[MD 07] Aussi chaste que la glace, aussi pur que la neige

Si elle avait habité son propre corps, ancrée à la chair bien solide, elle aurait certainement laissé échapper une respiration marquée, laissant la tension s’échapper de ses poumons à l’instant même où la dague aurait quitté sa gorge. Mais la forme de Veena, spirituelle et marcheuse des deux mondes, reste solide comme le marbre, laissant ses seuls yeux suivre le mouvement du dénommé Ingvarr. La lame se range, et les mots qui l’accompagnent parlent plus qu’elle ne s’y attendait. Pas de surprise de la part du nordique, il sait ce que sont les Oracles, et sait de toute évidence que leur domaine de Rome n’est plus. Sait-il pour l’éclatement de leur ordre et l’absence de l’Augure ? C’est une information que le Cygne garderait scellée sur ses lèvres, tant le danger d’une telle nouvelle est grand. Croisant les mains devant elle, tenue debout avec l’air toujours tendu, elle fronce quelque peu les sourcils en voyant que l’homme ne change pas de position, écrasant son corps endormi sous son poids comme une menace toujours palpable. Cela, Veena en a parfaitement conscience et grave cette inquiétude dans une part de son esprit : elles n’ont pas intérêt à énerver le nordique, car la lame pourrait certainement être vite sortie.

« Et pourtant, à sa façon, il observe toujours.»

Observatrices, elles ne le sont pas vraiment. Mais il est hors de question de revendiquer la mission qui les a mené sur cette ville. Le nordique ne semble pas en savoir plus et c’est un avantage pour eux. Si la fiole est invisible en cet instant à leurs yeux, le Cygne refuse de croire qu’il devine ce qu’elle contient ou son utilité. C’est un secret trop grand qui n’appartient qu’aux serviteurs d’Apollon…

« Bien, je suis d'accord. » Acquiesçant aux dires d’Ingvarr, l’oracle d’Euros pince quelque peu les lèvres devant ces signes qui lui sont adressés et manquant terriblement de subtilité. Les clins d’oeil et autres sourires auraient certainement mis mal à l’aise le visage de Rowena, et si Veena n’en pense pas moins, elle a plus de confiance sous cette forme. Elle devine chez le nordique un jeu qui, s’il ne lui plait guère et soulève quelques inquiétudes, ne sont pas entièrement hors de sa portée. Outre cette conversation à la lueur des bougies, ils auraient peut-être une prochaine rencontre en d’autres circonstances. Moins dangereuse pour sa vie, elle l’espère, même si la curiosité joue dangereusement à son esprit.

Répondant au sérieux d’Ingvarr, le visage de Veena se fait plus pensif, ses yeux d’un rose doux sont posés sur l’homme, intrigués et préoccupés par la demande.

« Il est certain que c’est une décision qui ne peut être prise qu’avec l’accord de nos compagnons. » Cela, il semble déjà avoir deviné que Lykeios et Esmelia étaient avec elles. S’ils les avaient suivi depuis leur arrivée en ville, pas étonnant. « Cela dit, je suis surprise par cette proposition d’alliance. Je veux dire, c’est inattendu. Nous savons fort peu de chose de vous et vos hommes, Ingvarr, alors qu’est-ce qui vous a mené ici ? Et qu’auriez-vous a gagner en vous associant à nous ? »

Il y a forcément quelque chose. Le Cygne doute que le nordique aurait tranché sa gorge plus tôt, et semblait venir à eux avec une idée en tête, sinon il aurait certainement mis sa menace à exécution avant ça, s’il avait craint le danger. Il avait donc décelé quelque chose en eux à leur arrivée, prêt à venir avec cette étrange proposition. Mais pourquoi ? Veena ne pouvait retirer de sa mémoire la vision qu’avait eu Esmelia au sujet des gens du nord, de cette gemme étrange et ce possible danger. Il cachait quelque chose, mais il était difficile d’obtenir plus sans possiblement craindre la menace, ou soulever plus de questions à leur propos. Si elle ne détourne pas les yeux de l’homme devant elles, ses pensées se tournent vers Célestia, observatrice silencieuse depuis quelques minutes. Aurait-elle plus de chose à dire qu’elle même ?

Bien. Il était content d’avoir su captiver l’attention de ces gens. S’il avait su à quoi l’aurait mené cette journée. Il ne l’aurait pas cru. Il commençait à s’ennuyer ferme mais il avait su tirer parti de l’opportunité offerte par ces intuitions. C’est ce qui l’avait mené si loin, ce qui lui avait permis de vivre si longtemps surtout. Il savait qu’il était sur le fil là et qu’il avait un léger avantage qu’il devait exploiter au mieux de ses opportunités. Il écouta ce qu’elle avait à dire et elle était bien plus perspicace que n’avait semblé l’être la blonde. Bien qu’il ne la sous-estima pas, elle avait l’air plus… instinctive qu’elle et capable de réagir rapidement à la situation donnée, un peu comme il pouvait le faire.

« - La réponse à ta question est simple. »

Il s’étira un instant avant de ramener ses mains sur son ventre, sans quitter son confortable perchoir, il avait aussi bien installé que fier de lui. C’était là un parfait endroit pour faire des affaires, du moins, pour les préliminaires.

« - Nous sommes des mercenaires. Et disons que vous incarniez la possibilité d’être mauvais pour les affaires et au final, vous avez plutôt l’air de clients potentiels que de concurrent alors il est normal pour moi de vous proposer nos services non . Pour le reste, si l’offre vous intéresse. Si c’est le cas, blondie peut aller chercher vos deux autres compagnons que nous discutions sérieusement. Je consentirais même à quitter ma confortable assise pour ça ! S’il est pas trop con, un gars à moi devrait se trouver devant votre porte. Dites-lui que je vous envoie chercher vos amis et nous allons nous retrouver en bas. »

Il bâilla de manière ostensible en réponse à la faible défense de l’oracle. S’il avait voulu la tuer, il l’aurait déjà fait et elle montrait là son manque de réflexion. Mais il ne s’attendait pas grand-chose de celle qui avait tenté de le rouler dans la farine alors que la femme derrière elle ne faisait qu’appuyer son mensonge. Mais selon lui, c’était souvent le problème des Grecs. Il la laissa donc jacter, son regard passant de temps en temps de la jeune femme sur laquelle il était assis à l’ombre derrière eux à la blonde n’afférant à tout ramasser. Il finit par s’étirer et se leva. Il marche avec un certain soin sur les choses se trouvant sur son chemin, signifiant là toute l’attention qu’il portait à ce qu’elle venait de dire.

