[Mi-janvier 553]Péri au rapport ! (PV Jehane)

La visite de la grotte des crânes avait été particulière. Elyra y avait rencontré plus que ce à quoi elle aurait pu s’attendre. Croiser le maître des lieux avait été normal, le contraire l’aurait déjà à vrai dire et alors qu’ils discutaient tranquillement du jeu inventé par le colosse, un intru avait fait irruption dans la grande salle proposant une collation à laquelle elle n’avait touché et discutant de choses et d’autres qu’il semblait intéressantes de rapporter à Jehane. Cette dernière pourrait faire le relai auprès du Pontifex si elle le jugeait nécessaire et qu’Haldor ne le faisait pas lui-même.

Quel meilleur endroit que l’Hypothalamus pour trouver Famine. La légionnaire ne mit que peu de temps à trouver la grande salle, celle là même où elles s’étaient rencontrées la première fois. C’était la zone du dédale où elle passait le plus de temps et pour cause, depuis qu’elle y avait apporté un lit, elle y passait toutes ses nuits. Son sommeil n’était pas des plus serein mais relativement meilleurs que si elle avait dû se contenter du dortoir. Elle ne se sentait pas encore assez à l’aise en présence de trop de monde.

Elle avait quand même un peu progressé depuis la dernière fois. Elle était moins cette petite fille naïve perdue dans un nouveau monde. Probablement qu’elle avait encore beaucoup à apprendre, mais peu à peu elle se faisait à la vie ici et aux règles. Elle avait assez appris que pour ne pas refaire les mêmes erreurs, aussi, lorsqu’elle arriva auprès de sa Cardinale, elle mit aussitôt genou à terre, attendant l’ordre de pouvoir se redresser.

- Légionnaire de la Péri au rapport ma Cardinale.

Quoi, c’est pas comme ça qu’on dit ? Cette fois elle ne portait pas son armure, et était habillée simplement et chaudement, une peau de bête reposant sur ses épaules pour la réchauffer du froid hivernal. Ils pourraient quand même allumer le chauffage ici, ça craint ! Quelle misère de ne pas pouvoir allumer un feu… Et comme si ça ne suffisait pas, ça pue le bouc à tous les recoins parce que les gens ont la flemme de se laver dans l’eau gelée de la rivière… Bon, ça à la rigueur, ça se comprend...

Depuis quelques temps, Jehane commençait à se poser quelques questions. Elle avait pensé être presque dépourvue de cette capacité depuis son éveil, plus bête qu’humaine. Rien d’existentiel cependant. Elle ne se demandait pas quel pouvait être son rôle en ce monde, pas plus qu’elle ne s’intéressait à la manière dont elle pouvait être perçue. Mais elle avait toutefois préservé une forme de curiosité, et s’étonnait de voir l’étendue des sujets qui avaient attirés son attention.

Pour quelle raison un guerrier d’Asgard s’était-il retrouvé Cardinal sans en avoir le moindre souvenir ? Pourquoi la Pestilence était-elle le portrait craché du Pontifex ? Pourquoi était-il impossible de contacter ce dernier, alors qu’à l’heure de leurs éveils ils devraient être en train de planifier la gloire d’Arès ? Sans parler de cette lueur rouge qu’elle avait vu lors de sa discussion avec Velya, quelques instants après avoir vu l’émanation de Cosmos d’Harmonie, ou encore de cette mission suicidaire qui lui avait été confiée par le Vivisectionniste.

De manière plus personnelle, pas de questions même si elle avait bien senti le trouble. Bien entendu les murmures. Bien senti les ombres s’avancer, opacifiant son esprit. Elle préservait le cap cependant, restait elle-même la plupart du temps, mais cela pouvait à l’occasion provoquer une perte d’attention, de légères absences alors qu’elle tentait de percevoir ce qui en émanait. Pour le moment, elle avait décidé que ce ne devait pas être un sujet d’inquiétude cependant. Cela semblait être lié à sa Cuirasse de toute manière, les murmures paraissant se renforcer quelque peu lorsqu’elle portait son casque. Ou bien n’était-ce là qu’une impression, par un jeu d’écho formellement présent que dans sa psyché déconstruite ?

Pour l’heure en tout cas, la Famine estimait avoir rempli son rôle. Enfin… pas tout à fait. Elle avait exécuté ce que le Pontifex avait attendu d’elle. Il manquait encore la réalisation de son rôle profond, sa semaison de chaos. Mais au jeu des observations, elle en avait fait assez pour que cela mérite un rapport… du moins lorsqu’Acamas serait enfin un minima disponible pour ses Cardinaux, ce qui commençait en vérité à l’agacer. De rapport par contre, c’est elle qui allait en recevoir un, bien qu’elle n’avait rien demandé. La Péri venait se présenter au rapport, alors que cela ne faisait pas si longtemps au final qu’elles ne s’étaient vues, quelques jours tout au plus.

- Qu’as-tu déjà à me rapporter, Elyra ? Je t’écoute.

Elle ne portait pas sa Cuirasse non plus pour sa part, se trouvant comme la dernière fois à jouer pour elle afin de tuer un peu le temps dans cette inaction qui ne lui convenait pas. Était-ce pour cela qu’elle venait à tirer du doigt sur son col à présent ? Était-ce par une volonté de combattre son ennui qu’elle allait jouer un petit jeu ? Rien de bien méchant. Juste dévoiler son visage, quelques instants après qu’elle ait joué une note discordante provoquant l’illusion qui allait suivre. Ainsi, lorsque Jehane termina d’abaisser son col, Elyra pu constater que sa Cardinale disposait d’un joli minois elle aussi. Pas à son niveau sans doute, mais tout de même plaisante à regarder. Et ses douces lèvres roses s’étirèrent en un sourire léger et décontracté, l’invitant à se confier. Rien de plus qu’une simple illusion, modeste, et qui avait le mérite de ne pas heurter la logique. Par ce fait, plus facile à modeler, et à admettre pour vrai. Combien de temps allait-elle la préserver, elle l’ignorait encore, mais en cet instant précis cela lui paraissait une bonne idée en tout cas.

C’est justement lorsqu’elle se demande pourquoi sa Cardinale porte un col devant sa bouche en permanence que cette dernière le dévoile pour montrer un visage tout ce qu’il y a de plus normal, joli qui plus est. Alors la question disparaît de son esprit comme elle est venue. Elle n’est pas là pour papoter banalités encore que, son rapport allait y ressembler pour le début du moins. Devait-elle détailler ? Aller à l’essentiel ? A vrai dire, elle n’avait jamais fait ce genre de chose et ne distinguait pas ce qui était important de ce qui ne l’était pas ou pas suffisamment en tout cas.

Elle se redresse et place ses mains dans son dos à défaut de savoir qu’en faire. Elle réfléchit à ces derniers jours passés. Il y a eu plein de petits événements mais sans doute que cela n’est pas important. Oui il vaut mieux qu’elle passe sur les moments qui n’ont pas d’intérêt particulier pour les Berserkers.

- Et bien pour commencer j’ai rencontré le Djinn comme vous le vouliez. Il m’a expliqué quelques trucs sur l’utilisation du cosmos et aussi il m’a aidée à m’installer.

Ce n’était pas là une information capitale, mais au moins montrait-elle qu’elle faisait ce qu’on lui demandait. La suite serait peut-être plus intéressante aux yeux de la Famine.

- J’ai rencontré Guerre qui m’a expliqué ce qu’il se passe dans les Citadelles. Il semble avoir quelques projets pour venir à bout de leur soucis de Saints.

