[Event Marina] Tourbillon d'égos [Début Mai 553]

Les sons des troupes marchant au pas emplissait les rues de la cité d'Atlantis. L'essentiel de la population s'était barricadée, attendant dans la peur le passage d'un évènement qui allait, sans aucun doute, décider de l'avenir de leur cité.

Pour la première fois depuis le début de cette crise, les troupes du Conseil avaient pénétré dans le quartier du Pilier Central. Il n'y avait pour l'instant eu aucun combat, aucune opposition. Cinéad Atlas Mérinita, Patriarche de la famille en charge de la protection du Main Blade Winner et du Temple de Poséidon, avait ordonné à ses gardes d'abandonner les points de contrôle qui barraient jusqu'ici les entrées de cette zone. Ainsi, les troupes du Sénat et de l'Amirauté progressèrent sans mal vers le Pilier, avec à leur tête Arhan Sefirot et Rodolpho Marsyne.

Les deux hommes marchaient côte à côte, à l'avant d'une colonne de la garde sénatoriale. Le Primus Sénateur, sa lance divine à la main, était vêtu d'une armure ornementée, de style hindou. Son compagnon pour sa part portait simplement une tenue d'officier, et avait pour seule arme une rapière à sa taille. Les yeux du Marsyne luisaient d'une force surnaturelle, balayant les environs pour identifier toute menace qui pourrait s'approcher de son ami... Mais nulle alerte de ce type ne se présenta. Alors que l'imposante ombre du Pilier Central se faisait de plus en plus proche, Arhan brisa le silence.

« As-tu retrouvé sa trace? »

« Non. Ni mes yeux, ni les patrouilles n'ont servi à quoi que ce soit. C'est comme si elle s'était volatilisée. Soit elle est passée dans le camp adverse, soit... Ils ont été meilleurs qu'elle... Es-tu certain de vouloir procéder ainsi? »

« C'est la seule option qu'il nous reste. Le temps jouait en notre faveur, mais maintenant qu'ils détiennent Astéria, nous n'avons plus d'autre choix. »

« Mais nous ne sommes que deux. Les autres membres du Conseil ne sont pas venus. Que comptes-tu faire, si les Généraux sont présents? »

« Tous ceux qui désobéissent en paieront le prix le moment venu... Mais si les choses se passent comme prévues, nous n'aurons pas besoin des autres, et les Généraux ne pourront qu'être spectateurs. »

L'expression de Rodolpho s'assombrit, mais il ne répondit pas. Il avait déjà fait son possible pour tempérer Arhan au lendemain de la tentative d'assassinat sur sa personne. Il était vrai que leurs options étaient de plus en plus réduites... Mais s'il était résolu, il ne pouvait toujours pas cautionner les risques auquel le Sefirot allait bientôt se soumettre.

Les troupes du Conseil arrivèrent sur une immense place. De là, de larges escaliers permettaient d'accéder au Pilier Central, et plus loin, au Temple de Poséidon. C'était là que les Merinita, en infériorité numérique, avaient établi leurs positions. Dans ce goulot d'étranglement et avec le bénéfice procuré par leur élévation, l'avantage du nombre serait nullifié. Cinéad avait murement réfléchi sa stratégie.
Sur ordre d'Arhan, ses soldats se positionnèrent en ligne derrière lui, en formation d'éventail. D'autres bataillons arrivèrent par la suite pour se déverser dans la place, jusqu'à la remplir à moitié. D'autres équipes étaient parties sécuriser différentes positions ailleurs dans le quartier, mais l'essentiel des troupes des deux factions se feraient face ici.

Arhan Sefirot prit une profonde inspiration, et s'avança au devant des Merinita. Le pommeau de sa lance frappa le sol avec une force amplifiée par son Onde, et le son se répercuta au travers du forum comme dans un amphithéâtre. Sa voix forte s'exprima, portant sa parole en un cri jusque vers les rangs de ses ennemis.

« Cinéad! Trop longtemps Atlantis est-elle restée immobilisée par ta volonté de t'opposer au changement! Cette situation ne peut plus perdurer! Nous devons faire front commun pour préserver notre peuple de la menace de Mu! Des dangers de la Surface! Mais puisque ni la volonté du peuple ni les lois du Sénat ne peuvent t'attendre, il ne nous reste plus désormais qu'une seule issue pour résoudre ce conflit et aller enfin de l'avant... »

Le Primus Sénateur leva sa lance et la tendit devant lui, horizontalement. Sa main libre vint alors parcourir la lame d'obsidienne, s'entaillant profondément dans l'action. Alors que son sang coulait en abondance, il balaya l'air devant lui et répandit de sa paume entaillée une ligne sur le sol blanc de la place. A nouveau, sa voix s'éleva, sur un ton de défi.

« Les serviteurs de ta famille voulaient faire couler mon sang! C'est maintenant chose faite! Je te défie pour un duel sous le regard des Cyclopes! Nous serons les seuls à combattre, aujourd'hui! Abandonne ton nom, et viens m'affronter! »

Un duel sous le regard des Cyclopes. Une tradition ancienne à Atlantis. Toujours dans les textes du livre des Eaux, mais bien peu pratiquée. Pour la noblesse des maisons patriciennes, c'était un tabou, un défi qui pouvait tout leur faire perdre. En versant son sang et en adressant son défi, un Atlante signifiait abandonner son titre, sa famille, son statut-même d'enfant d'Atlantis, pour régler un différent d'homme à homme avec un autre. Ainsi, à l'issu du conflit, aucun tort ne pouvait rejaillir sur les siens. La personne défiée devait, elle aussi, tout abandonner en versant son sang à son tour. Le duel se faisait ensuite jusqu'à blessure grave, ou jusqu'à abandon. Le perdant était soumis à la volonté du gagnant, qui pouvait lui imposer ses conditions pour retrouver son rang... Ou lui refuser cela, et le condamner à l'exil.

Bien sur, il était possible de refuser ce défi. Cela pouvait devenir une marque de déshonneur marquée pour toujours sur la réputation d'un noble, et certains pouvaient tout à fait vivre en supportant cela. Mais le Patriarche de la famille Mérinita? Alors que ce duel pouvait empêcher un affrontement entre frères et sœurs atlantes? Il ne pouvait pas se dérober.
Dans les rangs des vassaux de l'ancien Légat, un rang se forma. Les soldats s'écartèrent pour laisser Cinéad Atlas Mérinita descendre les marches pour aller à la rencontre de son rival. A le voir ainsi s'avancer, le regard emplis de détermination, le doute n'était pas permis.
Sa décision était prise.

Spoiler:

A chaque écho des troupes assemblées qui se dirigeaient vers l'ultime rempart d'Atlantis, la tension montait parmi les Merinita et leurs vassaux. Comme un dernier bastion d'espoir et de justice face au monde aveuglé, ils se tenaient entre Arhan et ses objectifs, entre Poséidon et les potentiels traîtres. Et ils tiendraient coûte que coûte. Cinead avait tenu conseil de guerre improvisé au plus tôt et étudié le terrain -leur foyer- avec minutie pour mettre tous les avantages possibles de leur côté. Ici serait mise à l'épreuve la vaillance, la foi et l'honneur d'une famille qui de tous temps avait représenté l'Ordre et l'équilibre de l'Empire. Même Adama Helian Merinita n'avait fait détrôner les siens, et ses derniers avaient montré l'exemple du sort réservé aux cœurs détournés du Maître des Océans.

Postée en haut des marches derrière plusieurs rangées de soldats, l'archère Toreador avait une vue imprenable sur la vague humaine qui déferlait à pas cadencés vers eux. D'ici, ses tirs pourraient déclencher une hécatombe sans difficulté, et sans heurter les Merinita, bien que l'envie de blesser était fort loin. Tout dépendrait de l'obstination des sénateurs en fin de compte.
Entre ses mains, un arc d'orichalque, arme rare et chère taillée à la mesure de sa force, sa souplesse et sa précision, lui permettant une coordination optimale entre la visée et le lancer. Calypso s'était autorisée cette dépense outrageusement luxueuse pour fêter son entrée parmi les rangs Marinas, mais n'en avait jamais fait usage contre autrui jusque-là.

Son regard parcourait fébrilement les rangs alliés, les ombres autour, à la recherche d'Aurora et Calista. L'espoir de les voir en pleine santé se disputait à l'appréhension de les envoyer au combat, mais l'une comme l'autre étaient fortes. Si elles décidaient de se lancer dans la mêlée, personne n'y pourrait rien.

Elle encocha sa première flèche sans encore viser qui que ce fut quand les premiers rangs du Conseil entrèrent au bout de la place. Les informations de Nessius, Noah et Endymion semblaient se confirmer sur la diversité des effectifs et surtout des deux seuls membres du Conseil présents. Elle grimaça tout de même un peu en reconnaissant des visages de Dormeurs de l'Amirauté et l'attitude tout sauf récalcitrante de Rodolpho.

"Relativement hors de cause."

Et surtout, il usait de sa vue féérique, signe qu'il cherchait quelque chose. Ou quelqu'un. Voire quelqu'une...

Ayant prévu ce scénario, les Hyades avaient pensé à une parade. Puisqu'il cherchait de l'Onde, il allait en avoir pour son compte. Quelques gouttes de pluie commencèrent à tomber dans les rangs d'Arhan et Rodolpho, puis une fine bruine s'intensifiant de seconde en seconde. Phénomène impossible à Atlantis, sauf sous le joug de la Nymphe des pluies, elle permettait de gagner un avantage tactique sur les troupes adverses, de peut-être les distraire, et de mettre en place d'autres ruses pour la suite. Les Merinita demeurèrent au sec sans avoir à bouger, pendant que l'eau cosmique se répandait sur les armures, entre les plaques des cuirasses, dans et sous les bottes, jusque sur les peaux les mieux protégées. Le poids des protections allait alourdir tout ce beau monde, et chacun pourrait être la cible de la Marina par la suite. Les glissades surprendraient les soldats les moins aguerris, et surtout les deux sénateurs allaient en pâtir.
Rodolpho verrait l'invisible. Partout. S'il cherchait Astéria ou qui que ce soit d'autre, sa vision se trouverait parasitée par Calypso où qu'il regardât.
Arhan, compte tenu de la nature flamboyante de ses pouvoirs, s'en trouverait sûrement gêné lui aussi. Il pourrait bien entendu faire s'évaporer la pluie, mais cela ne rendrait les alentours que plus troubles et lui demanderait de l'énergie supplémentaire.
Le message était clair : le terrain appartenait à la Toreador.