« - Bien, quand tu auras fini de faire la courge, nous pourrons discuter entre gens sérieux et responsable dans la grande salle, si du moins, mon offre vous intéresse, sinon et bien, tant pis pour vous. Je suis vraiment certain de pouvoir vous épargner pas mal d’emmerde, mais c’est vous qui voyez. Parlez-en avec les autres. »

Il adressa un ultime clin d’oeil à Rowenna avant de sortir de la porte et d’échanger quelques mots dans une langue qui vous est inconnu à l’immense armoire à glace qui se trouvait de l’autre côté comme il l’avait annoncé. Vous entendez ensuite des bruits de pas dans l’escalier, vous laissant ainsi seule toutes les deux. Sans que la fiole ne soit visible…

La réponse est simple, c’est vrai. Mais des mercenaires qui savent tant de choses et don le chef est capable de se faufiler dans la pièce sans attirer l’attention de son corps endormi dans l’état du rêve… ça ne semble pas si anodin que cela. Il semble néanmoins ouvert à la diplomatie et à ne pas obtenir une réponse immédiate des oracles, ce qui rassure le Cygne, horrifiée à l’idée de devoir prendre une décision sans ses deux autres compagnons. Cela dit, elle n’est pas très rassurée pour autant et comprend bien que l’alliance proposée à plus des airs de contrat, et où le prix n’a pas encore été énoncé. Des clients potentiels plus que de la concurrence… Concurrence sur quoi d’ailleurs ? La présence en ville ? Etrange. Mais au moins désormais, ils savent leur existence et n’ont pas tout à fait à craindre leur présence invisible dans leur dos. Enfin… l’espère-t-elle.

Le claquement de la porte fait sursauter Veena, mais c’est certainement un signal que Célestia cherche à lancer à leurs compagnons endormis. Entendront-ils ? Sur l’instant, ça ne semble pas, et même après quelques secondes écoulées, rien ne se passe sinon le bâillement du nordique et son mouvement pour se lever. Elle ne peut pas vraiment en vouloir à Célestia de ne pas se laisser faire, et la remercie même intérieurement de ne pas s’être éloignée d’elle. Les clins d’oeil et autres regards quand l’homme s’éloigne restent un peu malaisant pour Veena, et elle préfère ne pas y penser pour le moment. D’un simple éclat de volonté, l’esprit s’efface pour retourner vers le corps, qui s’éveille dans un sursaut et une respiration lourde. Elle peut presque encore sentir le poids de l’homme peser sur elle, désagréablement. Immédiatement, ses mains se dirigent vers la sacoche à son côté, elle aussi retournée par le nordique, mais elle n’est pas surprise de la trouver vide, sans la fiole. L’inquiétude se renforce alors que ses yeux se penchent vers le sol, tentant de trouver dans la pièce la silhouette de l’objet, éparpillé peut-être avec les autres. Rien de visible malgré la lumière allumée par Célestia. « Elle a disparu. » Murmure-t-elle alors au Héron d’une voix très douce mais coupable, la gorge se serrant à la perspective d’un vol et donc de l’échec de la mission. Et si elle a été volée… ont-ils alors le choix sur cette coopération proposée par le nordique ?

Se levant en faisant attention de ne rien écraser au sol parmi les affaires éparpillées, le Cygne ramasse quelques affaires pour aider Célestia, mais très vite elle reprend la parole dans un même murmure « Il faut aller prévenir les autres. » Elle lâche les quelques trouvailles au sol sur le lit - rien ne révélant la fiole - pour serrer doucement le bras du Héron, comme un soutien et une ancre réconfortante dans cette situation malheureuse. Puis elle se dirige vers la porte, osant un petit regard vers le couloir avant pour vérifier qu’elles sont seules à cette heure tardive. C’est le cas, et visiblement le claquement de la porte n’a pas alerté grand monde. Elle va au plus proche, la chambre de l’Epervier où elle toque de quelques coups un peu ferme. Un peu pressé. Elle croit entendre du mouvement de l’autre côté, alors elle élève alors à nouveau sa voix, quoique doucement pour ne pas inquiéter son compagnon :

« Lykeios, c’est Rowena. Nous… il s’est passé quelque chose. »

Je ne trouve pas vraiment le sommeil. Somnole tout au plus jusqu'à ce que l'on frappe à ma porte et que je me redresse en un sursaut. J'enfile ma robe à la va-vite et cours presque pour aller ouvrir. C'est Célestia et à son air grave je comprends qu'il s'est passé quelque chose, sinon elle ne serait pas là. Sans un mot je sors, verrouille ma porte et regarde à côté Rowena qui s'est occupée de réveiller Lykeios. Comme il me semble inapproprié de discuter dans le couloir, j'invite mes amies à entrer dans la chambre de l’Épervier et referme derrière moi.

- Que s'est-il passé ? Racontez-nous tout.

Je pose la question d'une voix douce. Quoiqu'il soit arrivé, le seul sentiment que j'ai envie de leur transmettre en l'instant, c'est mon soutien. J'écoute l'une et l'autre, un air neutre sur mon visage. Je cache l'effroi que leurs révélations me font ressentir. J'avais eu raison de m'inquiéter. Je m'en veux de ne pas avoir essayé de les mettre en garde, ou de ne pas avoir proposé de veiller sur la fiole au moins. Lors de ma discussion avec Lykeios, je me suis promis de grandir, d'affronter mes craintes et de ne pas les laisser me consumer. Je réfléchis un instant, tourne la tête vers l'homme du groupe, comme si son expression pouvait m'aider à déterminer ce que je vais dire.

- Je vois. Il semble que nous n'avons pas le choix. Il faut la récupérer coûte que coûte. Voyons ce qu'ils ont en tête, écoutons leur proposition. Nous aviserons ensuite.

J'attends leur assentiment avant de quitter la chambre la première et de prendre la direction de la grande salle où ils sont supposés nous attendre. Les filles ont été suffisamment secouées comme cela, il est normal que je prenne la suite des opérations. Je ne cherche pas à prendre la place de la bergère, mais rester en place m'est impossible. Rester planté là à ruminer et à culpabiliser ne sert à rien. J'ai besoin que l'on s'active, que l'on réagisse et surtout que l'on ne perde pas l'occasion de récupérer ce qui nous appartient. C'est à Lyke et moi de prendre le relais si je puis dire pour leur permettre de se reposer un peu sur nous même si à présent il est important que l'on reste tous les quatre, soudés. Mes amis me suivent, je l'espère du moins. Tête haute, je balaye la pièce du regard, vérifiant s'ils sont toujours seulement deux, ou bien si d'autres Nordiques les ont rejoints. J'inspire avec force pour me gonfler de courage et m'avance vers celui qui semble être le chef.

