L'histoire de votre personnage : 75 lignes complètes minimum.
Au cas où vous vous poseriez la question, nous vérifions en résolution 1600*900
An 536 - Une enfance brisée
Le bruit de lames s'entrechoquant résonnait à travers la pièce. Les coups échangés étaient adroits, précis, rapides, et surtout nullement retenus. La lumière oscillait doucement, comme bercée par les courants de l'océan qui constituait le ciel pour les Atlantes tandis que la fillette suait sang et eau, se démenant face à Xebel, patriarche des Mera, son père. L'échange de coups était semblable à un ballet, les mouvements de Mélisandre, malgré son jeune âge, virevoltant à la fois avec grâce et férocité. Elle n'avait pas plus de six printemps, mais elle maniait déjà le sabre avec dextérité. Mais ce n'est pas parce qu'elle n'était qu'une jeune enfant que Xebel allait se retenir.
"Habile... Mais ce n'est pas une danse!"
D'une passe d'armes adroites, il fit sauter l'arme des mains de sa fille, avant de lui asséner un violent coup de pied dans l'estomac. Pliée en deux, la fillette se retint de cracher le contenu de son estomac tandis que son père tournait autour d'elle, l'exhortant à se relever.
"Debout! Tu es une Mera. Tu es ma fille! J'attends de toi de grandes choses!"
Elle l'entendait vociférer des paroles qu'elle n'avait déjà que trop entendues. Elle avait bien compris depuis le temps qu'il avait décidé de la former de ses propres mains que pleurer et gémir ne servirait à rien d'autre que d'exciter sa colère, comme lorsque l'on rajoutait de l'huile sur un feu. Alors serrant les dents, elle se releva avec peine. Ses deux frères aînés étaient là, eux aussi, s'entraînant entre eux. Là aussi, elle avait cessé d'espérer quoi que ce soit de ce côté-là. Ils étaient eux aussi formés à la dur, mais Xebel semblait particulièrement exigeant avec elle.
" Allez! Un peu de nerfs!"
A peine s'était elle relevée que le grand gaillard aux cheveux grisonnants lui adressait un nouveau coup qui la renvoya aussitôt au sol. Continuant de crier, les mots de l'homme se faisaient troubles, tout comme sa vision tandis que la pauvre enfant sombrait dans l'obscurité froide de l'inconscience....
Mélisandre n'a jamais connu sa mère, Atlanna Mera. Pour ce qu'elle en sait, celle-ci serait morte en lui donnant naissance, mais ce sujet ayant été déclaré tabou, notamment pour la jeune fille, elle n'en saura jamais plus. Les premières années de sa vie, elle fut confiée alors à une nourrice digne de confiance. Bercée au gré des chants et légendes des mers par cette dernière, cette dernière semblait être la seule à témoigner de l'affection envers l'enfant qu'elle était. Son père, dans le peu des souvenirs qu'elle avait de cette époque, se contentait de la savoir en bonne santé. Ni plus, ni moins. Ses frères, eux, ne semblaient guère s'intéresser à elle, et même les serviteurs de la famille semblaient l'éviter au possible. Mais à son quatrième printemps, Xebel congédia, officiellement, la nourrice, pour la former à sa propre manière, à la dure.
L'éducation fut des plus strictes. Tout était concentré sur l'histoire d'Atlantis, des Mera et de la famille Marsyne que leur clan servait depuis toujours. Leur devoir était de servir le dieu des mers, de protéger Atlantis des menaces extérieures, qu'il s'agisse d'éveillées au service d'autres dieux ou des méprisables Vulgaires, mais surtout de veiller à ce que personne ne s'approche des terres sous-marines de l'Antarctique. Les légendes racontaient que sous ce domaine, sous l'épais manteau de glace du pôle sud, se trouvait le Shéol. Nul ne savait ce qu'il contenait exactement, et peu leur importait, seul comptait sa protection. Et quand elle n'était pas forcée d'apprendre et toujours plus sur l'histoire de leur peuple, Mélisandre était contrainte à subir un entraînement particulièrement éprouvant. Chaque jour, la petite était en larmes, à bout de forces, et même blessée. Chaque jour, Xebel prenait de son temps pour lui forger, comme il le disait lui-même, le caractère. Et quand il ne pouvait s'en charger, il déléguait cette tâche à l'un de ses fils. Et effectivement, avec le temps, l'enfant devint plus forte, plus robuste aussi, que ce soit physiquement ou mentalement. Du moins quand elle faisait face à sa famille. Car chaque soir, quand elle se retrouvait seule dans sa chambre, observant le ciel marin qui recouvrait sa cité, des larmes perlaient sur ses joues, refrénant de longs sanglots. En silence, elle exprimait ainsi la souffrance, laissant entrevoir les brisures de son coeur que la vie qui lui était imposée lui avait faite.
____
An 541 - L'éveil de la Flamme
Mais un soir, tandis que les larmes coulaient, une fois de plus, sous l'éclat nocturne et paisible du ciel, quelque chose au fond d'elle se manifesta. Un murmure, l'incitant à se rebeller, ne plus se laisser faire, à ne pas devenir la chose que voulait son père. Peut être était ce là l'amorce de ce qu'on appelait l'adolescence, mais quoiqu'il en soit, Mélisandre commença alors à montrer plus de caractère, n'hésitant plus à se rebiffer et même provoquer Xebel durant leur séance d'entraînement.