Malgré cela, aucune trace de satisfaction n'éclairait son visage. Il en faudrait plus pour faire reculer le Sefirot. Ce dernier le démontra bien vite, faisant blanchir les phalanges de la lieutenante autour de son arme. Un élan dévoué en elle voulut aussitôt prendre la place, mais... il s'agissait là d'une tradition patricienne. Et elle était tout sauf patricienne. Si elle brisait le caractère sacré des lois qu'elle défendait, la crédibilité de son engagement tomberait à l'eau. En cas de victoire de Calypso les détracteurs pourraient dire que le combat ne valait rien, qu'il concernait Cinead et non ses sous-fifres. Si elle perdait, on huerait simplement le Patriarche pour avoir eu la couardise de rester en arrière, chose normale après avoir été destitué de sa condition de Légat, puis de Primus. Et puis, honnêtement, le cousin d'Orphéus était plus fort qu'elle. Il avait plus d'expérience, connaissait mieux Arhan. Quelles chances aurait-elle de plus si elle prenait sa place ?

Elle vit la crinière du Cinabre s'avancer sans faillir et plaça ses espoirs en lui. Le doute, à ce stade, était depuis longtemps écrasé par la résolution de sauver la cité comme il le fallait, à la manière Merinita : dans les règles et l'honneur.

***Ô Tout-Puissant Poséidon, vous nous avez interdit de nous battre entre nous, pour le bien de la cité. Puissiez-Vous nous pardonner si le sang doit couler. Nous y sommes forcés, car si Arhan Sefirot est bien l'auteur de la traîtrise que nous soupçonnons... ce serait tout l'Empire et même Votre personne qui pourraient être menacés. Que Votre amour nous guide pour faire les bons choix.
Ô Amphitrite, puissent Vos enfants reconnaître les valeureux et condamner les coupables.
Ô Atlas, fondateur d'Atlantis, puisse Votre sagesse et Votre force soutenir les piliers pendant que les Hommes périssent. Que la voûte océanique résiste à l'assaut de l'océan comme à celui des Muiens.
Ô Triton, puissent les menteurs et les parjures être châtiés pour leurs méfaits, et puisse la vérité éclater au grand jour avant la fin du jour.***

«Certainement pas….»

Une voix calme mais clairement intelligible s’éleva de derrière l’un des murets bordant le bas des escaliers. D’un pas mesuré, Nessius Céléno Merinita s’avança au pied de ces derniers, jetant tour à tour un regard froid à son patriarche et au chef du Conseil.

«Comment osez-vous prendre la Cité en otage de vos querelles personnelles jusqu’à la mener aux portes du chaos et à la jeter en pâture à nos ennemis ?»

Avant que quiconque puisse objecter, le Naga poursuivit, se tournant cette fois ostensiblement vers le porteur de lance.

« Néanmoins, les torts sont loin d’être partagés. N’es-tu pas, Arhan Sefirot, celui qui a décidé de bafouer les lois de Notre Seigneur en tentant de mettre l’Amirauté sous le joug du Conseil que tu diriges ? N’es-tu pas celui qui a fait fermer les Arches, amenant le peuple d’Atlantis au bord de la famine ? N’est-ce pas toi qui a instauré un couvre-feu car le Conseil était incapable d’arrêter un assassin rodant dans la Cité ? Assassin qui s’est avéré n’être autre que ta propre cousine Asteria, ancien général de Chrysaor, actuellement incarcérée suite à son arrestation par Noah du Kraken ?»

Nessius n’affichait pas son habituel sourire en coin mais un regard grave et déterminé. Il se tourna vers les troupes derrière le Sefirot.

« Membres de la garde! Êtes-vous prêts à suivre au combat, à soutenir un homme qui a laissé vos frères d’armes être assassinés par une personne de son propre sang sans lever le petit doigt ? A suivre les directives d’un Conseil dont l’un des membres, Etrius Tremere, croupit actuellement en prison ? Dont un autre membre, Kaede Fujin a mystérieusement disparu ? Qui n’a pas daigné tout mettre en œuvre pour faire justice aux véritables défenseurs d’Atlantis mais qui sombre dans l’hubris dès que sa propre personne est attaquée?»

Nessius posa à nouveau son regard ophidien sur celui qui se faisait appelé Primus Senator, ses prunelles perçant son vis-à-vis de part en part.

« Où sont les preuves concrètes des accusation que tu fais peser sur les Merinita ? Où sont les témoignages solides alors que tous les Sénateurs conjurés que j’ai interrogés étaient sous l’autorité des Tremere et des O’Bannon ? Suffit-il aujourd’hui à Atlantis qu’un homme cite le nom d’un mort et d’un adversaire de longue date pour justifier qu’on en vienne au conflit armé ?»

Nessius se tut. Il ferma les yeux un instant qui lui sembla une éternité et envoya l’armure du Naga se reconstituer en haut des marches, sous sa forme totémique, aux côtés de Calypso qui devait observer la scène, comme pour la protéger. Puis, déployant son Onde, il s’entailla lui-même le creux de la main.

« Pour toutes ces raisons, c’est moi qui serait ton adversaire. Non pour l’honneur des Merinita ou pour celui de l’Amirauté mais pour le Salut du peuple d’Atlantis! Sous le regard des Cyclopes, je relève ton défi ! »

Nessius venait de jouer sa vie à pile ou face. Sans doute une surprise de taille pour ceux qui le connaissaient de réputation comme pour les rares personnes qui l’appréciaient. Pour lui aussi peut-être. Mais il sentait une force poindre en lui. Avait-il tort? Ou était-ce un appel venant du Temple?

*Seigneur Poséidon, puisses-tu guider la justice de ton peuple à travers moi… *

Spoiler:

Alors que la pluie tombait et les défis étaient lancés, un autre jeu se jouait dans les ombres. Derrière Arhan, à l'avant des troupes du Conseil, les yeux de Rodolpho avaient finalement trouvé Calypso à l'arrière des rangs Méritina. Les iris féériques fixées dans les siennes, surement ne fut-elle pas surprise d'entendre la voix du Marsyne s'adresser directement à son esprit. Il lui avait lui-même donné les détails de son don, après tout.

* Cessez vos interférences, Dame Calypso. C'est le moment pour nous de garder les yeux ouverts... Pas de nous aveugler mutuellement! *

La voix du Sénateur avait beau être éthérée, l'intonation laissait filtrer une partie de ses émotions. De l'irritation, en particulier. Le stratagème de la Toréador devait se révéler efficace... Pour le meilleur comme pour le pire. N'avaient-ils pourtant pas déterminé chez les Tremere que leurs deux pairs d'yeux révélaient bien des secrets lorsqu'ils œuvraient de concert?

Cet échange silencieux se fit alors que Nessius Seleno Mérinita, Capitaine du Naga et Quaesitor d'Atlantis, s'interposait entre les deux rivaux. Ses accusations provoquèrent l'ire du Primus Sénateur. Sa lance d'obsidienne s'enflamma, et la chaleur autour de son corps fit s'évaporer la pluie avant même qu'elle ne touche le sol, plongeant le centre de la place dans une brume agitée par les Ondes déchainées. Arhan Sefirot siffla de colère.

« Et dire que je commençais à revoir mon jugement sur toi... »

Pourtant, il laissa l'impertinent finir. Derrière lui, au sein de ses propres troupes, des murmures, premiers signes de dissidence, se firent entendre. Les révélations du Naga concernant l'identité de l'assassin qui hantait leurs rues et abattait leurs camarades avait fait mouche. La plupart refusaient de le croire : Astéria et les Chrysaor qui l'avaient précédé étaient ceux qui les avaient entrainé. Mais les graines du doute avaient été semées, et cela pouvait renverser le cours d'une bataille, si on leur laissait le temps de pousser. Conscient de cela, Arhan ne tarda pas à s'avancer pour arracher ce mal à la racine. La lame de Varunastra se pointa vers Nessius.

« N'est-ce pas toi-même qui m'a informé de cette tentative d'assassinat après que je t'ai envoyé à la recherche du Secret des Abysses? Cet ordre de vient-il pas d'Aurora, la cousine de votre Patriarche? Penses-tu sérieusement qu'il n'a pas donné son aval à cette action? Nul ici n'est dupe! Il abrite Aurora et le Secret dans sa demeure, à l'insu de tous! »

Puisque l'heure était aux révélations, le Primus Sénateur ne serait pas en reste. Il se tourna vers ses troupes, les balayant de son regard acéré à travers les fentes de son masques. Arhan imposa le silence, et leur adressa des réponses aux questions qu'ils se posaient.

« Quant à Astéria Sefirot, oui, c'était elle, ma cousine, qui se chargeait de traquer les traîtres au sein de nos propres rangs. Car c'était ce qu'ils étaient! Des Muiens infiltrés, chacun d'entre eux, identifiés au-delà de tout doute possible! Vous faut-il donc une médaille pour avoir enfermé la seule membre de l'Amirauté capable d'accomplir correctement son devoir?! »

Le Sefirot hurla en direction des Mérinita ces derniers mots. Il était trop tard pour que les Mérinita et ceux qui les suivaient corrigent les erreurs commises. Mais au moins pouvaient-ils commencer à réaliser l'impasse dans laquelle ils s'étaient eux-mêmes engagé. Peut-être que, lorsque leur champion tomberait, cette lutte vaine et inutile pourrait prendre fin...

« Mais c'en est assez de trouver des excuses à vos manquements. J'accepte cette substitution! Poséidon et les Cyclopes seront témoins de notre combat! Je te ferai plier, et nous verrons alors la valeur de ta vie aux yeux de ton Patriarche. Approche! »

Le Primus Sénateur se mit en garde. Sous le regard des Cyclopes, le duel allait pouvoir commencer.
Dans les rangs des Mérinita, Cinéad s'avança. Il n'était que justice que l'ancien porteur de la Scale de Polyphème, et celui qui se faisait représenté dans ce combat, soit au première loges pour être témoin de cette conclusion.

Spoiler:

Le tambourinement régulier des gouttes de pluie étouffait les sons, troublait les visions. Les Atlantes, ironiquement peu habitués à ces conditions climatiques, et tout en même temps harangués par les duellistes en devenir, commençaient à hésiter de la raison pour laquelle on les avait fait venir. Comment Arhan pouvait-il avoir monté expédition si bancale, ses soutiens se délitant presque à vitesse accélérée sous les yeux des Merinita soudés en une ligne de front inamovible ?

Du haut de son promontoire, l'archère ne fut pas surprise d'entendre Rodolpho clairement. Elle était ici une tour, un faucon attendant de trouver sa proie et le bon moment pour lui fondre dessus. Manifestement sa ruse fonctionnait au-delà de ses espérances, car c'était la première fois qu'elle entendait cette vibration particulière dans la voix du sénateur. Il avait raison sur la forme. Il fallait s'entendre, surtout devant ce pilier, à ce moment critique. Quand bien même, elle n'était pas prête à croire n'importe quoi.

L'inconvénient de la télépathie dans ce cas précis était qu'elle ne pouvait lui répondre de la même manière. A quoi bon prendre la peine d'entrer directement dans sa tête si c'était pour rendre l'échange publique juste après ?

