulais devenir Chevalier, à l’époque, avant l’attaque. Il faut que tu comprennes un truc, Paros : l’armure fait pas tout. C’est une aide, tout au plus, et encore. Comment tu veux protéger ce qu’il te reste si tu te reposes déjà sur ça ? Que tu saches pas comment tu réagiras face aux Berserkers, c’est normal, mais tu prends le problème par le mauvais bout. Ce qui a été perdu l'est définitivement : on ne le récupère jamais.

- Parce que... euh... Je ne pense pas avoir le droit de faire le difficile? Et puis, si je me mets à suivre et espionner les chevaliers d'Athéna... C'est pas vraiment la première impression idéale, lorsqu'on cherche à les rejoindre!

- Mon grand-père était un Chevalier. Celui du Sagittaire. Il nous racontait toujours, à ma sœur et à moi, des histoires incroyables. Celles de héros qui préservaient le monde des hommes. Qui sauvaient les faibles, et châtiaient le mal et l'injustice. Je l'admirais, lui et ses histoires. J'admirais cette flamme que je voyais bruler en lui quand il parlait d'Athéna, malgré son âge et son état.

- Ma sœur était comme lui. Comme moi. Non, meilleure que moi. Elle a voulu devenir Chevalier, elle aussi, mais elle n'a pas remporté d'armure. Sans perdre courage, elle a décidé de servir Athéna autrement. Elle est devenue l'une de ses servantes, dans son Temple, tout en haut du Sanctuaire.

- Ma grande sœur et mon grand père... Ils ne sont plus là. Depuis l'attaque... Je suis tout ce qu'il reste. Devenir Chevalier est tout ce qu'il me reste. Quand je parle de récupérer ce que j'ai perdu, je ne parle pas de ramener les morts. Je veux réclamer leur Rêve à tous les deux, le faire réalité, et ne pas le laisser brisé dans les cendres et le sang.

Espionner.

Comme un écho, ce mot résonne par-delà les notes qu’il évoque et, déjà, installe des quiproquos. Dès lors, les Céladons s’ancrent dans les Grenats, dévoilent le trouble et l’ennui, tandis qu’un hoquet insonore s’empare du corps ; l’observation prend différentes formes et les informations ne s’acquièrent sans effort. Toutefois, l’adolescent dispose d’une force, d’une plus grande accessibilité en raison d’un domicile à proximité. En cela, des croisements demeurent imaginables : les guerriers gravitent aux alentours du Sanctuaire sacré.

— Observer et espionner sont deux actions bien distinctes. Il est évident que personne n’aime être espionné, mais rares sont ceux qui acceptent d’être sélectionnés par défaut pour devenir un mentor, sans raison particulière autre qu’un passage fortuit et des refus préalables.

Une explication tranchante, mais exempte de toute médisance ; une remarque pour comprendre que ce Monde est rempli de nuances. Des nuances qu’il faut apprendre et travailler pour ne pas se laisser absorber.

Tandis que les questions s’envolent, virevoltent jusqu’aux oreilles, les paupières s’abaissent et projettent sa vision sur la terre ; la quête de la compréhension semble le surprendre et les voix laissent place au silence. Les traces de l’hésitation sont perçues autant qu’elles se montrent rationnelles : pour eux, le temps est une ressource précieuse.

Il recouvre le sens de la parole, et déjà les bras entrecroisés s’abandonnent-ils à de nouvelles mélodies. Des sonorités presque feutrées, jouées par ces doigts qui s’activent et clapotent la chair dans un geste mécanique. Assurément sont-elles perturbantes, elles aussi. Or, l’attention ne s’amenuise pas pour autant : le regard se maintient et l’histoire est entendue.

Des histoires pour rassurer.
Des histoires bien loin de la réalité.

Les perles Rubis s’enfuient, se relèvent pour atteindre le ciel. Peut-être cherche-t-il la présence des Éternels, hélas, il n’y a que les ombrages qui leur parviennent. Elles furètent, reviennent finalement se planter dans les siennes, comblées d’un curieux mélange. Une volonté, une crainte, toutes deux certaines ; l’Ophiuchus sonde l’association autant qu’elle le considère, portant un nouveau regard sur l’enfant sincère.

