[Mi-juin 550] I hope you find your way [PV]

Bon à rien. Inutile. Faible, si faible. À quoi allait-il bien pouvoir servir avec une pareille enveloppe ? Pour celui qui avait marché dans l'ombre d'Apollon, ce corps actuel semblait n'être qu'une prison, un fardeau. Maladif et victime des excès de la précédente conscience qui l'habitait. Un homme nommé Démétrios, violent et cumulant les péchés. Lykeios respectait la vie, tout le contraire de celui qu'il avait remplacé. Ce devait sans doute expliquer en partie pourquoi le choix s'était porté sur lui à l'heure de son Éveil.

Un certain potentiel également, il était inutile de le nier. Cette coquille était parvenue à supporter l'incarnation. Pourrait un jour déverser des torrents de cosmo-énergie s'il prenait le temps de l'apprivoiser. Sans quoi il l'userait, le consommerait, le consumerait… et il n'y aurait dès lors plus rien à en faire, à jamais.

Voilà qui titillait son impatience, lui qui voudrait tant retrouver sa puissance d'antan. Non pas par orgueil, pas pour sa propre gloire personnelle. Mais pour servir au mieux son père. Lui prouver qu'il pouvait à nouveau lui faire confiance. Se reposer sur lui comme bras armé, comme exécuteur de sa volonté. Pour cela, il devrait s'entraîner durement, repousser ses limites, encore et encore, jusqu'à atteindre un pouvoir capable de terrasser les ennemis du Dieu-Soleil.

Ce à quoi il s'exerçait déjà. Afin d'effectuer un état des lieux. Et quelques heures plus tard, alors que le crépuscule commençait à s'installer, Lykeios était épuisé. Hors d'haleine. Tout simplement abattu de ses faibles résultats...

*L'heure de passer à l'étape suivante était venue. Lykeios observa un instant le ciel, et la lente descente du Soleil. S'il voulait encore s'offrir un entraînement conséquent avant que l'astre ne franchisse l'horizon, il ne pouvait réellement se permettre de perdre trop de temps. Un peu d'attente encore, tout de même. Juste récupérer son souffle. S'éviter une nouvelle crise. Qui ne ferait que le retarder plus encore, finalement.

Le Dieu-Loup se redressera alors, lorsqu'il estimera être capable de poursuivre. Inspirera profondément, quelques secondes de plus. Récupérera son port altier, avant d'élever son Cosmos derechef. Une brise se lève alors. Brève mais particulièrement notable. Surnaturelle, elle apportait avec elle la Chlamyde du Loup de Delphes, se matérialisant à même le corps de son porteur. Propriété notable des armures des Oracles d'Apollon.

La sienne lui était apparue peu après son Éveil. Son hurlement au Soleil, suivi de l'apparition. De toute évidence taillée pour lui. Un loup phénoménal d'un acier corbeau et parcourue de quelques voiles sombres comme la nuit, ces derniers dansant au vent. Un monstre s'extirpant de la brume… Une apparition qui lui avait alors confirmé pour de bon les raisons de son réveil après une longue hibernation ; devenir l'un des plus redoutables guerriers de son père.

Portée, l'impression laissée restait assez similaire. La tête lupine recouvrait son crâne, ses yeux de saphirs étoilés renvoyant les éclats lumineux solaires. Une armure aux pièces imposantes mais hautement travaillées, dignes d'un Demi-Dieu, fils d'Apollon qui plus est. Croisées dans son dos au niveau de ses reins, deux épées larges en partie camouflées sous les pièces de tissu composant sa Chlamyde. Lykeios les saisit alors par la garde afin de s'en équiper. Ses Crocs… Ces lames formidables, il les usait à la manière de tonfas, le faux-tranchant suivant fidèlement son avant-bras, assez longues pour remonter plus haut encore que ses épaules.

C'était là la première fois qu'il s'en paraît dans le but d'en faire usage. Une fois seulement, il l'avait porté, seulement quelques instants. Le même ressenti lui revint alors. Une certaine plénitude. L'impression d'être presque complet. Comme si cette seconde peau parvenait à supplanter celle de Démétrios qu'il avait encore du mal à estimer comme sienne, si peu de temps après son incarnation. Contrairement aux apparences, il n'en ressentait pas le poids. Comme si elle ne pesait rien. Légère comme le vent...*

*Quelques mouvements et étirements, afin de bien jauger les réactions de son physique face à cette nouvelle carapace. Oui, il peut le confirmer à présent, il se sent bien, apte à profiter d'un peu plus de sa puissance. Pour un peu, il aurait l'envie de brûler les étapes, de se lancer directement dans une danse destructrice et frénétique. Après tout, Lykeios veut savoir. Savoir s'il sera toujours capable de servir son père comme il se doit. S'il sera toujours apte à le protéger. S'il sera toujours l'efficace exécuteur dans l'ombre du Soleil.