Tout à coup, la dernière personne qu'elle s'attendait voir combattre pour autrui -hormis elle- s'avança hors des rangs, ses mots tranchants de clarté, de vérité. Des faits que chacun avait pu constater dans les semaines précédentes. Son cœur accéléra, touché par le geste, par le dévouement dont il faisait preuve. Inquiet aussi pour tout ce qu'il mettait en jeu, lui, l'ambitieux, l'intrigant Naga. Il réalisait là le geste qu'elle ne pouvait accomplir.

La lieutenante se permit juste un regard pour l’Écaille reformée à ses côtés, puis retourna la tête vers le Marsyne. Elle se servit de la vapeur d'eau créée par un nouvel accès de colère du Sefirot pour écrire en lettres de brumes devant l'homme-fée :

Que cherchez-vous ? Où sont vos preuves ?

Car c'était bien là le problème. Le Conseil, le Sénat, avait réclamé transparence sur les actions de l'Amirauté, mais où se trouvait la réciproque ? Des sénateurs corrompus, d'autres incapables de maîtriser leurs émotions, une fuyarde, des absents, des accusations en cascade, et toujours pas la moindre preuve. Comment avaient-ils déterminé que tous les colons des îles étaient à la solde des Muiens ? Pourquoi les avoir tués sans même essayer de leur soutirer des informations, sans les soumettre au jugement du Purgatoire ? Surtout que, si on s'en tenait strictement aux faits, Asteria avait accompli cela seule, sans Écaille. Avoir renoncé à Chrysaor la sortait des rangs de l'Amirauté, annulait toutes ses prérogatives. Ainsi, elle n'avait ni le devoir ni le droit de rendre sa prétendue justice, et surtout pas de cette manière.

Concernant Aurora, elle était la grande inconnue de l'histoire, mais ici aussi il n'y avait que des mots, que des présomptions. Et l'occasion parfaite de réduire une famille rivale à néant.

Le pire dans toute cette scène impensable, Cinead ne réagissait pas. Ni discours pour se défendre, ni preuves pour contredire les uns ou les autres. Pas le moindre encouragement pour son champion...

«Tu m’en vois navré. Mais contrairement à toi, je ne confond pas mon opinion et mon devoir…»

Et toc ! Une belle toge en écaille de morue venait de rhabiller le sénateur Sefirot pour l’hiver. Nessius restait parfaitement maître de lui-même contrairement à son vis-à-vis. Il le laissa donc déblatérer à sa convenance avant de démonter consciencieusement ses dires.

«Je t’ai informé de rumeurs, des dires d’un homme qui, à aucun moment, n’a jamais apporté d’éléments tangibles pour appuyer ses paroles, qui n’a jamais prouvé par des éléments concrets qu’il appartenait effectivement au Secret des Abysses… Tu aurais aussi bien pu le mandater, le faire chanter ou le payer pour qu’il joue ce rôle. Et à aucun moment, cet homme, avant de disparaître dans la nature, n’a parlé d’Aurora ou d’un quelconque commanditaire… »

Il fallait avancer. Et faire vaciller son autorité sur les hommes qui l’accompagnaient. Pour offrir à ces derniers une porte honorable de sortie.

«Où sont tes preuves concrètes, Arhan Sefirot ? Celles qui, tangibles, ne sont pas issues du délire paranoïaque d’un homme qui aspirait plus que tout à renverser son rival de toujours? Quitte à demander à un membre de sa famille de semer le chaos en assassinant des innocents parce qu’ils seraient des muiens infiltrés ? Là encore, où sont les preuves ? Montre-les donc à ces hommes qui ont vu périr par la lance leurs frères d’armes ! Montre leur des éléments irréfutables que ces pauvres bougres étaient bel et bien des ennemis d’Atlantis ! Les manquements sont les tiens ! Des raccourcis, des interprétations de rumeurs, des enquêtes à charge ! Voilà tes méthodes Arhan Sefirot ! »

Tout en se mettant en garde, il s’adressa aux troupes qui suivaient le patriarche de l’Indien.

«Soldats ! Ecoutez ce que vous dit votre cœur d’Atlante ! Si vous croyez que j’ai tort, restez aux côtés de cet homme et mourrez pour lui ! Mais s’il existe un seul doute en vous, déposez les armes et aucun mal ne vous sera fait ! »

Puis se tournant vers son adversaire, son regard se fit à nouveau perçant.

«Quand à toi, je te laisse l’honneur d’attaquer le premier ! Voyons quel combattant tu es… »

L'opposition entre le Naga et le Primus Sénateur captivait tous les regards, sauf ceux des deux personnages de l'ombre qui silencieusement s'opposaient sur un autre terrain. La pluie causée par la Nymphe n'avait pas cessé malgré l'avertissement qu'elle avait reçu, et cela ne manquait pas d'irriter Rodolpho. Ils n'avaient pas de temps à perdre avec ces idioties, pas alors que tant était en jeu en cet instant. Sourcils froncés, l'homme aux yeux de fées répondu à cette question posée dans la brume.

* Nous avons trouvé le QG abandonné du Secret des Abysses. Cinéad les soutenait depuis le début de cette crise. Il y avait des lettres avec son sceau... *

Le Sénateur s'arrêta là. Il y avait peut-être des informations à ajouter là, mais quelque chose le gênait. Mais il fut interrompu avant de pouvoir aller plus loin.

Les Ondes de Nessius et Arhan s'élevèrent. L'ami du Marsyne propagea ses flammes, qui provoquèrent une vague de vapeur réduisant encore la visibilité. Rodolpho ferma un instant les yeux pour se les masser. Il y avait trop à voir. Trop d'ondes à suivre, trop d'émotions dans l'air. Comment allait-il pouvoir remplir son rôle dans ces conditions?
Ses iris, une fois à nouveau ouvertes, dévièrent un instant sur le combat au centre de la place. Nessius avait réussi à mettre Arhan hors de lui... Rodolpho soupira. Après tous les efforts qu'il avait fait pour le calmer après cette tentative d'assassinat... Cela n'allait pas se terminer sans mal. Il reconcentra son esprit sur Calypso pour continuer ses explications.

* L'heure n'est de toute façon plus aux preuves. Nous sommes venus ici pour forcer Cinéad à accepter la loi du Conseil, en versant le moins de sang possible pour ensuite nous concentrer sur nos véritables ennemis. C'était le but de ce duel... *

Ou du moins, c'était ainsi que les évènements auraient dû se dérouler, sans l'intervention du Capitaine du Naga. Même si le Primus remportait le duel, rien ne garantissait que Cinéad écouterait leurs exigences, désormais...

Rodolpho observa autour d'eux. Les deux armées qui se faisaient face restaient pour l'heure concentrées sur le duel qui avait lieu au centre de la place. Mais aussi inquiets que le Marsyne et la Toréador puissent être pour les deux combattants, le rôle n'était pas d'imiter les autres soldats. C'était de s'assurer que tout se déroule comme prévu. Insistant une dernière fois avant de prendre lui-même les choses en main, le Sénateur envoya une ultime pensée lourde d'agacement vers Calypso.

* Cesserez-vous? Ou allez-vous m'obliger à intervenir? *

Spoiler:

Comme une anguille sous les roches, les Lyumnades se mussaient à travers les ombres, guettaient avec patience les acteurs de cette scène ; une scène médiocre et redoutable à laquelle se livraient Sénateurs et Généraux. L’ennui ne transparaissait pas, pas plus que sa présence ne pouvait se ressentir. Ils étaient absorbés par leurs débats houleux, sans doute trop pour se rendre compte qu’une observatrice siégeait dans un recoin. Les uns et les autres, tous partaient dans des sens opposés et ne prenaient guère la peine de s’écouter ; un fait guère surprenant lorsque l’on avait brièvement côtoyé les principaux concernés. Dans le fond, ils ne faisaient que jouer, puis se perdre dans le rôle qu’ils s’étaient donnés ou qu’on leur avait accordé.

Ils brandissaient leurs mots comme une ultime vérité, sans analyse concrète. Nessius, le premier, confondait interprétations et assurances. Ils se confondaient en excuses pour passer outre leurs propres faiblesses, qu’importe leur affiliation respectives. Cela valait pour Arhan aussi, qui, visiblement, ne connaissait pas tous les éléments.

Durant ces échanges, à de multiples reprises, Cassandra repassait les conversations, les faits, les suppositions, les gestes et les secrets : tout ce qui l’aiderait à entrapercevoir où les erreurs ont été commises. Non pas par qui, mais bien quand, comment et pourquoi.

Ce conflit, cette pluie, tout cela était d’un ridicule…

Dès lors, ses mèches rousses entrèrent dans la lumière de la pièce, suivies par son visage aux traits sévères. Ne les avait-elle pas prévenus ? Si l’Atlante revêtait bel et bien son armure, elle ne s’attendait pas à un quelconque soutien. Elle agirait de son côté, pour ce qu’elle estimait être le moins catastrophique. D’un geste sec de la main, elle intima aux gardes de ranger leurs armes, le regard froid et tranchant, autant que l’air qu’elle déversa dans la pièce. Les deux côtés étaient concernés, ainsi qu'Arhan et Nessius eux-mêmes. Puis, la posture droite, fermée, proche d’une colonnade, elle s’adressa tout d’abord à celle qui représentait les Hyades.

— Cela vaut pour vous également : rangez cette bruine.

Ses prunelles basculèrent sur le Primus Sénateur, puis sur Rodolpho Marsyne et les autres Marinas présents.

— Est-ce votre réponse ou, plutôt, votre solution ? Comme on peut s’y attendre d’un banc de poissons...

Une remarque finale, bercée par un murmure. Personne ne réfléchissait, tous suivaient aveuglément la même idée, dirigée les uns contre les autres. Diviser pour mieux régner, ou, dans le cas présent, massacrer. C’était l’idée.
Si les deux adversaires persistaient dans cette voie, elle prendrait les dispositions adéquates.

Spoiler:

"Forcer l'acceptation d'une loi, c'est créer une tyrannie. Et ce n'est pas Atlantis."

Les partisans Merinita près de la Marina, seuls assez proches pour avoir pu entendre tandis qu'elle regardait toujours le Marsyne en contrebas, tournèrent brièvement la tête en se demandant à quoi pouvait bien penser la vassale Toreador. Poséidon avait pourtant posé les bases d'un système qui avait fait ses preuves : l'équilibre des pouvoirs, entre deux institutions distinctes mais complémentaires, équilibrées si besoin par la Quaesiture. Et maintenant, non contents de vouloir changer les dirigeants en place, on parlait de mettre à la tête de l'une des civilisations les plus avancées à ce jour un homme dont l'ambition le plaçait seul en haut de l'échelle. En admettant que Cinéad ait commis des erreurs, lui aussi avait droit à la justice. Tout comme sa famille. Trop lent, avait dit Arhan ? Mais s'il se trompait ? S'il condamnait des centaines d'innocents pour rien ?