Nouvelle information, pas trop d’importance non plus mais peut être que savoir que quelqu’un se penche sur le cas des citadelles pouvait l’intéresser, elle ne sait pas et dans le doute elle préfère quand même l’évoquer.

- J’ai croisé Mort aussi qui...

Humpf non le jeu inventé ça elle peut faire l’impasse. Aucun doute sur le fait que ça ne l’intéresserait pas. L’important c’est ce qui suit.

- Enfin en discutant nous avons eu la visite de Velya. Nous avons discuté longtemps et de pas mal de choses, je me suis dit qu’elles pourraient vous intéresser.

Elle prend une inspiration pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Il y avait de nombreux points qui pouvaient être rapportés et là encore certains plus importants que d’autres. Elle ne peut pas rester en place alors qu’elle parle, sans aller bien loin, elle tourne un peu en rond, fait quelques aller-retours.

- Il a dit qu’il allait nommer une reine, qu’il faudrait alors la chercher, il sait qu’elle est entre terre et mer, c’est vague et du coup il a besoin qu’on lui ramène un Saint vivant pour lire dans ses entrailles.

Voilà le plus important, la raison principale de sa venue.

La Famine écouta alors les différents sujets dont Elyra estimait avoir à lui rendre compte. Nota le premier sans y accorder trop d’importance. Il était une bonne chose que les différents membres de son armée apprennent à faire connaissance bien entendu, et il fallait l’espérer parvenir à s’entendre. Ce qu’elle n’estimait pas impossible, après tout elle n’avait pas l’impression d’avoir de cas irrécupérables parmi ses rangs. Le Bahamut était un peu particulière, pas la plus futée du régiment, mais c’est bien ce que l’on dit des armées : il ne faut pas désespérer des imbéciles, avec de l’entraînement on peut en faire des soldats.

Le sujet des citadelles l’intéressa. Elle avait appris leur existence, mais cela n’allait pas plus loin que cela pour l’heure. La Famine ne connaissait pas les détails de cette affaire, d’autant qu’elle n’était pas encore sortie du Dédale depuis son éveil. Elle aurait donc forcément à y gagner d’obtenir quelques détails sur la question, si cela était possible. Elyra évoqua alors très brièvement – trop ? – sa rencontre avec Haldor, marquant de plus un arrêt dans son explication ce qui forcément avait capté son attention. La suite l’étonna plus encore par contre. Velya avait donc fait une autre apparition au sein de la Cathédrale de chairs. Avait-il voulu s’adresser à l’Ours particulièrement, et que la Péri n’avait dès lors été qu’une spectatrice fortuite ?

L’annonce d’une Reine pour Velya ne lui plu pas beaucoup, jusqu’à ce qu’elle précisa que celle-ci serait à chercher « entre terre et mer ». Ouf. Cela l’éloignait donc des femmes peuplant le dédale, ce qu’elle vit forcément comme une bonne chose.

- Tes récits m’intéressent, Elyra, et tu as bien fait de venir m’en parler. Cependant, cela manque cruellement de détails, revenons sur certains points, veux-tu ?
Velya a-t-il dit autre chose qui t’ait paru notable ? À toi, ou à la Mort ? Quoi qu’il en soit, sa demande pourrait peut-être être réalisable… Il m’a demandé de visiter le cimetière des Saints, au cœur même du Sanctuaire. De lui ramener les ossements de deux d’entre eux, provenant d’une génération passée. Ce serait peut-être l’occasion de faire d’une pierre deux coups, mais il me faudrait en parler avec le Pontifex tout d’abord…

« Si seulement il était possible de lui parler », garda-t-elle pour elle. Elle avait son propre ressenti, mais n’en était pas encore au point de critiquer sa hiérarchie devant quelqu’un qui lui devait obéissance, ce serait un bien piètre exemple. Jehane ne savait pas encore si elle tenterait de réaliser la mission réclamée par Velya, la décision devant encore être mûrement réfléchie.

- Dans quelle circonstance as-tu rencontré l’Ours ? J’avoue me méfier de lui… Je ne pense pas que volontairement il pourrait causer du tort à notre cause, mais entre ses instables humeurs et son passé qu’il semble ignorer, il pourrait s’avérer être un danger tant pour lui-même que pour la volonté d’Arès...

En somme, ce serait un outil prodigieux s’il pouvait exercer sa puissance pour Arès et Arès seul. Mais ce serait aussi un possible cataclysme si celui qu’il était et celui qu’il est à présent devaient rentrer en conflit.

- C’est pourquoi j’aimerais que tu me rapportes tout élément à son propos que tu pourrais apprendre… Si tu entends parler de quoi que ce soit d’anormal, de colères… Il est préférable de toujours t’en méfier, dans tous les cas.

Reprenant les sujets à rebours, elle avait donc l’impression de faire retomber la gravité de ce qui lui avait été raconté, en quelque sorte. Elyra avait été du plus trivial au plus crucial, et sa Cardinale remontait cette piste à présent pour en arriver à un sujet plus secondaire dans la sphère propre de la Famine, mais qui pourrait avoir une importance décisive dans les prochains mouvements des armées d’Arès.

- Concernant les citadelles… Zvezdan a-t-il pu t’apprendre quoi que ce soit sur le sujet ? Je n’ai pas vraiment eu le temps de m’y intéresser encore. Et pour une raison que je préfère taire, il n’a pas été l’heure encore d’établir une discussion entre lui et moi…

Une part de son passé qu’elle n’était pas pressée de voir ressurgir, en effet. Rien que le voir avait provoqué, elle le pensait, l’arrivée de ces murmures qu’elle percevait aux abords de sa conscience. Elle n’était pas pressée de savoir ce que pourrait provoquer une véritable discussion...

Un peu comme un bon petit chien, elle est contente lorsque sa cheffe approuve son rapport. Évidemment elle demande des précisions, mais ça va, elle peut en donner un peu. C’est qu’elle n’avait pas voulu tout détailler au cas où il y aurait eu des sujets moins importants que d’autres. Là Famine avait pu faire le tri et Ely n’avait plus qu’à développé ce qui était demandé. Alors Velya… Elle fouille dans sa mémoire pour trouver ce qu’il aurait pu dire d’important.

- Alors à la base il est arrivé parce que je parlais du jardin que j’ai fais avec Esther sur le toit. Ça l’intéressait. Et d’un autre côté il a évoqué votre mission disant que ça aiderait à détruire les Saints ou quelque chose comme ça. Il y a aussi le fait que le Pontifex ne l’aime pas apparemment, et qu’il est né lorsque l’enfer était encore sur terre. Il a parlé de Xanthe, il a discuté avec son esprit. Puis il a dit qu’il voulait rendre leur efficacité aux vieilles lames.

Elle envoie tout en vrac et comme elle se rend compte en parlant que c’est tout fouillis, elle essaie d’arranger ses pensées. Pas facile quand il faut jongler avec sa mémoire…

- Euh… Pardon… Donc les jardins… J’avoue que c’est confus parce qu’il avait l’air de dire quelque chose et j’ai eu l’impression que ça devenait autre chose après… Il voulait goûter les récoltes de notre jardin parce qu’il est curieux. Bon ça c’est pas important, mais il a dit vouloir les « sublimer » en utilisant une roche qu’il appelle « Coeur de l’enfer » et qui est très explosive. Utilisée en poudre sur les légumes ça permettrait aux légumes de dévorer les chairs ou peut-être d’être explosifs. Je crois que le résultat de l’expérience lui était un peu inconnue aussi, ou alors ce n’était qu’une impression. Sauf que son projet là est tombé à l’eau parce qu’on ne peut manipuler la poussière que si on boit de son sang et du sang d’un ancien Dieu et on a refusé. A la base ces légumes modifiés il voulait s’en servir pour quand la reine serait nommée.

