[Début Avril 553] Grand nettoyage de printemps (mission profane) PV Nimue

Qu'il était bon de reprendre la route après avoir passé tant de jours enfermé dans une cité.
D'autant plus quand ma compagne de route n'était autre que Nimue O'Bannon, revenue à la vie.
Quelle différence, quel contraste avec notre première escapade en direction de Jamir... Moi qui avait tant veillé sur elle, de peur que sa santé vacillante ne la rattrape, les rôles étaient désormais inversés. Car la malédiction continuait de m'affliger, même si son emprise me semblait bien plus légère depuis que ma soeur avait retrouvé la santé.
Avides d'action, nous avions décidé de remettre un peu d'ordre dans la région de Carthage, où Narsès avait eu l'audace d'attaquer un émissaire des marinas : Endymion du dragon des mers. Et cette action semblait avoir été le début de la chute de l'amiral.
Le choix de cette mission n'était pas anodin, car il touchait de prêt les forces d'Atlantis. A nous de rester discret et prudent. Mais la nécessité de nettoyer les restes des poches de sbires à la solde de Narsès me semblait une tâche prioritaire.
L'aspect politique était essentiel dans cette mission, et nous devions montrer un soutien fort à Maximus, l'exarque d'Afrique.
Une fois nos montures parvenues aux abords d'une zone désertique, que je fis stopper la mienne.

Regarde... Un village ! Je pense que la nuit devrait tomber d'ici deux heures. Nous pourrions nous y reposer et commencer à demander des informations aux habitants. Ce sera toujours mieux que de chercher nos proies à l'aveugle. Qu'en dis-tu ?

Ne connaissant pas la région autrement que sur du papier, cela me semblait la meilleure approche. Car qui mieux que les autochtones pour nous renseigner sur les rumeurs et débusquer notre gibier ?

Retourner sur les routes avec son frère lui procurait une joie immense. Toute simple, mais n’était-ce pas dans la simplicité que réside le plus doux des bonheurs ? Kilian aura pu voir sa sœur s’épanouir sous les caresses du soleil, se laisser aller à raconter quelques-unes de ses anecdotes, ou tromper la fatigue que pouvait ressentir le Verseau au fil de ces longues heures de chevauchées avec des blagues plus ou moins douteuses.

Il pouvait aisément deviner les sourires sous son masque. Une précaution inutile ? Nimuë ignorait à quel point les rumeurs avaient pu galoper vite ou non. Elle, elle ne se privait pas de pousser sa monture de temps à autre, ivre de liberté, le vent soulevant sa perruque blonde.

Pour cette mission encore, elle incarnerait Morwenna.

« Bien vu ! » fit la jeune femme en se hissant sur ses étriers pour mettre sa main au-dessus de ses yeux et aviser du petit village. « Cela fait un moment que nous tenons un rythme d’enfer. Et tu as besoin de te reposer un peu. »

Oui, les rôles s’inversaient. La sœur veillait au grain sur son frère en quête de rédemption. Elle serait là pour lui, toujours. Elle se l’était juré.
Femme de promesses, l’atlante tiendrait parole. Comme elle prenait à cœur cette mission toute particulière.

« Faisons halte ici. Si on veut bien nous offrir l’hospitalité pour la nuit, sinon, cher Kilian, nous dormirons à la belle étoile ! »

Cette perspective n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire. « Proposons-leur notre aide si jamais il venait à nous le demander. Nous ne devrions pas mentionner Maximus, pas avant d’en savoir plus. D’ailleurs, il faudra aller le trouver tôt ou tard. »

Mettant à son tour pied à terre, les Poissons tirèrent doucement sur la bride de son cheval et avancer vers le village.