— Je vois. Comment s’appelaient ton grand-père et ta sœur ?

Peut-être la Rose des Sables les connaissait-elle, elle qui avait trouvé refuse au Sanctuaire depuis de nombreuses années. En outre, les épaules se relâchent et les doigts remontent pour gratter son crâne.

— En soi, c’est pas une mauvaise chose de vouloir accomplir leur rêve. Évite juste de t’y perdre.

- Mon grand-père s'appelait Alkibiades. Il était le Chevalier du Sagittaire, il y a longtemps. Ma soeur, c'était... C'est Diona. Elle est portée disparue depuis l'attaque des Berzerkers.

- Qu'est-ce que tu penses que je devrais faire? Je comprends ce que tu m'as dis mais... Je ne sais pas comment je pourrais juger des qualités des Chevaliers pour orienter ma recherche. Vous êtes tous des Saints d'Athéna! Et moi, je suis...

Des rencontres hasardeuses pour féconder de nouvelles sensations. Les chemins se croisent, encouragent troubles, tendresses, rancunes, animosités et illusions, accordant leurs croyances et leurs sensibilités qui, parfois, ne trompent pas. Les intuitions dansent, virevoussent, liées aux affres d’antan ; l’avenir leur tend pourtant les bras, évoque les opportunités d’un après radieux dont l’acquisition ne tient qu’à eux.

Dans les embranchements se présentent des choix. Des lacunes simulées, des ombres oubliées, quand bien même elles planent au-dessus de leur tête ; des morts hantent les mémoires et ne les quittent pas, s’ancrent jusqu’à ce que la sombre silhouette les rattrape enfin.

Soupire silencieux outrepasse la barrière des lèvres ; les décisions se forgent comme des lames, s’inscrivent sur des pierres rougies. Les marches doivent être montées et les corps escaladés, sans un regard porté sur les fantômes présents derrière.

En outre, l’Ophiuchus guette l’enfant emporté par les songes. Elle jauge sans pour autant le toiser, reconnaît malgré toutes les raisons évoquées qui, un jour, le guidera vers les draps immaculés. Les aïeux et les proches prennent possession de la scène ; un sourcil s’arque, le cou se penche légèrement en une manœuvre inconsciente, tandis que les prunelles de Jade remontent, s’éclipsent sur la droite en quête des événements passés. L’existence de ces noms se trouve probablement là, quelque part, enfouie sous des couches de poussières.

— C’est plus clair, merci. J’imagine qu’il te racontait ses histoires ? Que les choses soient claires : le devoir de chevalier n’est pas toujours aussi beau et glorieux que ce que les légendes laissent croire. Le revers est bien plus sombre, tu es conscient de ça ?

Les paupières s’enferment dans le noir, un moment, se remémorant l’origine de maintes pertes de natures distinctes. Un chapitre qui brûle certains à vif, encore aujourd’hui. Une tête grattée, bercée par des plaintes absentes. Son regard change, autant concernant l’enfant que ses motivations : il ne recherche pas tant la vengeance, mais les traces d’êtres vivants.

— Ta sœur est portée disparue, mais ça ne veut pas dire qu’elle est morte pour autant. Tant qu’il n’y a pas de corps, on peut explorer d’autres pistes. Tu sais si quelque chose a été fait en ce sens ?

Probablement pas grand-chose. Pourtant, Mehry se souvient vaguement d’une jeune femme apprenant les techniques parmi les autres gamins. Un air de ressemblance, a bien y regarder, mais cela fait des années que leurs prunelles ne se sont plus trouvées. Somme toute, une main s’avance et s’empare de quelques mèches flamboyantes, les ébouriffant avec vivacité.

— Et toi, t’es un gamin qui essaie d’avancer et de faire bouger les choses. C’est plutôt positif, tu sais. La question, c’est de savoir comment tu souhaites le faire, et les titres n’ont rien à voir là-dedans.

- Ben... Je me doute que la vie de chevalier, ce n'est pas rose tous les jours! Mais au fond, c'est toujours pour défendre les faibles et protéger la paix qu'un chevalier combat, non? Les contes de mon papy n'étaient peut-être pas tous vrais, mais je pense que ça, au moins, ça l'était.