Une très légère grimace vient orner son visage, ça la dégoûtait toujours autant cette idée et elle n’était pas la seule il n’y avait qu’à voir la réaction d’Haldor qui avait tout envoyé valdinguer. La partie sur le jardin finie, il restait d’autres détails sur la reine.

- Donc la reine… Le dédale en demande une. Elle conduira à nos victoires futures, nouvelle Eris… Mère idéale, fertile et pure. Voilà je crois que c’est tout…

Et en effet il valait mieux avoir l’avis du Pontifex avant de faire quoi que ce soit. c’était ce dont ils avaient convenu avec Haldor. Ce dernier qu’elle appelle l’Ours, semble l’intriguer d’une certaine manière. Mais Ely ne pense pas qu’il faille particulièrement se méfier, même si le mot d’ordre ici est de se méfier de tout le monde. De ce qu’elle a pu constater, si on ne l’embête pas avec son passé il est très sympa comme Berserker.

- Mort est sympa. Du moins de ce que j’ai pu voir. Mais il est amnésique. Il ne se souvient pas plus loin que la fin d’une guerre lorsque Mérion et Acamas l’on secouru. Il m’a dit que le Pontifex avait fait quelque chose à son esprit et que ce serait dangereux d’essayer de s’introduire dans son esprit. Ho je voulais juste calmer son mal de tête.

Il y a des détails qu’elle ne peut pas dire. Elle a promis. Alors elle fait attention de ne rien dire qui amène une quelconque question d’approfondissement.

- Des colères ? Ah bah quand Velya a essayé de l’embrasser sur la bouche il n’était pas content oui, mais ça va il s’est bien retenu. Velya a dit que c’était une de ses coutumes, mais comme il est amnésique forcément il a nié en bloc alors on ne sait pas trop ce qui est vrai ou pas. Et ça lui créé de gros mots de tête lorsque l’on essaie de lui faire penser à son passé. Peut être à cause de ce blocage dans sa tête. Il est peut-être préférable de ne pas essayer de déverrouiller ça.

Oui si tout le monde pouvait juste oublier ce qu’il était avant et composer avec ce qu’il est maintenant ce serait bien pour sa santé mentale et physique. Mais bon, elle n’avait aucune influence sur personne ici alors elle garderait cette idée pour elle-même. Dernier sujet que sa Cardinale voulait qu’elle aborde, les Citadelles, mais elle ne savait pas trop quoi dire de plus. Ils n’avaient qu’effleuré le sujet lors de leur déjeuner dans cette auberge discrète. Elle réfléchit un peu plus car ça remonte à loin. Elle se souvient de quelque chose comme « les rues et les murs ont des oreilles ». Autrement dit les ennemis circulent librement.

- Dans les Citadelles il y a des personnes qui sont présentes et qui travaillent pour les Saints, des éveillés parmi eux. Ils sont là pour civiliser les barbares. Sinon Guerre a dit que les précédentes tentatives avaient été trop frontales et c’est tout ce que je sais.

Voilà elle ne pourrait pas plus développer. Elle n’avait pas été plus loin dans ses investigations puisqu’il semblait déjà avoir un plan d’action.

Le visage de la Famine dût avoir quelques allures étranges durant les minutes qui suivirent. Elle s’amusait en effet jusque là à jouer de son illusion, tentant de mettre sur son visage quelques émotions à ce qui avait pu être dit, tout comme à ses réactions. Mais il y eu certains passages pour la prendre à contre-pied, et où dont le bas de son visage avait dû rester immobile, dans l’expression précédente, tandis que son regard quant à lui devait nourrir d’autres émotions. Cela devait rester subtil à son sens cependant, mais lorsqu’Elyra en eut terminé de parler la Famine préféra remonter son col, et en finir de son petit jeu. Cela lui avait donné un visage plus humain durant cette discussion estimait-elle, et c’était de toute façon un point sur lequel elle devait travailler. Elle était devenue Bête, mais cela ne voulait pas dire pour autant qu’il ne serait pas utile un jour ou l’autre de pouvoir donner le change. Elle n’est peut-être pas faite pour le théâtre, mais si un petit numéro de ce genre pouvait permettre de faire une différence, mieux valait qu’elle s’en procure un peu l’expérience.

Jehane nota donc quelques informations, mais n’offrit que peu de réactions verbales. Elle apprit donc qu’Elyra s’était lancée dans la création d’un jardin avec une certaine Esther sur les toits du dédale… Était-ce bien raisonnable ? À vrai dire, cela ne la regardait pas vraiment. Elle ne souhaitait pas s’immiscer trop dans les affaires de sa légion tant qu’ils répondaient correctement aux ordres et ne lui créaient pas d’ennuis. Mais apparemment, cela était arrivé aux oreilles de Velya qui avait voulu utiliser cela à son avantage de toute évidence. Il semblait que ce serait toujours le cas avec lui, de toute façon.

- Je vois. Tant que tu ne l’as pas insulté, je pense que tu as bien fait avec le seigneur Velya.

Cela lui fit penser à un autre point… Il avait tenté de lui faire boire du sang, à elle aussi. Celui d’un autre homme, un ancien berserker selon les dires de Velya. Mais était-ce vraiment tout ce qui aurait dans son verre ? Il aurait été aisé pour lui d’en faire un coup monté. D’éventuellement baisser sa garde. Quel sang alors aurait-elle bu si elle avait trinqué avec lui ? À méditer sans doute.

Elle nota pour elle-même d’autres points. La mésentente avec le Pontifex que Velya avait déjà évoqué avec elle. Tout du moins le fait qu’il refusait de le recevoir, lui aussi. Qu’il ait discuté avec l’ancienne Pontifex, celle qui avait été en poste lors de sa mort. La quête d’une femme pour « le Dédale » a peine précisée… Difficile de tirer quoi que ce soit de ces informations en l’état actuel des choses. De nouvelles pièces du puzzle que Jehane tenterait d’assembler, s’il lui était donné d’en trouver d’autres. À son échelle… elle n’était qu’une exécutante, après tout.

Puis le sujet de l’Ase en particulier. Une amnésie dont elle est au courant bien sûr, mais de nouvelles informations sur cela. Qu’il fut ramassé par Acamas et Mérion, « liés par le sang ». Qu’il se rende compte qu’Acamas en personne jouait avec son esprit… Elle poussa l’illusion de sa bouche à se mordre les lèvres à cet instant même, en estimant la pertinence sans appel, comme elle croyait comprendre quelque chose de crucial. Il fallait une fidélité et une foi sans pareilles pour être Tribut. Chercher à survivre à tout prix dans une telle situation n’était pas de tout repos, et le suicide par provocation pouvait aisément paraître une bonne solution. Était-ce simplement son instinct de survie qui l’avait mené à rester en vie, ou bien, comme elle, sa ferveur envers son Dieu ? Sauf que dans son cas, il s’agissait d’Odin. Et au terme d’un lourd combat, quelqu’un était venu le ramasser. Et ce quelqu’un jouait avec son esprit. Haldor avait une ferveur à toute épreuve, oui. En Arès désormais. Et cela l’énerverait sans doute beaucoup qu’on lui demande pour qu’elle raison, comme à chaque fois qu’on lui parlait de son passé… Cela semblait à la fois trop gros et trop évident. Mais avait le mérite de faire s’emboîter tellement de pièces de ce puzzle…

Pour finir, très peu d’informations sur les citadelles, sinon que Guerre essayait déjà de les atteindre d’une manière ou d’une autre, sinon il ne serait pas là question de multiples tentatives. Jehane opine, et clôture sans doute.

