[MP 6 - Début mai 553] Panser les plaies de Nauplie [ft. Childéric]

La route entre le Sanctuaire et Nauplie n'avait pas été longue. Etrangement, Ryme en avait presque oublié que sa première mission s'était déroulée au sein même du territoire grec. Maintenant que les ruines lui faisaient de nouveau face, il y avait pourtant un changement significatif. Naguère lugubre, l'atmosphère renvoyait à une certaine nostalgie. Pourtant, elle savait. Elle savait qu'il s'agissait là d'une journée comme toutes les autres pour un Homme, si bien sûr, on exceptait sa tenue un peu plus légère et la petite cargaison qui les accompagnait. Les pierres roulaient sous ses pieds, le Soleil printanier commençait à gagner en chaleur et ce qu'il restait des vestiges de guerre à l'entrée du village avait pris la mousse...

Et pourtant, la vie continuait. Elle reprenait le cours du temps à en juger ces villageois qui, au loin, faisaient taper le marteau pour mener à bien la reconstruction de leurs maisons. Si les âmes étaient ici nombreuses à déplorer les pertes et à pleurer les morts en leur for intérieur, l'Espoir et la Foi continuaient à guider leurs gestes. Ils avaient le mérite d'étirer les sourires sur leurs joues creuses. Une joie que Ryme ne partageait pas véritablement ; une pointe de rancœur l'animait encore encore et les lieux la ramenaient au souci Tharros. Son trajet s'était ainsi fait avec moins de bavardages, ou moins d'affinité, à en entendre les propos plus descriptifs qu'elle réservait à Childéric.

"Bon, nous sommes arrivés.", répondit-elle dans un chuchotement, non sans se tourner vers Childéric. "On a le choix. Le village n'est pas trop loin. Toutefois, en prenant un peu de hauteur, on retrouvera probablement les remparts et les lieux sacrées. Enfin, dans tout ça, il y a tout de même un peu plus de vie que dans mes souvenirs...Mais je ne saurais dire si la présence d'un grand ponte d'Athéna risque d'émousser leurs sens et leur faire pousser des muscles."

Prononcées sans aucune forme de retenue, elle s'empara de sa manche d'une main rapide et la tira le long de son bras, pour finalement s'exercer aux petites tâches que quelques adolescents -les seuls dans les alentours- peinaient à accomplir non loin d'eux. S'approchant du petit groupe, la Sainte saisit la corde et le gros tronçon de bois trop gros pour une jeune fille. Finalement, elle la déposa sur une petite table en bois à l'extérieur d'une cabine. Après quelques remerciements, le Chevalier du Lion regagna sa place aux côtés de son maître, non sans épousseter ses paumes poussiéreuses.

"Tu veux commencer par quoi ? Les explications et une visite guidée ? Ou arriver en bon samaritain avec les nouvelles ressources qu'on amène officiellement ?, fit-elle en désignant les cargaisons que quelques soldats avait ramené.

Et puis, peut-être allait-elle recroiser les marchands itinérants de cette fameuse dernière fois?

Voilà quasiment un an que le vieux lion n’était pas parti en mission. Oh, il y avait bien eu Camelot et quelques sorties diplomatiques, mais rien qui l’avait forcé à remettre les mains dans le cambouis. Ici, il avait accompagné Ryme sur les ruines de Nauplie… Cette ville grecque ravagée par une force étrange que la jeune n’avait pas pu clairement identifier, même si Childéric avait quelques idées sur l’identité de son adversaire. Mais il fallait bien contribuer à la reconstruction de cet endroit, victime collatérale d’une guerre à laquelle personne n’a signé pour participer. Malheureusement, ce ne sont pas les premiers et ils seront loin d’être les derniers. Les dormeurs faisaient partie du monde et après tout, ils étaient l’enjeu de cette guerre. Pas tellement différent de ce qui s’était passé en Italie lors de la reconquête Byzantine.