"Ah.... Ah... Alors? Si tu continues ainsi, je ne risque de ne plus beaucoup progresser, Père!"
Fit elle tandis qu'elle reprenait son souffle, lui lançant un sourire de défi. Désormais jeune adolescente du haut de ses onze printemps, Mélisandre combattait seule Xebel, du moins quand il n'était pas retenu par les obligations qui le liaient aux Marsyne. Ses frères, eux, servaient désormais sur des navires à la surface, affectés à divers postes dont elle n'avait pas connaissance. Que ce soit Dracon, l'aîné, ou Sebas le cadet, aucun d'entre eux n'avait réussi à satisfaire leur patriarche. Et pourtant, comme elle, ils avaient longuement souffert. Mais quels que pouvaient être leurs efforts ou leurs faits d'armes, cela n'avait jamais été suffisant pour lui, préférant se concentrer alors sur sa fille. Contrairement à eux, qui avait pu grandir ensemble, côtoyer librement d'autres atlantes, Mélisandre avait été isolée dès son enfance, et elle n'avait jamais su pourquoi il en était ainsi.
"Reste concentrée Mélisandre! Garde tes émotions sous ton contrôle!"
L'assaut de Xebel était intense et impitoyable. Les coups qu'il portait à sa fille étaient désormais de véritables attaques, et si elle ne prenait pas garde, elle risquait fort d'en ressortir blessée. Mais elle n'en pouvait plus d'entendre, encore, encore et encore les mêmes mises en garde, les réprimandes se suivant et se ressemblant sans cesse. Son agacement la submergea alors et elle se lança sur lui, emplie d'une hardiesse et d'une fougue que l'Atlante commençait à ne connaître que trop bien. D'un pas habile, il disparut du champ de vision de sa fille, puis se servant de son élan contre elle, la fit basculer pour la faire chuter sur le dos avec violence.
"Argh!"
Une sensation froide mais reconnaissable entre toutes se posa alors sur sa gorge. L'acier de la lame de son adversaire était posé là, prêt à trancher, mais le regard dur de son maître était sans doute bien plus revêche.
"Combien de fois devrais-je te le dire?"
Les yeux bleus aciers de l'Atlante révélaient, plus que les mots encore, une intransigeance absolue. Et au plus profond d'entre eux, de la déception, une déception que Mélisandre perçu tandis que ses yeux rubis croisaient ceux de son père. L'espace d'un instant, sa colère inonda son esprit, submergeant sa conscience tandis qu'un froid glacial l'envahissait. Sa vision se troubla tandis qu'une lueur l'aveugla, faisait disparaître alors le paternel. Ce fut bref, mais pendant une seconde, pendant le temps qu'elle sombrait dans l'inconscience, elle eût l'impression qu'un brasier avait attaqué Xebel. Et l'instant suivant, tandis qu'elle recouvrait ses sens et ses esprits, Xebel la toisa d'un regard terrible avant de la frapper avec violence, sa tête rebondissant avec force sur le sol, la replongeant dans un sommeil trouble.
Lorsqu'elle s'éveilla, elle se trouvait dans son lit. Plusieurs heures s'étaient écoulées alors suite à cet incident, du moins pour ce qu'elle s'en rappelait. Mais peut-être avait elle rêvé, rien n'ayant changé dans son quotidien, si ce n'est que l'entraînement devenait de plus en plus rude et sévère.
___
An 543 - Une Rencontre singulière
Le temps passait, et Mélisandre restait toujours aussi isolée. L'amitié lui était une notion tout ce qu'il y avait de plus inconnu, tout son univers était dédié à faire d'elle une guerrière aguerrie et tenace, Xebel tenant à ce qu'elle s'élève particulièrement dans ce domaine. Mais maintenant qu'elle commençait à grandir, et à adopter la forme d'une jeune femme, elle fût obligée d'apprendre les manières ainsi que les us et coutumes de ceux qui vivaient à Atlantis. A l'aube de son treizième anniversaire, en 543, elle fut emmenée avec ses frères au royaume sous-marin par son père.
Elle découvrit alors les splendeurs du domaine de Poséidon, un sanctuaire qui n'avait rien à envier à la cité de l'Antarctique, là où résidaient les Marsyne et où étaient le foyer principal des Mera, bien que beaucoup de ces derniers vécurent, par devoir, en Atlantis. Emerveillée par ce qu'elle voyait, son père la rabroua sèchement, l'obligeant à adopter une tenue plus digne, plus noble, plus froide. Ce à quoi elle se plia, trop satisfaite au fond d'elle de découvrir enfin autre chose que le domaine familial où elle avait toujours vécu. Pendant une soirée, tandis que Xebel était trop occupé à s'entretenir d'affaires importantes, Mélisandre, poussée par un susurrement intérieur, s'éclipsa discrètement, mettant à profit les enseignements qu'on lui avait prodigués afin de visiter par elle-même ce fameux sanctuaire. Se fondant dans les ombres, malgré la robe blanche écume dont elle était parée, comme Xebel lui avait enseigné, elle erra alors dans les froids couloirs du temple de Poséidon. Quelque chose semblait comme l'appeler, sans savoir quoi exactement, et elle ne pouvait s'empêcher de s'y avancer. Après un long moment d'errance, elle arriva dans un endroit où était élevé ce qui semblait être de nombreux autels. En s'approchant d'eux, Mélisandre découvrit alors avec ravissement des statues en un métal qui ne lui était pas familier. Chacune d'entre elles semblait représenter une créature marine, qu'elle soit animale ou mythologique. Tandis qu'elle marchait, calmement, une présence se fit alors sentir. Un murmure lointain l'attirait alors, pour finalement la faire s'arrêter devant une étrange statue. Celle-ci ressemblait à une espèce de lézard, mais, elle ne savait pas comment le dire, la jeune fille était comme apaisée face à cette étonnante créature. Alors qu'elle s'approchait d'elle, pouvant presque la toucher, une voix brisa alors en mille morceaux le silence solennel qui régnait en ce lieu.