Il inspire profondément, tâchant de canaliser une nouvelle fois son impatience. Lykeios laisse s'élever sa cosmo-énergie, une aura de lumière solaire le baigne rapidement, celle-ci tout de même parcourue de perturbations plus sombres. L'influence du sceau de la Lune, de sa malédiction, corrompant même son énergie vitale. Rien de ce qu'il fût n'était resté intact, tout élément de sa vie perturbé à jamais.

Puis son regard se porta aux alentours, semblant chercher quelque chose. Il lui semblait que quelques instants auparavant, il avait aperçu ce dont il avait besoin désormais. Le loup effectua quelques mètres, se fiant à son flair. Avança encore dans cette direction, l'odeur se précisant. Voilà ! Deux arbres dont la vie s'achevait. Le cycle naturel. Certains survivent des siècles durant, s'élevant toujours plus. D'autres devaient s'écrouler avant pourtant que leur heure ait sonnée. Les hommes s'en rendaient souvent coupables, bien sûr. Mais il existait d'autres raisons. D'autres parasites – et ce terme n'avait aucune notion péjorative à son sens lorsqu'il évoquait la faune et la flore. Des maladies. Ainsi que la vie fonctionne, pour tous les êtres peuplant ce monde, à l'exception des Dieux tout-puissants.

Il porta son attention sur le plus robuste des deux. Le plus vieux. S'en approcha, effleurant son écorce des doigts. S'il achevait son cycle aujourd'hui, Lykeios se devait au moins de lui montrer du respect. Cela pouvait paraître ridicule aux yeux de beaucoup, mais deux mères il avait eu, toutes deux faisant partie même de la nature forestière. Ensuite, il se recula, près à s'adonner au premier test.

Le Loup de Delphes se projeta vers sa cible, à une vitesse folle. Si preste qu'il n'eut même pas besoin de frapper. Juste tenir son bras devant lui, armé d'une épée. Le tronc en fut scié en l'instant, découpé telle une brindille. Avant qu'il n'ait pu choir, Lykeios pivota avec rapidité, décochant un coup de pied retourné au bas du tronc tranché. Ce dernier bascula sous l'impact jusqu'à se retrouver à l'horizontale. Là, l'Oracle pivote encore, véloce, symbolisant à lui seul la capacité de la meute à frapper de tous côtés. Son second croc siffle en tranchant le vent qu'il l'accompagne pourtant. Il y mêle assez de son énergie cosmique pour que le bois ne résiste. Que les fibres se tordent et implosent. Il n'en reste dès lors que sciure, pleuvant tout autour de lui.*

- Si faible...

*Dès le premier assaut, il n'aurait plus rien dû rester de cet arbre. Rien d'autre que de la poussière, à peine perceptible. Comment pouvait-il s'estimer heureux de ce qui pourtant paraîtrait comme une fabuleuse prouesse auprès de la plupart des mortels ? Lykeios ne pouvait s'en estimer satisfait. Si le corps de Démétrios semblait avoir bien encaissé cette puissance, le résultat n'était pas à la hauteur de ses attentes. Le loup n'est pas totalement dénué d'orgueil après tout. Il sait qu'il faudra bien plus que cela pour être celui que son père attendait, réclamait. Il l'avait habitué à mieux, et ce même s'il lui était arrivé de le décevoir.

Les mâchoires serrées, les lèvres entrouvertes, il soufflait bruyamment. L'effort en lui-même n'entrait pas en ligne de compte ici. C'était un mélange de colère et de désespoir qui était là à l’œuvre. De frustration pure. Ses progrès étaient insuffisant. Du moins la vision qu'il en a, alors qu'il ne fait bien peu de temps qu'il est revenu à la vie. Il lui faudrait plus de temps, alors qu'il ne pouvait se permettre de traîner. Si Apollon le rappelait, c'était qu'il avait besoin de forces vives. De guerriers capables de faire pencher la balance. De combattants aptes à emporter la victoire, et faire briller l'étendard solaire sur le monde.

À nouveau, il tente de s'apaiser, tandis qu'il reporte son attention sur le deuxième arbre qui lui servirait à pratiquer ses aptitudes. Mais Lykeios ne parvient pas à calmer cette rage qui l'habite totalement. Qui l'aveugle, accablé par la différence entre ses capacités et ses exigences. Dans un hurlement, il lève ses bras, les deux lames pivotant pour se retrouver croisées au-dessus de sa tête. Il les abat alors ensemble, faisant déferler une croix d'énergie dévorante. Terrasse l'arbre avec une aisance effarante. Semble le consumer de l'intérieur, absorber sa substance, se nourrir de lui pour assécher complètement ce qu'il en reste.