Alors, accompagné d’un petit contingent de sa garde prétorienne, Childéric et Ryme avaient pris la route de la ville, la cale du navire qui les avaient conduits jusqu’à cet endroit chargé à plein potentiel de quoi aider à reconstruire : bois, pierre, graines pour les moissons… Viendraient aussi un peu plus tard quelques bêtes pour que l’élevage puisse repartir aussi. Mais il y avait beaucoup de travail et le vieux lion se fiait au sens du vent, à savoir ici, pas le souffle des bourrasques, mais l’humeur de Ryme. Il sourit avec amusement à la jeune femme quand elle commença à prendre les choses en main. Childéric se doutait que revenir ici ne dût pas vraiment être facile pour elle et que la jeune lionne aurait à faire face à ses propres démons… Une fois qu’elle eut fini de mettre la main à la pâte, la cinquième gardienne revient vers son maître et lui posa une grande question.

« - Je pense qu’une petite visite guidée s’impose, le tour du propriétaire, les explications sur les ruines, ce genre de chose... »

Et un rire rugissement explosa du fond de sa gorge, avant qu’il ne reprenne bien plus sérieux :

« - Et puis, il faudra surtout que nous fassions attention si un indésirable ne s’est pas installé plus loin. Le capitaine Isychios s’occupera bien de décharger tout ça et d’aider les gens. »

Il ne fallut pas attendre bien longtemps, tout au plus quelques minutes, avant que le navire s’approche de la grève pour y être tiré. Le vieux lion sauta alors par-dessus bord, avec les hommes qui descendaient déjà pour aider à son tour et il poussa le navire en quelques instants, au grand soulagement des hommes. Qui ne durera pas quand le capitaine les informa qu’ils devaient maintenant s’occuper de monter le camp et surtout déchargé les choses. Childéric reparti alors retrouver Ryme.

« - Bien, je te suis donc. »

Un sourire et un battement de coeur plus tard, le vieux lion emboîte le pas de la jeune lionne dans cette visite de la ville. Ruine et désolation… Qu’avait-il bien pu se passer ici ? Childéric n’en était pas tout à fait certain, bien qu’il avait pu formuler quelques hypothèses. Il comptait aussi sur ce petit séjour pour voir s’il pouvait, ou non, les confirmer. Les chiens de guerre d’Arès ne sont pas que des sauvages, ce sont aussi des conquérants. Cet endroit ne représentait absolument rien pour eux. Alors, il était de plus en plus certain que les hommes de Zvezdan d’y étaient pour rien dans cette affaire, mais qui ? La question de Ryme le sorti un peu de sa réflexion.

« - Je dirais plutôt que je suis prudent. Je doute que ce qui a frappé ici revienne. S’il voulait récupérer quelque chose et bien ils l’ont eu. S’il voulait tester nos défenses, c’est chose faite et je ne pense pas que torturer inutilement ces gens servent à quelque chose. »

Il se gratta ensuite la barbe pour réfléchir un peu. Laissant le silence se faire une petite seconde ou deux après sa première réplique.

« - Oui, la ville a choisi un nouveau dynatoi et j’ai fait en sorte que les services impériaux n’oublient pas cette ville. Même s’ils le regretteront quand viendra le temps de l’impôt. »

Et le vieux lion de partir ensuite dans un puissant rire rugissement qui était sa signature. Il poursuivit son chemin, écoutant ce que la jeune femme avait à dire sur la ville et les mésaventures que cette dernière avait subit. Ryme comme Nauplie avaient beaucoup perdu dans ce combat. Les yeux de Childéric s’étaient fendus à la manière de ceux d’un fauve. Il voulait scruter les ombres et voir s’il ne décelait pas de trace persistante du passage de l’adversaire de Ryme. Rien, il ne voyait rien. Parce qu’il n’y avait rien à voir ? Sûrement. Mais tant qu’il n’avait pas de certitude, il resterait méfiant. La droite serait le chemin vers lequel il devrait aller mais il voulait laisser le temps à la cinquième gardienne de se préparer à affronter de nouveau cet endroit chargé de mauvais souvenirs. Il fut surpris d’entendre une voix appeler après la jeune lionne et il se retourna, étonné vers cette dernière.

Des gens qu’elle semblait avoir croisé, avec Tharos à en juger par les nouvelles qu’ils venaient de demander. Une bonne chose qu’il y eut des survivants. La cité n’aurait pas pu être reconstruite sinon. Ces lieux ont tendance rapidement à être laissé à l’abandon. Les gens n’oublient jamais le sang et la mort. Le vieux lion de faire un pas vers ces fameux marchands et de reprendre :

« - Et bien, ravis de vous rencontrer. Je suis heureux de voir que les affaires continuent de bien se porter, malgré le chaos qui a régné ici. J’espère, du moins, que vos affaires se portent bien ? Ça en a l’air en tout cas ! C’est bien ! Vous étiez là quand les choses se sont passées ?
- On fait comme on peut, avec ce qu'on a. Au moins, avec les vivres que nous avons ramenés, nous pourront tenir, mais l'aide impérial n'est pas de refus.»

