[Avril 553] Masques et Tromperies

Etrangement, la demande du Capitaine du Naga fut traitée assez promptement. Le lendemain du dépôt de sa requête pour rencontrer le Primus Sénateur, il reçut une réponse l'invitant le jour-même à se rendre sur le domaine des Sefirot pour s'entretenir avec Arhan. En arrivant sur place, Nessius put constater que l'environnement du Pilier de l'Indien était plein d'activité. Les gardes de cette Capitainerie semblaient patrouiller et effectuer des travaux à certains endroits clés. Sa Scale lui permit de progresser dans les rues sans être inquiété, jusqu'à l'entrée du domaine Sefirot où deux gardes vérifièrent son identité et se chargèrent de l'accompagner à l'intérieur.

Arhan Sefirot se trouvait dans un salon privé, dont la fenêtre donnait sur les somptueux et colorés jardins de sa famille. Une table avait été aménagée avec un assortiment de boissons et de fruits pour les invités du Primus Sénateur. Ce dernier, cependant, s'en était désintéressé. Il était assis sur un canapé proche des fenêtres, en train de lire un assez lourd dossier qu'il avait entre les mains. L'homme au masque de fer jeta un regard vers le jeune Mérinita mais ne lui adressa pas immédiatement la parole. Il attendit de finir la lecture de sa page avant de fermer le dossier et de le poser sur la table basse devant lui.

« Nessius Céléno Mérinita. Je m'attendais à vous trouver cloitré dans le secteur du Pilier Central, aux côtés de votre Patriarche. Mais si vous êtes encore ici, c'est peut-être que tous les membres de votre famille n'ont pas oublié leur devoir... Ou que l'on vous a chargé de garder un œil sur moi. »

Le Sénateur et maitre du Conseil Atlante se releva. A présent qu'il était debout, sa stature martiale et stricte était pleinement perceptible. Derrière les fentes de son masque, ses pupilles de jade jaugeaient Nessius. L'hostilité d'Arhan à la famille des deux précédents Légats était chose célèbre. Le jeune Quaesitor allait devoir faire preuve de tout son talent s'il souhaitait dépasser les préjugés de ce noble-ci. Les paupières de l'homme masqué se plissèrent alors qu'il l'interrogeait, marqué par un méfiance non dissimulée.

« Est-ce le cas? »

Le ton était donné. Le premier battement des ailes du papillon. Le Naga récolterait-il la tempête? N'était-ce pas, au fond, ce qu'il désirait?
Un souffle de vent s'engouffra par la fenêtre ouverte du salon, agitant la longue chevelure brune du Sénateur. Les premières notes de ce prélude.

A l'intention de Nessius:

Le Primus Sénateur resta de marbre pendant toute la durée de la prise de parole de Nessius. Le miel de ses mots semblait couler sur la stature droite et fier du Sefirot sans l'affecter un seul instant. Ses pupilles de jade restaient fixés sur le visage du jeune Quaesitor. Pour le sonder. Pour le juger. Pour le percer à jour. Il laissa même un silence planer une fois l'interrogation finale de Nessius posée. Arhan éleva ensuite la voix sur un ton autoritaire, aux fortes intonations militaires.

« Inutile de chercher à m'enivrer de votre rhétorique. Les actes m'intéressent plus que les mots. Si vous voulez aidez Atlantis, tant mieux. Nous avons besoin de tous les bras disponibles. Mais au moindre signe de duperie ou de dissension, croyez-moi... Vous regretterez de ne pas être resté au Pilier Central. »

Il y avait peu de place pour le compromis dans ces paroles. Le nouveau Primus avait été élu pour purger l'Amirauté de la corruption qui s'était répandue en son sein. Il incarnait la discipline, la droiture. Et il ne tolèrerait pas que qui que ce soit sabote ces efforts, qu'il s'agissent de porteurs d'Ecailles, ou d'autres éléments dévoyés...
Finalement, après ces quelques mots, le Sénateur se détourna de Nessius pour se diriger vers la table où les plats et boissons avaient été dressés. Prenant une carafe, il se mit à verser dans deux coupes en fer forger le vin qu'elle contenait. Se faisant, il commença enfin à répondre à certaines des interrogations du Mérinita.