Je ne pus retenir une grimace lorsque Nimue mentionna mon état de fatigue. Pour autant, je retins une réplique agacée. les rôles étaient désormais inversés, et il serait bien ironique de ma part de me plaindre, après l'avoir tant couvée.
Sur un signe de tête, je fis bifurquer ma monture en direction du village.
A peine le sabot posé que je détectais l'hostilité générale à notre encontre. Ou du moins une méfiance prononcée. J'avais revêtu un accoutrement de bédouin assez large pour dissimuler ma cloth box, mais le masque de Nimue n'aidait pas à notre discrétion. Ou alors, le simple fait d'être des étrangers suffisait à nous valoir cette réaction.
Indifférent aux regards lourds de sens, je nous fis stopper devant une sorte d'auberge dans laquelle je m'engouffrais, après avoir attachés nos montures.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'aiment pas avoir de la visite...

L'établissement semblait à l'image de l'accueil général. Déserte, sale, peu disposée pour offrir un semblant d'hospitalité. Et je parvins à arracher un semblant de sourire au patron uniquement après avoir déposé sur son comptoir une bourse dodue.

Désolé, mais il faudra nous contenter d'une pauvre chèvre trop cuite et de menthe infusée... J'ai peur de me casser une dent en mordant dans ce pain.

Et je déposais un plateau garnie de tranches aussi dures que du fer devant ma pauvre sœur.

J'ai réservé une chambre à l'étage. Il faudrait gagner la confiance du patron, pour lui soutirer des informations. C'est dans tes cordes, non ?

Et j'offris un rictus de défi à ma soeur, manière de la taquiner. Voyons ce que valait l'ancienne capitaine pirate dans une telle situation.
J'avais eu uniquement l'image d'une fleur fanée depuis que j'avais fait sa rencontre, et malgré ma fatigue, j'étais curieux de voir de mes yeux la réelle personnalité de Nimue O'Bannon.

« Ils faut les comprendre, je ne serai pas très heureuse non plus de voir encore des étrangers arriver en terrain conquis. Ils ont dû en baver. »

Elle évita de mentionner à voix haute le nom de Narsès. Ni de soutenir les regards peu amènes des habitants de ce village. L’euphorie du voyage s’était pour ainsi dire envolée depuis quelques minutes. Les personnes qu’ils croisaient, en plus de leur destiner des œillades mauvaises, se vautraient dans l’insalubrité la plus totale. Ils devaient tous avoir le sentiment d’avoir été bafoués.
À eux de leur venir en aide comme ils le pouvaient. À Nimuë de veiller sur son frère, sans pour autant éveiller trop d’agacement chez lui.

Ils arrivèrent face à un établissement, le seul dont les fondations ne paraissaient pas totalement branlantes.
Tandis qu’ils s’y engageaient, Nimuë, par réflexe, observa les alentours histoire de s’assurer d’une relative sécurité, ou que rien n’échappait à sa vigilance. Pareil une fois à l’intérieur, en allant s’installer stratégiquement de sorte à avoir une vue sur toute la pièce et dos à un mur pour éviter les mauvaises surprises…

« Je m’en contenterai très bien. Tu sais, je ne suis plus très difficile. La maladie dotait à tous les aliments un goût de terre très désagréable. Alors… »

Elle mordit avec hardiesse dans le pain, fit un clin d’œil à son frère. « Continue de lui donner autant d’or et crois-moi, tu délieras sa langue. »

La jeune femme eut un petit rire avant de remettre en place son masque qu’elle avait pris soin de relever un peu pour manger et boire. Elle se pencha ensuite pour lui murmurer :

« Tu as remarqué leur misère. Ils doivent avoir des malades à soigner, et ça, c’est dans NOS cordes… laisse entendre que nous sommes guérisseurs, je me charge du reste. »

La Sainte prit le temps d’évaluer la situation et l’endroit. Tout transpirait la monotonie : ici, les hommes et les rares femmes essayaient de tromper leur malheur avec un peu d’alcool ou au son las d’une cithare.
En se relevant, quelques œillades circonspectes suivirent la progression de la jeune femme masquée. Celle-ci alla se pencher pour murmurer quelque chose au musicien qui haussa un sourcil interrogateur. Un mince sourire finit par ourler son faciès fatigué et, frappant tout à coup des mains et du pied pour donner le rythme, Nimuë réveilla l’assemblée somnolente.