- Merci pour tes précisions. Certaines me seront très utiles sans doute. S’il te revient certaines choses dont tu aurais oublié de m’entretenir, ou que tu en apprennes de nouvelles, j’apprécierais que tu m’en fasses part. Le Pontifex m’a demandé d’user de mes capacités pour surveiller le Dédale, mais je n’ai que deux yeux et deux oreilles. Dès lors, chaque détail à son importance.

Son col est remonté. Quelques cordes pincées en une douce mélodie. La discussion pourrait très bien s’achever ici, la Famine n’estimant pas pouvoir lui arracher d’autres informations, ne croyait pas avoir à creuser plus sur l’instant. Ne restait qu’à la congédier, donc. Mais ce ne fut pas ce qu’il se produisit.

- As-tu eu l’occasion de t’entraîner depuis notre dernière discussion ? Comme nous en avions parlé la dernière fois, c’est réellement un point très important sur lequel il ne faut pas lésiner. Et si tu me montrais cette fois-ci de quoi tu es capable ?

D’un glissé de ses ongles sur ses cordes, la mélodie s’achève brusquement, et la Famine vient la parer, sombre d’obsidienne.

- Faisons cela. Ici même !

L’Hypothalamus, comme tous les sanctuaires des Cardinaux, était assez vaste pour cela. Et avec un dédale vivant, il n’y avait pas à s’en faire pour la structure des lieux, qui s’en accomoderait très bien. Il fallait espérer que la Péri n’avait rien de plus important à faire, car la Famine ne lui laissait pas vraiment le choix...

Citation :

Jehane défie Elyra.

Péri ne fait pas attention aux soucis de concordance entre les expressions du haut et du bas du visage de sa Cardinale, elle est plus préoccupée par sa satisfaction ou non sur les données qu'elle a pu lui apporter. Elle ne se doute pas que ce qu'elle a omis de dire sur Mort l'aurait grandement intéressée car elle ne voit pas les enjeux qui sont derrière. Elle souhaite juste respecter sa volonté et aussi lui éviter le risque qu'il se choppe une nouvelle migraine violente. Et elle ne voit rien de mal là-dedans. Ce n'était pas comme si elle avait été officiellement missionnée pour enquêter sur tout ce qui se passe et se dit au dédale. De même elle aurait tout à fait pu se passer de venir faire un rapport, mais elle avait jugé que c'était quand même nécessaire après sa rencontre avec l'ancienne créature.

Famine remonte son col comme la discussion s'achève. Elle ne pourrait de toute façon rien ajouter de plus. Mais plutôt que d'être congédiée, elle est plus qu'invitée à montrer ses techniques en un combat d’entraînement. Pas demain, pas plus tard, tout de suite. La Cardinale est déjà prête, son armure venue la couvrir. La jeune femme comprend qu'elle ne peut pas dire non et n'en a pas envie de toute façon. Tout apprentissage est bon. Comment serait celui-ci, elle l'ignore, mais elle ne traîne pas en rêveries. A son appel silencieux, Péri apparaît comme sortant de l'ombre afin de l'habiller complètement. Des ailes majestueuses aux plumes de métal dans le dos, des plates couvrant sa taille en corolle de grands pétales de forme ogivale ainsi qu'un bustier en sont les éléments principaux.

- Parfait ! Je suis prête. J'ai reçu quelques conseils et démonstrations, mais cela s'arrête là.

Un pied en avant un autre en arrière, elle commence par assurer ses appuis, une position de garde qui ne lui prend qu'un quart de seconde à avoir. Puis d'une impulsion du pied arrière gauche, elle s'envole tout à coup. Pas question de se laisser défoncer avant d'avoir pu montrer au moins une technique. Comme le Djinn lui a fait remarquer à son arrivée, elle pouvait se servir de ces ailes en combat et pas uniquement pour voler, alors tout d'abord, elle va mettre à profit cet enseignement pour lancer une attaque basique. Elle sait très bien qu'elle sera parée sans grandes difficultés, mais elle ne cherche pas à blesser, uniquement montrer ce qu'elle sait faire et aussi, stratégiquement, user de cette petite attaque comme d'une diversion pour celle qui suivra aussitôt après.

Elle virevolte dans les airs, juste quelques secondes avant de fondre sur sa Cardinale, elle ne s'arrête pas dans son élan, mais au passage elle tente de lui donner un « Coup d'aile » qui, si prise de plein fouet ressemble à une grosse gifle froide et dure. L'attaque est loin d'être puissante, mais elle suffit pour ce que la Péri souhaite en faire. L'ange noir se pose au sol, se tourne vers son adversaire et pose ses mains autour de sa bouche en porte-voix. Une aura dorée se forme tout autour d'elle alors qu'elle canalise son énergie cosmique. Puis sans crier gare, elle pousse un hurlement à faire froid dans le dos, . Son cri est si bref, l'onde sonore si rapide qu'il est presque impossible de la parer si facilement, telle une balle tirée à bout portant. Puis Péri observe curieuse de voir comment s'en sortira Jehane car c'est par expérience qu'elle apprendra.

Citation :

Défi accepté !

Cuirasse:

Dès l’acceptation de la Péri, la musique de Jehane se mit à emplir l’air. Cet air qu’elle avait déjà tant joué, perfectionné. Elle avait appris à mêler différentes notes, glisser quelques variations, au point que ce seul morceau était capable de couvrir tous ses besoins. Mais pour l’instant, alors que ses doigts s’agitent et pincent ses cordes, aucune conséquence à première vue. Son Cosmo ne s’est pas encore mêlé aux sonorités de sa lyre, mais au moins est-elle armée désormais, prête à riposter. Cet entraînement sera pour elle une occasion de se décrasser, de réutiliser sa gamme. Mais aussi et surtout de donner un avant-goût à Elyra de ce qu’est un combat d’Éveillés. Lui montrer un panel des possibilités, qui pourraient peut-être l’inspirer, lui montrer ce qu’il était possible de faire une fois la maîtrise de ses pouvoirs atteinte.

Les ailes de la Péri s’étendent, et Elyra s’envole. Son casque aux quatre visages sur la tête, il n’est pas possible de voir dans quelle direction se porte le regard de la Famine. Elle ne semble même pas broncher, restant juste plantée là, à jouer. Mais lorsque le coup d’aile est donné, ses plumes d’orichalque viennent heurter les propres ailes de Jehane. Elle en avait quatre, autant en user également donc. Elyra pourrait même la voir toujours aussi imperturbable, recevant son cri de plein fouet, mais ne paraissant pas en être affectée le moins du monde.

- Bien… c’est à présent à mon tour !

Sa mélodie se renforce alors soudainement, semblant plus vivante, tandis qu’une inquiétante aura violacée se répandait autour d’elle. Elle plongerait alors qui l’écoutait dans un profond sentiment de privation. Le poids d’un manque de dix milles jours, s’abattant sur elle comme un chape de plomb. Au milieu de ce sentiment, une seule note dissonante viendrait empirer encore cela… Mais… quel était ce sentiment qu’elle commençait à ressentir ? Comme un écho, une sensation remontant des tréfonds de sa mémoire… troublant, mais il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, non ?

