[Début Août 550] L'attente...la chose la plus insupportable qui soit [Pv Endymion]

Cela faisait deux jours à présent que les défenses Atlantes avaient été levé par l'Atlas. Depuis, elle avait eu la chance de retrouver son ami, nommé Général du Kraken au cours du mois qui venait de s'écouler. Comme cela avait été convenu entre eux, ils s'étaient rendus au premier pilier, celui d'Endymion, guettant et attendant l'éventuelle attaque dont lui avait fait part Cinead. Mais rien n'était venu. Par simple précaution, juste au cas où, la Belle n'avait pas daigné rabaisser les défenses d'Atlantis.

Calista se tenait depuis en état d'alerte. Elle n'avait pas dormi au cours des deux derniers jours, n'avait qu'à peine mangé et bu. L'inquiétude la rongeait et la torturait. Oh bien sûr, son frère lui avait donné quelques nouvelles. Il allait bien lui avait-il dit. Mais elle ne le croyait qu'à demi mot. S'il allait bien, pourquoi ne revenait-il pas? Et puis, il y avait quelque chose de différent dans sa voix. Oh, elle se doutait qu'il avait prononcé ces mots pour la rassurer. Malheureusement, cela ne fonctionnait pas. Rassurée, elle ne le serait qu'une fois qu'elle l'aurait face à elle pour juger de son état. Et elle lui en voulait de ne pas lui dire toute la vérité. N'avait-il pas confiance en elle? Alors pourquoi tant de secrets?

Là, dans le temple de Poséidon, Scylla laissa échapper un profond soupir rempli d'amertume. Doucement, elle vint s'asseoir sur les marches menant au fauteuil du Légat. Là, elle passa ses mains sur son faciès aux traits fatigués et tirés. Lentement son minois s'inclina vers l'avant, ses paupières se fermèrent sur ses iris améthystes, et ses doigts glissèrent dans sa chevelure lilas, cherchant cet objet si précieux, ce lien. Un instant, rien qu'un instant, elle avait besoin de faire le vide dans son esprit. De retrouver ce calme et cette sérénité qui l'avaient quitté depuis deux jours.

Comme si elle percevait le trouble de sa Maîtresse, une Bête sortit du néant pour venir simplement s'asseoir à ses côtés. Bien sûr, la Demoiselle avait bien cherché à recontacter son Aîné, mais il était demeuré sourd à son appel. Nouveau soupir avant qu'elle ne laisse échapper un grommellement:

"- Cinead Atlas, fais gaffe à toi, parce qu'à ton retour, toi et moi, on va avoir une petite discussion."

Enfin, s'il en avait la force, et elle aussi. Et surtout, elle n'était pas certainement de lui en vouloir, elle avait simplement prononcé ces mots pour un peu exorciser cette inquiétude qui était la sienne. Et puis, elle devait admettre que le fait de n'être que deux à défendre Atlantis lui nouait un peu l'estomac. Pour une fois, elle se surprit à espérer qu'Endymion fasse rapidement son retour de sa mission. Après tout, l'aide d'un troisième Général était plus que la bienvenue.

Un petit grognement de sa créature indiqua à l'Atlas qu'elle ne se trouvait plus seule. Peut-être était-ce Nereus qui revenait. Au même moment où la voix s'élevait, la Demoiselle relevait la tête en direction de ce visage familier. A sa vue, elle ne put s'empêcher d'éprouver un soulagement plus que certain. Pour la peine, elle l'aurait presque embrassé.

"- Endymion!"