- Salutations. Esmélia, Patronne de la Peinture.

Je ne sais pas si nous sommes encore le soir, ou bien si l'aube ne tardera pas à poindre, alors ce terme est celui qui me semble le plus neutre. Je me présente, sans rien cacher puisqu'ils savent déjà qui nous sommes cela ne sert à rien de faire des cachotteries. Je laisse Lykeios se présenter à son tour puis j'enchaîne.

- Nous avons cru comprendre que vous aviez une offre à nous faire. Cela nous intéresse. Nous vous écoutons. Qu'avez vous à nous proposer et que voulez-vous en retour ?

Car tel est un marché, donnant-donnant. Il doit bien y avoir une contrepartie à payer et nous voulons tous savoir de quoi il s'agit. Moi surtout, en tant que Patronne, se faire des alliés, conclure des marchés, c'est plutôt notre tâche à nous les Pythies alors il est grand temps que je fasse honneur au titre qui est le mien même si je compte bien m'appuyer sur l'expérience de mes aînés. J'ai pris le rôle de catalyseur, mais cela ne veut pas dire que je laisserai les autres être éclipsés, au contraire, ils sont ma force, mon soutien, comme je suis les leurs. Bien que mes jambes tremblent sous mes jupes – ce qui ne se voit pas heureusement – j'affiche un air déterminé, bien décidée à ne pas me laisser impressionner. Je m'attends néanmoins à être ignorée. Que l'homme préfère s'adresser à notre homme. Il en a toujours été ainsi dans ma vie, les femmes sont trop facilement dénigrées et je n'ai pas de mal à imaginer que ça doit être encore plus marqué chez les peuples du Nord. Peut-être que je me trompe, je verrai.

Sans indicateur de menace immédiate, Lykeios s’était simplement rendormi, habité d’une fatigue légitime. Lorsque quelques coups à sa porte le tirèrent du sommeil, il ne sut pas s’il avait rêvé, mais il apparaîtrait rapidement évident que ce fut le pied gauche qu’il posa au sol en premier. Il fallait dire que la situation ne prêtait pas à sourire. Rowena venait l’informer qu’il s’était passé quelque chose. Et par le bref récit qui fut fait lorsqu’ils furent réunis tous les quatre, il s’agissait de gros ennuis. Taciturne, mâchoires serrées, il ne dit rien. S’était élevée en lui une colère difficile à digérer. Pas contre ses alliées, qu’il ne blâme pas d’ailleurs. Mais contre le sort qui avait voulu que toutes leurs précautions n’avaient servi à rien. Été que du vent, face à cette finalité qui au final aurait été inéluctable. Bien sûr, l’on ne pouvait pas voir l’ensemble de la fresque, et peut-être avaient-ils évité pire ? Qu’importe, lorsqu’à peine quelques heures après leur arrivée en ville, de tels déboires advenaient.

Aussi ne recherche-t-il pas où l’erreur avait été commise – car il devait bien en être au moins une, sinon comment cette situation serait explicable, qu’ils soient attendus pour une mission ordonnée bien avant qu’ils ne migrent plus au Sud – et ressent juste cette envie de rentrer dans le tas, de régler ça à sa manière pour une fois, de se montrer enfin utile, d’user enfin ses capacités. Le combat semblait le seul but de son existence, et il se demande pourquoi l’on en est pas encore là. Cette réflexion lui permettra peut-être de relativiser de possibles menaces ultérieures : si ces « invités de dernière minute » ne les avaient pas abattus, c’était soit parce qu’ils avaient besoin d’eux, soit parce qu’ils n’étaient pas capables de s’assurer une victoire qui ne serait pas coûteuse. Esmelia les invite à descendre, et il reste à l’arrière, ferme la marche.

Arrivés dans la grande salle, il ira lentement s’adosser. Pas question de s’asseoir, et un coup dans le dos serait bien assez pour ce soir, autant essayer autant que possible de garder une large vue périphérique sur la situation. Esmelia se présente, et il n’aime pas ça. Rien ne disait qu’ils savaient exactement qui ils étaient. Leur nom, leur statut… C’est là leur filer gratuitement des informations là où rien ne les y obligeait. Elle se disait disposée à discuter, ce qui ne trouvait pas écho chez l’Épervier. Ce n’était pas de mots qu’il ressentait l’envie d’échanger. Sa mine sombre pourrait bien assez en témoigner, tout comme la glace de son regard. Et sa voix grave et sèche s’y ajoute, apportant ses propres nuances.

- Tâchez d’être concrets. Ce que vous prédisez en cas d’accord… et dans le cas contraire ! Il est grand temps d’aller à l’essentiel...

Et au pire, si les réponses ne lui plaisaient pas, il serait toujours temps de régler ça à sa manière… Trois Éminences et une Pythie. Sur le papier, pourquoi n’auraient-ils par leurs chances après tout ?

Ingvarr s’était installé donc dans la grande salle de l’auberge et il n’avait rien sur sa table, si ce ne sont ses pieds négligemment posés là. Il observa l’équipe au complet sans se redresser. Il savait plus ou moins qui il allait recevoir, les choses seraient un poil plus compliqué pour lui maintenant qu’il avait perdu l’avantage de la surprise et de la situation, mais après tout, il s’agissait d’une conversation d’affaire alors. Il semblerait qu’il ça soit encore l’une des femmes qui feraient la conversation. Très bien. L’homme dans le fonds n’avait l’air très agréable ni très décidé à discuter, normal si on venait de le tirer du lit pour faire ce qu’il ne voulait pas faire. En tout cas, entre la blondasse et la porte de prison, il avait au moins face à lui deux personnes capables de discuter. Il fit un signe de la main à ses deux gardes du corps de reculer un peu. Il y a avait toujours cet énorme homme tatoué non loin de lui et un autre à la carrure semblable n’était pas loin. L’aubergiste, après avoir souri à Lykeios, s’empressa de disparaître sans demander son reste.

« - Et bien, enchantée, Esmelia de la peinture. Je me nomme Ingvarr. »

Il se redressa alors, posa ses mains sur la table et écouta ce qu’elle avait à dire. Les négociations commenceraient doucement, bien, si c’était là le rythme qu’il voulait.