Un silence ensuite. Il semble difficile, et c'est normal, pour les connaissances de Ryme de parler de tout ça. Ils devaient tous avoir beaucoup perdu. Et le vieux lion n'était pas forcément content de soulever tous ces mauvais souvenirs. Mais c'était un mal nécessaire. Alors il sourit, encourageant la personne venu les saluer à continuer.

«- Non, nous étions partis commercé…
- Je suis désolé. Mais, avez vous remarqué des détails étranges depuis ou après ?
- Pas vraiment. Je ne saurais pas dire. Je crois que… »

Et peut-être que ces derniers avaient besoin d’un peu d’encouragement, de confiance ou de réconfort pour se livrer. Ce fut donc au tour de Childéric de se tourner vers Ryme et de la laisse faire. Peut-être y avait-il là quelques indices intéressants à récolter…

"Le temps de l'impôt." Les yeux de Ryme roulèrent automatiquement pour adresser ses insultes mentales au ciel quand les mots tombèrent pour qualifier le futur sort de Nauplie. Forcément, un contrecoup devait absolument tomber sur ce petit village en détresse et sans prétention qu'elle aurait juré en perdition. Ce monde n'avait pas de cœur ; de quoi réveiller une humeur digne à pester.

"Vraiment, je ne comprends pas la politique.", affirma-t-elle en croisant les bras, visiblement courroucée. Bien sûr, tout était une question d'argent, mais ces souffrances n'étaient-elles pas déjà un fardeau suffisant? Son attention se focalisa de nouveau sur la piste de l'indésirable qu'avait émis Childéric. "On fera un tour au cas où alors, le dynatoi saura peut-être quelque chose. Cette ville est trop étrange depuis son attaque et si je n'ai pas la réponse...Je pense que je vais mentalement mourir."

Sa réponse à peine dramatique aurait pu soulever quelques rires si la jeune femme ne présentait pas autant de caractère. Ou plutôt, si elle n'avait pas pris directement la parole avec le petit groupe de marchands, seuls rescapés indirects du grand massacre. Bien évidemment, les conversations simples avaient pris le dessus ; après tout, ces marchands-ci semblaient particulièrement attachés à connaître leur entourage avant d'entrer dans les détails et les négociations. Alors les langues s'étaient aussitôt délier pour papoter; Par curiosité, Ryme observa son maître converser avec les citadins. Si les réponses n'étaient pas claires, l'un d'entre eux semblait néanmoins avoir assister à quelque chose. De quoi les aider.

"Allez-y. Toute information est bonne à prendre. Nous aurons de quoi agir et sécuriser le village au mieux si nous sommes au courant de tout."

A ces mots, l'homme avala une bonne fois sa salive, avant de se remémorer ce qu'il avait pu voir depuis son départ.

"Il y a quelques mois, en partant après vos conseils, on a vu une silhouette. C'était très bref, mais j'aurais juré que...C'était quelque chose de familier ? Ca avait une armure, en tout cas." Il croisa le regard de Childéric, puis se perdit sur la surface blanche et impassible du masque de Ryme. "Peut-être l'avez-vous aussi remarqué ?"

Pour seule réponse, un froncement de sourcil, léger et imperceptible néanmoins. La Sainte entendait partiellement ce dont il avait parlé. Peut-être devrait-elle réexpliquer les hostilités de son combat une fois seule avec Childéric ? Hélas, le rapport avait également soutenu la présence de Berserkers, ce dont elle aurait été bien incapable de justifier. L'homme reprit néanmoins ses explications.

"Maintenant...C'est plus compliqué. Certains parlent d'une silhouette inquiétante dans les alentours, comme quoi il passerait de temps en temps autour du village.
- Ou peut-être que c'est une farce ! Un vieux voleur qui attend le premier malvenu sur une route
- Ce serait de mauvais goût...Et puis, on est plusieurs à l'avoir vu."