Déjà, elle se relevait d'un bond, alors qu'il venait se placer face à elle. Il y eut une chose qui la fit toutefois tiquer. Non pas le fait qu'il critiquait sa mine affreuse, après tout, elle ne pouvait lui en vouloir, c'était un fait avéré. Quoique, dire ces choses à une femme ne se faisait pas vraiment. Mais à dire vrai, elle s'en moquait. En cet instant son esprit carburait à toute allure. Il l'avait entendu. Il avait entendu les paroles qu'elle avait eu pour Nea. Bizarrement, la demoiselle se disait que si le Dragon des Mers apprenait la vérité sur le lien qui l'unissait vraiment au Légat, il ne manquerait pas de chercher à l'embêter avec cela. A moins qu'il n'en ai rien à faire. Et dans ce cas, ce serait tant mieux, mais mieux valait endormir la curiosité de l'animal. Innocemment, elle arqua alors un sourcil interrogateur:

"- Si je le connais? Je pense que nous avons tous eu le plaisir d'avoir droit à sa visite. Après tout, c'est normal qu'il veuille connaître ses Généraux non? Ca a été un homme charmant et courtois. Il m'a fait bonne impression en tout cas. Mais oui, la fatigue me fait parler de façon trop familière. Je compte sur toi pour ne pas lui répéter d'accord?"

Elle lui accorda un doux sourire avant que celui ci ne disparaisse lorsqu'il lui demanda ce qui se passait.

"- Le Légat nous a contacté il y a deux jours, demandant à ce que les défenses Atlantes soient dressées. Visiblement sa visite au Sanctuaire ne s'est pas aussi bien passée qu'il le pensait. Il craignait une attaque. Rien ne s'est passé, mais il n'est toujours pas rentré. Il nous a dit qu'il allait bien, mais j'ai l'impression qu'il n'a pas voulu ou pu tout nous dire. Par sécurité, nous avons donc décidé de maintenir nos défenses jusqu'à son retour. Nous ne sommes que trois pour assurer la protection des Atlantes: toi, le Général du Kraken et moi. Autant te dire que je suis vraiment soulagée de ton retour."

Elle finit par se pencher vers lui pour l'observer attentivement:

"- Mais dis donc, si moi j'ai une mine affreuse, on peut dire que toi tu as l'air d'être plutôt contrarié. Ta mission en Asgard ne semble pas s'être déroulée comme tu le voulais ou je me fais des idées?"

Elle se sentait réprimandée. Voilà comment elle voyait la chose. L'espace d'une seconde, elle manqua s'offusquer. Sa fierté piétinée. D'ailleurs cela se voyait au regard qui prit une teinte légèrement plus ardente. Néanmoins, elle devait admettre la justesse des propos du Dragon des Mers, et en un instant, cette colère en elle, accrue par le manque de sommeil et l'inquiétude, fut soufflée. Balayée. Elle laissa échapper un soupir:

"- J'ai déjà fais évacuer ces biens les plus précieux dans le Pilier Central. Simple précaution. Juste au cas où. Et je resterai donc à mon Pilier, comme tu le suggères. Ma stratégie première de vouloir garder ton pilier en ton absence tenait simplement à respecter l'idée du Légat: protéger la population. Maintenant que tu es là, je te rends cette tâche."

Les yeux améthystes de la demoiselle suivaient du regard le premier gardien. Il ressemblait, tout comme elle, à un lion en cage. A non, elle oubliait: à ses yeux, elle était une simple et petite étoile de mer. Perte de charisme impressionnante pour l'Atlas, qui néanmoins ne pu s'empêcher de sourire à cette idée. Son premier sourire depuis deux jours, mais il s’effaça bien rapidement à la vue du regard qu'il lui lança.

Exaspération. Voilà ce qu'elle y voyait, voilà ce qu'elle y lisait alors qu'il la souffletait comme une petite fille. Oh la Nymphe se contenait, prenait sur elle pour ne pas lui sauter à la gorge, serrant ses poings. Mais il ne pouvait pas comprendre! Son devoir était certes là, elle le savait. Mais elle était inquiète, bien trop inquiète pour garder l'esprit clair. Son esprit était embrouillé par ses angoisses au sujet de Cinead. Elle savait que le beau Diable avait raison. Elle pouvait dépêcher un soldat, mais elle ne serait rassurée que si elle voyait les choses de ses propres yeux. Alors, lorsqu'elle releva son visage vers lui, elle ne put s'empêcher de vouloir lui tenir tête.