L'arme de la lieutenante, toujours baissée, ne tremblait pas. Elle promenait son regard, tantôt sur Nessius et Arhan, tantôt dans les moindres recoins, cherchant les pièges et les assassins avant qu'eux ne sortissent de l'ombre. C'est alors qu'une silhouette revêtue de bleue fit son entrée, jugeant et ordonnant tout de go, comme si elle allait soudain apaiser la tension de tous d'un claquement de doigts.

"Navrée Générale, mais je ne peux accéder à cet ordre. Pas tant que les flammes de cet acharné Sefirot menaceront de rôtir vifs tous ceux qui se trouvent sur cette place et au-delà."

Cette fois, la voix bien claire et haute. On pouvait en effet noter que malgré l'intense Onde que le sénateur dégageait, la rage bien visible dans ses mouvements, la température globale demeurait stable. La raison à cela provenait de la pluie, évacuant la chaleur sous forme de vapeur, refroidie vers un point haut du dôme atlante de Poséidon, puis retombant tout naturellement sous forme d'une pluie fraîche. Si elle cessait d'exercer son pouvoir maintenant, l'eau allait se tarir, la chaleur attaquerait les chairs et ces gens fondraient en quelques secondes, bien trop proches qu'étaient les soldats pour assister au duel, Merinita comme autres.

"Contrairement à ce que l'on pourrait penser, je ne suis pas là pour me battre mais pour préserver des vies ! Sans distinction de familles ! Tous les hommes et les femmes présents ici des citoyens d'Atlantis, le peuple que j'ai juré de préserver de mon mieux. Merinita, Sefirot, Bjornaer, Tangaroa, Fujin, Tremere, O'Bannon, Marsyne, mais aussi tous les autres. Les nobles et les plébéiens, même les esclaves.
Et si parmi eux, dans un moment de faiblesse, certains auraient pu succomber aux avances des Muiens, alors aucun n'entrera dans ce temple avant que cette histoire soit tirée au clair. Nous ne sommes pas obligés de nous entre-tuer ! Nous ne sommes pas à Ker-Ys !

Le Pilier Central doit rester intact, tout comme notre foi envers Poséidon, tout comme la pureté de nos serments ! Si personne n'est parfaitement digne de confiance, alors personne n'entrera !"

Malgré la pluie, Calypso avait fait porter sa voix aux quatre coins du quartier pour que tous pussent entendre distinctement. Il y avait derrière elle les espoirs d'Atlantis. La salle des Écailles et toutes ses résidentes. L'entrée des quartiers du dieu, où d'après les rumeurs son corps reposait toujours d'un sommeil divin. Peut-être Aurora quelque part, avec le lourd fardeau d'offrir son enveloppe à son épouse. Si les Muiens touchaient cela, Atlantis perdait tout. Et il en était hors de question.

Alors, même si l'injonction venait de trois Patriciens différents, les Hyades ne cèderaient pas. Il s'agissait là de l'héritage d'Orphéus, de la première promesse à laquelle elle avait tenue de toute son âme.

"Citoyens d'Atlantis, ce n'est pas un chef que vous avez à choisir maintenant, c'est votre avenir ! Vous avez le choix de défendre les êtres que vous aimez ! Arhan Sefirot et Cinead Merinita ne sont que deux Hommes. Vous, vous êtes une nation. Vous êtes ce que nous devons chérir. Ce que nous devons préserver. Je vous en conjure, ne versez pas le sang de vos frères et de vos sœurs, arrêtez, reculez avant qu'il soit trop tard !"

Et ses yeux se fixèrent à nouveau sur Rodolpho.

"Il y a d'autres voies possibles."

Elle entra dans la lumière, ordonna à tous de baisser les armes avec froideur ; une froideur égale au glacial qu’elle déversa dans la pièce. Cela valait pour les soldats, les gardes, partisans du Sénat ou des Merinita, mais aussi pour les Sénateurs et les porteurs de scales. Ces flammes, Cassandra en ferait son affaire, quitte à utiliser le Marsyne à cette fin. Pour autant, la Lieutenante refusait toute compréhension, tout raisonnement, et s’enfonçait dans ses travers. Pas très étonnant, cela étant. Autant que pourrait l’être ces monologues préfabriqués que les uns et les autres brandissaient. Calypso se présentait comme la bonne gardienne des âmes de la cité, celle qui, aux yeux de tous, les défendait sans relâche. Une représentation plutôt amusante : peut-être devrait-on lui remémorer les mœurs de la cité, les enfants laissés dehors, la discrimination flagrante envers les étrangers, les sangs corrompus. Ce discours agaça Helin plus que jamais, qui ne l'avait pourtant jamais vu agir pour quoi que ce soit, mais cette dernière n’était pas ici ; elle se contentait d’inonder ses pensées, si bien qu’une migraine survint, fugace, mais suffisante pour que la Générale se masse la tempe. Toutefois, cette moquerie feutrée ne dura pas, chamboulée par la bataille dont on ne devait pas prononcer le nom : Ker-Ys. Son sang ne fit qu’un tour, et ses oreilles devinrent sourdes à tout autre propos. De plus en plus, elle fulminait, ressassant le carnage qui en avait résulté. Les Hyades n’avaient pas été sur le champ de bataille, elle n’en connaissait si le contenu, ni les raisons, ni la finalité. Elle n’avait rien vu, alors, pour qui se prenait-elle ? Subito, la pression glaciale que la Générale exerçait dans la pièce se renforça, gelant par la même occasion les gouttes de pluie que Calypso maintenait envers et contre ses instructions. Ses fantômes remonteraient à la surface, dans son esprit tout du moins. Elle méritait une bonne leçon, ni plus, ni moins, parce qu’elle brandissait une histoire dont elle ignorait tout, à tort et à travers, comme une ultime vérité.

— Je vous interdis d’utiliser une guerre dont vous de savez strictement rien, Lieutenant.

Oui, elle s’en savait strictement rien, ni de l’horreur, ni de l’odeur, ni des sensations… Alors, elle n’avait aucun droit d’en parler.
Lentement, Cassandra rassembla ses esprits, tenta de se calmer et de reprendre le dessus sur la haine qu’elle éprouvait. Dès lors, elle observa plus attentivement la scène dans son ensemble. Somme toute, son avertissement ne semblait pas clair pour toutes les personnes présentes sur ce pilier, tant pour ceux qui l’avaient reçu de manière indirecte que pour ceux qui avaient été, par le geste ou la parole, directement mentionnés.

— Au risque de me répéter : rangez vos armes. Tous. Et quelles qu'elles soient.

Cassandra n'aimait guère faire le perroquet. Aussi, son regard se porta de nouveau sur Nessius, Arhan, Rodolpho et les autres.

— Bien, reprenons : est-ce votre réponse et solution ?

Personne ne passerait par la force, Cassandra s’en assurerait. Aussi, son attention s’attarda sur le Marsyne, lui demandant tacitement d’intervenir. Après tout, ne l’avait-elle pas déjà averti de faire attention et de calmer les ardeurs d’Arhan ? C’était son travail, et c'était également le moment pour lui de montrer d'étendue de sa bonne foi.

Spoiler:

Il avait jusqu'ici observé dans un silence lourd de respect le duel qui se déroulait sous ses yeux. Il avait ignoré l'interférence de Calypso, et son évident débat mental avec le Marsyne. Cependant, l'intervention de Cassandra des Lyumnades, suivi par le discours passionné de la Toréador, le força à intervenir. Cinéad Atlas Mérinita fit plusieurs pas vers les deux femmes qui se faisaient face, dans l'hostilité la plus pure, et parla sur un ton calme, mais ferme.

- Il n'est plus possible d'arrêter ce combat, Général.

Le Patriarche Mérinita se tourna vers Calypso et lui adressa un signe de tête, lui intimant qu'il reconnaissait son geste... Mais également qu'elle en avait assez fait et qu'il allait prendre le relais. Ses deux yeux à l'éclat du rubis se tournèrent à nouveau vers Nessius et Arhan qui continuaient leur combat au centre de la place, à peine déconcentré par les distractions qu'ils engendraient.

- Ces deux hommes ont mis en jeu leurs noms et leurs rangs, et versé leurs sangs sur le sol. Ce duel revêt des lors un caractère sacré. Seuls leurs volontés et celle de Poséidon importent, désormais.

Malheureusement, un serment étaient venus s'ajouter aux nombreux qui liaient toutes les personnes ici présentes. Celui de régler un différent profond, symbole de la division qui séparait actuellement la société Atlante. Sous le regard des Cyclopes, les deux hommes étaient les seuls à pouvoir abandonner la voie des armes. Toute intervention extérieure ne ferait que risquer la colère du Seigneur Poséidon.

En périphérie de leurs visions, un homme approchait. Faisant le tour de la place où le combat se déroulait, Rodolpho Marsyne avait abandonné la communication télépathique pour venir s'exprimer de vive voix, à quelques mètres à peine de la ligne des troupes Mérinita. Son souffle était rapide. Il avait couru, et ses yeux fixés sur les Lyumnades trahissaient une profonde inquiétude, presque paniquée.

- Général Cassandra! Que faites-vous ici? Vous devriez être...

Néanmoins, un immense fracas vint interrompre le Sénateur avant qu'il puisse terminer sa phrase. Derrière les lignes des troupes du Conseil, dans une rue adjacente, une colonne de fumée était en train de s'élever. Des cris et des bruits de combat commençaient à s'élever dans les airs. Quelques secondes plus tard, une seconde explosion, sur le flanc opposé, envoya aux orties le calme des troupes. Dans les rangs des armées des Sénateurs, des voix se faisaient entendre par-dessus la confusion.

- Les Mérinitas nous attaquent!

- Nous sommes pris en tenaille!

- Trahison!

- Chargez!

Telles des épines, les lances s'abaissèrent et les lames furent dégainées. La tension avait finalement explosé, et la masse de soldats, faisant fi de la raison et des beaux discours, commençait à traverser la place pour se jeter à l'assaut. Horrifié, Rodolpho s'élança devant eux en levant les paumes.

- Non! Restez en position! Reculez!

Mais sa voix fut noyée dans le vacarmes de cris, de piétinements et d'ordres chaotiques qui emplissaient désormais les lieux. Le Sénateur utilisa son Onde pour lever un mur de glace devant lui, mais il ne pouvait pas séparer toute la place en deux. Il parvint à peine à endiguer la charge de ses propres troupes, qui déjà étaient en train de contourner l'obstacle.

Aux côtés de Calypso et Cassandra, Cinéad s'était retourné vers ses propres troupes. Un attendant lui remis dans les mains la chaine d'un lourd fléau, une imposante sphère de métal et de pointes qu'il utilisait au combat. Il semblait déterminé face à ce chaos. Calme. Peut-être parce qu'il savait déjà ce qui allait arriver?