Des notes se sont élevées dans la pièce provenant de la lyre de Jehane. Une musique au son mélodieux, grave, pesant déjà sur le coeur avant même que la moindre attaque ne soit lancée. Ancrée sur ses appuis, Péri se prépare à toute les éventualités. Les sons, les murmures sont le lot quotidien de leur armée et celui de ses capacités. Elle était bien tombée en y repensant. Elle suppose donc que les notes se feront bientôt invasives et destructrices d'une façon ou d'une autre et elle ne veut pas attendre de voir comment, il faut qu'elle se protège. La jeune femme n'est pas très futée pour élaborer de grandes stratégies, mais elle a l'habitude de devoir tout faire pour passer inaperçu. Ici, pas possible de s'habiller comme une souillon pour se fondre dans la masse. Ce qui ne servirait à rien de toute manière si elle doit luter contre un son. Péri fait alors usage de ce qu'elle a de plus précieux et mélodieux, sa voix. Des mots, un poème peut-être ? Semble être murmuré et l'aura dorée de la fée s'intensifie, enveloppe ses mots. Rien d'audible cependant excepté un terme, prononcé plus fort que les autres sans doute.

- Insidiis...

Lorsque les murmures ne sont plus, Jehane peut constater que l'ange noir se trouve à sa gauche comme si elle s'y était téléportée, roulée en boule, ailes repliées sur elle-même formant une sorte de bouclier, elles préservent la jeune femme de la seconde vague d'attaque. Cependant, elles ne peuvent pas grand-chose face à des notes sonores et lorsqu'elle se déploie telle une fleur s'épanouissant, ses yeux trahissent un léger désarroi. La colère de Péri s'active et prend le dessus. Serait-ce qu'elle ne supporte pas l'échec ou que la sensation profonde de manque lui rappelle de douloureux souvenirs ? Qui sait... Alors même si cette attaque n'a eut aucun effet la fois précédente, elle fonce de nouveau sur sa proie et le corbeau noir abat une seconde fois son aile d'acier sur la musicienne. Accès de fureur passé, l'ange noir se met à briller de son aura solaire. Les mot prononcés ne sont pas plus haut que des murmures à nouveau, mais si Famine fait l'erreur de les écouter, elle ressentira le poids de la rage Elyrienne lui peser comme un lourd fardeau sur le moral.

- Tu as le cœur broyé,
Broyé par l'indifférence déployée,
Par les soupirs d'exaspération,
Par les silences trop lourds et les regard d'aversion.

Tu es brisée,
Brisée par la mâchoire de fer des souvenirs du passé,
Qui incontrôlables te lancinent la mémoire,
Affligée, attristée, tu es la proie du désespoir.

Tu es anéantie
Dans la pénombre, seule tu sombres face à la Péri.
Tu ne comprends pas ce qui t'arrive,
Et te brûle les yeux face à sa lumière vive.

L'envoûtante litanie prend fin. Aura-t-elle atteint son but ?

La jeune Péri semblait pouvoir se défendre également. Elle n’était pas juste belle et envoûtante, mais disposait de plus de quelques compétences pour le combat de toute évidence. Une téléportation – ou bien cela avait été juste un leurre ? – ainsi qu’une barrière de ses ailes lui avait également offert une protection cosmique, bloquant le plus gros de son offensive. Mais son cosmos était plus insidieux que cela, et Elyra ne s’en tirerait pas sans quelques fâcheuses conséquences. Au final, c’était tout l’intérêt de ce combat : l’évaluer, et lui apprendre. Ainsi, elle put apprendre déjà que ce n’était pas parce qu’une attaque avait l’air faible qu’elle l’était réellement, et que si Jehane avait aisément paré sa première offensive au corps-à-corps, il n’y avait vraiment aucune raison que cela ne se produise pas à nouveau. Elle ne fit même pas d’effort d’originalité, à même attaque même parade, et ses ailes sombres s’opposèrent une fois de plus à celle de son adversaire.

Elyra se met alors à briller, étincelante, et psalmodie en sa direction. Leurs pouvoirs, sur bien des aspects, étaient similaires. Aussi la Famine s’accordait-elle qu’il serait intéressant de cesser de jouer. De laisser parvenir à elle ces mots sans les combattre. D’affronter ce que la Péri avait de mieux à lui offrir. De soutenir le poids de sa litanie…

Le cœur broyé, par ce que le monde avait fait d’eux. Broyés, anéantis dans l’indifférence générale, servant de simples jouets pour ces ordures qui n’avaient reculé devant aucune atrocité pour les punir. Et ses soupirs ne trouvaient que pour réponse le silence trop lourd de son frère, ne parvenant plus à lui accorder ses regards tant il lui était difficile de supporter l’aversion pour la vie qu’il arborait désormais sur son visage.

Totalement brisé, mise en miettes. Par l’action de ses mâchoires, consumant ses doux souvenirs du passé. Incontrôlable et lancinante faim, qui lui resterait à jamais en mémoire, la marquant au fer rouge. Affligée, attristée, n’étant plus que le symbole vivant de la famine et du désespoir. Mais elle l’avait croqué. Elle s’était nourrie de ce frère défunt, en avait fait une autre part d’elle, se faisant promesse solennelle.

Elle avait été anéantie, oui. Dans la pénombre, s’était jurée qu’elle les ferait tous sombrer dans de plus profondes ténèbres encore. Sans comprendre ce qui lui arrivait, s’était vue brûler d’une vive lumière. Arès l’avait appelé à lui. Lui avait offert une nouvelle vie. Lui avait prêté le pouvoir nécessaire pour pouvoir accomplir sa vengeance.

Alors, elle était devenue le bras d’une terrible colère. D’une vengeance furieuse et effroyable sur ces impies qui avaient détruit son existence. Un par un, elle avait répondu leur sang, cette créature qui n’était plus rien d’autre qu’une Vendetta marchant parmi les hommes, et ne laissant que des cadavres. Ceux-là ne connaîtraient plus jamais la faim. Mais parmi les Enfers où ils avaient leur place, ne pourraient jamais oublier son visage, masque au rictus exprimant tant la haine qu’une joie malsaine...

Ce masque, Elyra peut le voir, porté sur le côté droit du casque du Fauve aux Quatre visages. Mais la main de Jehane s’élève, venant se crisper sur celui-ci. Comme si elle voulait le faire taire, ses murmures lui vrillant le cerveau. Bien sûr, rien n’était audible dans l’hypothalamus. Tout cela n’était que dans sa tête, mais semblait lui faire souffrir le martyr. Des souvenirs bien enfouis, qui refaisaient surface avec une violence inouïe. La Péri n’avait sans doute pas idée de ce qu’elle avait déclenché exactement, et la Famine alors de se tordre et de tendre le visage vers le ciel. Elle poussa alors un prodigieux hurlement dépourvu d’écho, sa voix ne naissant toujours qu’en les esprits, alors que son Cosmos explosa littéralement en menaçantes vagues purpurines emplissant les lieux.

Le ton du combat ne serait plus le même désormais. Elle se propulsa dans les airs en reprenant son jeu, déployant ses quarante six notes se terminant par un accord si sombre que le poids affligeant de la solitude s’emparerait d’Elyra. La Famine n’est pas que la faim, mais le manque, et elle pouvait user de celui-ci sous bien des aspects différents. Lorsqu’elle retomba des cieux, ce fut pour atterrir à pieds joints sur la lourde cuirasse sombre qui paraît Sonata, sa puissante monture venu répondre à l’appel de sa maîtresse. Ses quatre ailes étaient pleinement déployée, majestueuses et mortelles.

- Comment peux-tu encore être en vie? Cela ne durera pas… Je vais me faire un tel plaisir de mettre un terme à ta misérable existence à présent...