Un silence s'imposa. Un silence appelant à un instant de réflexions. Quand vint enfin les premières conclusions, Ryme hocha la tête. Il était vrai qu'un village à l'économie vacillante pouvait être la cible de quelques personnes peu fréquentables. Se tournant vers Childéric, Ryme l'interrogea du regard. Avait-il des choses à rajouter? Des détails à demander? Quelque fut sa réponse, la Lionne salua de la main le petit groupe et fit un pas vers les hauteurs.

"Très bien, merci pour toutes ces informations, nous en prendrons compte.
- Oh mais de rien, passez une bonne journée et n'hésitez pas à revenir nous voir !"

La conversation prit fin. Alors que son oreille se perdait à s'habituer de nouveau à la cadence de leur pas, ses lèvres finirent pourtant par introduire une potentielle source de problèmes quand, enfin, ils prirent de la distance du centre du village.

"Ils ont peut-être raison. Je devrais probablement te faire un récapitulatif des lieux en question. Si jamais il y a un véritable danger qui rôde autour du village, alors il ne peut être que lié à la tour." Ryme foula le sol avec plus de force. L'allée était en pente et il eut été bien facile de perdre son souffle. Elle finit néanmoins par s'adresser directement à Childéric. "On n'est plus très loin de l'endroit où Tharros et moi nous sommes battus. Ca vaut sûrement mieux d'observer s'il reste des indices, plutôt que de rencontrer immédiatement un inconnu qui ne se montrera pas en journée. "

De toute évidence, ce n'était plus qu'à quelques minutes de marche ; ils ne perdraient rien à vérifier l'endroit qui fut le plus dangereux de Nauplie il y avait de cela quelques mois.

Le vieux lion adressa alors à Ryme un soupire en guise de réponse. Ainsi va le fonctionnement d’un empire. Surtout quand il est aussi grand et étendu que celui de Byzance. C’était un ogre à la faim dévorante et insatiable, qui toujours avait besoin engloutir plus de ressources pour assurer son bon fonctionnement. Alors, il allait assouvir ses besoins dans la poche de ses habitants. L’Empire avait besoin de son peuple et son peuple, comme ici, avait besoin de l’Empire. Mais il est toujours plus difficile d’accepter la main tendue plutôt que de contribuer à son fonctionnement. Tristement, les taxes étaient une nécessité et le seraient sûrement pour l’éternité.

« - Ce n’est pas que de la politique, enfin pas seulement. »

Mais il ne se risqua pas à expliquer les nécessités du fonctionnement et de l’administration à Ryme, surtout pas maintenant.

« - Peut-être qu’il pourra nous aider sur les allée et venues des gens oui. Savoir si des étrangers se sont greffés au groupe des survivants. »

Il ne pouvait pas juger de l’étrangeté de la ville avant, ne l’ayant vraiment jamais vu. Mais de ce qu’il pouvait en voir maintenant, c’était simplement un groupe de gens simple qui voulait se reconstruire. Au moins, ils n’avaient pas abandonné le site de la cité, ce qui est souvent le cas après ce genre d’événement. Et vient donc la conversation avec les marchands et tout ce qu’ils avaient à apprendre aux deux représentants d’Athéna. Le vieux lion les avait invités à prendre la parole et à se plonger dans leurs souvenirs, ce que Ryme avait appuyé. Le lien de confiance qui semblait unir sa disciple à ces marchands devrait faire des merveilles ici. Leur réponse arracha un froncement de sourcil mécontent au vieux lion. S’il subsistait encore quelque chose alentour, ils devaient le débusquer. Puis le groupe se sépara et le lion salua à son tour chaleureusement les marchands.

Il écouta ce que Ryme avait à dire et acquiesça à sa proposition. S’il restait quelque chose ici, il serait en effet peu probable qu’il se montre en journée. Mais le menace pouvait tout aussi bien être de simples rapaces, venu fondre sur les restes faciles et tentants que représentait ces pauvres gens. La moralr des Hommes, souvent, étaient à géométrie variable.

« - Et bien allons y et voyons ce que nous pouvons encore trouver... »

Childéric suivit alors Ryme, qui marchait d’un pas vif et décidé et, à cette foulée, il ne leur faudrait pas longtemps pour arriver près de la tour. Les yeux du Pope changèrent alors, pour se fendre et devenir ceux d’un fauve. Ainsi plongé dans son lien avec le cosmos profond du Rêve, il pourrait sûrement repérer quelques indices qui auraient échappé à tout. Il commença donc à chercher, et rapidement une étrange sensation s’empara de lui. C’est comme s’il plongeait ses yeux droits vers le soleil pendant trop longtemps. Ouvrant et fermant les yeux rapidement. Il sentait le mal de tête poindre et rapidement du renoncer à chercher de cette façon.