Sa voix s’envola, douce et claire, un hymne d’abord apaisant, pour mieux captiver son auditoire. Et, à mesure que les notes s’enchaînaient, une fièvre s’empara des spectateurs. Ils finirent par craquer, encouragés par Nimuë et l’énergie qu’elle déversait. Son parfum détendait les esprits. La Rose du Sanctuaire était un petit soleil à elle toute seule, à l’aise, heureuse, désireuse de leur communiquer son feu.

La jeune femme commença à danser avec un adolescent, qui le rose aux joues, suivait maladroitement ses pas endiablés.

Bientôt, la morosité céda sa place à toute autre chose…

Le contraste était saisissante.
Morte la Morwenna éteinte, amère, asociale et rongée par un mal incurable.
Émerveillé, je vis Nimue O'Bannon déployer sa vitalité, comme si elle offrait une eau fraîche à un jardin fané. Les yeux écarquillés de surprise mais aussi d'émotion, je l'observais, ravi de distinguer enfin sa véritable personne. Un feu ardent.
Nous étions complémentaires, et cette pensée me fit sourire avec émotion. Et machinalement, je me surpris même à tapoter du pied, en rythme avec l'ambiance festive.
Mais les réflexes de toute une vie demeuraient. Et un mouvement subtil attira aussitôt mon attention.
L'un des convives venait de s'éclipser par une porte située dans un recoin sombre du comptoir. Qui pourrait donc être si pressé de fuir une telle liesse ?
Poussé par ma méfiance naturelle, je quittais ma chaise dans la plus grande discrétion afin de suivre le fuyard. J'atterris aussitôt dans une ruelle obscure et repérais ma cible, fuyant en direction d'une allée parallèle, à la rue principale. Et je le pris en chasse.
Ma proie se faufila dans un véritable dédale, adoptant une attitude pour le moins louche. Et après une course poursuite de quelques minutes, je le vis pénétrer dans une écurie. Toujours silencieux, je plaquais mon dos contre la paroi la plus proche d'une fenêtre restée ouverte en raison de la chaleur et tendis l'oreille. En vain.
Un coup d'oeil jeté à l'intérieur de la pièce accessible, et je m'y glissais, tel une ombre.
Me voici donc dans une sorte d'espace réservé à réparer les fers et le cuir, au vu du matériel sale répandu sur une table branlante et d'une odeur à peine supportable. Faisant fi de l'inconfort, je m'avançais vers la zone où patientaient quelques chevaux, et finit enfin par entendre des voix audibles.

Une femme avec un masque ! Qui veux-tu que ce soit ?!

Le Sanctuaire doit bien avoir autre chose à faire que de nous courir après. ne sois pas ridicule !

Il faut avertir le chef... Si des Saints rôdent dans le coin, nous devons partir immédiatement.

Pas la peine de nous affoler, je te dis ! Je vais lui envoyer un message, et nous attendrons ses ordres, comme prévu...

J'en avais assez entendu pour me faire un avis.
En quelques enjambées, je revins donc dans la rue, guettant le départ du sbire averti par celui qui avait fui. Une brusque douleur à la poitrine me fit vaciller dangereusement, mais je parvins à conserver de justesse mon équilibre.
A cet instant, le chef du duo quitta l'écurie et repéra une troupe de gamins en train de jouer. Il en héla un, lui donna une pièce ainsi qu'un parchemin, et retourna dans son antre.
Un léger sourire aux lèvres, je me glissais à la suite du messager improvisé, et l'interceptais alors qu'il s’apprêtait à quitter le village, en direction des montagnes proches.
Quelques minutes plus tard et délesté d'une bonne poignée de pièces, j'obtins la destination vers laquelle se dirigeait le gamin. Mais alors que je revenais vers l'auberge afin de tenir au courant Nimue, une nouvelle douleur à la poitrine m'obligea à m'appuyer contre le mur d'une maison, alors que l'air s'entêtait à fuir mes poumons. Un impact derrière la tête me tira un grognement étouffé, avant que les ténèbres ne
m'emportent...