« Le principal problème auquel nous sommes confronté est l'obstination de votre Patriarche. Le plus grand service que vous pourriez nous rendre serait de convaincre Cinéad de libérer l'accès au Temple de Poséidon pour qu'un nouveau Légat soit nommé... Mais j'imagine que ceci n'est pas à votre portée, n'est-ce pas? »

En disant ceci, Arhan se retourna, coupe dans chaque main. Il déposa l'une d'elles sur une table basse, autour de laquelle étaient disposés plusieurs fauteuils. Gardant le second verre dans sa main, il fit le tour pour s'installer dans l'un des sièges. Croisant les jambes, le Primus Sénateur entra finalement dans le cœur du sujet. Ce qui l'avait poussé à accepter de rencontrer Nessius.

« Que savez-vous du Secret des Abysses, la police secrète mise illégalement en place pas le Légat Orpheus Mérinita? »

Ce groupe, dont l'existence avait été révélée au public et au Sénat il y a quelques semaines à peine, était sur toutes les lèvres. Un savait qu'ils avaient surveillé les Sénateurs pendant de longue périodes, et conduit des missions secrètes autant à la surface que dans l'enceinte d'Atlantis... Une mesure de sécurité mise en place par un Légat lucide? Ou l'outil d'un tyran en devenir, servant à museler tout opposition? Cela restait encore à déterminer...

« Nous voilà donc sur la même longueur d’onde, Primus Senator… »

Le ton qu’il venait d’employer ne lui convenait pas. Il n’était pas son supérieur. Et bien qu’il reconnaisse sa fonction comme émanant du Sénat, il y avait deux personnes à posséder autorité sur lui et c’était déjà bien assez. L’une était morte assassinée, l’autre brillait par son silence. De quoi laisser quelque marge de manœuvre au Naga.

« Cependant, vous n’êtes ni en position de me commander, ni dans celle de me menacer. Donc soit nous trouvons un terrain d’entente, soit vous aurez-vous-même poussé un de vos atouts potentiel dans les bras de vos adversaires. Je pourrais être une carte intéressante dans votre main si vous prenez le temps d’y réfléchir… »

Il n’était pas venu pour une confrontation. Mais il n’allait pas non plus courber l’échine face au Sefirot. Après tout, sa famille n’avait rien à envier à la sienne. La ligne de crête était tenue et il devait s’y accrocher. Tout du moins, s’il voulait espérer survivre à cette crise.

« Je… pourrais par exemple être vos yeux et vos oreilles sur ce qui se passe aux alentours du pilier central. Je ne doute pas que vous ayez sans doute des personnes dont vous ne pouvez remettre en cause la loyauté pour accomplir ces tâches mais aucune n’est aussi bien placée que moi. Je suis un Quaesitor, un capitaine et un Merinita. Trois facteurs qui pourraient largement vous profiter dans l’entreprise de pacification de notre Cité… »

Il le dévisagea calmement, sondant les pupilles du Primus Senator au-delà de son masque d’argent. Lorsqu’il évoqua le « Secret des Abysses », Nessius eut un sourire en coin. Une information qu’il n’avait pas. Intéressant. Un hameçon particulièrement gros mais il convenait d’y mordre, au moins pour le principe et ne pas couper court à la conversation.