« - Je crois avoir trouvé quelque chose d’étrange. »

Dit-il pour attirer l’attention de la cinquième gardienne.

« - Je crois que la chose que tu as affronté, d’une façon ou d’une autre est puissamment lié aux Rêves. Tu peux me redire tout ce que tu as réussi à comprendre ou voir sur cette dernière ? »

Un seul regard suffit à sonder la silhouette lumineuse de Childéric. Si la technique ne lui était autrefois pas étrangère, elle eut néanmoins le mérite de soulever quelques questions dans l'esprit de Ryme maintenant qu'elle était devenue Chevalier d'Or. C'était dans ce genre de moment qu'elle constatait que leur bête était bel et bien différente : lorsque la sienne l'accompagnait comme un animal de compagnie, celle de Childéric ne faisait qu'un avec lui. Ce phénomène la faisait réfléchir sur l'utilisation de leur énergie, mais la Lionne n'en dit mot. Ses lèvres demeurèrent closes. Un hochement de tête indiqua l'endroit précis où elle avait rencontré son adversaire. Etonnamment, son regard avait su déceler des pistes au beau milieu d'un monde immatériel. Tournant des talons pour lui faire face, la jeune femme pencha la tête, un instant silencieuse.

"Tu as trouvé quelque chose, vraiment ?", questionna-t-elle, avec curiosité.

Bien que l'odorat de sa lionne était des plus aiguisés, son flair ne semblait rien donner de son côté. Il lui fallait désormais se fier à ses souvenirs plus qu'à ses sens présents.

"Eh bien..."

Eh bien quoi ? Le Chevalier d'Or se concentra afin de revisualiser la scène. L'exercice se montrait plus difficile que prévu : chasse les fantômes n'était pas dans ses habitudes. Tharros. Sa Lionne. Sa hargne...

Les yeux fermés, il était peut-être temps de s'imprégner des plus petits détails.

"Tharros a disparu dans la brûme. Je n'ai pas pu la retrouver, même avec ma lionne." Ses yeux tentèrent de scruter et de déceler d'autres indices, bien que le milieu avait subi des changements drastiques maintenant que le Soleil pouvait désormais en illuminer ses pourtours. "Les lieux étaient un peu différents. On a vu une tour, assez impressionnante. On est aussi apparus Tharros et moi, mais avec quelques centimètres en moins. Ils disaient que Tharros et moi étions frères et soeurs mais...Ca ne peut pas être le cas, si?"

Elle l'aurait su. C'était stupide de sa part d'y avoir douter pendant un instant.

"Silas et toi, ou plutôt des illusions de vous sont apparus. Je me suis vue enfant, et les souvenirs disaient que vous aviez tué ma mère. Tu t'en prenais aussi à Astra..."

Cette fois-ci, Ryme croisa des bras, visiblement agacée par ce qu'elle avait vu malgré que sa voix illustrait un certain détachement quant à ces visions.

"Ton apparition m'insultait en tant "qu'Oracle". Ca n'avait absolument aucun sens alors j'ai tenté de frapper plus fort pour que le machin derrière tout ça arrête son délire. Je voulais briser l'illusion." Pour de bon, sa colère fut raviver comme une flamme qu'on tente vainement de canaliser. "J'ai senti le cosmos de Tharros chuter et son armure a filé très vite pendant que j'ai affronté ton adversaire. Il avait une brutalité bien différente, j'ai cru reconnaître la Bête mais elle n'avait pas la même odeur, ni même la même présence. Quand j'ai utilisé mon Lightning Plasma, j'ai cru voir sa vraie armure, mais je n'en suis pas certaine...Je crois qu'elle était d'un noir profond. Mais entre nous, je n'en suis pas certaine."

Son regard chuta au sol. Pourquoi l'avoir épargné ? Leur ennemi s'était-il joué d'elle ? A son goût, les questions sans réponse se cumulaient en trop grand nombre pour ne pas ressentir le poids d'une déception qui, plus que jamais, la mettait dans une situation inconfortable.