Elle se revoyait sur le pont de la Rose Sanglante, encadrée par ses hommes, son équipage. Qu’en restait-il aujourd’hui ? La danse avec l’adolescent s’acheva dans une légère amertume.
Old John traversait son esprit et songer à lui, maintenant, lui fit du mal. Pourtant, elle prit sur elle quand, timidement, le jeune homme la questionna sur sa venue ici. La Sainte lui assura vouloir les aider à regagner leur tranquillité. Leur offrir la paix à laquelle il aspirait.

« Votre ami est parti il y a quelques minutes. » grinça l’aubergiste grassement rétribué lorsque Nimuë l’interrogea ensuite.

Un simple hochement de tête et la jeune femme partit en quête de son frère. Sans doute avait-il trouvé quelque chose de suspect et s’était mis en mouvement dans les ombres.
Dehors, elle ne vit personne. Les secondes s’égrenèrent sans qu’il ne se manifeste. Une bouffée d’inquiétude comprima sa poitrine. Qu’elle tenta de chasser : il restait un chevalier d’Or !

Or, une sensation désagréable persistait. Fermant les yeux, Nimuë se concentra comme Childéric avait pu lui montrer. Plonger dans le Rêve était un exercice difficile, bien plus laborieux que de faire vibrer le Lien qui existait entre la femme et l’époux.

Une légère résonnance. Si ténue qu’elle cru rêver.

Une douleur. Le néant.

« Kilian… » souffla-t-elle avant de s’élancer.

Elle dut arriver au bon moment, car des présences s’envolèrent sitôt qu’ils la repérèrent, penchées sur la silhouette inerte du Verseau.

« Kilian ! »

Elle évita de manifester son cosmos, de peur qu’on la surprenne. De ses poches, elle sortit un petit flacon que la rousse s’empressa d’ouvrir et de porter sous les narines de Kilian.
Une odeur, forte, glissa jusqu’à lui.

« Oui, je sais… ça pourrait réveiller un mort. »

Un petit rire pour tromper sa préoccupation.

Parfait. Bandes d'imbéciles...
Comme si des amateurs aussi balourds pouvaient surprendre un assassin tel que moi. Ayant repéré leur petit jeu, et le fait que l'homme de la taverne s'était souvenu de mon visage, j'avais façonné une mince couche de glace autour de mon crane, afin d'encaisser le coup assommant.
Jouant pleinement le jeu de victime, je me laissais chuter au sol, en attendant qu'ils tentent de me traîner dans leur repère.


Tu es sûr de toi ?!

Oui, certain ! C'est le type qui rôdait avec la femme au masque ! On devrait l'achever...

Non, crétin. On va l'interroger et lui soutirer tout ce qu'il sait d'abord.

Bien... Prévisibles canailles...
Je dus me retenir de sourire, lorsqu'ils me saisirent par les chevilles pour m’entraîner en direction de l'écurie. Mais à ma grande stupeur, la voix inquiète de Nimue me héla, faisant décamper mes deux assaillants. Sitôt à mes cotés, ma sœur porta à mes narines une odeur bien connue, qui me tira une grimace.

Je vais bien ! C'était une ruse...

Me jugeait-elle à ce point faible et malade ?! Je réalisais alors que si les rôles avaient de nouveau été inversés... J'aurais agi exactement comme elle. Amusé et attendri malgré moi, je posais un baiser sur sa paume, avant de reprendre un air sérieux.

Je pense que nous sommes tombés là où il le fallait. Ces hommes... Ils connaissaient l'existence des Saints. De ce que j'ai pu glaner de leur conversation, un de leurs chefs se terrent dans une caverne non loin. Et à placer des guetteurs dans tous les villages alentours, selon un gamin sensé lui amener un message.

Je me relevais alors, et pointais du doigt les montagnes au lointain.