"Mélisandre Mera!"
Sursautant de stupeur, la jeune fille était tellement intriguée par la statue qu'elle n'avait pas perçu l'approche de ses deux frères. C'est alors que la statue s'embrasa immédiatement dans un brasier surnaturel, apparaissant alors comme une bête démoniaque aux yeux des jeunes gens, mais pas à Mélisandre. Tandis qu'elle revenait vers ses frères, Dracon, l'aîné dont le regard fin ressemblait à celui de leur père, gifla sa jeune soeur.
"Tu te prends pour qui? A disparaître de la sorte, et à te faufiler jusqu'ici!"
Si Dracon se montrait particulièrement véhément et rude, à l'instar de son père, Sebas lui, était plus modéré, et s'il n'appréciait pas la petite escapade de sa soeur, n'approuvait pas non plus le geste de son aîné.
"Il suffit, Dracon. Cela ne sert à rien de la malmener ainsi."
Les yeux de Sebas, eux, étaient les mêmes que ceux de Mélisandre. Son allure était plus fluette que celle de Dracon, mais son regard n'en restait pas moins dur et sévère, la différence étant qu'il était dirigé non pas sur elle mais sur leur frère.
"Tais-toi! Elle n'a rien à faire ici, et si on nous surprend ici, tous les ennuis retomberont sur l'ensemble de la famille!"
Tandis que Dracon jetait un regard vers la statue qui brûlait, il apparut alors à Mélisandre qu'il était empli d'envie et de rancune. L'esquisse d'un sourire se dessinait alors au coin de sa bouche, s'apprêtant à lui dire qu'il ne l'aurait jamais, sans vraiment savoir pourquoi ces mots lui venaient en tête, Sebas posa ses mains sur ses épaules, et la regarda droit dans les yeux.
"Il s'agit d'un endroit sacré, Mélisandre. Nous ne devons pas venir ici, pas sans y être convié. Tu comprends cela?!"
"... Oui. Désolée, je ne voulais pas poser de problèmes..."
Regardant son frère, elle vit de la crainte en lui. Une crainte teinté de respect, mais une crainte viscérale, profonde, une crainte généralement inspirée par les dieux en personne. Elle suivit alors ses frères, laissant la créature de métal derrière elle, le brasier s'éteignant lorsqu'ils quittèrent la pièce.
Bien évidemment, Dracon rapporta l'épisode à leur père. Celui-ci ne réagit pas, sur le moment du moins. Mais une fois rentré au sein du domaine familial, l'entraînement de Mélisandre devint plus éprouvant que jamais. Puis, tandis que ses frères furent envoyés en des lieux différents, il fut décidé que la jeune fille allât partir quelque temps en expédition. Si au début la nouvelle était accueillie avec plaisir par Mélisandre, elle déchanta rapidement. Car il s'agissait de la former à la navigation, tout serviteurs de Poséidon devant savoir vivre en mer, et pour ce faire, elle du trimer et lutter pour faire sa place.
_____
An 544 - L'Appel de la Mer
Déterminée, et éloignée de sa famille, Mélisandre commença enfin à se sentir vivre, même si cela ne fut pas sans souffrance. L'équipage, qui servait les Mera et était dirigé par un membre d'une branche mineure du clan, avait reçu des instructions précises. La brimant à la moindre erreur, à la moindre faute, la maltraitant et la poussant continuellement à bout, l'équipage lui menait la vie dure. Mais en comparaison de ce que Xebel lui faisait vivre depuis sa plus jeune enfance, cela n'était rien. Et si elle avait commencé à se rebeller contre son père, en dépit des conséquences, un instinct vif et sauvage s'éveilla alors en elle au contact de cette vie rude mais ô combien exaltante. A la fin, Mélisandre était ainsi devenue aussi bagarreuse que les loups de mer qui composaient cet équipage. Jurant parfois comme un charretier, elle ne se sentait plus comme une Mera mais davantage comme une guerrière de Poséidon, peut être inexpérimentée, mais appréciant comme d'aucun autre la sensation de liberté et l'amour de la mer.
Mais ce long voyage lui montra également une chose qu'elle ne connaissait pas: le monde des Vulgaires. Chargés de commercer et de se tenir aux nouvelles, le navire voyagea jusqu'à des horizons lointains, jusqu'à des peuplades dont elle ne connaissait l'existence uniquement par ce qu'on lui avait enseigné. Et elle constata à quel point le monde terrestre était à des mille lieux de la splendeur qu'elle avait découverte à Atlantis, de la civilisation noble et élégante qu'elle avait entraperçu. Ici, dans ces contrées, il y avait la misère, la guerre, les maladies... et si certains Vulgaires étaient honorables ou sympathiques, beaucoup se comportaient de manière déplaisante et criminelle, du moins pour la noble Atlante qu'elle était. Ce qu'elle voyait ne lui plaisait guère, et elle s'attira de nombreux ennuis au fil des escales, s'immisçant dans des histoires qui ne la concernaient guère. Révoltée par le comportement qu'elle jugea méprisable des terrestres, elle embrassa alors pleinement la foi envers le dieu des Océans qui lui avait été dictée jusqu'ici, s'y plongeant désormais volontairement.