"- Je sais que cette idée te paraît stupide, mais j'irai tout de même et ce peu importe ce que tu me diras. Et ce point n'est nullement négociable. Et même si Cinead en venait à ne pas comprendre mon geste, même s'il me menaçait à cet instant précis de me retirer mon Ecaille, j'irai! Qu'aucun de vous ne comprenne mon geste, ou que vous voyez en lui un acte de rébellion, je m'en moque éperdument. Je ne serai rassurée qu'en le voyant de mes propres yeux."

Farouche et intrépide créature. Déjà, elle se relevait, s’avançant de quelques pas: Déjà sa Bête se tenait sur ses talons, jetant au passage un coup d’œil au Dragon des Mers. Allait-elle quitter la pièce? Probablement.

Une douche froide. Voilà purement et simplement ce qu'elle venait de se prendre en pleine face. Et autant dire que cela n'avait rien d'agréable. Bien au contraire. Surtout quand les mots étaient prononcés avec un tel dégoût, et de façon aussi dédaigneuse. Aux premiers mots prononcés par le Général, la belle se figea, se tenant dos à lui. "Indigne d'être une générale des Mers." "Faiblesse pathétique." "Tu chutes dans mon estime."

Et pourtant, il n'avait pas fini, martelait et écorchait le cœur et la fierté de la Douce encore et encore. L'Atlas en elle, mourait d'envie de lui faire ravaler ses paroles. La Nymphe maudite, elle, rêvait, en cet instant, de se jeter sur lui et de lui arracher cette langue aux paroles pleines de fiel. Lentement, sûrement, la jeune femme se détournait pour lui faire, le regard chargé de courroux et de haine qu'elle ne cherchait même pas à contenir. Et pourtant, au lieu de se taire, il continuait. Encore et encore. Elle se retenait de lui dire que si elle venait à retrouver son cadavre, elle se ferait une joie de danser dessus et de le piétiner sans vergogne. Mais néanmoins, elle devait reconnaître qu'il venait de marquer un point en lui parlant des Atlantes. Une autre voix, d'autres paroles lui revenaient en mémoire. Celle d'un frère racontant ses rêves à sa soeur, son désir de protéger Atlantis et les Atlantes. Et plus encore de la protéger elle, plus que tout autre.

* J'ai confiance en toi pour la défense d'Atlantis.*

Alors, sa colère et sa rage fondirent comme neige au soleil. Un instant les yeux se fermèrent, ne semblant même plus entendre les paroles du Dragon des Mers. Seuls demeuraient les mots d'un frère. La confiance qu'il avait placé en elle, et qu'elle avait le sentiment d'avoir bafoué. Elle venait de le trahir à sa façon. Agissant de manière égoïste, puérile. En enfant gâtée. La honte et le remord. Voilà ce qui la rongeait à présent alors qu'elle détournait simplement la tête, comme pour fuir ce regard chargé de mépris qu'Endymion lui accordait.

Elle aurait pu se justifier. Mais à quoi bon? Son cœur de pierre n'aurait pas compris. Jamais. Et puis, de la compassion venant de lui, elle n'y croyait pas un seul instant. En cet instant, elle se sentait simplement las. Las et épuisée. Mais elle portait néanmoins ce désir de revoir le Légat. Rapidement, elle l'espérait. Soudainement calme et sereine, elle ferma un instant les yeux, sa main se posant sur sa poitrine, alors qu'elle laissait son cosmos s'étendre autour d'eux. Nulle agressivité. Elle cherchait simplement à trouver ce Feu en elle, voulait simplement entrer en contact avec lui. Calista le désirait tellement. Entendre le son de cette voix qui la rassurait et l'apaisait comme personne d'autre ne savait le faire. Lorsqu'enfin elle le trouva, elle se contenta simplement de lui adresser ces quelques mots:

* Pardonne-moi. Je ne suis pas à la hauteur de tes espoirs et de tes espérances.*

Déception. Cruelle et horrible. Mais elle n'avait pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Gardienne. Voilà ce qu'elle était. N'en déplaise à l'homme qui lui faisait face et qui ne cachait pas le mépris qu'il lui vouait. Faisant demi tour, elle reprenait le chemin des marches menant au trône, s'arrêtant l'espace d'une seconde pour lâcher un simple:

"- Merci."