Le gosse m'a donné l'emplacement de leur cachette. J'ignore combien ils seront, mais cela fera toujours un peu moins de mauvaises herbes à arracher.

Et même si leur chef était un éveillé, nul doute qu'il ne pèserait pas lourd contre la fratrie O'Bannon.

« Tu es si bon comédien que je me suis laissée tromper par ta prestation ! » se railla-t-elle gentiment, bien que soulagée aussi de le savoir en forme. « C’était malin de ta part. »

Ils avaient donc une piste des plus concrètes. Les montagnes. Voilà leur destination prochaine.

« Ne perdons pas plus de temps, dans ce cas. Tu sais aussi bien que moi que la mauvaise herbe se multiplie à l’infini… »

Et l’idée d’un peu d’action n’était pas pour déplaire à la Sainte qui, engoncée dans sa faiblesse physique depuis trop longtemps, se languissait de démontrer que la fleur fanée venait de renaître.

Comme ils n’étaient pas très loin des écuries, Nimuë et Kilian ne perdirent pas plus de temps et enfourchèrent leur monture. Lancés au grand galop, les chevaux fendaient la nuit, commandés d’une main habile : à croire que les O’Bannon manœuvraient aussi bien sur terre que sur les flots.
Encore que, cela restait à prouver pour le frère de Nimuë qui lui avait fait la confidence de ne pas être très à l’aise.

Chaque chose en son temps. D’abord, remplir cette mission à bien et nettoyer la racaille de Narsès, délivrer un message clair et fort tout en assurant le soutien d’Athéna à ses vassaux. L’appel de l’océan viendrait plus tard. Nimuë aura tout le temps de se moquer de Kilian et de son probable mal de mer.

« Attachons les chevaux ici. » glissa-t-elle doucement en mettant pied-à-terre. Elle s’approcha ensuite de Kilian. « Je te propose de les prendre par surprise. Moi en y allant de front et mettant la pagaille dans leur rang, toi, en les prenant à revers quand ils voudront prendre le large. Ça te va ? »

Son œil était enflammé. L’ex-Capitaine de la Rose Sanglante trépignait de se lancer corps et âme dans cet abordage terrestre.

Fidèle à son tempérament de feu, Nimue se hâta de me proposer une stratégie qui me fit hausser un sourcil de contrariété. Une nouvelle façon de me couver ? Peut être.
Mai je compris rapidement qu’il s’agissait surtout pour la rose ressuscitée de se prouver à elle même que le temps de la maladie et de la faiblesse était bel et bien derrière elle. Et cela je pouvais le comprendre.

Soit, faisons ainsi.

Une main douce sur son bras, et je me relevais pour nous entrainer en direction de ces fameuses montagnes. Combien seraient nos adversaires ? Question futile, en réalité. Même une armée vouée à Narsès ne saurait mettre en péril deux chevaliers d’or. Toutefois, notre priorité serait de veiller à ce que nul n’en réchappe. Après plusieurs dizaines de minutes de cavalcade, notre duo finit par arriver devant une série de grottes, ouvertes sur une zone assez large.

Inutile de toutes les fouiller. Nous pourrions être repérer par nos cibles.

Cibles qui par ailleurs semblaient ne pas avoir poster de vigie. Cela témoignait soit d’une grande assurance, soit d’une grande inexpérience. Ou plus probablement d’une volonté de rester caché plus impactante que la simple prudence de bon aloi.
Déjà concentré sur ma tache, je posais pied à terre, et aussi silencieux qu’une ombre, je gagnais les différentes entrées une à une, afin d’en observer le sol.
Je repérais alors deux séries de pas.

Regarde… Les plus récentes sont à gauche. Mais les autres doivent dater de quelques jours. Impossible donc de savoir où se cachent exactement nos cibles. Choisis l’une des deux, et je veillerais à ce que nul ne puisse entrer ou sortie par la seconde entrée.