"Les Vulgaires méritent bien leurs noms. Comment leurs dieux peuvent ils laisser faire tout cela! Poséidon est le seul maître qu'il est digne de servir!"
L'émerveillement du voyage avait laissé un goût amer et désagréable à la jeune Atlante. Elle resta plus d'une année ainsi, à voyager à bord de navires, à se familiariser avec les mers et les océans, pour devenir à la fin parfaitement à l'aise avec le fait de naviguer et vivre sur un navire. Mais tout n'était pas tout rose, loin de là. Etant une jeune femme, au bout d'un moment, certains commençaient à la regarder avec intérêt, et si son statut de Mera ne semblait plus être suffisant pour la protéger, et bien elle fit comprendre avec hargne et force qu'elle n'était pas une femme facile. Et sa férocité quand ils devaient agir sous couvert de piraterie refroidit dès lors les ardeurs des plus audacieux matelots qui lorgnaient sur elle. Mettant à profit ses longues années d'entraînement auprès de son patriarche, elle se tailla rapidement une réputation de diablesse des mers, de furie sanguinaire et impitoyable.
Tout autour d'elle n'était plus que chaos. Le navire qu'ils avaient abordé tentait d'explorer les confins du monde, mais malheureusement pour eux, les Atlantes ne pouvaient les laisser aller au-delà du cap de la Terre de Feu. Ce qui était un exploit considérable alors pour de simples Vulgaires allait finir en tragédie, teintant les eaux bleutées de l'océan de leur sang. Il était rare, vraiment rare, que des Vulgaires aient l'audace d'explorer ainsi les mers, mais les Atlantes veillaient au grain, s'assurant que pour eux, l'océan restait un territoire vierge mais surtout mortel. L'assaut fut brutal, les coups des guerriers fauchant les aventuriers les uns après les autres sans la moindre difficulté. Mélisandre marchait au milieu de ce carnage, embrochant en hurlant ceux qui levait déjà leur arme vers elle. Traversant le pont avec hargne, elle fracassa la porte qui menait à l'intérieur du navire. Elle découvrit, dissimulé dans un coin, un homme apeuré, tremblotant. Les pas de l'Atlante la menèrent jusqu'à lui.
"Par pitié... ne me tuez pas... nous ne sommes que de simples explorateurs... pas des pirates, ni même des marchands... pitié... j'ai des enfants... "
L'épée de Mélisandre se leva. Le regard de la jeune fille se voulait dur, mais son coeur hésitait. Se mordant les lèvres, elle le regarda pendant un instant, avec tristesse.
"... Alors il ne fallait pas venir jusqu'ici!"
La lame trancha net l'homme, qui hoqueta un instant, se noyant dans son sang et les larmes avant de rendre son dernier soupir. Elle le regarda alors, pendant un instant. Il paraissait être un brave homme, mais il avait commis l'erreur d'être curieux. Mal lui en a pris, à lui, et à son équipage.
Leur navire s'éloignait alors, surveillant que celui qui avait osé s'approcher du royaume des dieux sombraient dans les flots. Il y avait des mers, où les navires ne revenaient jamais. Des mers où seule la mort attendait ceux qui osaient y pénétrer. Une mort donnée par les Mera et autres clans mineurs dont la tâche était de protéger le Shéol. Et rien ne valait une légende de mauvais augure pour refréner les ardeurs des Vulgaires. Mélisandre s'acquittait de sa tâche avec dévouement, et malgré ses airs de combattante, un vide se faisait ressentir au fond d'elle.
En tout cas, cette vie, certes tumultueuse et rude, n'était pas pour lui déplaire. Malheureusement, elle allait finalement prendre fin.
____
An 545 - Adieux, Frères
Alors qu'elle rentrait juste d'un dernier voyage, Mélisandre retrouva une atmosphère lourde non seulement au sein du domaine des Mera, mais également dans l'ensemble de la cité dissimulée sous les eaux de l'Antarctique. Atlantis venait d'être attaquée par les chevaliers d'Athéna, commandés par un certain Narsès, et leur Seigneur à tous, Poséidon, avait été contraint de s'incliner.
"Comment... Comment cela se peut-il?!"
Les poings serrés, Mélisandre était sous le choc. Jamais elle n'aurait pu imaginer cela. Toisant les autres Mera présents, ils semblaient avoir une autre nouvelle à lui communiquer. Le regard froid et sévère, elle les toisa avec colère, le ton de sa voix se montrant particulièrement glaçant.
"Et bien quoi?"
Trois mots. En seulement trois mots, Mélisandre venait de glacer l'assemblée, leur adressant à tous un regard sombre et froid, la couleur rubis de ses yeux luisant d'un éclat mauvais. Elle qui s'était révélée auprès des siens comme étant une jeune femme pleine de vie leur dévoilait alors un visage sinistre et menaçant, plus glaçant encore que celui du patriarche.
"Votre frère... Sebas... a péri pendant qu'il protégeait Atlantis..."