« Uniquement ce qui en a été dit au Sénat… Pour le moment… Mais vous pensez bien que l’existence d’une telle police interroge la Quaesiture… Mais avant d’émettre la moindre opinion à son sujet, il conviendrait bien évidemment d’en savoir davantage sur les missions qu’elle a menée réellement ainsi que ceux qui la composent… Une mission dont je pourrais également m’acquitter officiellement ou officieusement… »

Laisser le choix à son vis-à-vis. Et voir quelle serait sa réaction. Après tout, il avait sans doute accepté cette entrevue pour jauger de ses opportunités…

Et jauger, le Primus Sénateur l'avait fait.
Assis, Arhan Sefirot avait observé le jeune Nessius continuer sur sa lancée, alors même qu'il avait été avertis de ce que l'homme en face de lui attendait de sa part. Toujours assis sur son fauteuil, sa coupe à la main, il garda le silence. Le Capitaine du Naga déroula sa tirade, une réplique bien prudente et avare en informations. Cependant, ses paroles avaient déjà allumé une flamme dans le regard d'Arhan. Une flamme qui ne pouvait plus être éteinte.
Le dirigeant du Conseil, une fois que Nessius eut parlé, laissa planer un silence. Puis, il porta la coupe de vin à ses lèvre, et but. Jusqu'à la dernière goutte. Lorsqu'il reposa le récipient, une simple phrase sortit de sa bouche.

« Tu surestimes beaucoup trop ta propre importance. »

Oui. Il avait jaugé. Et jugé qu'il parlait à un enfant.
Le jeune Mérinita était charmeur dans ses mots. Prudent sur ce qu'il révélait. Une attitude qui, bien souvent, devait lui apporter l'estime et la sympathie de ses interlocuteurs. Mais ici... Ce ne serait pas le cas. Il parlait à celui qui s'était hissé au sommet du Sénat, où les serpents habiles de leur verbe étaient légions. Mais pire que cette terrible erreur d'analyse... Nessius avait remis en cause l'autorité d'Arhan. Alors que le Quaesitor incarnait à lui seul les deux puissances d'Atlantis qui avaient failli à leurs missions aux yeux du Sefirot.
Le Primus Sénateur se leva. Il se mit à marcher autour de Nessius, parlant avec un calme de façade. Une colère soufflée à demi-mot.

« Tu penses me rappeler ma position? Souviens-toi d'abord de la tienne, Nessius. Tu es un Capitaine sans rien d'autre pour lui que son nom. Un Quaesitor dont la seule réussite a été de briser sa propre famille. Tu veux pouvoir traiter en tant qu'égal avec moi? Arriver à une "entente"? Pour qui te prends-tu? »

Arhan pencha la tête, forçant le jeune homme à regarder directement son masque, et derrière lui ses yeux qui brillaient comme deux lames. Nessius avait fait l'erreur de se croire protégé par son nom et ses titres, alors que le Sefirot ne voyait en eux que des marques de honte. Il avait fait l'erreur de s'attacher à sa fierté, face à celui que n'estimait que l'honneur des faits d'arme.

Le Primus Sénateur se détourna finalement du Mérinita. Il se pencha pour ramasser le seconde coupe de vin, encore pleine, qui se trouvait sur la table. Comme le Capitaine n'avait pas touché au vin que son hôte avait préparé pour lui, ajoutant en plus du reste une insulte à son hospitalité, inutile de prolonger cette expérience. Il ramena la coupe à la table de victuailles, et entreprit de reverser le vin dans la carafe.

« Comme tu l'as si bien dit, je n'ai que faire d'un espion en lequel je n'ai aucune confiance. Tous tes jolis mots avec lesquels tu tentes de m'appâter n'y changeront rien. J'attends de toi des actes. Des résultats. »

Le vin retourné à sa source, le Primus Sénateur posa la coupe et s'en retourna à sa paperasse. Il ne lui fallut que peu de temps pour trouver un certain dossier, et en retirer une feuille. Tournant à nouveau son regard vers Nessius, Arhan continua à employer le même ton qu'au début de cet entretien. Autoritaire. Militaire. Alors Nessius ne souhaitait pas être commandé? Quelle idée... Ce n'était pas à lui d'en décider.