Un rire tant cristallin que malsain résonne alors, tranchant avec la froideur naturelle que pouvait exprimer Jehane de coutume. Elle ne répondait plus à la logique, mais à la faim. Sans qu’elle n’ait besoin de jouer encore, ce fut son Cosmos, omniprésent, qui vint oppresser la pauvre Elyra. La faim, elle allait la ressentir elle aussi, pendant que Jehane se nourrirait de son cosmos.

Son Coup d'aile a de nouveau été bloqué et elle ne s'en étonne pas le moins du monde. Cela n'avait été qu'un coup de tête sous l'impulsion de sa Cuirasse. Elle comprend toutefois qu'il lui faut trouver autre chose si elle veut arriver à ne serait-ce qu'égratigner Famine lors d'une attaque au corps à corps, cependant pour aujourd'hui elle n'arriverait pas à faire mieux. Elle a déjà développé deux offensives c'est déjà pas mal pour une novice comme elle. Sa seconde attaque d'ailleurs semblait avoir atteint sa cible. Mais… Avait-elle bien fait de choisir celle-ci présentement ? Était-ce parce que Jehane était une éveillée qu'elle réagissait ainsi ? Sa réaction est étrange ou peut-être normale finalement, comment savoir lorsque c'est la première fois qu'on la teste. Sa Cardinale se tord puis hurle à lui hérisser les poils. Deux sentiments se mêlent en la Péri, l'inquiétude de la petite Elyra et la satisfaction de la sombre Péri. Les dommages sont normaux lors d'un entraînement après tout, elle ne devrait pas tant s'inquiéter. Famine avait dû en voir d'autres…

Cependant ces vagues de cosmos qui commencent à émaner d'elle ne lui disent rien qui vaille. Péri reste sur ses gardes et la joie fait place à la prudence. Suivant des yeux celle qui vient de prendre son envol, elle guette des signes d'assaut, par précaution, elle se pose au sol. Une multitude de notes sont jouées finalement et un violent sentiment de solitude l'envahit tout à coup. Elle commence à encaisser ce sentiment qui est particulier pour elle. Elle l'a connu toute sa vie alors si ça la heurte dans les premiers instants, elle sait s'en relever et réagir aussitôt. Il est trop tard pour éviter l'attaque, mais elle peut néanmoins se protéger en l'arrêtant d'une manière ou d'une autre pour y mettre un terme. Son chant aux notes séraphiques s'élève et son cosmos s'intensifie, rapidement il se matérialise autour d'elle pour former un bouclier impénétrable jusqu'à ce que l'attaque cesse.

Sonata fait son entrée et Jehane se pose dessus. Depuis le temps qu'elle s'en occupe, elle la reconnaît aisément. Mais dans le cas présent, elle sait qu'elle doit se méfier de tout et de tous. Si les Cardinaux ont une monture, ce n'est pas pour rien et elle va certainement l'utiliser d'une façon ou d'une autre. Pas tout de suite cependant. Alors qu'elle se redresse, la surprise la prend en entendant les paroles de Jehane. Elle ne comprend plus. Qu'est ce qui lui prend ? Elle avait bien perçu quelques instants plus tôt qu'il se passait quelque chose d'étrange et là c'était vraiment inquiétant. Est ce que cela faisait partie du jeu ? Elle ne peut pas savoir, n'a pas le temps de réfléchir qu'une seconde attaque fuse. La jeune femme se sent tout à coup oppressée. Elle ne parvient pas à définir à quoi cela est dû exactement, mais elle peut déjà écarter sa cuirasse. Elle sent comme une faim dévorante. Elle habituée à manger peu, cela la choque et la surprend. Elle sent que son énergie lui échappe de force alors elle ne reste pas sans rien faire. Péri guide ses mots, prend le contrôle pour les prononcer à sa place. Ce ne sont que des murmures pour qui essaie de les entendre, rien de compréhensible une nouvelle fois. Rien ne s’extériorise cette fois, un instant les prunelles dorées semblent perdues dans le vide comme envoûtées puis reprennent leur éclat habituel. La faim est toujours présente, l'affaiblissant d'une certaine manière, mais cette dernière a été muselée, mise en sourdine et contrôlée pour qu'elle n'affecte pas l'énergie de la fée.

- Jehane ? Ça… ça va ?

Ely regarde alors sa Cardinale, toujours inquiète. Est ce sa cuirasse qui a prit le contrôle comme Péri le fait parfois ? Peut-elle faire quelque chose pour l'aider ou bien est-ce normal ? Non pas normal. Le ton n'est pas le même, l'attitude non plus… Alors l'italienne attrape ce qui lui passe sous la main, une table, un autel, peut importe ce que c'est, elle sait depuis sa rencontre avec le Djinn qu'elle est capable de soulever des charges très lourdes comme ce n'était qu'un poids plume. Le mobilier entre ses mains est lancé, envoyé à toute vitesse vers Famine.

- C'est quoi ton problème ? On n'est pas sensé mourir lors d'un simple entraînement !

Le choc qu'elle espère provoquer avec son jeté de mobilier sera un échec elle en est sure. Encore un coup d'aile et et son projectile sera dévié se sa trajectoire. Mais elle devait tenter. Comme elle allait tenter de la secouer avec une autre technique. Si Jehane n'est plus Jehane, elle doit faire vite car celle qu'elle affrontait ne lui laisserait aucun répit. Et il n'y a pas plus rapide qu'un horrible cri strident. Elle ne sait pas pourquoi la première fois cette technique n'avait pas marché, mais elle persévérait. Devait-elle crier plus fort ? Ou plus longtemps ? Ou était ce que la Cardinale avait un moyen de se défendre qu'elle ne percevait pas ? Quoi qu'il en soit, elle fait tout ce qu'elle peut pour ramener les choses à la normale.

- Réveille toi ! Ce n'est pas moi ton ennemie !

Grondements. Craquements. De cela que son esprit se trouve peuplé en cet instant. Jehane n’est plus elle-même. Ne l’est plus depuis longtemps. Mais la Famine elle-même s’est perdue pour laisser ressurgir la Vendetta. Et celle-ci ne comprend que le chaos et le sang, un esprit de souffrance et de mort. Elle ne prend même plus garde à l’efficacité de ses arcanes ou de leur échec. Son plan est simple : jouer ses requiems jusqu’à ce que son ennemie ne disparaisse dans l’oubli. Elle n’a plus conscience de qui lui fait face, ni de l’endroit où elle se trouve. Elle n’est plus que domination et violence.

C’est ce qui semble peser sur son esprit du moins. Mais la Fauve n’est pas très loin. Ce trouble n’est que de surface. Survenu en plein combat et exacerbant certaines prédispositions puissantes, elle s’est laissée emporter, asservir. Alors qu’un projectile lui est lancé, elle se laisse glisser de cheval, redescendant pieds à terre, Sonata encaissant la charge à sa place. Elyra en serait-elle peinée alors qu’elle s’occupait de cette monture dernièrement ? Cette pensée tente de faire son chemin dans son esprit, comme pour lui indiquer de quoi cet affrontement s’agissait en réalité. Les paroles de la Péri la firent hésiter également. Pas supposé mourir lors d’un simple entraînement ? Un entraînement ?

Jehane reste immobile, tentant d’analyser cette information. Cela lui évoquait quelque chose, oui… Mais alors qu’elle est là sans broncher à réfléchir, elle fait une cible facile à n’en pas douter. Le cri la frappe de plein fouet, la soumettant à d’intenses douleurs. Elle se plie en deux, les mains calées sur son casque au niveau de ses tempes. Elle a du mal à respirer. Son casque disparaît, et de l’index elle tire sur son col, le retroussant sur sa gorge. Mais pas d’illusion cette fois-ci. Le véritable visage de la Bête aux quatre visages, deux lignes de dents acérée s’alignant, dépourvues de lèvres. Chairs brûlées, arrachées, mâchoires apparentes. Sa stigmate, dont il n’est même pas dit qu’elle avait conscience de l’arborer en ce moment.