« - Et bien, c’est le principe de l’offre et de la demande. Pour pouvoir correctement fixer mon prix, j’ai simplement besoin de savoir ce que vous voulez faire. D’après ce que m’ont dit vos deux amis, je supposerais que ça aurait rapport avec le couronnement ! Vous voulez l’empêcher ? Non, ça serait trop simple et vous y serez très bien arrivé sans toutes ces tergiversations que vous semblez avoir pris. Peut-être autre chose alors… Mais quoi ? Toujours est-il que, nous devons négocier alors, admettons que, en échange de mon aide et celles de mes hommes disons… »

Il laissa un petit silence d’une dizaine de seconde s’installer, troubler par les bruits qu’il faisait pendant sa réflexion.

« - Bon, vous avez l’air trop pauvre pour avoir assez d’argent, sans offense. Et je suppose que vous ne voudrez pas vous séparer, même temporairement, de votre amie dormeuse. Faisons donc simple. Je veux des informations, ça sera votre monnaie d’échange. À moins bien sûr, que vous n’ayez quelque chose à proposer dont j’ignore l’existence. »

Il regarda avec sérieux la blonde qu’il avait négligée jusqu’à ce moment. Elle avait preuve d’une naïveté crasse et… Continuais de montrer qu’elle n’était pas le couteau le plus aiguisé du panier, du moins quand il s’agissait de négociation. Il écouta néanmoins, car après tout, une proposition de travail mérite au moins qu’on l’écoute et qu’on réfléchisse à cette dernière, même si l’employeur était… Ce qu’il était. Cependant, c’était une élue d’Apollon et elle devait avoir été choisi pour quelque chose, des qualités, bien qu’elles ne soient pas la négociation poussait l’Asgardien à la prudence. Il aurait réglé ça autrement en temps normal. Mais il ne parvient pas à garder son sérieux bien longtemps. Du moins il réussit à rester suffisamment poli le long de sa tirade pour ne pas exploser de rire, bien qu’il avait possiblement du mal à se retenir.

Mais quand elle fut finie, il ne put tenir plus longtemps et le lança dans un grand fou rire. Ses compagnons s’adressèrent à lui dans leur langue et il leur répondit par une petite tirade de quelques secondes, sûrement résumant ce qui venait d’être dit. Ces deux derniers, bien que sans exploser de rire comme le chef, semblait surpris par ce qu’il venait de dire. Il se retourna donc vers les quatre serviteurs d’Apollon.

« - Au moins, vous avez le mérite de me faire rire, c’est un bon point pour vous. Mais votre proposition est… ridicule tout au mieux, voir même insultante. »

Il essuya la larme qui avait perlé sous ses yeux à cause de son hilarité avant de reprendre, plus sérieux par contre.

« - Douze chevaliers d’or bardé d’or et de cosmos. Sans compter le bronze et l’argent et la force militaire de Constantinople. Vous n’avez pas réussi à défendre Rome avec l’aide des guerriers d’Arès. La tour des vents est tombée. C’est à peu près tout ce que je sais. Une sacrée explosion dans notre monde, je dirais que personne n’ignore vraiment ce qui s’est passé. Pas les détails, mais les grandes lignes. Si vous ne voulez pas travailler avec nous, très bien, dites le. Pas besoin de te faire plus stupide que tu n'es déjà ! Mais je pense qu’il faudrait mieux que tu laisses les grandes personnes discuter, tu pourrais aller chercher à boire pour tout le monde, tu risques de ne pas tout faire rater pour une fois. Sachez aussi que, bien que nous soyons mercenaire, nous ne cherchons pas la guerre avec les puissances grecques, qu'elles quelles soient. »

Il se retourna vers Esmelia, qui semblait, elle, la plus sérieuse et c’est à elle qu’il se mit à parler directement.

« - Nous sommes partout ou presque dans cette ville. Vous avez besoin de détourner l’attention ? De prendre la ville d’assaut ? De disparaître ? De voyager loin sous escortes ? De retrouver quelqu’un ou quelque chose ? Réfléchissez aux possibilités que je vous propose et ce que je peux apporter dans votre… quête divine ! Alors, si vous avez besoin d’aide pour y faire quelque chose, ici ou ailleurs, les prix seront très abordables pour ceux qui suivent les ordres du soleil j’en suis sûr ! Mais ma proposition ne tiendra pas longtemps… »

Le dénommé Ingvarr éclate de rire sous mon regard imperturbable, j'étouffe même un léger soupire. Il y va un peu fort même si je comprends son point de vue. Leur demander d'aller attaquer le Sanctuaire pour nous dans la conjecture actuelle c'est un peu beaucoup du suicide. D'autant plus que nous ne connaissons pas leur nombre et leur capacité de frappe. Néanmoins cela nous aura permis de le faire réagir et parler. Au moins, à présent nous en savons plus sur ce que eux savent. Qu'importe la maladresse de notre Nymphe, son intervention n'aura pas été inutile, pour moi en tout cas. Ma main se pose sur son épaule et je lui adresse un sourire bienveillant pour la rassurer. J'essaie d'analyser les choses calmement. Je suis entraînée à cela même si cela porte d'ordinaire uniquement sur ce que mes yeux observent. Dans le présent cas, je dois transposer mes méthodes aux informations verbales et je suis surprise de trouver quelques idées, quelques stratégies. Mon premier réflexe avant que Célestia n'intervienne avait été de vouloir leur demander de nous rendre ce qu'ils nous ont dérobé en gage de bonne foi, mais à présent je me demande si je ne peux pas tourner cela d'une autre manière, moins… accusatrice.

- Hum… Il y a bien une chose ou deux que vous pourriez faire pour nous aider avant que nous ne quittions la ville. Je suis disposée à écouter votre prix et à faire appel à vous. Cependant, avant cela, j'aimerai régler un petit détail. Comme vous l'avez dit, nous ne sommes pas bien riches et lorsqu'il nous manque quelque chose nous le voyons aussitôt. Dans nos effets se trouvait un flacon qui a disparu cette nuit. Je ne vous ferai confiance que lorsque ce dernier sera de nouveau entre mes mains. Si vous pouvez commencer par cela, ensuite nous passerons aux choses sérieuse. Vous avez bien dit pouvoir retrouver un objet n'est ce pas ? Voyez cela comme un petit test.

Je souris doucement. Même si je suis presque totalement convaincue que c'est lui qui l'a volé, je reste courtoise en lui laissant le bénéfice du doute. A ce stade, je me moque de savoir pourquoi il l'a pris, ou comment il me le rendra, tout ce qui m'importe c'est de le récupérer.