Couper la retraite de nos cibles était essentiel pour mener à bien notre mission. En cela, j’approuvais sans réserve la stratégie de Nimue. Il me suffirait donc de sceller la grotte secondaire par un mur de glace et de patienter dans les ombres que des rescapés de la furie rouquine ne tente une sortie.

« Tu es un traqueur plus redoutable que moi. Je vais remonter la piste la plus récente. Et créer la zizanie dans leurs rangs. »

Cette perspective suffit à enchanter la Sainte des Poissons. Son cosmos s’enflamma. Une véritable flamme s’embrasa dans le noir et, telle une étoile se décrochant de la trame du ciel, elle s’abattit dans la masse ténébreuse en délivrant un cri redoutable.
Qui se répercuta partout dans la montagne.

La stratégie était des plus simples : éveiller la peur, un doute. Créer une opportunité, les amener à commettre une erreur. Leur dernière.

Car Nimuë serait sans pitié, songeant avant tout aux innombrables vies innocentes privées de tout. Elle ne les abandonnerait pas. Elle leur prouverait qu’Athéna ne s’était pas détournée d’eux. L’Empire.

Maintenant que la rousse pouvait s’envoler, elle laissait libre cours à son instinct. À cette passion si longtemps contenue dans ce corps malade. Très vite, la Sainte capta un mouvement. Une note qui la fit bifurquer au dernier moment. Un rocher s’écrasa non loin. Il l’aurait écrasé si elle n’avait pas été si alerte. Un sourire sardonique étira ses lèvres.

« C’est tout ? » se railla-t-elle en observant les hauteurs. Deux silhouettes s’échappèrent, paniquées.

D’un bond leste, Nimuë les rejoignit.

« Il va en falloir un peu plus pour terrasser un chevalier d’or, messieurs. » fit-elle en barrant la route au duo de malandrins.

Leurs ricanements interpellèrent la Sainte qui fronça des sourcils. Bien que sur ses gardes, l’explosion qui suivit la souffla de sa puissance. Les hommes furent avalés par ce feu ravageur.

Un piège ?

L’orange et le rouge illuminèrent la nuit.

Sitôt Nimue disparue dans l'un des tunnels que j'appliquais notre plan.
Paumes posées sur le sol poussiéreux, j'érigeais en un instant un mur de glace infranchissable. Ce qui n'offrait plus qu'une issue aux éventuels fuyards. Patient et vigilant, je me fondis dans l'ombre de la caverne encore accessible, et entrepris de patienter.
Les minutes passèrent lentement, jusqu'à ce que le mugissement d'une explosion lointaine n'attire mon attention.

Nimue...

L'angoisse me vrilla aussitôt les entrailles. Néanmoins, je parvins à y opposer mon sang-froid. Ma sœur restait l'une des plus redoutables guerrières de notre ordre d'élite. Je devais croire en elle... De plus, s'il lui était arrivé malheur, la malédiction d'Athéna me l'aurait fait pleinement ressentir.
Mais tout de même. Ces sbires de Narsès avaient-ils déployer leurs forces sans compter face à la chevalier des poissons ou... Nous attendaient-ils ? Hésitant quant à la marche à suivre, je sentis une subtile émanation de cosmos en provenance du sol, sous mes pieds. Et avant que je ne réalise la situation, je sentis la roche laisser place au vide béant.
Je chutais alors dans les ténèbres, sans accroche pour retenir ma descente.
Par réflexe, je déployais alors un toboggan de glace, qui me mena sans danger à la terre ferme. Mais à peine le pied posé que je fus contraint de bondir derrière une stalagmite, pour échapper à un rayon cosmique.

Il est à notre merci ! Choppez-le !