Sebas le cadet. Celui qui ressemblait le plus à Mélisandre. Celui avec lequel elle s'entendait le mieux. Celui qui la respectait le plus, à défaut de se lier à elle. La jeune guerrière avait fait de son mieux pour enterrer tout sentiment au fond d'elle, comme son "père" lui avait enseigné. Et pourtant, son coeur venait de se serrer en entendant cela. Mais Sebas était également autre chose à ses yeux. Il était celui qui craignait les dieux.
"Un faible. Voilà tout ce qu'il était... Qu'en est-il du Shéol?"
Au moment où elle apprit que le Shéol, et l'Antarctique en général, avait été épargné, elle leur tourna le dos. Mélisandre commençait alors à marcher d'un pas ferme et décidé afin de retrouver sa chambre quand une voix familière l'interpella.
"Comment oses tu traiter notre frère de faible?"
Dracon. L'autoritaire, le dur à cuire, le fils à son père. Celui qui ne se prenait pas pour de la fiente de mouette. C'est un regard las et agacé que Mélisandre posa sur lui.
"Je ne fais que constater les faits, 'mon frère'! S'il avait été plus fort, si Père l'avait mieux formé, peut-être aurait-il survécu... Quoi qu'il en soit, je n'ai qu'un seul regret, que ce ne soit pas toi qui soit mort!"
Pesant ses derniers mots avec soin, elle le provoquait ouvertement, lui lançant un sourire teinté d'un cynisme cinglant. Et bien entendu, Dracon s'emporta. Avançant rapidement vers elle, il leva la main pour la frapper. Seulement, Mélisandre fut plus rapide, et gifla sèchement son aîné. Le bruit claqua avec force, tel un coup de fouet, tandis que Dracon se figea un instant suite à ce qu'il venait de se passer.
"Que... "
Le léger sourire cynique qu'elle lui avait adressé disparu alors, ne laissant plus que paraître ennui et affliction.
"Et bien, Dracon, cela n'est pas agréable, n'est ce pas?"
Mélisandre frappa alors le jeune homme. Il avait beau avoir cinq années de plus qu'elle, il avait beau posséder plus de force et d'expérience qu'elle, l'Atlante ne s'attendait pas à une telle hargne, une telle sauvagerie de la part de sa benjamine. Et surtout, à ce qu'elle emploie de tels coups bas, Mélisandre l'ayant feinté avec une nouvelle approche au visage pour pouvoir mieux frapper son entrejambe. Dans la seconde, au moment où la douleur paralysait Dracon, elle le fit basculer à terre et posa sans aucune retenue son genou sur sa gorge. Son regard sombre était alors aussi torve que méprisant.
"Ne m'approche plus, minable. Si Sebas était faible, lui au moins était respectueux et respectable!"
Se relevant, elle lui tourna le dos, laissant Dracon au sol digérer ses paroles. Les derniers mots qu'elle lui adressa alors furent ceux qui suivirent.
"Toi, tu n'es qu'un minable. La honte des Mera!"
Une chance pour lui que Xebel était actuellement à Atlantis, l'humiliation aurait été encore plus cinglante pour lui. Claquant la porte derrière elle, la jeune fille se retrouva seule dans sa chambre. Un froid glacial régnait dans cette pièce tandis qu'elle y pénétrait, puis elle alla s'écrouler sur son lit. La pression écrasante qui la maintenait dans un tel état de fureur, qui lui avait fait dire ces choses, ces mots, qu'elle pensait certes mais que jamais elle n'aurait pensé lui cracher à la figure ainsi, venait de s'évaporer. Se relâchant, elle pleurait dans ses draps, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, n'arrivant plus à gérer les sentiments contradictoires qui se bousculaient dans sa tête. Elle n'était pas plus proche que cela de Sebas, et pourtant, un vide venait de se créer. Un murmure inaudible l'appelait par son prénom, mais elle n'entendait pas, elle n'entendait plus, tandis qu'elle s'effondrait dans un sommeil aussi sombre que les abysses.
La cérémonie funèbre eût lieu quelques jours plus tard. De nombreux Atlantes étaient tombés, et les Méra avaient, comme beaucoup, leur compte de victimes. Elle fut alors des plus solennelles, d'autant que la défaite de Poséidon était encore difficile à accepter. Pendant les rites, Mélisandre était silencieuse, se trouvant à proximité de son frère. La tension entre eux était palpable, mais la jeune fille avait cure.
_____
An 551 (Fin Octobre - début novembre) - Songes du Passé
Des songes la hantaient. D'étranges songes. Cela faisait longtemps qu'elle en avait, mais dernièrement, ils se faisaient plus nombreux, plus récurrents, plus clairs. La vision du bûcher où le corps de Sebas se consumait lui revenait alors en mémoire. Du bûcher, de ce brasier ardent, une voix hurlait, son père disparaissait derrière les flammes... une créature l'appelait, susurrant son nom à travers le crépitement du feu, se dissimulant derrière le voile ardent créé par les flammèches qui virevoltaient à tout va. Une créature que Sebas craignait, une créature que Dracon enviait.