C’est un poids qui se libère, de pouvoir compter sur ses coéquipiers, les mettre dans la confidence de ce qu’il vient d’arriver. La pression s’était fait moins tendue déjà, lorsque Célestia l’avait prise dans ses bras avec une réelle détresse et inquiétude, et le Cygne avait fait ce qu’elle avait pu pour la rassurer à cet instant. Mais maintenant elles n’étaient plus seul et il ne faut pas longtemps pour qu’Esmelia prenne les devants de la discussion avec une assurance des plus brillantes. Presque admirative, Rowena avait suivi le mouvement de groupe et était restée un peu en retrait pour écouter les nouvelles discussions, Ingvarr ne bénéficiant plus de l’effet de surprise ou de la menace d’une gorge sous une lame semblait des plus sérieux et tout aussi intéressé. Mais il leur fallait récupérer quelque chose avant toute négociation.

Si la proposition de Célestia a de quoi surprendre, le Cygne ne peut cependant pas dire que la réaction des nordiques la surprend, même si l’offre aurait pu avoir un intérêt dans des circonstances très différentes. Mais le danger est réel et la récompense pas suffisante pour ce qui est proposé. Intérieurement, l’oracle s’irrite un peu de voir les moqueries continuelles sur le Héron et il ne faut pas plus d’un regard pour deviner que le chef de ces mercenaires ne la prendrait plus au sérieux. Au moins pourtant, cette intervention avait eu de l’importance, montrant combien ces hommes n’étaient pas de simples ignorants. Au contraire, ils semblaient en savoir beaucoup plus aussi bien sur les Saints que sur leur propre ordre avec la chute de la Tour des Vents. Même l’alliance passée avec les Berserkers n’était visiblement pas un secret pour eux. En ces conditions, difficile de juger quelles informations auraient une valeur contre leur service… Car de toute évidence, ils semblaient en savoir autant qu’eux, sinon plus. Et c’était frustrant.

Cela étant, elle est à nouveau impressionné par l’aplomb de Esmelia, la situation bien en main. Elle souhaite un gage de confiance pour faire affaire, tout en récupérant un objet qui leur appartenait bel et bien et qui a toute son importance pour leur mission. A bien y réfléchir, et même si Rowena ne peut oublier la sensation d’avoir été écrasée et menacée par l’homme devant eux, elle sait que pour leur mission, celle d’échanger une fiole par une autre, ils auraient certainement besoin de ceux qui se tiennent devant eux.

Le sourire sur la bouche d’Ingvarr quand Esmelia eut fini de parler, s’étira encore un peu. Voilà, c’était ce genre de chose qu’il attendait ! Des gens sérieux, réfléchit, capable de voir où était leur intérêt. Surtout, il était content d’avoir vu juste. Dans tout le merdier qu’il avait fouillé, cet objet lui avait paru étrange et exotique. Bref, il sortait de l’ordinaire et devait, de facto, être précieux. Il aurait pu en tirer quelque chose, mais sa demande était légitime. Il prononça de nouveau quelques mots en norrois pour donner ses ordres et un de ses gardes sortie de la pièce. Il s’absenta pendant quelques minutes, durant lesquelles Ingvarr devisa avec ses acolytes dans leur langue, laissant le soin aux Oracles, s’il le souhaitait, de faire de même. Le guerrier de retour, il tendit à son chef un petit sac de cuir et revient prendre sa place dans l’ombre de son maître. Ingvarr fit alors doucement glisser l’objet vers la patronne des arts.

« - Bien, je crois que ceci est l’objet en question non ? Puis-je me permettre de vous demander la même chose, en signe de confiance, j’aimerais vous poser une question et voir ce que vous savez. Comme ça, nous pourrons continuer de discuter sur un pied d’égalité et sur de bases saines ! Est-ce que, par hasard, le nom de Cuchulainn vous évoque-t-il quelque chose ? »

Plus les négociations progressent et plus je me demande si c'est cela que les muses ont vu en moi lorsqu'elles m'ont choisie en tant que Pythie : quelqu'un capable de diplomatie lorsque c'est nécessaire. Mais loin de m'endormir sur mes lauriers, je reste tendue malgré mon calme apparent. Le nordique discute avec ses compagnons et je patiente, presque immobile. Je n'ose pas regarder derrière moi, ne souhaitant pas le quitter des yeux. J'espère que Célestia a ressenti mon soutien, j'espère qu'elle et Rowena vont un peu « mieux ». C'est difficile pour elles en ces circonstances et c'est pourquoi je fais de mon mieux pour nous sortir de cette situation. Le guerrier parti quelques minutes plus tôt, revient, et j'observe le sac de cuir qu'il tend à son chef. Puis ce dernier qui me lui transmet à son tour. Au toucher la forme semble correspondre, mais je vérifie quand même pour être certaine. Ceci fait, je souris doucement, rassurée.

Je l'aurai bien gardée en main plus longtemps, mais je sens au fond de moi qu'il y a un geste que je dois faire et qui me semble plus important que mes propres émotions. Ainsi je me tourne doucement et confie le sac et son précieux contenu au Cygne, lui confirmant d'un signe de tête que tout est en ordre, la rassurant également comme je peux en lui offrant un sourire bienveillant. Voilà que c'est moi qui joue les grandes sœurs à présent, j'aurai plutôt considéré l'inverse quelques heures plus tôt. Je me suis dit que ça l'aiderait à se sentir mieux si elle pouvait avoir entre ses mains ce qu'elle avait perdu. Un signe de confiance aussi. Ce n'est pas parce qu'elles ont manqué de prudence que je devrais leur en vouloir. Les choses s'arrangent, c'est tout ce qui compte.

Je n'oublie pas ma parole cependant et me tourne de nouveau vers Ingvarr. Je me sens plus détendue. Maintenant il faut répondre à sa question et je réfléchis un peu, essayant de me souvenir ce que l'on m'a dit. Je ne suis pas la mieux placée pour l'informer, mais les filles ont encore besoin d'un peu de temps pour retrouver leur assurance et Lyke… Bah… Lui je crois qu'il s'est levé du mauvais pied, bref, ils comptent sur moi pour le moment alors je vais faire ce que je peux.

- Merci. Cuchulainn donc ? Oui ça me parle. Il s'agit de notre chef, notre Augure. Malheureusement je ne l'ai jamais vu puisqu'il est retenu prisonnier au Sanctuaire.