- Tenez vos positions! Ne laissez pas un seul d'entre eux atteindre le Pilier Central et le Temple!

L'ancien Légat donna des ordres clairs à ses hommes qui levèrent un mur de boucliers pour amoindrir la charge des Atlantes du camp opposé. Le feu aux poudre avait été mis, et la confrontation semblait désormais inévitable. Déjà, les premières lames se croisaient, et les flèches commençaient à être décochées de part et d'autre.
Tel l'œil du cyclone, le combat entre Nessius et Arhan demeurait un espace que les soldats évitaient, aucun Atlante n'ayant l'envie de s'interposer dans un duel entre deux Éveillés à moins d'en recevoir l'ordre...

A chaque minute passant, les mots grignotaient la patience, la confiance et les liens qui unissaient tous les Atlantes présents sur le parvis du Pilier Central. Si Arhan avait voulu semer la zizanie, il avait atteint son objectif. La tension était presque visible à l’œil nu, malgré la présence d'une Amirauté active, mais malheureusement en sous-effectifs.

En parlant d'Amirauté, Calypso sentit tout à coup une vague d'Onde à son encontre, quelque chose de différent de la télépathie du sénateur Marsyne. Elle comprit et sursauta en voyant tout à coup surgir un Orpheus hors de la foule amassée face aux Merinita. Un Orpheus couvert de sang, avec un trou béant dans le cœur. Elle cligna des yeux, rationalisa aussitôt en se rappelant qu'il était mort -exactement dans cet état- et qu'il ne pouvait l'être qu'une fois, des rites ayant été rendus pour que son corps devînt pur et inatteignable. Ce fut pire lorsqu'elle releva les paupières : chacun des soldats était devenu un Orpheus similaire à cette nuit épouvantable de Camelot. Elle se souvenait de la texture de son sang sur ses mains, de l'odeur du sang, de sa couleur remplissant son champ de vision, de la faiblesse de sa voix lorsqu'il lui avait confié ses derniers mots. Et pendant ce temps la Générale répétait sa question aux dirigeants, comme si, après avoir refusé de fournir des preuves, ils allaient donner des réponses.

La Toreador ferma les yeux, inspira profondément. Elle décortiqua les éléments étrangers dans son aura comme on tamise le sable d'une rivière, expulsant ce qui perturbait ses sens de sa volonté forgée par la discipline militaire et l'épreuve de l'assassinat qui la tiraillait encore. Une certaine colère montait, menaçante, dans tout son être, lorsque deux détonations la ramenèrent violemment à la réalité et à des priorités plus urgentes que de remettre à sa place une femme blessée.

Un regard circulaire lui laissa tout le loisir d'admirer la soudaine débandade qui prit les rangs des soldats sénatoriaux, la froide résolution de Cinead, le duel qui ne souffrait aucune interruption, Rodolpho rapproché ainsi que les Lyumnades.

Faisant fi de l'animosité soudaine envers cette dernière, et aussi du signe de Cinead à son encontre, elle quitta sa hauteur et dévala les rangs Merinita pour venir se tenir devant eux, aux côtés des Marsyne. Elle était ici en tant que Marina en premier lieu, et ainsi qu'elle l'avait déclaré, elle protègerait les soldats des deux camps. Elle avait également prêté serment à Nessius de ne pas tout faire pour se sacrifier, de prendre soin de sa propre vie car elle n'était plus l'ombre d'Orpheus, elle devait vivre pour elle-même. Ce pour quoi la pluie allait l'aider à tout concilier. Puisqu'il y avait deux Éveillés des glaces à ses côtés, la manœuvre n'en serait que plus facile.

"Ralentis tout sur ton passage,
Sans douleur, ni dommages !"

Une Onde d'un bleu océan aux reflets d'écumes entoura la noble Atlante tandis que son énergie envahissait à nouveau la zone. La pluie déjà refroidie par les courants froids successifs de Cassandra et Rodolpho devint neige. Toute l'eau préalablement répandue sur le sol, les armures, les vêtement, les peaux gela, créant autour du combat brûlant qui se déroulait au centre de la place une patinoire ornée d'hommes se changeant en statues -vivantes, mais immobiles. Lances, épées et autres lames se figèrent dans leur lancée. Les flèches déjà décochées heurtèrent des carapaces givrées et celles dans les carquois ne les quittèrent plus.

L'unique Nymphe de l'unité Calypso se tourna alors dos à dos avec Rodolpho et enveloppa d'un regard les troupes Merinita immobilisées derrière leurs boucliers. Puis le Patriarche qu'elle avait voulu suivre.

"Je vous conjure de ne pas me forcer à vous refroidir de la sorte vous aussi. Tout ce que nous voulons, c'est épargner des vies ! Les vôtres, les leurs ! Nous sommes dans le même camp ! Il faut trouver ce qui a provoqué ces explosions !"

Les bras entrecroisés, la jeune femme arqua un sourcil à l’apparition de Cinéad, dont les rares commentaires laissaient autant à désirer que la pertinence de ses interventions. Cette fois encore, sans surprise, aucune justification convenable ne parvint à son oreille. D’un côté, comme de l’autre, ils se fermaient et s’embourbaient dans leurs torts, sous prétexte de raisonnements pourtant absents. De l’égo, de la satisfaction ; il n’y avait que cela qui, pour l’heure, transparaissait. Les arguments donnés par-après n’en menaient pas plus large que le reste. Une situation arrangeante, très certainement, mais pour qui ?

— Au contraire, il serait tout à fait possible de l’arrêter, pour peu qu’on accorde de l’importance à ce qui l’est véritablement. Ce duel n’est pas sacré, pas plus qu’il suivrait la volonté de Poséidon.

Une première approche du problème interrompue par la venue d’un Rodolpho paniqué. Imprégnée de cette colère subite qu’elle essayait d’endormir – causée par la mention inappropriée de Ker-Ys, elle le transperça de son regard d’un vert de glace. Pourtant, elle ne nourrissait aucune animosité particulière à son égard ; seule la lassitude d’une situation évidente et pourtant incomprise s’y reflétait.

— Confinée dans mon bureau. Cependant, il me semblait également vous avoir prévenu que j’agirais, si j’estimais que la situation l’exige. J’attends votre réponse, Rodolpho, et la raison pour laquelle Sénateurs et Mérinita s’évertuent à s’engouffrer dans le chemin que l’investigateur de ce désastre a tracé spécialement pour eux.

Une partie qui concernait aussi Cinéad, évidemment, car Arhan et Rodolpho n’étaient pas les seuls à devoir s’expliquer. Puis, face au mur de glace incomplet, les hommes continuaient leur progression, si bien que Calypso elle-même fit son entrée dans la danse, ajoutant des lamentations optimistes et faibles. Un peu trop douce, cette demoiselle. Finalement, cette pluie trouvera une utilité. Sans piper mot supplémentaire, l’aura glaciale de la Lyumnade se renforça, plus menaçante et stricte dans ses avertissements, tandis que le givre s’étalait. Désormais, le mur était complet et ceux qui se risqueraient à l’outrepasser en assumeront toutes les conséquences.

— Pour le moment, je ne vois que des imbéciles, incapables de réfléchir sans prendre les armes dans la seconde qui suit. Cela ne vous est-il donc pas venu à l’esprit que les conflits internes et la destruction de la cité pouvait être l’un des objectifs recherchés ? Félicitations, votre marionnettiste doit être particulièrement fier de ses pantins.

Des pantins dans les mains de celui, ou même de ceux, qui profiteraient allégrement des scissions ; des pantins qui agissent de la manière que l’on attendait, prévisibles, manipulables et inconscients.

— Cinéad, Rodolpho, faites donc votre travail et arrêtez ce bazar ! Définitivement. Quant à eux…

Faisant fît de la hiérarchie, elle ne faisait pas une demande, une requête ou autre joyeuseté, mais bel et bien un ordre. Quant à Arhan et Nessius : si personne n'envisageait de s'en occuper, Cassandra en ferait volontiers son affaire.

Devant l'urgence de la situation, le temps de la parole était passé. Cinéad s'en était retourné dans les rangs de ses hommes pour organiser la défense du Pilier, pendant que Calypso, Cassandra et Rodolpho avaient opté pour une approche plus risquée, mais qui pourrait sauver le plus de vie. A travers l'union de trois manipulateurs d'Onde, une zone de glace bloqua l'accès au grand escalier où les troupes fidèles à l'ancien Légat tenaient leur position. Les soldats Loyalistes, comme ceux du Conseil, se retrouvaient bloqués par un mur, ou empêtrés dans la glace qui recouvrait leur jambe. Même les projectiles décochés, alourdis par le givre, avaient été arrachés au ciel sans trop faire de victimes. La confrontation directe avait donc été évitée pour l'instant, et si les combats avaient commencé à certains endroits, cette brusque interruption avait au moins permis de réduire le nombre de victimes.
Rodolpho souffla. Il continuait à insuffler son Onde dans la protection de glace, qui restait éphémère et fragile devant une telle masse de soldats, fussent-ils dormeurs. Certains tentaient déjà de détruire l'obstacle par endroits, mais pour l'instant leur construction tenait bon. Il s'adressa aux deux Marinas à ses côtés.

« Merci pour votre aide à toutes les deux! Mais cela ne tiendra pas longtemps. Il faut découvrir ce qu'il se passe sur les flancs! »

L'idée était simple : découvrir ce qui avait forcé cette attaque des troupes du Conseils pendant que le Sénateur reprenait le contrôle de la situation sur la ligne de front. Cela aurait pu être une bonne tactique, digne que Calypso et Cassandra la considèrent, au moins un instant... Mais elles n'en eurent que peu le temps.

Choisir se tous se jeter en première ligne avait été un choix louable. Grace à leurs actions, de nombreuses vies Atlantes avaient surement été sauvées. Mais cela avait accaparé toutes leurs capacités, et toute leur attention... Laissant le champ libre à l'ennemi pour atteindre son véritable objectif.

Une nouvelle explosion eut lieu, cette fois en plein milieu des troupes Mérinita. Armes, hommes et armures furent envoyés au loin sous l'effet de la tornade qui s'éleva pile sur la position de Cinéad. Cette action, clairement d'origine cosmique, était celle d'une forme qui se tenait à présent directement aux prises avec le Mérinita. Bloquant d'une main la masse d'arme du Patriarche, Kaede Fujin tentait d'empaler ce dernier de sa lance, elle aussi saisie par une main de Cinéad qui retenait de justesse la pointe de celle-ci. Les deux déchainaient leurs Ondes, se semblaient coincés dans une position d'égalité.