Celle semble cependant en peine, mais cela ne dure pas. Elle joue un simple accord et se redresse alors, le haut de son visage semblant s’apaiser. Comme si elle avait soudainement trouvé un second souffle, prête à poursuivre indéfiniment le combat. Et c’est d’un rire hystérique qu’elle reçoit la dernière remarque, avant d’y rétorquer avec rage.

- Pas mon ennemie ? Pourquoi me fais-tu du mal alors ? Tant de mal… Si tu n’es pas mon ennemie, pourquoi, hein ?

Son Cosmos pèse de nouveau, terrifiant, alors qu’elle enchaîne les notes en pinçant les cordes de sa lyre. Elle reprenait ses gammes, en recommençant à jouer son morceau le plus emblématique, comme tout à l’heure. Et comme tout à l’heure, elle y glissera juste une note dissonante, volontairement, afin de peser sur les capacités cosmiques de son ennemie tout en la plongeant dans le manque et l’isolement...

Le projectile atteint Sonata plutôt que Jehane et le visage de 'Lyra se crispe. Deux semaines maintenant, presque trois qu'elle est dans le dédale à multiplier les rencontres et les émotions, à faire revivre les muscles de son joli minois peu à peu. Auprès d'Haldor déjà elle arrivait à esquisser quelques légers sourires. La peine qu'elle ressent exacerbée par les notes insidieuses de la musicienne accélère sa rééducation et son masque invisible se fend. 'Lyra s'était prise d'affection pour la bête même si elle n'est pas qu'un simple cheval, plus que cela, plus résistant et c'est ce qui la rassure. Elle s'en remettra, elle-même s'en assurerait, lui chanterait des airs apaisants. La Cardinale retire son col et 'Lyra est stupéfaite d'y découvrir non pas un joli visage comme cela avait été le cas quelques minutes plus tôt mais une mâchoire dénuée de peau. Cela expliquerait sa voix qui résonne de façon étrange. Cependant ce n'est pas le moment de s'épancher sur ce détail. Pour l'heure, il fallait mettre un terme à tout cela. Famine l'entend, l'écoute et c'est déjà un pas vers le dénouement. Cependant, elle a fait une erreur, elle le comprend à présent. Elle n'aurait pas dû attaquer, ce n'était pas la bonne façon de ramener Jehane à la conscience.

- Je suis désolée, vraiment… J'essayais de te réveiller, j'ai eu tort, excuse-moi. Mais mon attaque ne t'avait rien fait la première fois… ça n'aurait pas dû te faire de mal...

L'attaquante ne manque pas de riposter, elle s'en doutait, c'est légitime, comment avait-elle pu croire qu'en attaquant elle arriverait à quelque chose de positif. Sans perdre de temps, elle se protège, fait glisser quelques murmures sournois au-delà de ses lèvres et lorsque le mot caché « Insidiis » atteint sa cible, Péri n'est plus à la place qu'elle semblait occuper. Plus proche légèrement décalée, mais les sons sont perfides et il en faut plus pour parer totalement les attaques de la musicienne, alors elle fredonne un air neutre, ni triste, ni enjoué et plutôt lent. Les ondes sonores la recouvrent et viennent annuler celles de la Cardinale.

'Lyra se rapproche lentement mais sûrement. Ses ailes sont repliées dans son dos, ses bras laissés le long de son corps. La mélodie change et se fait plus douce, apaisante, relaxante et réconfortante. Sans cesser de fredonner, d'un claquement de doigts elle fait disparaître son armure. A nue, elle s'arrête à quelques pas de Famine et s'agenouille. La mélodie cesse.

- Je ne suis pas ton ennemie non. Je suis Elyra de la Péri. Ta légionnaire, soldate de ton armée des ombres et des murmures. Je suis ton élève, ta dévouée, ton obligée, ta servante, ton soutien et ton alliée. Je ne veux pas te faire de mal. Ma vie est la tienne. J'ai déposé les armes Jehane. Je sais que tu m'entends, regarde moi à présent et reconnais-moi, souviens-toi...

Alea jacta est.

Les excuses. Elle les entend. Les a déjà tellement de fois entendues. C’est qu’ils sont si prompts à les offrir dès lors qu’ils réalisent qu’ils ne pourront plus rien faire d’autre pour sauver leur propre vie. Des suppliques, la Vendetta en a entendu des tas. Tant de justification… Ce n’était pas moi, je n’y étais pas. Je suis désolé, j’ai eu tort, excuse-moi. Mais ils lui avaient pourtant fait tant de mal. Tous coupables. Ces hommes qui s’étaient amusés d’elle, causé l’horrible et lente mort de son frère. Comment pouvaient-ils prétendre n’avoir rien fait ? Comment ne pouvaient-ils pas reconnaître leur culpabilité, à l’heure où justice leur était rendue.

Tous. Ils. Ces hommes. La Bête fronce les sourcils, inspecte de ses améthystes cette douce créature qui vient d’ôter sa protection, qu’elle reconnaît comme une luciole ? Luciole ? Elle semble réaliser. Luciole avait été le nom qu’elle avait donné aux Cuirasses de la Légion des Ombres, et que la Famine lui permettrait de ressentir en le but de les amener à elle. De les rassembler. Ses paupières se ferment lourdement, et lève sa main vers sa propre tempe. Les grondements semblent s’apaiser quelque peu, alors qu’elle comprend.

Elle rouvre les yeux, porte son regard à la ronde. L’hypothalamus. Et devant elle, Elyra de la Péri, comme elle tentait de le lui rappeler. Les ailes étendues de la Famine se replient, se regroupent, se reposent. Ses doigts glissent mollement sur sa joue, avant de se tendre pour toucher celle de sa légionnaire, désarmée face à elle.

- Est-ce vrai, Elyra ? Ma dévouée Péri, ta vie est-elle à moi ?

Pas de mouvement de ses mâchoires alors qu’elle parle, même pas par mimétisme. Elle n’en a pas besoin. Alors, parmi les ombres se replie la Famine, la Cuirasse sous sa forme de balance pipée reprenant sa place légitime au centre de l’Hypothalamus, laissant juste deux femmes l’une face à l’autre.

Citation :

Fin du combat

Famine replie ses ailes après avoir ouvert les yeux dans tous les sens du terme si l'on peut dire. Elle semble calmée, ouf, Péri ne mourra pas aujourd'hui. Elle n'est pas très douée, mais peut être utile malgré tout. Elle pose ses doigts sur la joue de la fée un peu comme le ferait une mère. Cette dernière sourit doucement, soulagée. Cette fois elle avait bien fait. Elle s'était doutée qu'après avoir attaqué, les mots d'excuse n'auraient pas suffi. Seuls les actes permettent de prouver la bonne foi et les convictions. Les serments d'allégeance sont bien jolis, mais les paroles s'envolent bien trop facilement. Pour elle, même les écrits n'ont aucune valeur, n'importe qui peut trahir et se parjurer, un papier ou une gravure n'y changera rien. Par contre les actes eux ne peuvent pas mentir. Ils font de nous ce que nous sommes. Ainsi avait-elle choisi de se livrer, à ses risques et périls. La tension quitte ses épaules, elle se relâche peu à peu et opine.