Je me souviens de ce que m'avait raconté Célestia le soir où j'ai commencé sa peinture. Quelques détails sans plus. Que dire de toute façon ? Sans questions précises, je ne sais quoi ajouter. Je me demande ce qu'il lui veut. Quoi que ce soit, il aura bien du mal à lui parler là où il est… Je jette un coup d'oeil à mes camarades au cas où l'un d'entre eux souhaiterait ajouter quelque chose. J'observe l'homme ensuite, espérant que ça lui suffise. Les « choses sérieuses » à présent…

- Hum. Donc, nous souhaitons dérober l'antique relique que les francs utilisent pour oindre leurs rois. Pensez-vous pouvoir nous aider d'une façon ou d'une autre ?

Le nordique répondit d’abord à la jeune oracle par un signe de tête. Il n’avait pas la moindre idée de la véracité de ses informations, mais on lui avait donné ordre de se renseigner sur ce nom et des oracles étaient des bonnes cibles. Il n’aurait pas de mal à faire quelques petites… observations de son côté pour être sûr que les informations qu’il venait d’obtenir étaient fiable. Il ne voudrait pas faire remonter des idioties à ses supérieures sous peine de se retrouver… Mais il devait maintenant penser à autre chose. Il se concentra donc rapidement et revient à la conversation. Il avait autre chose sur lequel jeter son dévolu. Finalement, on y été, dans le vif du sujet et il se doutait que certains parmi eux n’approuverait pas forcément la coopération ouverte de la jeune mais il appréciait ça, lui, alors autant qu’il se montre utile et qu’il abonde dans son sens. Il fit mine de réfléchir quelques instants après qu’elle eût fini de parler.

« - Et c’est tout ? »

Il aurait pu poser des questions, sur leur but, le pourquoi du comment, les intérêts qui étaient à l’œuvre ici. Mais tout ça, il s’en foutait au final. C’était bon pour son travail à lui et le secret et la discrétion, après tout, faisaient parti des prérogative d’un bon commerçant, du moins, dans sa branche.

« - Je vous vol cet objet et je vous le ramène ici ? C’est ce que vous voulez ? Si nous concluons un marché, je peux faire ça pour vous sans aucuns soucis disons… le lendemain, le temps de préparer quelques petits détails. Bien sûr, je peux toujours faire ça aujourd’hui mais… l’urgence fait monter le prix ! »

A la réaction de la petite blonde, sa question avait fait mouche, bien qu’il l’eut posé un peu au hasard. Enfin, il devait y avoir donc un semblant de vérité là dedans. Bien, c’était une bonne piste pour les recherches qu’il devraient mené pour s’assurer de ces dires. Il se tourna de nouveau vers elle et lui sourit après qu’elle eut pris la parole. Leur regarde se croisèrent alors et elle pourrait lire l’amusement du nordique, bien qu’il était plus sérieux maintenant que ses mots étaient plus mesurés et moins creux. Ainsi donc, ils avaient besoin de vitesse. Et bien soit, il pourrait faire ça vite, mais ça allait leur coûter cher, très cher ! Il s’en frottait d’avance les mains.

« - Bien, il va donc falloir accélérer les choses pour que nous puissions mettre tout ça en place pour… la journée ! Nous reparlerons de ce que vous me donnerez comme information plus tard, le débat sur ça ne ferrait que nous faire perdre un temps précieux. Je table sur votre honnêteté pour payer une fois le travail accompli. Néanmoins, je dois prendre quelques garantis. »

Il porta sa main à son coup et sorti un petit colifichet de bois sculpté. Il s’agissait d’une sorte de cadre, décoré et travaillé, sur lequel se trouvait gravé une forme semblable à la lettre R mais formé différemment, moins serré, plus étalé et aérienne.

« - J’ai juste besoin que Rowenna concentre son cosmos en tenant cet objet dans sa main et j’aurais ma garanti. J’anticipe les questions, il ne s’agit là qu’un simple moyen disons… d’assurer mes arrières et que vous n’abusiez de ma confiance. »

Il concentra un peu de son propre cosmos et en injecta une petite partie dans l’objet de bois, avant de le passer hors de son cou et de le tendre vers la jeune femme.

Avec douceur, les mains du Cygne se referment sur la sacoche qui lui est tendue par Esmelia. Sa sacoche qui contient leur bien le plus précieux à tous. Comme un poids qui se retire de ses épaules, Rowena se permet de respirer plus profondément. Si la sérénité n’est pas encore pleinement retrouvée, les choses au moins ont l’air de s’arranger, et l’assurance de la patronne de la Peinture apporte un grand soutien plus que bienvenu. Un admirable performance, et si collaborer avec les nordiques ne prouve certes pas la confiance, il y a bel et bien moyen de profiter de leurs services. Certes pas offerts, et payer après coup n’est peut-être pas la meilleure option, mais ils n’ont pas trop le choix, car la richesse n’est pas leur fort à eux, Oracles. En d’autres temps pas si lointains, ils avaient eu la puissance, mais cette flamme était pour le moment à l’état de braises, demandant à être ravivé. Cette mission était peut-être un premier souffle à cette fin. Ils ne pouvaient pas se permettre d’échouer si près du but.

Aussi, la garantie demandée par le nordique ne l’étonne pas. Ce qui fait cependant quelque peu froncer les sourcils à Rowena, c’est cette insistance à son propos, et la charge qui lui revient d’être cette garantie. Un instant, elle observe l’homme devant elle, qui quelques heures avant la menaçait d’une lame sous la gorge et écrasait son corps inerte. Un regard ferme et intense avant qu’elle n’avance la main et ne se saisisse du collier.

« Fort bien Ingvarr. Bien qu’il n’est pas dans nos habitudes d’abuser de la confiance de ceux avec qui nous faisons affaire, je comprend parfaitement. » Après tout, même s’il avait rendu la fiole et Esmelia répondue à une question, il n’y avait pas la place à la confiance ici. Pas encore. Peut-être jamais. Son regard contemple un instant le petit bijou simple qui repose dans sa paume, intriguée du symbole qu’elle ne reconnait guère. Rien au premier abord ne semble véritablement dangereux, mais elle ne doute pas que la garantie à un prix pour les retrouver, si d’aventure ils ne souhaitaient pas payer. Pas qu’elle eut en tête cette option, car vraiment, l’intérêt du nordique pour elle la questionnait franchement. Léger, son cosmos passa de ses doigts au petit colifichet qui absorba l’énergie, douce et paisible, quoique légèrement sombre. « Tenez. » Fit-elle en redonnant l’objet à l’homme sans le quitter du regard. « Nous avons un accord désormais. » Le prix viendrait. Mais il le vaudrait certainement pour la réussite de cette mission. Car de toute évidence, l’homme devant eux sait désormais combien les oracles sont affaiblis.

