[Mi février 553] Opération "Fantôme" [PV Selena]

Des orbes smaragdins furetaient, furtifs, guettant les traces d’une présence. Sans surprise, nulle âme ne traînait à proximité du temps, le renforcement de la sécurité opérant depuis un moment. Une précaution des plus logiques, qui plus est nécessaire, compte tenu des évènements récents : dernièrement, Atlantis attirait bon nombre de voyageurs et les actions n’allaient pas en s’améliorant.

Or, une demande lui parvint. De celle-ci, il n’en restait rien ; les Lyumnades glissaient entre les ombres, s’abreuvaient des affaires tantôt délicates, tantôt monstrueuses, déposées devant leur porte.

Une curieuse utilité.

Dès lors, Cassandra capta la silhouette de l’immaculée positionnée à l’entrée ; semblait-il qu’Aurora attendait son arrivée, comme elle-même prévoyait l’apparition à ses côtés. Les prémices d’un sourire, et déjà la Générale hochait la tête d’un signe approbateur, saluant son compère.

Une ombre parmi les ombres.

Des êtres qui, tous deux, vivaient de l’autre pan du miroir. De cette ressemblance naissait une forme de compréhension, tant est si bien qu’elles ne s’étonnaient vraisemblablement guère aux politesses tacites ainsi qu’aux familières. La discussion et les remerciements viendraient par après, car c’est ainsi qu’elle fonctionnait.

Sans tambour ni trompette, l’Atlante s’infiltra dans la pièce, poursuivant sa route en dépit de cette aura qui l’imprégnait. Une aura reconnaissable, sans l’ombre d’un doute. Il veillait.
Des incohérences multipliées ; les images perdaient leur consistance à mesure qu’elle progressait, l’obligeant à disperser bien assez vite ses petites manigances. Un souffle, toutefois, outrepassa la barrière, alors même que le buste se rehaussait, retombant aussitôt. Il n’agissait pas de la sorte sans raison, ce vicieux Légat, et les affaires sur lesquels chacun d’eux travaillait nécessitait l’absence totale de témoin.

Tel était le rôle des Lyumnades.
Et le Coquelicot devint l’Iris des Marais.

Arrivant à sa hauteur, une lueur curieuse s’invita dans son regard : que penserait le malheureux qui, fortuitement, se perdrait, s’improvisant spectateur d’une pièce privée ? Une possibilité certes moindre, mais guère nulle pour autant. Hélas, si la situation venait à se préciser, le bourreau n’aurait d’autres choix que celui de brandir cette lame illusionnée. Cette œillade, quant à elle, ne visait qu’à s’assurer que l’homme en mesurait les risques et les conséquences.

Cependant, nulle remarque verbale n’intervint. Le corps se pencha, simplement, pour des présentations plus formelles, bien que toujours bercées dans le silence. Si Orpheus la demandait, c’est qu’il avait besoin de ses compétences. L’une d’elles, tout du moins. En effet, l’un comme l’autre n’étaient pas du genre à faire traîner les choses et, dans l’instant, les lippes matoises s’étirèrent.

L’heure du Double Jeu sonnait.

— Et que puis-je faire pour vous permettre de remuer cette vase comme il se doit, Legat ?

Spoiler:

Un geste pour le suivre ; une avancée patiente, dans l’attente d’être capable d’enfin poser les yeux sur le document secret. Victime d’une lecture fulgurante, ce dernier fût parcouru en long, en large et en travers, sans pour autant s’attarder sur les détails, de prime abord : tout n’était que futilité, lorsqu’il s’agissait de comprendre ce que les lignes dissimulaient. En effet, ces noms connus ne représentaient un mystère pour personne, en dépit des sombres circonstances de leurs disparitions.

Projet Fantôme.

Un titre assurément amusant, autant que pertinent ; un titre dont les explications, bien que prévisibles, ne tardèrent pas à s’envoler. Toutefois, certaines mentions restaient à éclaircir, bercées par les affres de la contradiction. Quelques facilités, vraisemblablement, ou manipulations débordantes.