Un... Deux... Quatre... Huit individus cachés dans les ombres.
Ils avaient bien préparés le terrain, en prévision de l'intrusion d'envoyés du Sanctuaire. Mais comment nous avaient-ils repérés ?! Le gamin... Après m'avoir renseigné, ce dernier avait dû aller chercher les deux crétins qui m'avaient assommé.
Un coup d'oeil me permit de distinguer des ombres à la lueur d'une poignée de torches, brandies par mon assaillants. Agenouillés autour d'eux, plusieurs silhouettes immobiles et dénudées semblaient tenus en laisse... Une vision d'horreur qui me poussa à agir.
Une paume sur le mur de la caverne, et un pentagramme se dessina au gré de mon esprit. Aussitôt la température chuta drastiquement. Mais alors qu'un sourire victorieux se dessinait sur mon visage, il fut rapidement balayé par l'opposition d'une série de cosmos émanant des pauvres prisonniers, dont les cris de souffrance pure résonnèrent dans la caverne.
J'eus à peine le temps de bondir de ma position qu'une sphère ardente de la taille d'un homme fusa dans ma direction, calcinant la roche sur son chemin, dans un vacarme assourdissant.

En fin de compte, ils n’étaient pas si mal préparés que ça, ni vraiment novices. Qu’à cela ne tienne, Nimuë n’en était pas à son premier guet-apens ! Un sourire malicieux ourla ses lèvres : les souvenirs abondaient, la pressant à adopter l’attitude qu’elle prenait face au danger. L’approche de l’abordage lui donnait des ailes. S’effaçant dans l’ombre projetée par les flammes de l’explosion, les Poissons se mettaient à l’abri. En prenant de la hauteur, la Sainte put voir ses assaillants se regrouper et se replier vers la position de Kilian.

Une seconde plus tard, d’autres rumeurs confirmèrent ses soupçons : les suppôts de Narsès avaient coordonné leur attaque. Le ou les cerveaux de ce plan connaissaient les méthodes employées par l’Ordre de la Sagesse. Peu surprenant, mais cela ne facilitait guère leur mission !

Un peu de piquant dans ce voyage aux accents de renaissance ! Puis, le jeu en valait la chandelle : l’ombre de l’Empire, qui s’étirait bien loin, devait être entretenue, gardée d’autres ténèbres. Forte de cette volonté de venir en aide aux hommes, femmes et enfants se pensant injustement délaissés, Nimuë enflamma son cosmos et s’élança, telle une étoile filante, en plein cœur de la bataille.

« Kilian ! » gronda la voix de la sœur du Verseau, s’interposant entre lui et la masse ardente, vaguement humaine, qui s’écrasait dans sa direction.

Un rempart de ronces et de roses rouges étouffa le feu au lieu de le vivifier. Une silhouette dorée évoluait dans ce vaste réseau qui s’étalait de plus en plus vite, libérant dans l’air, des notes dangereuses.

Fille de la Terre. La Sainte fit partir des quatre coins de la grotte, des liens pourvus d’épines qui fouettèrent ou immobilisèrent quelques hommes.

Puis, dans ce vacarme assourdissant, jaillit une mélodie. Une ode à son autre facette.
Filles de la Mer. Nimuë O’Bannon clamait un chant aux accents de son Irlande natale. Une histoire d’une jeune fille du Connaught partie entre les bras de l’océan, ivre de liberté et de tempête.

Une main enserra l’épaule de Kilian. Elle l’invita à se réfugier au sein de cette protection vivante. Assez éloignée du froid de ses glaces.

« Il faut les libérer. Vite. »

Face à l'adversité bien plus coriace que prévu, ma soeur venait donc de me rejoindre.
Quoique sérieux, je laissais échapper un sourire à la vue du mélange entre ses deux facettes : Mer et terre. Rose et mer.
Mais quand sa main se posa sur mon épaule afin de m'intimer de me réfugier derrière sa protection, je me contentais de joindre brièvement mes doigts au sien.

Décidément, tu me prends pour une petite chose fragile... Je m'en occupe.