Désormais appelée à rester au domaine familial depuis la mort de son frère, Mélisandre avait repris le rythme d'une vie monotone, pénible et solitaire. Certes quand elle était en mer, elle ne s'était liée à personne non plus, mais c'était différent, car au sein de sa famille, on la craignait, on l'évitait, ou on plaçait des attentes démesurées en elle. Avec le temps, Atlantis s'était reconstruite, le clan ayant fait sa part bien sûr, mais le royaume sous-marin traversait alors une nouvelle crise. Après avoir affronté le peuple de Mû, des troubles se profilaient à l'horizon, ne présageant rien de bon pour les serviteurs de Poséidon.
Mais pour une raison qui lui échappait encore, son père avait décrété qu'elle resterait en Antarctique, sous prétexte de parfaire son entraînement, plutôt que de l'utiliser. Mélisandre sentait que la mort de Sebas avait affecté davantage qu'il ne le montrait, en cela, ils se ressemblaient. Mais cela ne justifiait pas pour elle qu'il continuait de la traiter différemment, à l'isoler comme il le faisait. Bien sur, elle avait souvent songé que c'était parce qu'elle était une jeune femme, et lui avait craché quelques fois au visage.
"Pas du tout!"
Lui avait-il répondu sèchement, à chaque fois.
"Ah oui! Et bien on ne dirait pas! Tu dis que je vaux mieux que mes frères, que je suis plus capable d'eux, que je dois redorer le prestige de la Famille et je ne sais quelle autre absurdité! Qu'est-ce que tu en sais?! Peut-être que je ne peux pas faire mieux que ça et ..."
Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que Xebel l'avait frappé. Si violemment qu'elle tomba au sol, et en cracha du sang. Elle lui adressa un regard empli de colère, tandis que les yeux de Xebel restaient froids et impassibles.
"Confiance. Maîtrise. Sang froid. Telles sont les clés qui te permettront de t'élever! Tu te laisses dominer par tes émotions, encore aujourd'hui, et elles sont ta faiblesse!"
".... Ah oui? Tu en es si sûr?!"
Projetant ses jambes autour d'une du patriarche, Mélisandre le fit tomber au sol, avant de chercher à enrouler ses bras autour de son cou. Mais ce dernier, se débarrassant de la jeune femme avec aisance, la saisit d'une poigne de fer à la gorge, et la serra. L'air commençait à lui manquer alors, commençant inexorablement à étouffer. Une sensation froide l'envahi alors tandis qu'elle perdait conscience.... Des flammes brûlèrent alors le patriarche avec ardeur, un rire sinistre se faisant alors entendre, à peine couvert par les cris de Xebel qui avait alors libéré son étreinte. Reprenant conscience, reprenant son souffle, Mélisandre était à genoux, et suffoquait sous la chaleur. Sa vision était trouble, et elle s'écroula au sol tandis que Dracon accourait vers père. La dernière chose qu'elle vit, c'était Dracon qui s'approcha d'elle, le regard empli de haine, et qui lui asséna un violent coup de pied en plein visage.
Le chaos. C'est ce qu'elle voyait tandis qu'elle errait dans les ombres des songes. Un murmure l'appelait, l'éloignant de la bataille à laquelle elle assistait. Délaissant le carnage dans lequel de nombreux navires sombraient en mer, éperonné par un navire noir aussi ténébreux que la nuit, Mélisandre se plongea dans les courants sombres vers lesquels le murmure l'appelait. Un cri, déchirant l'obscurité, attira son attention. Un rire sinistre familier semblait alors valser tandis que le hurlement se faisait de plus en plus familier. L'eau était froide mais Mélisandre s'y sentait bien. Trouble, l'eau se dissipa, laissant voir alors des flammes hilares, infligeant des brûlures considérables à une silhouette masculine qu'elle ne connaissait que trop bien, un colosse au regard bleu acier qui voulait faire d'elle une arme. Au milieu des flammes, elle aperçut alors une silhouette sombre, une silhouette qui vacilla tel le feu avant de s'enfuir au plus profond des ténèbres.
"Attend! Qui es tu?!"
Elle connaissait la réponse au fond d'elle, mais refusait d'y croire. Alors elle suivit cette flamme fantôme au plus profond des abysses. Là, elle entendit des bruits métalliques, ceux d'épées qui s'entrechoquaient. Des coups s'échangeaient, avec habileté, entre un puissant et rude gaillard et une fillette. Frappant sans retenue l'enfant, l'homme l'envoya alors valser, puis la plaqua au sol, la menaçant de son épée. Un cri strident déchira alors la scène, consumant la vision dans un feu blanc qui lui paraissait étrangement froid. Nerveuse, la curiosité de Mélisandre était plus grande que sa peur, et continua de s'enfoncer davantage encore, suivant le courant, se demandant où elle allait être emmenée.
Elle entendit alors les cris d'une femme. Intriguée, elle s'approcha alors tandis que la scène se dévoilait à elle. Une femme, au teint pâle, à la chevelure écume et aux yeux rubis hurlait de douleurs. Se pliant en deux, elle faisait un effort terrible, puis alors d'autres cris succédèrent aux siens. Une petite fille venait de naître. Tandis que la sage-femme allait donner l'enfant à sa mère, un brasier furieux se déclencha alors. La scène était horrible, les flammes semblant tout dévorer tandis qu'elles se déchaînaient comme les vagues frénétiques d'une tempête. La vision se dissipa, pour à la fin ne laisser voir qu'un tas de cendres. Seules la sage femme, qui tenait l'enfant, et cette dernière, avaient été épargnées par les flammes. Mélisandre, qui pleurait, de peur, de douleur, de désarroi, semblait désemparée par ce qu'elle voyait.