Il ne lâcha pas la jeune femme des yeux quand elle s’était saisie du collier et il dut retenir un léger frisson quand elle déploya son cosmos. Il y avait là bel et bien quelque chose d’intriguant dans ce qu’elle était dans l’effet qu’elle lui faisait, étrangement. Leur regarde se croisèrent alors et pas de sourire narquois sur le visage du guerrier nordique. Mais simplement un visage en proie à de profondes interrogations. Néanmoins, son sérieux et son professionnalisme reprirent le dessus. Il remit le pendentif autour de son cou après l’avoir fait passer délicatement entre ses doigts. Puis, de reprendre simplement la parole :


« - Bien, nous avons un accord et je vais vous laisser, nous avons du travail. Nous nous reverrons bientôt mes amis. »


Et il donna ses ordres alors et ses deux compagnons commencèrent à monter vers l’étage de l’auberge, pour chercher quelques affaires dans leurs chambres pendant que leur chef lui se dirigeait vers la sortie et la mission qu’on lui avait commandé. Il fallait qu’il soit rapide et qu’il trouve donc un plan…

Citation :

Si vous ne le retenez pas, Ivarr s'en va et avec lui, cette partie de la MD. La suite bientôt !

Alors ils discutent, Esmelia et ce type. Lui continue de tergiverser, de ne pas se dévoiler, demande juste ce qu’ils ont à offrir… Ça l’agace, et il n’en retient pas son soupir. Personne n’avait rien demandé à ce type sorti de nulle part, et voilà que les Oracles devaient se vendre à présent ? Toute cette histoire ne devait être qu’une mauvaise blague, pas vrai ? Une farce sans queue ni tête, où la logique et le bon sens se faisaient juste passer à tabac sans vergogne.

Célestia de son côté tente un coup de bluff qui n’inspire pas plus de calme à l’Épervier. Tenter de repousser leur attention vers les forces importantes du Sanctuaire, mais surtout évoquer qu’Apollon les auraient poussé à venir ici juste pour rencontrer ce mercenaire… Ses sourcils se froncent à entendre ce point, et l’autre d’en exploser de rire carrément. Lykeios est juste saoulé par tout cela. Se contente de jeter des coups d’œil au type et ses gardes. Une part de lui n’espère qu’une chose : que ça tourne mal. Que ça dérape pour qu’il puisse rentrer dans le tas, et se défouler un peu, enfin. Peut-être même le provoquer, cet affrontement qu’il souhaite. Mais le débat avançant enfin, il s’en retient.

L’autre montre en effet qu’il est assez au courant de la situation du monde cosmique. Du moins assez pour évoquer des points clairs concernant la chute de la Tour des Vents, et n’être pas assez fou que pour se mettre sur la route des puissances grecques. Mais c’est autre chose que cette révélation qui le tend à attendre encore en silence : Esmelia réclame le flacon, qui lui est rendu. En échange ? Des informations sur Cuchulainn. Pour un peu, c’est lui qui en aurait bien éclaté de rire, tant la somme de ce qu’ils en savaient était bien ridicule. Pourtant quelque chose lui revient. Un souvenir qui était remonté durant leur voyage. Une vieille visite du Loup au médecin, où il avait rencontré l’Augure emprisonné. Pas son souvenir à lui, aussi la scène est-elle encore entourée de brumes. Mais certainement pas la peine de l’évoquer, comme il semble que le peu qui est donné par Esmelia suffit. Si elle s’en sort bien, pourquoi irait-il l’ouvrir ? Il ne ferait sans doute qu’envenimer les choses, à coup sûr.

La fiole se retrouve donc à nouveau entre les mains de Rowena, sa légitime gardienne. La négociation se poursuit. Esmelia enchaîne en annonçant qu’ils souhaitent s’emparer de la Sainte Ampoule, sans préciser la raison. Cela ne semble pas embêter le nordique qui accepte contre des informations à venir après que le boulot soit accompli. Et s’ils ne disposaient pas des informations qu’il souhaitait ? Comment décemment promettre un paiement sur base de ressources dont ils ne disposaient pas ? Ils observent ses sœurs, tour à tour. Elles semblent penser que c’est acceptable. Du moins pour Rowena qui ne tergiverse pas avant d’insuffler son Cosmos dans le pendentif de ce type, et qui servirait apparemment de garantie. Comment ? Suffirait-il qu’ils tiennent parole pour qu’en effet cela n’ait pas de conséquences ? Tant de questions auraient dû être posées ici. Mais il fallait croire que tout le monde en avait assez plein le fion de ce merdier pour ne pas vouloir le prolonger de quelque manière que ce soit.

L’ase se casse. Lykeios la mine sombre se décroche du mur et s’approche du bar.

- On s’en chargera, oui.

Déclare-t-il simplement comme Célestia demande à ce que l’on veille sur elle durant la cérémonie, alors qu’elle sera concentrée. Il passe derrière le bar. Cherche une bonne bouteille. En quelque sorte un début de paiement du tavernier, clairement dans le coup. Il jugerait plus tard s’il devait en rajouter pour punir cet homme ou s’il n’en valait pas la peine. Il n’avait sans doute pas les idées assez claires en cet instant que pour en décider. Lui qui avait renoncé à l’alcool pour ne pas sombrer à nouveau en ses vieux démons, voilà qu’il s’en réchaufferait cette nuit, afin de patienter jusqu’à l’aube et de noyer un peu ses sinistres humeurs. Quitte l’endroit, écoulera ces heures seul et à l’écart...

Lorsqu’il retrouva ses sœurs au petit matin, ce fut mine sombre, encapuchonné, sans laisser filtrer durant un moment ce qui mine son humeur, ce qui occupe ses pensées. Suivra le flot sans un mot, fantomatique. Veillera sur Célestia comme il l’avait promis. Et dans un moment de silence, laissera juste échapper simplement sa conclusion.

- Lorsque cette mascarade sera terminée, je vous conduirai à l’abri chez Adalrik. Ensuite, je partirai de mon côté. Seul.

Il avait bien appuyé sur ce dernier mot, sans un regard pour ses trois partenaires. Ce qu’il fera de ce temps, de cette solitude, pas sûr qu’il en sache quelque chose encore. Sans doute avait-il besoin de vivre et voir autre chose après un si long voyage se concluant par le fait que quelqu’un d’autre faisait le travail à leur place… Tout ça pour ça. Vraiment, quelle sombre blague !

Se glissant par une petite porte, une ombre entrait discrètement dans la Basilique. Il entendit les chants des religieux et les bougies qui crépitaient autour de lui. Son coeur était face à une pression comme il n'avait jamais ressenti. Lui, l'homme du nord, il sentait le poids de son existence entre ses mains. Il disparut des regards.