Un peu plus concluant, même si encore insuffisant. Mais le pire n'est pas là. De ce simple effort, goutte d'eau dans le fleuve déversé en ce jour, il s'effondre. Sa Chlamyde quitte son corps à sa volonté, comprenant qu'il ne pourrait aller plus loin pour l'heure. Et à son sens, le bilan n'est pas très flatteur, alors qu'il reprend son souffle et qu'à l'horizon, les lueurs solaires s'étendent en un crépuscule aperçu au travers des frondaisons.*

Citation :

Récupération : 160 HP => Full HP

Il n'a depuis pas décroché son regard de l'horizon. Patiemment, il attend. Lorsqu'il a par assez récupéré son souffle, Lykeios se dévêt. S'offrant nu à la Lune. Bientôt, son pelage remplacerait ces étoffes humaines. Bientôt, le loup remplacerait l'homme. Plus qu'une question de minutes sans doute. Il se prépare. Se relaxe. Ne pense plus aux déceptions, oublie sa colère. Il se soumet juste à l'implacable malédiction.

Il inspire profondément et soupire. Ses yeux ne sont plus que de fines lucarnes, les paupières lourdes. Pour un peu l'on pourrait croire qu'il laisse le sommeil le gagner, près à s'assoupir d'un instant à l'autre. Il n'en est rien, la bête nocturne a encore tant à faire. Avec cet entraînement, une journée a été perdue, pendant laquelle il n'a pu avancer. N'a pu se rapprocher de Rome. De la Tour des Vents. D'Apollon qui l'y attend.

Les dernières lueurs s'éteignent, rongées par l'obscurité. Une violente douleur s'installe dans sa poitrine. Le Soleil laisse la place à la Lune, les jumeaux se succédant sans relâche. Le sceau d'Artémis en son torse devient incandescent. Ses yeux d'azur s'illuminent. De pires souffrances l'attendent encore. Ses muscles gonflent et s'affaissent. Sa structure se modifie peu à peu. Son visage se déforme, s'allonge. Un poil dru et sombre s'extirpe de ses pores. Le tout se produit dans un hurlement terrifiant, tant le supplice frôle l'insupportable. La brume l'accompagnera bientôt. Viendra recouvrir le monstre de son voile.

Le Dieu-Loup de Delphes dans toute sa splendeur. Bête colossale dont l'esprit humain était influencé, plus instinctif désormais. Féroce également, si tant est que menace devait se présenter. Sa vision du monde altérée. La douleur quant à elle s'est arrêtée, enfin. Le lupin hume l'air, s’imprègne bien mieux des odeurs désormais. Il cherche une piste. Une proie… Celui-qui-Chasse. Son heure était venue...

La chasse. La concentration absolue, dirigée dans un unique but. Donner la mort, l'absorber afin qu'elle serve sa propre vie. Noble manière de disparaître, sous les crocs d'un Béhémoth de la nuit. Sortant soudainement de la brume, ses griffes imposantes avaient provoqué un décès rapide, confirmé par une gueule garnie de lames de rasoir se refermant sur une gorge. Y buvant le chaud liquide au goût métallique, y arrachant une première bouchée. Le gibier n'avait eu aucune chance, mais au moins n'avait-il pas eu le temps de souffrir.

Déchiqueté, petit à petit. Sa viande arrachée et gobée, ses os broyés, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une flaque écarlate dont la terre se gorgeait déjà. L'opération a été rapide, l'avide prédateur ne perdant pas de temps à savourer. Il mâche, avale, engloutit sans relâche. Bientôt prêt à poursuivre son voyage.

Il n'a rien perdu de sa lucidité. Il sait où il doit se rendre, toujours mu par la même volonté de rejoindre son père, de la même dévotion envers lui. Sur son trajet, il restera à l'écart des villes. Empruntera la voie des forêts et des rivières, qui se succéderont rapidement face à la vélocité du Dieu-Loup.

En effet, Lykeios ne dévore là par que ses proies. Les distances subissent le même sort, à grandes enjambées. Là, il n'a plus à se tracasser de sa maladie. Toujours présente mais devenue donnée négligeable face à l'endurance redoutable du carnassier. Et si en cette période de l'année, les nuits restaient courtes, cela ne l'empêcherait de progresser ainsi bien plus rapidement qu'il ne le faisait de jour, en se mêlant aux hommes.

Et lorsque l'aube se déclareraient enfin, bien des lieues abattues, la transformation s'opérerait à nouveau, le loup disparaissant au profit de l'homme qui profiterait dès lors d'un repos bien mérité. La même souffrance se ferait ressentir, cycle habituel. Il accorderait un regard au Soleil. En serait même ému, privé qu'il en avait été des siècles durant. Puis à la faveur de la fraîcheur matinale trouverait bien vite le sommeil réparateur dont il avait besoin...