"Réveille toi... réveille toi... ce n'est pas vrai... REVEILLE TOI!!!"
La silhouette qu'elle avait suivi jusqu'ici vint flotter jusqu'à elle. Une silhouette de feu et de flammes, mais douce comme la caresse d'un rayon de soleil. Avec soin, elle caressa doucement la joue de Mélisandre, puis, attrapant sa main, l'emmena alors. La jeune femme ne comprenait rien, qu'y avait-il donc encore à voir, l'histoire n'était elle pas déjà remontée jusqu'à l'origine. L'eau sombre changea, adoptant une clarté bleutée cristalline étonnante. L'atmosphère marine semblait solennelle, tandis que devant elles, se formait la vision d'un couple. Priant les fées des eaux, les naïades, au bord d'une magnifique fontaine, l'eau qui en émanait était aussi clair et scintillant que du cristal. Ce lieu était sans nul doute sacré pour les fées, avec lesquelles les initiés devaient pouvoir communiquer, d'une certaine façon du moins. Quoi qu'il en soit, Mélisandre réalisa alors qu'il s'agissait de ses parents lorsque Xebel commença à parler.
"Ô Naïades, perles des mers, acceptez nos humbles présents"
Atlanna déposa alors une guirlande de fleurs raffinées, ornées de perles, d'argent et d'or. L'offrande était élégante, et brillait tellement qu'on aurait dit qu'ils étaient en train d'offrir des étoiles aux fées aquatiques.
"Ô Fées des eaux, écoutez nos prières. Bénissez notre Famille. Faites en sorte que notre famille sorte de l'ombre, permettez à l'enfant à venir d'être celui qui mettra les Mera en pleine lumière!"
Entendant cela, tandis que l'eau de la Fontaine se mit alors à scintiller, tandis que l'offrande disparaissait dans celle-ci, un sentiment se mit à bouillonner en Mélisandre. Ainsi, à les écouter, tout devenait clair. Même si elle s'en doutait, elle n'était donc rien de plus qu'une arme, se moquant ouvertement d'être élue ou quoique ce soit de ce genre par les fées. Tout ce qu'espérait Xebel, était qu'elle leur permette de briller auprès de Poséidon, de surpasser les Marsyne... alors que leur devoir était avant tout de les servir! Et cela révoltait la jeune femme.
La silhouette de feu enveloppa alors de ses bras Mélisandre, puis lui murmura ceci :
"Viens me chercher!"
Sursautant brusquement, Mélisandre était trempée de sueurs. Désorientée, elle comprit au bout de quelques secondes qu'elle avait été ramenée dans son lit. Inconsciente durant plusieurs jours, la nuit était là, recouvrait le ciel de son manteau sombre. Ce songe, ses visions, tout cela était réel. Désormais elle n'avait plus le moindre doute. Se relevant sans tarder, elle ne pouvait plus attendre, sachant ce qu'elle devait faire pour combler ce vide qui la hantait depuis tout ce temps. Marchant d'un pas ferme et décidé, elle s'arrêta alors dans le couloir vide de la maison. D'un côté, il y avait la sortie, et de l'autre... la silhouette paternelle, une silhouette qui portait encore des traces de brûlures et qui tenait à peine debout, s'appuyant sur une canne. Mélisandre lui jeta alors un regard empli de haine, de mépris et de dégoût. Elle cracha ses mots avec dureté.
"Je sais ce que tu as fait!"
Nul besoin d'en dire plus, elle se détourna de lui et quitta la demeure familiale. Dracon semblait avoir disparu, sans doute avait-il été convoqué ou envoyé en mission, mais cela importait peu à la farouche guerrière. Forte de son autorité, elle s'imposa et emporta navire et équipage pour se rendre à Atlantis. Il était temps de mettre fin à la mascarade que Xebel avait mise en place. Il était temps de remettre les Mera sur le droit chemin.
____
an 551 (Novembre) - la Flamme s'élève
Ignorant qu'un conflit avait lieu à Ker-Ys entre les forces de Poséidon et celles de sorcières appelées les Roisin Dubhs, Mélisandre avait commandé d'une manière impérieuse à son équipage de prendre les flots et de la mener à Atlantis. Sa fureur semblait être de glace, mais quiconque l'aurait contrarié aurait souffert, assurément. Rien ne semblait pouvoir l'arrêter, et elle l'avait bien fait ressentir à ses matelots. Elle était la fille du patriarche, elle était donc légitime, et il n'y avait rien à discuter. Au bout de plusieurs semaines, ils arrivèrent à bon port. Les nouvelles n'étaient pas bonnes, car certains soldats blessés étaient déjà de retour à Atlantis, permettant à Mélisandre de prendre alors connaissance du conflit dans lequel Poséidon en personne était impliqué. Mais en l'état, elle ne pouvait rien faire qui aurait été d'une quelconque utilité pour son seigneur, enfin, en ce qui concernait cette bataille. Mais en d'autres lieux, en d'autres endroits, là oui, elle saurait se montrer être utile.
Bien que n'ayant fréquenté que rarement Atlantis, Mélisandre savait parfaitement où elle se rendait. Ses pas la menèrent tout droit dans la salle sacrée où résidaient certaines scales de Poséidon. A l'époque, elle ne s'était pas douté de leur nature, mais désormais, elle savait parfaitement qu'il s'agissait des armures d'orichalques que portaient les guerriers les plus redoutables du dieu des mers.