Au loin sur un toit, une personne priait la lumière.

Douce, envoutante, les oiseaux l'entendaient et se levaient. La lumière était de retour. Faible, ténue. Mais ce que le Dieu solaire avait vu dans le futur prenait maintenant une nouvelle dimension. L'oiseau s'envolait, suivant des lignes de lumière et de vent que lui seul pouvait voir. Soudain, il disparut de la vue de Celestia et de ses compagnons. Il ne restait que quelques plumes d'or qui montaient lentement vers le ciel. Le chant des religieux dans la basilique se mélangeaient à un cosmos qui se répandaient comme une rivière d'or dans toute la ville.

Les pavés se mirent à luire d'une aura étrange, comme si le soleil se levait plus beau que jamais. Un loup était en train d'observer quand il sentit en lui quelque chose s'éveiller. Une force qui tentait de prendre le pas sur sa propre conscience, comme un loup qui reprenait vie. Soudain, dans les méandres de l'obscurité, un loup d'ombre en sortait et fixait son ancien porteur. Il était là. Il savait. Il avait repris vie de l'ombre du soleil, de cette volonté sacrée qui dépassent le commun des mortels. Les Chlamydes se mirent à résonner à intervalles régulières.

La musique continuait son office. Un roi était en train d'être sacré, de se hisser à un rang divin. Il devenait le fils de Dieu, l'élu guidant les troupeaux égarés sur le chemin de la lumière et de la vérité. Tout y était paré d'or et d'azur. Au-dessus de la Basilique, les Chlamydes des trois Eminences d'Apollon se libérèrent de leurs propriétaires afin de rejoindre le Corbeau de Borée qui venaient de revenir, seule. Les quatre armures se mirent à danser dans une étrange farandole, comme si elles suivaient la course du soleil et le cosmos divin s'éleva alors vers le ciel.

Rome.

En l'an de grâce 553, 3ème journée de février, comme tous les quatre ans, le soleil était à son zénith sur le Capitole. Les gens, maussades, allaient et venaient afin de demander un peu de pain et de jeux. Mais, rien, les Byzantins l'interdisaient. Soudain, une lumière vint du ciel et frappa le sol par trois fois. La terre trembla par trois fois. Comme l'ouverture d'une scène de théâtre, le rideau s'ouvrait et le ciel se couvrit d'une étrange aurore boréale mélangeant des couleurs que les Romains ne voyaient que trop rarement.

Un sentiment.

Joie, plaisir, les flammes de la création renaissaient dans le coeur des artistes et des devins. Les prêtres sortirent de la Basilique Saint-Pierre afin de prier la lumière salvatrice. Invisible à leurs regards, une tour était en train se dessiner dans le ciel. Comme si un pinceau invisible était en train de dessiner cascades d'eau, temples et forges, tout y était fait à la gloire de l'art et du temps. Puis, dans un feu d'artifice, des éclats de lumière semblèrent quitter le soleil en forme de corbeaux noirs. Les messagers de cosmos partaient prévenir tous les Oracles de la renaissance de leur maison, de leur Havre. Le sacrifice de ceux qui avaient participé à sa renaissance était enfin récompensé.

Dans le monde marin, un jeune homme était en train d'admirer les beautés de la cité marine. Soudain, il vit un corbeau naitre de la lumière et dessiner dans son esprit un chemin vers Rome. Autre part, dans les dédales d'une forêt glaciale, un groupe d'Oracles recevait les mêmes messagers. Au Sanctuaire, un corbeau monta les temples sans s'arrêter. Il vint alors dans la salle du Pope et se présenta à son gardien. Subitement, celui-ci prit la forme du Dieu solaire. Il fit alors révérence au Pope. Etait-ce le signe de son retour ? Il pouvait le sembler mais le Dieu restait encore énigmatique. Au loin, un loup hurlait à l'aurore naissante, Cuchulainn pouvait comprendre l'appel du Dieu loup.

Tout reprenait vie. Une Ere s'ouvrait pour ce nouveau Sanctuaire d'Apollon.

Citation :

Le Sanctuaire d'Apollon est réapparu. Fin de la Mission divine. Chaque joueur pourra demander ses XP. A noter que le Sanctuaire sera mis en place quelques jours HRP après ce post de fin. L'attente fut longue et le staff s'en excuse mais l'enjeu était important.

La mission s'est bien terminée. La fiole a été échangée comme nous l'avions prévu et les choses sont devenues étranges. Un cosmos familier et puissant s'est répandu sur la ville et ma chlamyde s'est mise à raisonner, ce que je ressentais, bien que je ne la porte pas. Mon armure s'est matérialisée et s'est mise à danser. Question discrétion on repassera. Ça me fait sourire parce que c'est le signe que nous avons réussi, que quelque chose de grand est en train de se produire et cela ne manque pas d'être prouvé dans les jours qui suivent.

Il ne reste plus qu'à Rowena d'aller satisfaire la curiosité du Nordique. J'aurai pu les accompagner, mais j'estime qu'elle et Célestia peuvent se passer de moi désormais. Pour la suite, je sais que Lyke accompagnera mon amie à Toulouse, là où elle avait toujours voulu aller. Personnellement, je n'ai pas envie d'y aller. Pourtant la perspective de voir l'ancien Augure aurait pu m'attirer, mais j'ai d'autres envies plus pressantes. Tout est une question de priorité peut-on dire. Pour moi, c'est aussi une question de distance. Je doute encore de ce que je vais faire, mais Toulouse n'est plus une option. L'a-t-elle été un jour d'ailleurs ? Je l'ignore. J'ai tellement changé depuis notre départ de Rome. Je sens que j'ai grandi, je l'espère, j'en ai le sentiment en tout cas.

Quelques jours plus tard, le signe que j'attendais arriva. Le Sanctuaire d'Apollon a réapparu. Alors sans trop y réfléchir, après avoir bien profité des festivités du couronnement qui a eu lieu à Reims, j'ai dit à mes compagnons que j'ai décidé d'aller dans notre nouveau chez nous. Nous ne sommes plus liés par la contrainte de notre quête, libre, je n'attends personne et quitte la ville en direction du patelin où j'ai laissé ma fidèle monture, Lune. Une partie de moi est un peu triste de laisser mes amis derrière, mais une autre a besoin de respirer, de partir à l'aventure et d'être un peu indépendante. Je ne sais pas ce que va faire Rowena, c'est la seule inconnue au tableau, mais je sais que nos routes se recroiseront tôt ou tard.