- Oui. Ça me paraît logique, mais quand j'y repense, c'est vrai qu'il peut y avoir de la rivalité entre un maillon et son supérieur. Moi je n'ai pas d'ambition autre que celle de servir Arès, peu m'importe que je sois au bas de l'échelle. C'est toujours moins bas que ce que j'ai connu avant.

Elle s'assoit sur ses talons, se repose. Elle se rend compte que c'est plus facile maintenant qu'elle est une éveillée. Avant il lui aurait fallu des semaines. Avant, elle n'aurait simplement pas pu encaisser tout cela.

- Arès je ne le verrai jamais, alors la meilleure des façons de le servir, c'est de te servir toi. Il m'a libérée de ma vie d'avant et même si ce sont d'autres types de chaînes. Ma foi, il vaut mieux une cage dorée qu'un trou à rats. J'ai un peu plus de liberté, il ne m'en faut pas plus.En outre, tu es un peu comme moi. Nous utilisons les sons à notre avantage. J'aime bien ce point commun. Ah et tu as des ailes !

Elle a encore une once de sa naïveté enfantine dans sa façon de raisonner. Mais aux côtés de Famine, elle grandira, mûrira et gagnera en estime de soi, il faut l'espérer en tout cas. Le temps fera son œuvre, s'il ne s'arrête pas trop tôt pour elle évidemment. Ses yeux d'or contemplent le visage altéré de Jehane. Posant sa main sur sa propre bouche elle demande :

- C'est… C'est arrivé comment ?

Jehane n’interrompt pas sa jeune Légionnaire. L’écoute, lui offre toute son attention. Réalise-t-elle à quel point elle n’a réchappé que de peu à la mort ? À quel point sa Cardinale avait ressenti l’irrésistible envie de sang et de vengeance ? Mais elle était redevenue elle-même, si tant est qu’elle l’ait déjà été. Du moins pouvait-elle sembler proche de ce qu’elle est d’habitude, ne se souciant plus du tout d’être vue telle qu’elle l’est. Ainsi qu’elle s’était montré à Acamas, à Velya. Mais pour les simples hères, la Bête faisait effort d’offrir visage de femme. Plus pour Elyra, plus pour aujourd’hui du moins.

Elle n’est pas d’accord avec tout ce qu’elle entend, mais toujours la laisse parler, exprimer ce qu’elle ressentait. Car cela sonnait à ses oreilles comme un véritable aveu, comme des sentiments réels, exprimés après une telle expérience qui aurait pu si mal tourner. Famine y voit le bagou d’une survivante, qui se livrait désormais sans ambages. D’une certaine manière, cela pouvait les avoir rapprochée. Ainsi qu’elle estime la réaction d’Elyra, qui avait commencé par la vouvoyer lors du rapport pour glisser sur un tutoiement alors que dans le combat sa vie était en jeu. Est-ce que cela lui avait ouvert les yeux, ou avait-elle toujours pensé ainsi ? Toujours est-il qu’elle avait bien mérité une réponse à la question qu’elle osa poser.

- Un jour, j’ai perdu la tête. Mais la mort une fois de plus n’a pas voulu de moi. Alors… me voilà, fidèle servante d’Arès à nouveau.

Version courte et simplifiée, certes, mais qui résumait tout cependant. En effet, elle avait perdu la tête, prise d’un coup de folie. Puis elle avait perdu la tête, dans une explosion. Ses stigmates en attestaient à présent, par cette large boursouflure courant tout le long de sa gorge et sa nuque, là où sa tête avait été détachée de son buste, ainsi que les marques évidentes que l’explosion avait laissé, et qui pouvaient se voir sur le bas de son visage désormais.

Elle consentira par contre à être juste un peu plus claire et détaillée sur un autre point de sa réponse, ajoutant cela de manière presque machinale, sans vraiment en faire grand cas, comme s’il ne s’agissait là que de banalité.

- À quatre reprises, j’ai offert ma vie. À quatre reprises, la mort m’a refusée. C’est pourquoi je suis le Fauve aux quatre visages, Elyra. Ce pourquoi je porte quatre masques. Ainsi, ces vies ne sont pas tout à fait perdues.

Une seule de ces vies avait réellement été consumée cependant. Une seule mort réelle, où la Cardinale avait été offerte à la Citadelle immédiatement après son incident, et où durant presque trois années elle s’était reposée, reconstituée, restructurée sur le plan mental du moins. S’était débarrassée de son humanité, pour devenir une Bête. Humanité qui semblait vouloir ressurgir de ces masques où elle l’avait enfermée… Ses doigts glissent sur sa joue en la quittant, et Jehane se redresse. Paraît peut-être tendre l’oreille, alors qu’il n’y a plus un son au sein de l’Hypothalamus. Pourtant, elle écoutait, oui. Elle écoutait le silence, se rendant compte que même les habituels murmures s’étaient tus...

La jeune femme se satisfait de la réponse qui lui est donnée. Elle ne demandera pas plus de détails, rien sur les circonstances, le pourquoi ni le comment. Cela a-t-il une quelconque importance ? Si Jehane avait voulu lui en livrer plus, elle l'aurait fait et la Péri a beau être curieuse, elle n'est pas invasive. En outre, ce que Famine lui rapporte lui cloue le bec. Mourir quatre fois, dont une fois réelle, ça semble impossible et pourtant elle se tient là à ses côtés bien en vie. Était ce grâce à l'armure ? Elle n'avait pas vraiment envie de l'expérimenter par elle-même. Chaque mort doit être une histoire unique mais elle n'ose pas demander à ce qu'elles lui soient racontées. Ce ne doit pas être de bons souvenirs et elle comprendrait que Jehane préfère les oublier que de les faire resurgir ici et maintenant. Alors 'Lyra garde le silence. Son regard mordoré ne se pose sur rien, perdu dans le vide, semblant réfléchir. Elle a failli mourir aujourd'hui. Elle sait bien que face à un Cardinal elle ne fait pas le poids. Elles n'en ont pas parlé, mais elle a noté plein de failles dans sa façon de combattre. Premier fait, ses attaques au corps à corps ne sont pas utiles, ou du moins ne servent pas à grand-chose. Il faudra qu'elle travaille soit à les renforcer soit à compter sur d'autres atouts.

Elle ne se perd pas plus loin dans sa réflexion. Tout cela, elle pourra bien y penser en allant s’entraîner dans l'une des salles prévues à cet effet. Semblant revenir à la réalité elle observa sa cheffe un instant. Cette dernière s'était redressée, semblant écouter quelque chose. Péri n'entend rien, pas même en tendant l'oreille. Peut-être est-elle à son tour perdue dans ses pensées. 'Lyra se lève, puis laisse échapper un soupir, nouveau signe que la tension s'est relâchée. Grandir, mûrir, s'améliorer… Tant de choses pour progresser avec pour seul objectif de ne pas faillir devant l'ennemi. Elle sent la fatigue lui peser sur les épaules. Un bon repos semble s'imposer, mais avant elle a une tâche à accomplir. Après tout, elle s'était autoproclamée écuyère de Famine, alors elle devait faire honneur à ce titre. Sans un mot elle rejoint Sonata. Sa main vient se poser doucement sur son encolure.

- Je la ramène dans sa cellule. J'en prendrais soin.

Ce qu'elle faisait déjà depuis qu'elle était arrivée au dédale. La monture avait besoin de repos et de soins. 'Lyra ne manquerait pas de lui chanter de douces chansons aux vertus vivifiantes pour accélérer sa remise sur pieds. Sur ce, si Jehane ne la retient pas, elle emportera Sonata avec elle, s'en occupera puis se reposera à son tour. Viendra enfin le temps de réfléchir à de nouvelles techniques ou un moyen de se renforcer.