« Tsk... Incapable de baisser ta garde un seul instant, même maintenant, hein? »

« C'était donc toi, le traître. Je dois dire que je m'y attendais... Tout ce que tu m'offrais me semblait trop beau pour être vrai. »

« Cinéad Atlas Mérinita... Si malin... Si prudent... Mais même toi, tu ne peux te protéger de l'inconcevable. »

« Comment?! »

La voix de la jeune Sénatrice avait changé pour devenir plus grave, plus caverneuse. Et dans le même instant sa peau se mit à se fissurer. Une partie de son visage tombait en morceau, alors que des volutes de Cosmos verdâtres s'échappaient d'elle. Son regard luisant n'avait plus rien d'humain. Habitée désormais par une force écrasante, elle referma sa main, et brisa l'arme d'orichalque de Cinéad. Une main spectrale vint saisir celui-ci à la gorge, et le força à s'agenouiller devant Kaede Fujin. Un large sourire, rendu sinistre pas son visage en train de se déliter, s'affichait sur ses lèvres. Elle savourait ce délicieux instant.

« Maintenant, petit Atlante, montre-moi à quoi ressemble ton essence, une fois cette coquille brisée... »

Les doigts de la jeune femme se plantèrent dans les tempes du Patriarche Mérinita. Celui-ci se mit à hurler, alors qu'une intense lumière verte illuminait sa gorge et ses yeux. Tout autour d'eux, les soldats dormeurs qui se tenaient encore debout ou se relevaient s'effondrèrent immédiatement. Des silhouettes fantomatiques s'échappaient de leurs corps. Des âmes pures, fraichement arrachées de leurs enveloppes, qui tourbillonnaient désormais dans les airs en une sinistre tempête. Les vents du monde des morts, déchainés en plein cœur d'Atlantis, répandaient partout le désespoir... Et une lourde odeur de putréfaction.

Spoiler:

Si un jour quelqu'un avait déclaré que la Toreador se retrouverait dans une bataille dos à dos avec le discret Marsyne et l'une de ses vassales (cousines ?), sans doute que plus d'un se serait mis à rire ou à afficher un air sceptique. Cependant, au beau milieu de cette bataille, c'est bien ce qui s'était produit. L'opposition entre le Sénat et l'Amirauté venait enfin de céder face à l'urgence et l'intérêt commun que représentait la sauvegarde d'Atlantis. Un travail commencé en partie lorsque Rodolpho avait accepté à ses côtés la lieutenante, continué avec la proposition de Noah de garder l’Écaille d'Endymion, et consolidé maintenant, au plus fort du conflit qui secouait la Cité-État depuis la mort d'Orphéus, avec les insaisissables Lyumnades. De quoi prévoir de futures réjouissances.

La glace faisait son office, occupant les soldats désorientés tout en les protégeant les uns des autres. Il semblait même que la température centrale de la place cessait de remonter, signe que les deux duellistes en avaient terminé. Savoir qui était le vainqueur et le vaincu attendrait, mais les deux Ondes vivaient toujours, et cela rassurait l'Atlante au-delà de ce qu'elle aurait imaginé.

Soudain, tournée vers les Merinita, Calypso vit directement la ligne de défense se faire renverser sans trop de peine, puis une image qui lui rappela beaucoup trop son impuissance à protéger son Légat. Et cela, elle se l'était juré, ne se reproduirait pas tant qu'elle avait un souffle pour vivre.

Avant même d'avoir réfléchi à ses gestes et aux conséquences d'une attaque directe sur une Patricienne -à supposer que c'en était encore une-, la flèche avait quitté son carquois, tendu sa corde, et fendu l'air dans un sifflement caractéristique. A cette distance, l'archère d'élite n'avait aucun doute sur sa trajectoire et sa cible : la gorge exposée de l'ancienne Fujin. Soit l'étrange entité lâchait le Cinabre, soit elle finissait décapitée par la force de l'impact.

Ouvertement hostile cette fois, la Marina pointait déjà un nouveau projectile sur son arme, et tout autour la neige et le froid en suspend prirent la forme d'épieux gelés prêts à transpercer n'importe quelle cible indiquée par leur créatrice. Il était hors de question de voir tomber le descendant d'Atlas, moins encore sur le parvis du Temple de Poséidon.

Endymion et Noah manquaient à l'appel, retenus ailleurs sans doute. Nessius venait de s'engager un affrontement violent, de même qu'Arhan, et le Marsyne devait être, logiquement, moins à l'aise que son sanguin camarade. Restaient donc deux personnes en mesure de tenir tête au plus fort de leurs moyens à ce Muien. Si Cassandra suivait le même raisonnement, elle avait la réponse à ses questions. Le, ou l'un des marionnettistes venait de se montrer et il n'en faudrait pas plus à l'Arkantea pour couper ses fils.

Citation :: PAS TOUCHE A MON PATRIARCHE ! DEFI ! (et y'a des copains qui arrivent derrière )

De manière évidente, Cinéad n’envisageait aucunement de s’expliquer, pas plus qu’il ne prévoyait de faire cesser ce combat futile. Ce conflit arrangeait plus d’un groupe, chacun à sa façon, et sans doute en faisait-il partie. Toujours était-il que la Lyumnade assurerait son rôle, au-delà des attentes, des espoirs et des ordres ; les soldats ne devaient pas s’affronter à l’interne et, tous les trois, veilleront à ce que cela reste tel quel. Néanmoins, Cassandra n’oubliait pas le manquement de Rodolpho, tant dans sa capacité à canaliser le Primus Sénateur que dans l’omission volontaire et flagrant des réponses attendues.

Des deux côtés, comme toujours.

Lorsque Calypso tira une flèche, les orbes olivines de la demoiselle suivirent cette même direction ; son attention ne diminua toutefois pas, quand bien même elle comprit aussitôt qu’il lui faudrait quitter cette position. Prochainement, tout du moins, car, pour le moment, cette dernière continua de jeter un œil sur les actions de sa compère, guettant également la scène qui se déroulait plus loin. Comme attendu, là encore ; semble-t-il qu’Arhan aurait mieux fait d’écouter les avertissements donnés lors de cette réunion dans les prisons de la cité. Hélas, l’heure n’était pas aux reproches, quand bien même son regard, destiné à Rodolpho, était lourd de sens. De son énergie naquirent ainsi deux salamandres tachetées ; deux amphibiens si froids qu’ils brûleraient presque au contact, s’ils le désiraient, et qu’elle déposa sur l’épaule du Marsyne. Celles-ci ne produisaient pas de poison, pas naturellement, sans demande de sa part.

— Elles sauront se montrer utiles et nous permettrons de communiquer.

Juste une information prononcée à voix basse. En cas de problème, il savait désormais quoi faire : essayer d’arranger la situation, limiter la casse, la contacter… Pour l’heure, il appert que la Hyade aura besoin d’une aide supplémentaire. Un soupir entre ses lèvres, elle se tenait prête à intervenir, ne laissait rien transparaître.

C’est pas inhumain qui veut, n’est-ce pas, Nellie ?

Citation :

Cassandra est saoulée, mais participera si combat il y a entre Calypso et Kaede.

«Tiens, on dirais que l’atmosphère se rafraîchi…»

Instinctivement, Nessius leva la tête vers le lieu où il avait abandonné les Hyades et la chercha du regard. Juste à temps pour la voir décocher sa flèche sur la Fujin qui semblait être dans un état second. Il rattrapa dès lors Arhan et lui adressa un regard interrogateur.

«Tu l’avais vu venir aussi celle-là ou comme moi tu restes persuadé qu’elle nous l’a bien mise comme il faut dans le séant? Je comprends mieux pourquoi le Quaesitor chargé de veiller sur cette garce ne transmettait plus de rapports… J’espère seulement que l’on pourra le retrouver... »

Le Naga n’ajouta pas vivant parce qu’il était clair, dans son esprit, que vu le traitement qu’elle était en train de faire subir à Cinead, son camarade n’avait sans doute eu aucune chance et il serait encore heureux de pouvoir retrouver son corps.

Nessius n’hésita pas une seconde de plus à la vue du tableau. Lui qui, à l’accoutumée, avait plutôt eu l’habitude d’esquiver les affrontements directs, était davantage le genre de personnes à laisser prendre les coups à sa place, se découvrait l’âme d’un combattant.

Pour autant, il n’était pas dupe. Le combat avec Ahran l’avait considérablement affaibli. Et il était clair que si la demoiselle était parvenue à duper son monde, elle ne serait certainement pas une adversaire à prendre à la légère. Mais il devait y aller. Pour Atlantis qui ne méritait pas de sombrer. Pour Cinead qu’il ne pouvait laisser entre les mains d’une ennemie. Et surtout pour Calyspo à qui il avait fait promettre de ne pas mourir au combat. Il ne la laisserait pas affronter seule le danger. Il adressa à peine un regard aux Lyumnades, se demandant ce qu’elle attendait au juste. Le Déluge ? Il finirait par arriver si elle ne se bougeait pas. Décidément, même dans la situation la plus critique, elle gardait cet immobilisme condescendant qui donnait au Naga l’envie de la secouer. Tout Générale qu’elle soit. Mais il n’en avait ni le temps, ni l’intérêt. Aussi se positionna-t-il aux côtés de son archère favorite sans tenir compte des velléités des Lyumnades. Il s’attendait, en revanche, qu’Arhan rentre lui aussi dans la partie.

Les âmes des soldats tombés à proximités tournoyaient comme un ouragan sinistre. Ce pouvoir ne ressemblait en rien à ceux que le Seigneur des Sept Mers pouvait octroyer. On était là plus proche du domaine d’un autre olympien, bien plus vicieux et qui n’avait certainement rien à faire en ces lieux. S’adressant à Kaede Fujin ou tout du moins à l’esprit qui avait investi son enveloppe corporelle, Nessius n’attendit pas le prochain passage des sirènes tout en pesant ses mots. Une précaution malgré l’urgence de la situation

« Ainsi c’est donc ça… Tu viens dans le monde des vivants semer le chaos et la destruction ? Que se passe-t-il ? On t’a renvoyé des Enfers parce que tu étais trop insupportable ? Ou aurais-tu déplu à ton maître ? Peu importe. Lâche cet homme ou je te ferais regretter de ne pas être restée gentiment à servir de nourrice à Cerbère… »

Citation :

Nessius se joint au défi de Calypso contre Kaede Fujin

Arhan continua à se frayer un chemin au milieu de ses troupes, Nessius sur ses talons. Il ne se retourna pas lorsque le Naga lui posa ses questions. Bien qui légitimes, il s'accorda quelques secondes de réflexion avant de leur apporter une réponse. Ou peut-être doutait-il encore un peu du Mérinita... Mais l'heure était trop grave pour se permettre plus de secrets alors que tout se jouait ici et maintenant.

« Ce n'était pas notre but, mais nous avions pris en compte cette possibilité... Rodolpho devait les repérer et les confondre pendant que je me chargeais de Cinéad. Mais de toute évidence, cela n'a pas été possible... »

Arrivés tous deux devant le mur de glace créé par leurs camarades, le Primus Sénateur, cette fois, se retint d'utiliser ses flammes pour le briser. Au lieu de cela, il usa de son Onde pour faire un bond par-dessus la barricade de fortune... Et rien, ni sa préparation, ni son assurance, n'aurait pu le préparer à ce qu'il vit.