Pénétrant dans ce sanctuaire, un hurlement se fit alors entendre. Un individu, qu'elle ne connaissait que trop bien malheureusement, tentait de s'approprier une des écailles des mers. Mais celle-ci s'était littéralement enflammée quand Dracon avait posé le doigt dessus.
"Aaaargh! MAis Pourquoi?! POURQUOI?! Elle m'a appelée à venir, elle m'a choisi, alors pourquoi..."
"Ce n'est pas parce qu'elle t'a fait venir qu'elle t'a forcément choisi, Dracon!"
Le ton de Mélisandre était dur et tranchant comme l'aurait été l'orichalque de son épée. Elle s'était glissée non loin de lui, dans l'ombre, observant son aîné se faire brûler par le feu sacré -ou bien était il maudit?- qui émanait de l'écaille.
"Elle t'a fait venir afin que tu assistes à mon ascension, toi qui m'as toujours regardé de haut, et méprisé. Toutes ses années passées à me briser, sous couvert de l'entraînement que Xebel avait ordonné, n'auront servi à rien d'autre qu'à ça."
Un sourire cynique se dessina alors sur le visage de l'Atlante.
"Telle est ta récompense!"
"C'est impossible! Je... Mais... que fais-tu?"
Sous le regard incrédule de Dracon, Mélisandre ôta alors ses vêtements, se mettant à nu devant lui. Nullement gênée de dévoiler devant un corps que nul n'avait pu toucher, la jeune femme avança, se rapprochant, sans peur, du foyer ardent dans lequel la scale se trouvait. Malgré la chaleur du brasier, la peau de Mélisandre restait froide, pour ne pas dire glacée. Tandis qu'elle avançait vers la scale, elle traversa les flammes comme si elles n'existaient pas, sous le regard incrédule de Dracon. Posant la main sur le métal, la scale était magnifique, couleur ambre et perle. Et tout aussi froide qu'elle-même l'était.
Derrière le rideau de feu, Dracon eût l'impression d'assister à une scène improbable. Sa soeur semblait comme enlacer l'écaille, ou bien était-ce l'inverse, il n'arrivait pas à être sûr de ce qu'il voyait. Dans un ballet sensuel, Mélisandre et l'armure semblaient ne faire plus qu'une, le métal recouvrant lentement et à la perfection le corps nu de la jeune Atlante. Tandis que la dernière pièce d'armure se fixait sur elle, l'esprit de Mélisandre atteignit alors pour la première fois de sa vie une certaine plénitude. Le vide qui hantait son coeur depuis si longtemps venait enfin d'être comblé. Elle était désormais entière! Difficile de dire si l'écaille était ce qui lui manquait, ou si elle-même était ce qui manquait à l'écaille. Peut-être était ce les deux, en vérité.
Les flammes de l'autel entourèrent alors la guerrière, la recouvrant d'un halo flamboyant, à la fois blanc, orangé et azur. Elle était une guerrière de Poséidon, s'éveillant alors que certains tombaient. Elle était la Salamandre!
____
De retour au domaine des Mera, recouverte de l'armure bénie par Poséidon, tous s'inclinèrent à son passage. Dracon était avec elle, sa fierté mise en pièces tandis qu'elle avait décrété que, désormais, il allait devoir la servir. Xebel, l'accueillant à l'entrée du domaine, semblait ravi et s'apprêtait à déclarer quelques mots.
"Par les dieux! Mélisandre... Voyez.. Voyez ce que ma fi..."
"Il suffit, Xebel!"
Simple, net mais direct et efficace. Elle lui avait coupé la parole, et le toisait avec sévérité. Avec la même sévérité avec laquelle il la regardait par le passé. En fait, cela était faux. Mélisandre l'était davantage encore.
"Tout comme ton fils, Dracon, qui a voulu s'approprier une des scales sacrées, tu es indigne de diriger les Mera. Tous deux, vous avez oublié quel était le devoir de la Famille: Servir et Protéger! Qu'il s'agisse de notre Dieu Poséidon, ou des Marsyne!"
Son regard n'était plus le regard cruel qui avait effrayé les membres de la famille et l'équipage qui l'avait emmené jusqu'à Atlantis. Il était sévère, oui, mais ici, sa colère était une colère juste. Elle regarda alors l'assemblée, pour revenir à Xebel.
"Tu as voulu pactiser avec les Fées pour arriver à tes fins, pour devenir plus important, mais malheureusement pour toi, elles ont interprété ton voeu autrement! Je suis ici pour purifier les Mera, les remettre dans le droit chemin, et c'est ainsi qu'ils reviendront dans la lumière!"
Son regard s'arrêta alors sur celui qui avait été son père. Il n'était plus que l'ombre de l'homme qu'il avait été dans le passé. Ses brûlures l'avaient considérablement défigurés, tout comme il avait été affaibli.
"Mais pour toi, c'est la fin. Tu n'es plus digne de diriger les Mera. Désormais, je serais la Matriarche!"
Tandis qu'elle levait le poing au ciel, les Mera présents, à l'exception de Xebel et de Dracon, acclamèrent alors la nouvelle dirigeante de la Famille. Les temps étaient sombres, mais Mélisandre, non, la Salamandre, venait de s'élever, et avec elle, la flamme d'un espoir pour des jours meilleurs!