« Nous avons tenté d'appréhender plusieurs personnes que nous soupçonnions d'appartenir au Secret des Abysses. Mais ils ont tous mis fin à leurs jours avant de pouvoir être capturés et interrogés. De vrais fanatiques... Il nous reste le nom de l'un d'eux. Je veux que tu me l'amènes vivant. Une fois que ce sera fait, nous pourrons discuter en meilleurs termes. Si cela ne te convient pas... Eh bien, inutile de revenir. »

Arhan Sefirot s'avança vers Nessius et mit dans sa main la feuille qu'il avait récupéré. A l'intérieur, le nom et l'adresse de l'agent soupçonné de faire partie de cette mystérieuse police secrète. Un moyen de faire ses preuves. Ou simplement de gâcher cette opportunité.
Qu'il se retourne donc contre lui. Qu'il offre ses "services" à ses adversaires.
Le Primus Sénateur n'allait pas plier face à de si médiocres manipulations.

« Et vous pensez pouvoir me rappeler la mienne et me faire la leçon ?»

Il pensait sérieusement pouvoir le toiser comme un gamin ? Clairement Arhan Sefirot le sous-estimait. Nessius lui avait répondu avec un calme amusé. Détaché, sans irrévérence mais néanmoins piquant. Il ne supportait pas qu’on le prenne de haut. C’était une erreur que venait de commettre le représentant du Sénat.

« Sauf votre respect, votre Excellence, seuls mes amis ont l’autorisation de me tutoyer. Puisqu’il semble que notre relation n’en soit pas à ce stade, je vous prierais donc de m’appeler par mon titre de noblesse, d’amirauté ou de quaesiture, selon votre convenance, et de me vouvoyer, Primus Senator. Nous n’avons pas gardé les dauphins ensemble…»

Tranchant et froid comme une lame acérée. Le regard d’émeraude ne se départissait cependant pas d’une sérénité olympienne. Il n’aurait pas sa colère si c’était ce qu’il espérait. Il ne la méritait pas. Le Sefirot voulait rentrer dans un rapport de force et essayer de le rabaisser ? Il avait le droit de tenter sa chance.

« Je me prends pour un capitaine dont le général, un membre de votre ligné soit dit en passant, a déserté son poste et qui tente de protéger le Pilier de l’Indien en tant que seul membre de la capitainerie qui y est attachée. Je suis un Quaesitor qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour éteindre les flammes d’une guerre civile que vous avez attisé par vos manœuvres politiques. Et enfin, je suis un Merinita qui fait passer les intérêts d’Atlantis avant ceux de son sang... Peut-être est-ce loin d’être à votre goût et vous m’en voyez donc désolé.…»

Il aurait bien ajouté que tout Primus Senator qu’il soit, Arhan Sefirot n’était assis que sur son cul et que contrairement à lui, il n’avait pas besoin de se cacher derrière un masque pour garder sa contenance et dissimuler un certain manque de savoir-vivre par une pseudo sophistication. Mais Nessius s’en garda. Les jugements de valeur n’avaient pas lieu d’être dans cette discussion et toute attaque personnelle serait forcément une façon de jouer contre ses propres intérêts.

«Cependant, je ne peux que vous donner raison sur un point : les paroles n’engagent que ceux qui y croient. Vous avez donc besoin d’actes. Fort bien. Je trouverais cette personne…. Mais vous, que m’offrez-vous en échange ? Outre les prémices de votre confiance, bien naturellement…»

Un mouvement osé compte-tenu du mépris qu’avait affiché le Primus Senator à son encontre. Mais ne disait-on pas que la chance souriait aux audacieux ?

« Ecoute-moi bien, Nessius. »

Pendant tout ce temps, le Primus Sénateur était resté de marbre face aux répliques habiles et acerbes de Nessius. Cependant, derrière ce silence et ce masque de froideur, les flammes dans son regard n'avaient cessé de gagner en intensité. Depuis une phrase en trop, le Capitaine du Naga avait franchis une ligne bien dangereuse. Une erreur, encore. Pour certains, cela avait été la dernière.
La silhouette d'Arhan Sefirot se rapprocha, d'un pas lent et lourd, pour se tenir juste devant le Mérinita. Assez proche pour que chacun sente la respiration de l'autre. Sa présence se fit écrasante, une menace pour Nessius qui désormais ne se muselait plus.