Si la situation n’était pas si sérieuse, le vieux lion aurait eu pour sa disciple quelques remarques bien senties. Il avait beau avoir contribué à faire d’elle un chevalier d’or de talent, probablement la meilleure de l’ordre, il avait encore quelques tours dans sa manche, le vieil animal. Un lion n’abandonne pas sa place si facilement. Mais ce n’était ni l’endroit ni le lieu pour étaler sa fierté et son ego. Il se contenta donc d’un hochement de tête. Après tout, lire les troubles dans la trame du cosmos premier était déjà un exercice difficile. Et si l’être qui en était à l’origine avait été un chevalier ordinaire, il n’aurait sûrement rien pu repérer. Mais les réminiscences de cosmos étaient encore assez puissantes, malgré le temps écoulé.

« - En effet. Il y a des traces de la chose dans la trame du Rêve. C’était quelque chose qui lui est intimement lié... »

Childéric se tut ensuite et écouta alors le récit de Ryme. Essayant de concert de remettre en ordre le fil des événements avec les signes étranges qui émanaient de cet endroit. Ce qu’il demandait à la lionne n’était pas facile, le vieux lion en avait bien conscience. Mais il devait tirer ça au clair. Pour elle, pour Tharos et pour le Sanctuaire. Cette histoire de tour ne faisait aucun sens, à vrai dire, pas grand-chose de chose de cette histoire ne faisait sens. Mais quand on maîtrise le rêve et ses illusions, il est parfois possible justement, de déformer la réalité. Ce n’est pas un pouvoir à la porter des Hommes. Childéric ne put néanmoins s’empêcher de sourire.

« - Non, c’est impossible que toi et Tharos soyez frère et sœur. Personne n’aurait l’idée folle de faire une légion de demi-frères et demi-sœurs et d’en faire une armée de chevalier. »

Mais là n’était pas la question et Childéric se raccrocha alors au fil du récit de Ryme. Le reste n’était pas plus logique que l’histoire de tour. Néanmoins, il était clair que le responsable savait se jouer du réel avec une facilité déconcertante. Capable de tromper même un chevalier d’or au talent certain. Ce qui, au final, éliminait bien des noms de la liste des responsables. Le vieux lion de grogner quand elle mentionna les souvenirs modifiés qu’elle avait vu, surtout ceux où lui et Silas s’en prenait à ses deux protéger. Si Ryme avait été sa disciple de part des prédispositions au cosmos, Childéric n’avait pas laissé tomber l’ami de cette dernière et il occupait maintenant une place de choix chez les Prétoriens et des responsabilités chez lui, en Italie, où il pourrait faire la différence. Il resta attentif néanmoins et émit d’un grognement de mécontentement.

La suite imprima sur le visage du Pope une expression maussade. Mais brusquement, une sorte d’illumination secoua son visage. Comme s’il venait de comprendre quelque chose. Et c’était plutôt ce qui venait de se passer. La mention de l’armure sombre que Ryme pensait avoir aperçue provoqua chez lui une épiphanie.

« - Je sais ce que tu as affronté ! Tu as combattu un des Oneiroi ! Un des fils d’Hypnos ! »

Il se tut un instant !

« - Tu as combattu contre un dieu... »

Des traces? Ryme haussa un sourcil curieux. Cette tour d'ivoire, ces apparitions, tout cela n'était donc qu'une illusion bien tissée? Une moquerie? Quelque part, Ryme avait deviné cette intention lorsqu'elle avait face à son adversaire. Seulement, elle avait tout de même douté de son ampleur dès le départ, et en était resté confuse. Pouvait-elle seulement se dédouaner de la bêtise d'une telle confusion? Hébétée, sa main massa sa nuque, comme pour se débarasser d'une vilaine crampe qui la freinait dans ses intentions.

"Faudrait que tu m'expliques comment marche le Rêve, un jour...Ca me rend curieuse."

Le Rêve. Ces derniers temps, Ryme avait rencontré beaucoup de Chevaliers ayant éveillé leur intérêt pour une pratique similaire à celle de Childéric. Néanmoins, le Chevalier chassa bien vite cette idée de sa tête: elle préférait dompter sa lionne plutôt que de l'utiliser en guise d'oeil. Simple question d'affinité pour le combat dans toute sa plus belle brutalité. Ce fut finalement l'expression ferme, dure et pessimiste de son maître qui brisa ses rêveries, et elle avait de quoi se manifester sous ses yeux. Son adversaire n'était pas un simple soldat. C'était un dieu.