- C'est ce que je crois. Qu'elle est en vie. Mais... Depuis l'attaque des Berzerkers et la mort du Grand Pope, tout est en désordre au Sanctuaire. Personne n'a pu me répondre, ou ne sait ce qu'il s'est passé au-delà des douze Maisons du zodiaque.

- Comment je veux le faire...

- Je veux sauver ce qui peut l'être. Je veux honorer et rendre fiers ceux qui n'ont pu l'être. Je veux... Inspirer l'espoir, comme ceux qui m'en ont donné. Tout ça, je peux le faire, avec ou sans armure. Mais... Je ne me pardonnerai jamais d'abandonner ce chemin sans avoir tout essayé.

- Alors je vais continuer à chercher un Maître, peu importe combien de temps cela prendra. A moins que... Est-ce que tu m'as trouvé assez convainquant pour me prendre comme apprenti?

De la matière pour réfléchir, prendre du recul ; c’est ce que l’Ophiuchus lui sert, présentement, sur un plateau d’argent. Ces indices, elle les avait intégrés par ses propres moyens, à l’époque, faisant suite à la disparition de son âme : Ashkan. Il ne tient, désormais, qu’à l’enfant de les accepter, de les faire germer. Cela prendrait du temps, cependant, quand bien même le début de cheminement commence à se dessiner dans sa tête, si l’on en croit ses mimiques.

Les récits anciens sont à la fois un baume et une lame pour le cœur, l’esprit : ils renforcent autant qu’ils peuvent affaiblir. Quoi qu’il en soit, il faut apprendre à faire la part des choses, à ne pas tout considérer comme acquis. Ce fait, l’adolescent le connaît déjà, même s’il n’en a pas encore conscience.

Briser ses espoirs dans l’œuf, le laisser à ses expérimentations. Durant un bref instant, la Persane se berce d’hésitation, mais se ressaisit bien assez vite : lui avouer de but en blanc de rime à rien, car les croyances, pour l’heure, trop profondes.

— Ce n’est pas si simple, disons que les chevaliers ont des objectifs divins, mais certains peuvent également avoir des prétentions personnelles. Le devoir n’efface pas le caractère, les désirs et les ambitions pour autant.

Et, parfois, elles entrent en collision.

— Puisque personne n’arrive à te répondre, pourquoi ne pas prendre les choses en main ? Devenir chevalier pourrait t’ouvrir quelques portes et te permettre d’approfondir tes recherches pour la retrouver…

Une probable hérésie pour celui qui envisage le rôle comme celui d’un ultime défenseur. Or, cette proposition, lancée à la volée, reste un moyen pour qu’il conserve son identité, qu’il ne se fasse pas dévorer par ces capacités saisissantes. Obsédantes, aussi, pour quelques-uns.

Au final, ils en reviennent inlassablement à cette question de méthode et, point positif, Paros semble prendre en considération les conseils de son aînée. C’est ce qu’il laisse paraître, tout du moins. Une supposition qui laisse place à la certitude, lorsqu’il s’annonce d’une voix plus claire, plus assurée qu’auparavant.

— Alors lance-toi, avance. Si tu tombes, relève-toi, continue. Apprends de tes erreurs et prépare-toi à accepter.

Une ultime prévenance ; une indication des plus floues, mais qu’il comprendrait sans doute avec le temps. Un jour, il y sera confronté. Dès lors, mieux valait prévenir d’emblée. En outre, l’esquisse d’un sourire naît, tandis que cette proposition résonne à son oreille.

Décidément, il perd pas le nord, le gamin.

— Je ne peux malheureusement pas prendre d’apprenti pour le moment, mais je suis certaine que tu trouveras la personne qu’il te faut. Et si jamais tu as un problème, que tu ne trouves pas ce que tu cherches, alors reviens me voir.

Sait-on jamais.

- C'est ce que j'espère. Que je pourrai en savoir plus en devenant Chevalier. C'est une des raisons, mais pas la seule, hein!

- Ah, ça je peux faire, oui! Je ne laisserai pas tomber. Tu peux en être sure et certaine!

- Bon! Au moins, j'aurais essayé jusqu'au bout... C'est pas grave. Je m'en remettrai!