Par son apparition fracassante, Nimue avait probablement semer le trouble dans les rangs adverses. Une diversion parfaite pour une ombre mortelle.
Ma silhouette se fondit dans l'obscurité, me rendant aussi silencieux qu'invisible. Lames de glace à chaque bras, je me glissais le long du mur de la caverne, en quête des pauvres hères entravés. Il ne me fallut pas longtemps pour les repérer, ainsi que leurs geôliers. Et déjà les malheureux prisonniers rampaient au sol, alors que les ravisseurs puisaient dans leurs forces vitales afin d'envoyer un nouvel assaut, bien plus destructeur. Dommage, l'une de leurs deux cibles n'étaient déjà plus face à eux...
Vif comme l'éclair, je bondis au milieu de l'attroupement de nos ennemis, tranchant chaque chaîne d'un coup sec et précis.

Imbéciles...

Défier deux chevaliers d'or était un acte d'une arrogance terrible. Et ces mécréants allaient apprendre de leur funeste erreur.
Stupéfait par mon attaque efficace et vive, les bandits se retournèrent dans ma direction, alors que j'achevais la formation d'un pentagramme dans les airs. Aussitôt le froid déjà vivace s'amplifia jusqu'à transformer en statues de glace sept des huit assaillants. Ces idiots n'avaient pas mérité un meilleur sort.

Deux choix s'offrent à toi. Connaître le même sort que tes compagnons ou rendre gentiment les armes et répondre à nos questions.

Le sbire de Narsès me défia du regard quelques instants, avant qu'un filet de sang ne coule de ses lèvres.
Les yeux écarquillés de surprise, je le vis tomber au sol, immobile.
Une fois à son chevet, je constatais qu'il avait préféré avaler sa langue plutôt que de nous fournir des informations...

Tout était terminé. Les conséquences de leur folle hardiesse s’étalaient sous les yeux de Kilian et Nimuë. Enchevêtrés, allongés ou encore agonisants, les suppôts de Narsès connaissaient un sort tragique par empoisonnement. Leur endoctrinement était tel qu’ils avaient choisi la mort plutôt que les aveux et une mince chance de rédemption. Le regard dur, les lèvres pincées, Nimuë sortit de ses ronces et s’assura rapidement du choix de leurs ennemis et du sort des prisonniers, vivants, pour la plupart.

La Sainte ne cachait pas sa frustration ni sa colère. Elle les contenait tant bien que mal, occupée à soigner les victimes aux côtés du Verseau. Preuve de sa consternation, la rousse s’était enfermée dans un silence pesant. Ses réflexions ne quittèrent pas sa bouche, le temps était à la guérison des blessés et leur rapatriement.

Ce ne fut que lorsqu’ils arrivèrent aux abords du village qu’ils avaient quitté plus tôt que les Poissons brisèrent le silence.

« Nous devons informer l’exarque Maximus de ce qu’il s’est passé ici. »

Juchée sur son cheval, l’ancienne générale de la Sirène Maléfique tira sur ses rênes. « Nous pourrions aussi les interroger. » fit-elle en désignant du menton les quelques hommes et femmes qui retrouvaient leur famille. « Mais je doute qu’ils puissent nous aider à l’heure actuelle. »

Trop secoués par les derniers évènements, les prisonniers libérés du joug des renégats avaient besoin de reprendre leurs esprits. S’ils devaient savoir quelque chose, Kilian et Nimuë en seraient informés par « l’Humble ». Un rapide entretien serait nécessaire pour rassurer ce dernier et fortifier les liens de l’Empire.

Un fragile équilibre, cela, la Sainte en avait conscience.

« Prenons quelques heures pour nous reposer et repartons. » suggéra avec sérieux la Sainte en mettant pied-à-terre.

Le sourire de Nimuë revint progressivement au rythme des discussions avec les villageois reconnaissants. Puis, l’aube nouvelle venue, elle et Kilian reprirent la route pour se présenter à l’exarque. Ils furent reçus avec une joie et un soulagement non dissimulé par le représentant Maximus, rassuré de voir que le Sanctuaire n’avait pas oublié l’Afrique. Les cordialités passées, les explications offertes et les alliances consolidées – mais pour combien de temps ? – Kilian et Nimuë O’Bannon rentrèrent.

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