« Malgré les apparences, je suis quelqu'un de pédagogue. J'aurais bien volontiers entretenu la conversation, même avec un vermisseau comme toi, qui ne fait qu'agiter des titres et des mots vides de sens pour qu'on lui prête attention. Ton opportuniste et ton nombrilisme, je peux les supporter. Le Sénat est remplis de petits hommes ambitieux comme toi. »

La chaleur de la pièce était en train de monter. Littéralement. C'était comme si plusieurs braséros étaient désormais en train de bruler dans ce salon. Et finalement, Nessius pu le sentir. Ce brasier invisible provenait d'Arhan lui-même. En son torse, la puissance d'une Cosmo-énergie qui brulait sous l'effet de la colère. Et elle n'avait rien à envier à la sienne.

« Mais insulter devant moi Astéria, ma cousine, de désertion? Elle qui a plus fait pour Atlantis en quelques mois que tu n'en feras jamais, même en toute une vie? Même ces crétins de Sénateurs ont plus de jugeote. »

Fatalement, à trop faire le malin en jouant sur la subtilité, Nessius avait dépassé les bornes. Vouloir négocier, si la chose avait jamais été réellement possible, était désormais hors de question. La chance avait visiblement abandonné le Naga... Qui allait devoir se réfugier derrière autre chose s'il voulait échapper à la fureur du Sefirot qu'il avait provoqué par inadvertance. A présent penché au-dessus de Nessius, le Primus Sénateur le toisait avec dégout.

« Donc tu veux quelque chose en échange? Très bien. Fais ce que je t'ai demandé... Et peut-être, PEUT-ÊTRE, que je ne renouvellerai pas ta sentence d'exil. Tu pourras ainsi garder ces titres que tu aimes tant, et continuer à vivre ta misérable existence au sein d'Atlantis, pour peu que tu prouves que tu peux lui être utile. »

Arhan détourna finalement le regard de jade qui n'avait cessé de foudroyer le Capitaine du Naga. D'un mouvement ample et nullement inquiet par la menace évidente qu'il venait de prononcer à l'encontre de Nessius, il retourna dans son fauteuil. Le jeune ambitieux pouvait penser que le Primus Sénateur n'avait pas les moyens de mettre sa menace à exécution... Mais était-il prêt à prendre ce risque, alors que d'un simple mot cet homme pouvait l'envoyer à travers une arche et lui interdire à tout jamais l'accès à Atlantis?
Sans même prendre la peine de regarder à nouveau dans la direction du Marina, Arhan prit un dossier et l'ouvrit. Dans le même temps, il agita négligemment la main pour indiquer à son visiteur que le temps qu'il pouvait lui accorder était désormais irrévocablement écoulé.

« Maintenant, dehors. »

«Vous avez de belles illusion à votre propre sujet Primus Senator… Je n’ai que faire de votre pédagogie… Gardez la pour les simples d’esprit qui ont la naïveté de vous écouter et, encore plus, de vous croire… »

Désolant. Cet homme avait la prétention de diriger Atlantis et il avait la maturité relationnelle d’un enfant de cinq ans. Il pensait qu’il pouvait jouer ave tout le monde en piquant une petite crise d’autoritarisme dès qu’on lui tenait tête. Pitoyable petit homme caché derrière son masque. Il ne lui faisait pas peur.

«Vos menaces ne m’impressionnent pas. Poséidon lui-même m’a rappelé ici en me confiant le Naga. Ce n’est donc pas à vous de décider si ma place est ou non dans cette Cité. La Loi de Notre Seigneur est ma seule règle. Gardez vos crises d’autorité pour les gens de votre maisonnée et vos amis du Conseil… »

Il ne parviendrait pas à jouer sur les deux tableaux désormais. Nessius en avait parfaitement conscience. Mais il avait tenté. Il n’aurait pas de regrets. Il allait donc devoir se résoudre à l’une des autres options qu’il avait envisagées. Pas un drame en soi. Juste un contretemps.