Confirmer un corps non identifiable ?

Les empreintes cosmiques ne suffisaient en aucun cas à ces validations. Or, la précédente Sirène Maléfique avait perdu la vie avec honneurs, de quoi faire grincer certaines dents. Un étonnement survint : Selena ne comprenait guère comment l’affaire avait été conclue aussi vite, compte tenu des coïncidences et des incidences.

— Et pourtant, la sienne ne semble pas avoir été confirmée, mais s’est contentée de suppositions erronées.

Un commentaire, ni plus ni moins, exprimant à demi-mot des reproches sur les anciennes méthodes. Établir des faits relevait de ses fonctions, après tout.

— Une théorie pourtant plausible, compte tenu de la situation dans laquelle elle était. Si elle venait à l’apprendre, j’imagine qu’elle chercherait à comprendre ce qu’il se passe, à savoir qui œuvre pour la faire sortir de son trou. Peut-être pas directement, cela dit. Probablement enverrait-elle quelqu’un de confiance à sa place, quelqu’un au courant de cette libération, tout du moins dans les grandes lignes. Quelqu’un que personne ne soupçonnerait.

Un étirement des lippes rendit un sourire au Légat ; l’Atlante projetait aisément une histoire comme celle-ci, justifiant ces requêtes enterrées. Pour mener cette manœuvre, une aide s’avérait nécessaire ; la participation de ceux qui se transformaient, des caméléons enflammés.

— Je ne l’ai que très peu connue, dans les faits. Il me faudrait d’autres informations concernant ses habitudes, son caractère, des tics éventuels peut-être ?

Un arrêt, bref, et déjà reprenait-elle.

— Et Nimüe O’Bannon renaîtra de ses cendres.

Car nul n’échappait à son fardeau indéfiniment.

Ils se ressemblaient. Leur perception et leurs attentes se complétaient, suggéraient une entente ainsi qu’une confiance sans faille en l’autre. En dépit de sa nature sceptique et conflictuelle, Selena le respectait ; avec Orpheus à son commandement, la cité ne pouvait qu’avancer, progresser et s’imposer.

Certains paieront leurs dettes et les intérêts.

Ses actions et ses paroles ne laissent aucun doute planer, œuvrant pour les siens sans compter. Les données nécessaires à la bonne réalisation de sa mission ne tarderont pas à pointer le bout du nez, tel qu’elle le connaît.

— Le Général Endymion pourrait être au centre de ses tentatives. Probablement dissimule-t-il des informations, des preuves qui nous mèneraient vers la réalité supposée.

Une surveillance suggérée, de manière détournée. Vraisemblablement celle-ci serait d’ores et déjà instaurée, en tapinois, comme attendu du Légat. Des possibilités envisagées, pertinentes qui plus est ; l’homme se dévoilait empreint de sagesse, comme à l’accoutumée.

Pas seulement.

Nimuë O’Bannon renaîtra de ses cendres ; elle emportera les fantômes des siens dans son sillage, ils s’en assureront. Le couperet tombera bien assez tôt, et nulle âme n’en ressortira. Des commissures relevées, mussées par le masque de neutralité : là encore, ils se rejoignaient.

— Quelques jours, tout au plus. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, l’illusion doit être parfaite, sans fioritures. Concernant vos hommes, qu’ils restent discrets et, surtout, que leur nombre soit réduit au strict minimum : leur présence risquerait d’attirer l’attention, d’autant que certains de ses pions peuvent venir d’Atlantis.

Des recommandations, ni plus ni moins, signes d’une prudence extrême pour affronter les inconnues qui restent dans l’équation. Dès lors, des salutations polies, mais sommaires ; l’Iris devint un Coquelicot, quittant le temple et, dans un dernier sourire, remerciant l’ombre du Légat.

Aurora.

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