- Merci de m'avoir écouté, Mehry. Et pour tous tes conseils. Je vais pas continuer à te retenir! Tu étais en route pour Rodorio, non? Je peux t'accompagner un bout du chemin?

La jeune âme s’enflamme, encore inconsciente et naïve de ce monde qu’il souhaite tant rejoindre. Ainsi découvrirait-il rapidement la réalité mussée sous la surface ; peut-être conserverait-il les risettes enfantines qu’il arbore actuellement. Une présence rafraichissante, autant qu’elle s’avère risquée. Pourtant, quelque chose de semblable l’intrigue chez lui, et vraisemblablement est-ce l’une des raisons pour lesquelles la serpentes s’en rapproche, au-delà de ses manières habituelles.

Elle n’oublie pas ce qu’elle est devenue, ses convictions, ce qui les ont forgées.
Les Hommes et leurs histoires triturées.

Ses réactions sont débordantes de simplicité, tant est si bien qu’il deviendra une proie facile pour n’importe que prédateur. Même les moins discrets pourront s’en sustenter. Entre autre, les Grenats détournés en disent bien assez, au point que le verbe est anodin ; les buts qu’il se fixe ne regardent que lui, les éléments extérieurs n’ont rien à manifester. Mehry l’a déjà expliqué : les devoirs n’effacent pas le reste et il ne faut en aucun cas s’éteindre. Un air de déjà-vu ; une remarque similaire à celle tenue quelques jours auparavant, face à l’Oisillon.

Paros est réceptif, autant que ses expressions sont communicatives. Le message passe et, sur le trajet, la demoiselle n’a, de prime abord, rien de plus à lui enseigner. En cœur, son regard remonte pour observer la lueur qui s’abaisse, puis se reporte sur l’enfant qui, visiblement, n’est pas en reste.

— Du tout, je rentrais au Sanctuaire, mais tu peux m’accompagner un bout si tu veux, oui, dès fois que d’autres questions te viennent à l’esprit en chemin. C’est l’occasion !

Ou jamais, se retient-elle d’ajouter, l’esquisse d’un sourire sur les lèvres. Un étirement qui, de manière tacite, accepte les remerciements, avant que la route ne reprenne. Quand à savoir s’il la suivra ou non, il s’agit là de sa propre décision.

Une chose est certaine : celui-ci est fait pour vivre dans la lumière.

Citation :

Petite réponse pour laisser le choix à Paros de la suivre ou non, compte tenu de la destination. Dans le second cas, tu peux d'ores et déjà considérer que Mehry gardera un oeil sur lui de loin !

- Oh, euh... Désolé! Dans ce cas, je vais plutôt retourner vers le village. La nuit va pas tarder à tomber et je dois préparer le repas pour Daphnea... J'espère qu'on pourra se revoir bientôt, Mehry. C'était super de te parler!

Spoiler:

Une déception qui ne traverse pas la rétine d’une aveugle ; sans doute Paros a-t-il d’autres points qu’il voudrait soulever, mais la destination vers laquelle Mehry se dirige ne correspond pas à ses attentes. Or, même si le soleil s’évanouit peu à peu, sa journée est loin d’être terminée et il n’est pas envisageable de rallonger derechef la durée des extra. Donc, elle n’insiste pas davantage, lorsqu’il énonce le désir de se retirer pour cette fois.

À charge de revanche, pense-t-elle à la volée. Une occasion se représentera prochainement, probablement. Pour l’heure, Parvan l’attend dans l’antre pour faire le point, tout pointilleux qu’est ce petit serpent. Du haut de ses écailles blanches, il espère toujours provoquer un changement, qu’elle révise son avis sur maints sujets, à commencer par son instrument.

Une main se lève, puis le poignet s'agite doucement à la verticale, comme pour essayer de dédramatiser la situation. En cela que des excuses ne sont pas nécessaires. À son tour, elle s'exprime alors.

— Aucun problème, on poursuivra plus tard. De toute manière, tu sais où me trouver en cas de besoin !

Ou pas. Dans tous les cas, il ne reste qu’à lui souhaiter d’être prudent sur le retour, éventuellement de saluer cette Daphnea qui semble l’héberger, avant de s’éclipser.

Citation :

Petite conclusion également de mon côté. Toute petite. Merci pour le sujet !