«Ce n’est pas une question de jugeote mais seulement une question de courage. Je vous l’accorde, cette ressource est plutôt rare sur les bans de l’Assemblée. Néanmoins, les Sénateurs seraient ravis de voir le peu de cas que vous faites de leur personne. N’oubliez pas que vous leur devez votre pouvoir…»

Il voulait jouer les petits roquets. Nessius lui adressa un sourire mauvais.

«Vous venez de commettre une terrible erreur stratégique, Primus Senator… Vous aurez tout le loisir d’y repenser un jour. En attendant, soyez vigilant aux ombres qui vous entourent… Il se pourrait bien que l’une d’entre elle ne vous soit fatale… »

Une menace ? Non. Une promesse. Sefirot venait de choisir lui-même son ennemi. Et Nessius ne commettrait pas l’imprudence de le sous-estimer contrairement à lui. Il n’en tirerai néanmoins pas davantage d’informations. Tant pis. Le secret des Abysses serait déjà une piste suffisante. Il devrait retrouver l’homme en question. Il avait un nom et une adresse. C’était suffisant pour commencer ses recherches.

«Rassurez-vous, je m’en vais. Merci pour cette entrevue instructive, Primus Senator. Mes salutations à votre cousine… »

Et sans un mot de plus, il tourna les talons et s’en alla.

Citation :

Rp terminé. Merci

Il n'y avait, à ce stade de leur conversation, plus grand chose à ajouter. Nessius s'employait, pourtant, à avoir le dernier mot. De toute évidence exaspéré, Arhan eut pour toute réaction de lever les yeux au ciel. Cet homme partageait-il réellement le même sang que son plus grand rival politique? Pour tous les défauts de Cinéad, et même pour toute la haine qu'il lui portait, le Sefirot savait reconnaitre les atouts de son adversaire. Et ce Mérinita-ci était bien loin de soutenir la comparaison. Voilà qui se permettait de le menacer. Des paroles pour lesquelles il aurait pu faire enfermer le Naga sur le champ sans que personne trouve quoi que ce soit à y redire...
Mais non. Le Capitaine apprendrait sa leçon bien assez tôt, et d'une manière bien plus subtile.

« Tu ne sais décidément pas reconnaitre quand il faut se taire. Lorsque tu devras en payer le prix, tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même. »

Le mépris dans la voix du Primus était nuancé de lassitude. Il l'observa le saluer avec son assurance infondée, et se diriger vers la sortie. Avant qu'il puisse passer la porte cependant, Arhan pris une baguette de fer avec une sphère de métal à son embout et frappa dans un petit gong posé sur son bureau. A ce signal, deux hommes en armes ouvrir la porte et s'avancèrent. La voix du Sefirot s'adressa à eux.

« Gardes, ramenez le Capitaine Nessius à la sortie du district. Il n'est plus autorisé à pénétrer dans la zone du Pilier de l'océan Indien à compter d'aujourd'hui. » Et, se retournant vers Nessius, « Si tu as des informations à me communiquer, tu le feras par lettre. J'ai assez entendu ta voix pour toute une vie. »

Voilà un avant-gout pour ce jeune arrogant. Un avant-gout de la différence entre l'action et la parole. De la différence entre ceux qui détenaient le pouvoir, et ceux qui n'en avaient aucun.
Le Capitaine était désormais chassé de sa propre Capitainerie.

Une fois Nessius raccompagné vers l'extérieur, hors du domaine de la famille patricienne Arhan Sefirot demeura un instant pensif. Cette rencontre avait été une terrible déception. Mais même un incapable pouvait avoir son utilité. Bien qu'il fut seul dans la pièce, il parla au vent dans un murmure.

« Tu sais quoi faire. »

En guise de réponse, une bourrasque de vent anima les feuillets de son bureau avant de s'engouffrer par la fenêtre encore ouverte.

Citation :

De rien petit serpent. °°