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Ne t''amuses pas à voler ici, Salim. Et tache de bien te tenir, compris ?«
Mwai ouais, j'ai compris... » Lui a-t-il répondu, la tête dans les étoiles, le regard ailleurs, une main qui gratte dans les cheveux. C'était il y a quelques jours de ça : Daskalos qui présente le Sanctuaire à son élève. C'est une expérience particulière pour Salim. L'apprenti est un enfant de la ville, né dans l'enceinte de Damas, et avant ce voyage, il n'est jamais parti bien loin de ces murs. Quelques sorties en dehors des murs de la ville, aux alentours de rocaille et de sable, dans des villes et villages voisins... Mais il n'a jamais réellement quitté cette ville. Les ruelles de Damas, et les dunes de sables qui entourent ses murs, ça a été son paysage le temps de toute une enfance. Là où il a vécu, survécu, là où il s'est construit, là où résident ses souvenirs...
Et pourtant, le voici ici, sur ce bout de montagne non loin d'Athènes, à ce... Sanctuaire. Un grec à l'accent d'Orient pour s'exprimer, des traits d'enfant du désert et malgré tout, une peau pâle... Ici et pour la première fois de sa vie, Salim est l'étranger. Il n'est pas chez lui. Pourtant il devrait vite s'habituer à s'y sentir chez lui. Prendre le fil.
Pourtant il devrait vite s'habituer à être l'étranger. Daskalos lui a dit : ils ne resteront pas ici. Bien assez tôt, ils partiront. Ils voyageront, et il s'entraînera ça et là, au travers de leur voyage. Le grec ne lui a pas donné de détail, un drôle de sourire dans sa barbe, quand il a parlé de cet entraînement... D'ici là, la consigne est simple : profiter du Sanctuaire, apprendre ses gens, s'entraîner ici tant qu'il le peut.
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Saliiiim ? Salim!-
Hmmmm...Troisième fois maintenant, qu'il se fait interpeller par l'instructeur qui gère les exercices du Coliseum aujourd'hui. La journée a été longue, l'entraînement rude, et maintenant que le crépuscule tombe sur le Sanctuaire, la dernière épreuve de la journée bat son plein entre les colonnades de l'Arène : les combats d'entraînement. Une idée de l'instructeur, qui a voulu rassembler les apprentis et en prendre une demi-douzaine au hasard pour organiser trois combats un contre un à la suite, sous le regard de tous. Une le leçon pour tous, tandis que l'homme dispense ses conseils et remarques à la fin de chaque combat, pour que tous apprennent. Un combat est déjà passé, et... Et Salim est dans les gradins, oui. Et il n'a pas réellement été attentif. L'ennui au visage, la tête dans les étoiles, perdu dans ses pensées, le jeune homme était plus occupé à cogiter sur comment les choses doivent se passer en ce moment,à Damas...
Et pourtant, on l'appelle. Alors il grogne doucement, au bout de la troisième fois, lève la tête, cherche l'homme du regard.
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C'est à toi de rentrer dans l'arène, Salim. Tâche d'être plus attentif dans le feu de l'action, tu n'auras pas le luxe de bailler aux corneilles en plein combat.-
'Chier...Un soupir qui traverse les lèvres du fils de Damas, tandis que l'instructeur le regarde se déplacer au centre de l'arène avec cet air intransigeant sur son visage, et pourtant, avec un certain sourire. L'homme a remarqué cet élève inattentif... Alors il a eu cette petite idée.
En face de Salim, un grand gaillard, à peu prés aussi grand que lui, mais plus large, plus imposant. Le Syrien observe son adversaire d'un regard désintéresse, sa main passe gratter dans sa nuque... Il roule les yeux jusque vers l'instructeur. Il attend.
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Bien messieurs, vous devez vous battre jusqu'à ce que je vous dise d'arrêter, ou que votre adversaire ne puisse plus se défendre. Vous êtes prêts?-
Prêt.-
Hm.-
Commencez!La suite fut un spectacle sans doute inattendu. Pour tous, et surtout pour cet instructeur.
La suite, ce fut un combat peut-être pas à sens unique, mais clairement à l'avantage de Salim tout le long. Jusqu'ici, personne ne l'avait vu se battre, puisqu'il a intégré les entraînements communs du Sanctuaire que depuis peu. Jusqu'ici, il a toujours eu ce comportement nonchalant, paresseux, un peu tête en l'air... Alors certains s'attendaient à un grand mou. Oh, de sa taille aux muscles qui se devine derrière les habits, on se doute qu'il soit fort. Mais la force n'est que peu de choses dans des mains sans maîtrise. Et tous s'attendaient à ça.
Sans doute Salim a-t-il sculpté son corps dans une jeunesse à travailler les champs, certains pensaient. Travailleur, mais pas combattant. Fort de corps, mais pas d'esprit, d'instinct, d'expérience.
C'est sans compter ces années au service d'Issam. Forcé à participer à ces combats clandestins. À servir le criminel.
C'est sans compter ces mouvements, lors du combat. Rapides et puissants, précis : ceux d'un combattant.
C'est sans compter la paresse de son attitude, disparue à l'instant où le combat a commencé.
C'est sans compter son Cosmos, déjà bien développé, à vrai dire...
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Très bien, arrêtez là, arrêtez !Et de s'arrêter. La sueur au front, Salim freine son geste, se redresse, puis salue son adversaire. L'adversaire, sueur au front, sang au nez, dos courbé, rend le geste, même si son regard est mauvais. Dés lors, chacun revient vers sa place dans les gradins.
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Salim... Qui t'as amené ici, déjà?-
Hm ? Qui ? C'est Daskalos qui m'a ramené. Pourquoi?Une lueur, dans le regard de l'homme. Puis un sourire désabusé.
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Heh ! Ceci explique cela. Très bien, merci, tu peux te rasseoir.Et il ne se fait pas prier. Sans même réellement faire attention à qui est à côté de lui – il n'avait pas fait attention de base -, il retrouve sa place, croise les mains derrière sa tête, puis s'allonge à moitié sur le morceau de roche, yeux vers ce ciel qui perd son soleil, pour retrouver peu à peu ses étoiles.
La rêverie le reprend.
J'me demande comment ils vont, tous...