La Sang-Pur ne s'était nullement attendue à remonter dans l'estime du premier gardien en prononçant ce merci ou en renonçant à l'idée de se rendre personnellement au Sanctuaire. Non. Bien sûr que non. Depuis qu'elle le connaissait, il était particulièrement évident qu'il n'était pas ce genre d'homme. Froid. Calculateur. Manipulateur. Voilà ce qu'il était. Cachant ces vices derrière un ton enjoué, derrière la beauté de ses traits. L'Atlas n'était pas genre à s'inquiéter des "qu'en dira-t-on?", mais elle se sentait particulièrement blessée et meurtrie. Elle l'avait bravé, lui avait tenu tête et l'avait combattu. Elle était parvenue sans nul doute à trouver une place dans son estime. Cette place à présent n'existait plus. Elle ne signifiait plus rien pour lui. C'était cela qui la meurtrissait le plus. Mais non, elle ne laisserait rien transparaître, sans doute serait-il bien trop heureux de la voir ainsi. Alors, elle rajusta ce masque d'impassibilité sur son faciès. Comme si de rien était.

Elle l'écoutait d'une oreille. Qu'il fasse ce qu'il avait à faire, peu lui importait, elle allait, pour sa part, se contenter de retourner à son pilier. Oh, elle aurait presque pu être touchée par le fait qu'il lui conseille de prendre du repos Presque. Car il ne put s'empêcher une nouvelle fois d'utiliser un adjectif qui finit par achever la jeune femme. "Inutile." C'était comme une chanson dont le refrain revenait sans cesse en tête. Oh, elle aurait pu protester, aurait pu rager. Mais elle n'en avait pas l'envie. Elle n'en avait pas la force. Epuisée tant physiquement que mentalement, Scylla n'avait même plus le goût de la joute verbale.

Alors qu'elle s'apprêtait à héler un soldat pour lui confier la tache de se rendre au Sanctuaire, la jeune femme suspendit son geste. Venait-elle de rêver? Non. C'était bien sa voix qu'elle entendait. Alors, la Douce ferma les yeux, se nourrissant de ce son qu'elle chérissait tant. Après deux jours entiers de silence, le Légat venait de se manifester. Il avait dû ressentir son appel, et quittait son mutisme pour y répondre. Sous la joie et le soulagement de l'entendre, combinés à la fatigue qui était la sienne, la Demoiselle chancela un instant, mais déjà sa Bête venait contre elle, comme pour lui apporter ce soutien qui lui manquait.

*Calista... Je ne ressens aucun trouble en Atlantis, je ne comprends pas ce que tu me dis... Je suis en route.*

Il rentrait. C'était tout ce qui lui importait. Alors elle se détourna à nouveau, prête à prendre la sortie, n'écoutant déjà plus le Général, lorsque sa dernière question la fit s'arrêter. Oh, elle aurait pu lui répondre, lui dire la vérité. Mais elle demeurait une Atlas, et sa fierté, après avoir été autant bafouée, lui commandait de ne rien dire. Lentement, elle se retourna avant de revenir vers lui pour lui faire face. Son regard améthyste se perdit dans le sien en même temps qu'elle prenait la parole.

"- Je te remercie pour tes conseils. Toutefois, contrairement à ce que tu sembles penser Endymion, je n'ai pas à te rendre compte de ma relation avec le Légat. Et tu ne me forceras pas à te le dire. Même si je ne suis plus rien dans ton estime, même si tu penses que je suis parfaitement inutile et incompétente, il n'en demeure pas moins que je ne suis en aucun cas ta subordonnée, et que de ce fait, rien ne m'oblige à te répondre. Même si tu désapprouves, je suis une Générale. Au même titre que toi. Tache de pas l'oublier."

Chose visiblement approuvée par la Bête qui émit un grognement à l'attention du Dragon des mers. Un soutien de Scylla envers son Elue, qui finit d'ailleurs par se détourner pour prendre le chemin de la sortie. Tout en marchant, elle poursuivit:

"- Pour information, le Légat revient."

Oui, il revenait, et elle, elle comptait bien se rendre de se pas vers la porte d'Orichalque qui menait au cap Sounion pour l'y attendre.