« Kaede ?! »

Interloqué, Arhan garda les yeux fixés sur la Fujin qui tenait entre ses doigts le crâne de son rival, usant d'arcanes damnées pour lui arracher son âme. Il vit la flèche de Calypso voler jusqu'à elle et se planter dans son cou... Sans que cela ne semble l'affecter le moins du monde. Horrifié, il fallut quelques instants au Sefirot pour réagir à la question poser par le Naga qui l'accompagnait toujours.

« Je... Non! Nous avons perdu le contact avec elle il y a une semaine et nous la recherchions pour la questionner... Mais elle ne peut pas être du côté des Muiens. C'est impossible! Ce n'est pas elle. Ce n'est pas Kaede Fujin! »

Les yeux du Sénateur balayèrent les lieux, évaluant les troupes en présence, et son regard s'arrêta sur Rodolpho. Celui-ci venait de recevoir un étrange animal de la part des Lyumnades, qu'il avait salué d'un signe de tête entendu. Il projetait toujours son Cosmos dans le mur de glace... Mais avec l'intervention de la Sénatrice Fujin qui avait semé la terreur dans le cœur des Loyalistes comme des troupes du Conseil, son utilité allait en diminuant... Le Primus s'avança vers son camarade avec hâte.

« Rodolpho, que s'est-il passé?! »

« Arhan! Je suis désolé, il y a eu trop d'interférences pour que je la remarque à temps. »

« Inutile de t'excuser. Reste sur tes gardes, elle a peut-être des complices qui... »

« Oublie ça! Nous n'avons pas le temps de nous en préoccuper! Cette... créature... Je n'ai jamais rien vu de tel! Tous les esprits hurlent par sa seule présence! Tu dois faire attention... Vous devez tous faire attention! »

Arhan fronça les sourcils. Il ressentait effectivement un certain malaise... Mais même s'il était puissant, l'ennemi était seul. Pourtant, on pouvait ressentir de la panique dans la voix du Marsyne alors qu'il criait ses avertissements à tous les Marinas. Ses yeux brillaient que leur éclat féérique... Mais quoi qu'il ait vu, il ne parvenait pas à trouver les mots pour les décrire.

Nessius était déjà en train de s'avancer pour rejoindre Calypso et provoquer la Fujin, ou du moins l'être qui avait possédé son corps. Cependant, avant que le Naga puisse aller bien loin, une main vint se poser sur son épaule. Arhan l'avait rattrapé pour interrompre son mouvement. Bien que brave et téméraire, son état après leur duel avorté était inquiétant, et pourrait lui couter la vie s'il ne prenait pas garde.

« Nessius, il faut ménager tes forces. Nous portons encore les séquelles de notre combat, nous devrions prendre le temps de récupérer avant de nous risquer à affronter cette abomination. »

Un Général et un Lieutenant pouvaient tenir quelques instants sans leur aide. Et quelques secondes de répit pour évaluer la situation et récupérer leurs forces pouvait faire la différence entre la défaite et la victoire... Enfin. C'était aussi prendre le risque de ne pas pouvoir intervenir si leurs compagnons se retrouvaient en danger. Ils devaient évaluer leurs options avec attention, et faire un choix stratégique. Celui d'Arhan semblait déjà fait. Quel serait celui de Nessius?

Spoiler:

« Les vers s'agitent dans la carcasse en feu... Rkkkhs... »

La voix brisée et caverneuse de la Fujin parvenait aux oreilles des Atlantes en présence. La flèche décochée par Calypso avait trouvé sa cible, mais pourtant la Sénatrice n'avait pas bougé d'un pouce. C'était à peine si sa voix avait plus de mal à sortir de sa gorge! Pourtant, malgré cet apparent échec, l'intervention eut les effets escomptés. Elle retira ses doigts du crâne de Cinead Mérinita, qui s'effondra au sol, inconscient. De ses mains libres, elle arracha la flèche plantée dans son cou... Et une partie de celui-ci avec!
La jeune femme, dont l'apparence continuait de partir en morceaux, se tourna alors vers sa petite assistance. Son sourire était rendu bien trop large par les fractures qui barraient son visage et lui donnaient un facies des plus sinistres. Pour ne rien arranger, les fumerolles de pourriture qui s'échappaient de son corps prenaient par moment des formes de visages humains déformés par la terreur. Et les multiples âmes qui voulaient autour de lui se tordaient de douleur. Au milieu de ce cirque grotesque, ce qu'il restait de Kaede Fujin écarta les bras pour tous les accueillir, vivants comme morts. Pour elle, cela était du pareil au même!

« Ouiii! Venez à moi, Marinas de Poséidon! Venez me livrer vos âmes! J'ai justement besoin d'un peu d'exercice. C'est l'occasion rêvée de me débarrasser de cette peau répugnante... Elle était si étroite! »

Alors qu'elle disait ceci, la jeune femme planta ses ongles dans son propre visage et dans son torse. Elle commença alors à se lacérer avec une force effrayante, arrachant des pans entier de sa peau comme s'il ne s'agissait que de papier. Alors qu'elle se libérait, des protubérances osseuses se mirent à apparaitre sur son dos, sur ses bras et ses jambes... Ce qu'il restait de la silhouette de Kaede se mit ensuite à fondre pour former comme une carapace de cire autour d'une haute silhouette squelettique. De cette cire naissaient des masques et visages humains, changeants, et pour certains... Familiers.
Peut-être pire que tout, à chaque morceau du masque qui tombait, l'Onde de ce monstre semblait augmenter, écrasant petit à petit tout ce qu'ils avaient connu jusqu'alors. Ce pouvoir n'était pas celui d'un mortel... Lorsque sa transformation fut complète, la créature se redressa, et ses orbites vides agités d'un Cosmos putride s'arrêtèrent sur chacun d'eux.

Spoiler:

L'un de ses longs bras chitineux se leva, et fit apparaitre entre ses mains une petite sphère cristalline, qu'au moins deux enquêteurs ici avaient déjà vu. Mais cela ne leur serait d'aucun secours : l'instrument avait déjà commencé son office. Une Onde écarlate s'en dégageait, et ailleurs dans la cité, un écho y répondait...

« Résistez! Criez! Désespérez! Et admirez votre fin! »

Le sol d'Atlantis toute entière se mit à trembler. Une violente onde de choc partir du Muien et de son outil, repoussant tous ceux qui n'étaient pas proches de lui. Les gardes volèrent dans les airs, le mur de glace fut pulvérisé. Et au loin, dans la cité, la tempête se levait.

Des tourbillons d'énergie étaient en train de naitre au pied des différents Piliers. Dans des vents de la même teinte écarlate que la sphère de leur ennemi, les symboles des différents Océans vibraient sous l'effet d'une magie impie. Sur chacun, un glyphe était en train d'apparaitre, différent à chaque fois, semblable à ce qu'une jeune Atlante avait vu sur une certaine carte. Atlantique Sud et Nord, Pacifique Sud et Nord, Indien, Arctique... Seul le Pilier de l'Antarctique, pour l'instant, ne subissait aucun changement.

« Krrrrrsss... Un contretemps. Imbéciles... »

Un léger mécontentement se fit entendre dans la voix de la créature. Un délai lui était imposé avant que le son de la fin ne sonne pour la cité de Poséidon... Mais ce sursis ne les sauverait pas. Ses os claquèrent en considérant les Marinas qui lui faisaient face... Oui. Nulle inquiétude à avoir.
Il pouvait bien écraser quelques insectes avant de régler tout ceci.

Spoiler:

Dès lors que leur insipide querelle fût achevée, les deux retardataires pointèrent enfin le bout de leur museau. Ce n’était pas Kaede Fujin, s’époumonait l’un d’eux, effaré par la scène qui se déroulait sous ses yeux : un corps, une flèche et des symboles ; un développement qu’il n’avait semble-t-il pas prévu le moins du monde et qui, pourtant, s’avérait des plus attendu. N’avait-il pas été prévenu en ce sens ? Face à cette hâte, ces multitudes d’échanges parsemés entre le Primus Sénateur et son bras droit, Elio soupirerait profondément, tandis qu’Helin partirait au triple galop. Cassandra, en revanche, resta de marbre. D’une œillade, elle vérifia avec soin les identités des compères, puis quitta sa position, posant un regard lourd de sens sur Arhan. Pourquoi donc retenir les reproches qui menaçaient ? Après tout, ne faisait-il pas que reporter la faute sur autrui ? Se bercer d’excuses ne suffiraient pas, cette fois-ci, pas à la suite de toute cette tirade dans les prisons d’Atlantis.

Le glacial au visage, les Lyumnades réduisirent la distance entre elle, la créature et le Mérinita, s’assurant de la réalité des figurants au passage. Un animal pour le moins résistant, mais dont ne résultait aucune once de satisfaction. Revoyons ce problème plus tard, lorsqu’il aura été dévoré par le froid et les flammes. Ses bras pouvaient bien s’ouvrir, ils ne récolteraient rien de plus que sa propre âme, si tant est qu’elle ait une. Pour l’heure, Cassandra n’y voyait qu’une piètre actrice ; une amateure parvenue à ses fins uniquement grâce à l’égo immense des hommes.

Un regard s’attarda sur l’horizon, puis se détourna ; ce n’était pas le premier spécimen étrange, de toute manière. Quelle surprise… Tout cela n’était qu’un beau gâchis et, bientôt, elle retournera vaquer à ses occupations.

Sans lâcher l’ancienne Fujin des yeux, elle attrapa Cinéad par le col, retenant une grimace au poids de l’animal. Un garde fût réquisitionné, peina toutefois à s’approcher, sans doute en raison de la crainte que l’autre lui inspirait. Assurément se trompait-il de personne à redouter, ici. Exécutez-vous, où je vous ensevelis moi-même, lisait-on avec aisance à travers ses expressions, avant qu’elle ne l’officialise verbalement, prête à bloquer toute tentative de l’intrus. Un énième contrôle, puis un dernier ordre, non pas vers celui qui s’éloignait, mais vers ces Sénateurs à la bêtise débordante.

— Occupez vous-en, Rodolpho.

À défaut d’avoir été capable de gérer la situation, peut-être pourra-t-il surveiller Cinéad correctement. Arhan, également. Cela ne devrait pas être trop difficile, même pour eux.

— Quand à toi, ferme-là un peu, tu veux.

Ce n’était pas l’ire qui s’exprimait, pas plus qu’une tempête sourde en approche. Pour autant, il était rare de la voir faire preuve d'un manque de respect par le biais du verbe. Peu importe ce qu’elle était, qui elle était ; cette chose, cette femme, cet intrus lui sortait simplement par les yeux.
Ker-Ys, brandissait Calypso plus tôt, n’est-ce pas ? Un bon déclencheur, de quoi briser le cran de sûreté ; décidément, elle tombait à pic. Un mouvement attira toutefois son attention, ultimement, la forçant à lever un sourcil et effectuer un bref repli. Quelques pas, rien de plus, pour conserver la maîtrise de l’autre côté.

Des boulets.

Spoiler:

«Qu’est-ce que… Par Poséidon, qu’est-ce que c’est que cette mocheté ?!»

Nessius dévisagea la créature. Elle avait arraché la flèche de Calypso sans broncher. Il n’avait qu’une seule certitude : elle n’était ni atlante, ni humaine. Et ave.c une telle apparence la piste des Enfers restait la plus crédible. Les Muiens… Ils avaient toujours été réputés pour servir cette pimbêche d’Athéna. Quel était donc le lien de cette créature avec eux ? Quelle était son identité ?

Toutes ces questions restaient en suspens. En revanche, c’était donc bien les âmes qui l’intéressaient. Donc anéantir Atlantis toute entière représentait pour elle une moisson des plus tentantes.

Nessius allait s’élancer pour exprimer toute sa considération pour la putréfaction sur pattes lui faisant face à grand renfort de phalanges dans le visage quand Arhan puis Caly le stoppèrent dans son élan. Prendre le temps de récupérer ?! Et puis quoi encore ?! Calypso s’exposait seule ! Enfin… Pas vraiment, mais c’était tout comme si la capacité de réaction des Lyumnades au combat était à la hauteur de ses prises de position…

Néanmoins, une douleur aux côtes l’obligea à reconsidérer sa position. Même si cela le peinait de l’admettre, se jeter ainsi dans la bataille n’avait absolument rien de stratégique et de judicieux. Arhan et sa dulcinée avaient raison. L’Onde du Naga se montra donc moins agressive cherchant davantage à panser ses plaies. Il allait devoir recouvrer des forces pour pouvoir venir en aide aux deux Marinas qui avaient entrepris de se mesurer à la chose.

«Bien, je me range à votre avis… Cela ne sert à rien de me jeter tête baissée. A moins de chercher à mourir pour la Gloire. Mais je préfère survivre et lui faire mordre la poussière…»

Le regard de Nessius croisa celui de Calypso partant à l’assaut. Comment prendrait-elle son inaction ? Il hocha calmement la tête. Une façon de lui dire : « Fonce, tiens le coup, je te rejoins ». Il espérait qu’elle comprendrait le message.

Lorsque l’aberration de la nature déclina son identité, Nessius chercha dans sa mémoire si ce nom lui rappelait quoi que ce soit de ce qu’on avait pu lui enseigner dans l’Histoire d’Atlantis. Seul le nom d’Okheanos lui revint en mémoire. Et pour cause. Ce n’était donc pas un serviteur d’Hadès qui leur faisait face. Mais quelqu’un qui honorait une divinité plus ancienne.

Nessius se souvenait des légendes que l’on avait pu lui enseigner sur la naissance d’Atlantis et sur l’avènement de Poséidon. L’ère du Poisson Blanc… Quelle était donc la part du mythe et de la réalité ? Ce qui était clair c'est qu'Okheanos avait été libéré pendant l'exil du Naga et que depuis, il oeuvrait sans doute pour retrouver son empire perdu au détriment de son gendre.

« Ainsi tu es un serviteur du Titan ? Laisse-moi deviner ton plan absolument imparable et inaccessible aux mortels que nous sommes… Détruire Atlantis pour permettre à ton maître de retrouver sa place de Seigneur des Mers et de reconstruire Mû? Il doit certainement s'ennuyer dans sa cachette depuis qu'il a renoncé à l'hospitalité de Notre Seigneur...»

« Une sage décision. »

Le fait que Nessius ait bien voulu l'écouté sembla rassurer le Primus Sénateur. Que l'heure soit critique et la situation des plus inquiétantes, il leur fallait pourtant garder la tête froide pour espérer trouver une issue. Les élans héroïques étaient louables, mais seuls ils ne conduisaient les braves qu'à une mort tragique.

Pour autant, même s'ils prenaient quelques instants pour récupérer leurs forces, les deux anciens adversaires ne pouvaient qu'être incertains en leurs chances de victoire. Les Sénateurs observèrent, aussi médusés que le Marina, la répugnante transformation de Kaede Fujin en cette créature infame. Il parla de la fin de leur cité et de leurs vies, retournant les Piliers qui les avaient tous protégés pendant des millénaires contre le symbole de la puissance-même de Poséidon. Mais même face à cette puissance, aucun des Marinas ou Sénateur présent n'était prêt à jeter l'éponge.

« Pas tant que je vivrai... »

Sur ces mots dé défiance d'Arhan, le combat s'engagea à une cinquantaine de mètres d'eux. L'Onde écrasante du corps décharné de ce Camazotz révéla sa nature divine, et fit de la zone entière un Enfer. Autour d'eux, des pluies de fantômes tombaient pour ronger le sol, et des lances d'os en jaillissaient pour venir empalés vivants comme mort. Séléna avait par une manœuvre audacieuse récupéré Cinéad, mais le pauvre soldat à qui elle avait confié le Patriarche Mérinita tomba à terre. Rodolphe et Arhan eurent tous juste le temps de les récupérer avant de les entrainer, avec Nessius, derrière les restes de la muraille de glace levée quelques minutes plus tôt pour séparer les deux armées.

Là, ils purent prêter secours aux quelques survivants qui passaient à portée, peu importe leur loyauté au début de ce combat. Par intermittence, ils pouvaient suivre le déroulement de ce combat cataclysmique. Les deux femmes qui affrontaient ce monstre semblaient pour l'heure tenir bon, mais pour combien de temps? Et le vaincre suffirait-il seulement à faire disparaitre la menace qui pesait actuellement sur Atlantis?
Arhan réalisa cependant que Rodolpho, plutôt que de regarder ce qu'il se passait devant eux, observait le ciel, et le vortex qui se formait autour du Pilier Central. Il interpella son ami.

« Rodolpho, que vois-tu? »

« Il... Il y a un phénomène étrange dans la voute océanique. Un écho... Ce qui arrive au Pilier Central... C'est un appel. Comme un phare dans la nuit! Ils cherchent à faire venir quelque chose... Ou quelqu'un! »

Le Séfirot leva les yeux. Il pouvait voir la voute océanique en proie au plus grand chaos, mais rien de plus pour l'instant. Mais la peur évidente sur les traits du Marsyne lui faisait redouter le pire. Observant autour de lui, le Primus avisa Nessius et s'approcha de lui.

« Nessius, nous te confions Cinéad. Essaye de le mettre à l'abri avant de venir en aide à Calypso et Cassandra. Ces hommes pourrons t'aider. Nous, nous allons nous rendre aux Piliers pour essayer de stopper ce rituel impie. »

Les yeux de jade d'Arhan se tournèrent vers le Marsyne, avec qui il échangea un signe de tête. Tous les Piliers montraient des signes de corruption, mais il semblait se passer quelques chose de particulier à l'Indien et à l'Antarctique. Leurs destinations étaient donc toutes trouvées.
Replaçant son masque sur son visage et resserrant sa poigne sur le manche de Varunastra, le Primus se prépara à partir. Il jeta un dernier regard vers le Naga. Il était évident qu'il trouvait toujours ce jeune Mérinita insupportable, mais il ne pouvait plus nier son potentiel. Alors il décida d'adresser ces mots, qui seraient peut-être les derniers qu'il s'échangeraient, en respectant le titre qu'il méritait désormais à ses yeux.

« Que Poséidon soit avec vous, Capitaine! »

Les deux Sénateurs éveillèrent leurs ondes et profitèrent d'une soudaine accalmie dans les assauts de Camazotz pour travers la place à toute vitesse, en direction des Piliers dont leurs familles avaient la charge.

Spoiler:

«Ah ?! Parce que, non compté que cette chose vienne piétiner les jardins de Notre Seigneur, elle se sent, en plus, autorisée à ramener des amies sans invitation ? Elle se croit au Sanctuaire d’Athéna ou quoi ? »

Nessius observa Rodopho et Arhan avec une certaine circonspection. Ce que venait d’affirmer le patriarche Marsyne pouvait signer l’arrêt de mort d’Atlantis. Le signe d’une invasion imminente. Car, en cas de renforts, il était clair qu’ils ne seraient pas suffisamment nombreux pour pouvoir repousser une éventuelle armée. La monstruosité avait fait bien trop de dégâts dans les rangs de la Garde pour pouvoir y prétendre.

Lorsque le patriarche des Sefirot exposa son plan, Nessius ne put que l’approuver. Il prit ce geste comme ce qu’il était sans doute : les prémices d’une marque de confiance. Après tout, Arhan n’était peut-être pas l’aspirant tyran qu’il avait cru percevoir. Il fallait se rendre à l’évidence : bien que leurs caractères respectifs soient relativement opposés et qu’ils ne partiraient sans doute pas en séjour à la Surface ensemble, ils étaient dans le même camp. Ils n’avaient juste pas eu la même approche du problème. Une chose que le Naga devrait méditer à l’avenir, lui si prompt aux jugements arrêtés.

Le fait que cet homme, tout dirigeant du Conseil qu’il soit, soit prêt à verser son sang pour la Cité en disait plus long sur lui que n’importe quel discours. Et cela, le jeune Céléno Merinita le respectait. Aussi quand ce dernier lui confia la charge de s’assurer de la sécurité de Cinead avant de partir au combat, Nessius acquiesça d’un signe de tête et se fendit d’une phrase sobre.

«Il sera fait selon vos ordres, Votre Excellence.»

A ces mots, il fit volte-face vers les quelques hommes encore debout. Des soldats. Certains appartenaient à la maison Merinita. D’autre à celle des Sefirot. Et ils attendaient ses ordres. Sans attendre, il leur donna les ordres qui lui semblaient les plus judicieux.

«Amenez le patriarche Merinita dans sa demeure. Et veillez tous à sa sécurité. Sollicitez un prêtre de Poséidon et un guérisseur pour qu’il reprenne conscience. Et ne prenez pas de risques inconsidérés. L’important et que vous, comme lui, restiez en vie…»

Il se tourna alors à nouveau vers Arhan et lui tendit la main en signe de respect. Il allait partir au combat. Peut-être y mourir. Mais il voulait rendre à César ce qui lui appartenait avant. Une simple bénédiction. Mais qui, en l’occurrence, prenait tout son sens.

«Que Notre Seigneur veille sur vous, Primus Senator.»

Et restez en vie… fut la fin de la phrase que l’homme au masque pu lire dans le regard du jeune capitaine avant que celui-ci ne parte à l’assaut avec une ardeur insoupçonnée.

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