"Un dieu? Mais ça n'a pas de sens..." Sa voix porta plus hautement son incompréhension, comme pour contester la véracité d'un tel propos. "Hypnos et les Enfers ne sont pas censés se réincarner pour ce siècle, non? Alors pourquoi l'un de ces enfants irait nous combattre de front, maintenant? Proche du Sanctuaire, qui plus est...."

Hébétée, la situation tomba lourdement sur les épaules de l'apprentie qui, dans son ignorance, semblait perdre de sa superbe, comme si elle doutait de ses analyses. La vague d'émotions qui la submergeait ne semblait pas la rendre à même de réfléchir à tête froide.

"Je n'arrive pas à saisir les tenants et aboutissants d'une telle action. Pfff, parfois j'aimerai être aussi lucide que Diane, ou Kilian. C'est qui, du coup? Phantasos, Oneiros? Morphée?"

Son regard se porta vers le village. Si c'était le cas...Pourquoi avoir mis à feu et à sang un simple village? A moins que les dieux n'aient voulu attirer leur attention?

Le vieux lion hocha la tête en guise de réponse à la jeune femme. Par le Rêve, il avait trouvé le moyen de calmer sa bête et marcher sur une route glissante. Mais ce monde avait beaucoup de secrets, même pour lui qui était un praticien expérimenté. Bien qu’il soit plus auto-didacte que véritablement docte sur le sujet. Ce qu’il savait, souvent, il l’avait appris à la dure et par ses propres erreurs. Il devait beaucoup aussi à son pouvoir considérable et probablement à sa proximité de la déesse. C’est à elle qu’il attribuait sa croissance exponentielle récente. Peut-être qu’à la manière d’un vieux sage elle avait libéré son potentiel ?

« - Je serais un bien mauvais maître de ne pas parfaire ta formation mais ce n’est pas faute de t’avoir proposé ce genre de formation. »

Et le vieux lion rit un peu. La petite lionne avait trouvé son propre chemin pour calmer la bête et elle n’était pas victime de la sauvagerie de cette dernière. Les crocs du lion avaient changé, il en était persuadé. La lignée avait été purifiée et quand Ryme, à son tour, formerait une apprentie, elle ne reproduirait pas les erreurs du passé. Ses crocs n’en étaient pas moins acéré. Sa férocité au combat n’avait rien à envier à celle du vieux lion. La preuve, elle avait même affronté et mis à un mal une divinité. Il n’est pas facile de supplanter ce genre de monstre. Il hocha la tête pour affirmer ce que sa disciple voulait refuser.

« - Les dieux jumeaux pourtant, son déjà incarné et bien actif. Ils ont rejoint Arès lors de son incarnation à Kiev, ils sont derrière les événements de Jamir et la destruction de la tour. Et bien d’autres mouvent joués dans l’ombre. Le Sombre Monarque n’est pas sensé être de retour pour notre génération et pourtant ses sbires préparent sont arrivés. Il a même une prêtresse, que tu connais, Mebd. »

Mais la petite lionne soulevait là la véritable question. Pourquoi ? Quelle était l’intérêt des fils du rêve de venir ici ? L’intérêt de ce massacre ? Tester la réponse d’Athéna et la force de ses chevaliers ? Provoquer l’empire et semer le trouble? Pourquoi surtout essayé à la base de mettre ça sur le dos des chiens de guerre, faction avec qui le Sanctuaire était déjà en guerre. Aux dernières nouvelles, spectres et berserkers marchaient main dans la main.

« - Mais pourquoi, c’est la question à dix mille Solidus. J’avoue ne pas avoir la réponse. De même que ne pas savoir lequel tu as affronté. Mais si devais faire une supposition, je dirais qu’il s’agit de Phantasos de l’irréalité ou Ikelos des visions. »

Le vieux lion rejoignit sa disciple et posa sa main sur son épaule.

« - Il est difficile de faire face aux dieux. Pourtant, tu t’en es tiré et de ce que tu m’as raconté, tu lui as tenu la dragée haute non ? Tu n’as pas à rougir. Maintenant, il nous reste un peu de temps avant de repartir. Comment penses-tu que nous pouvons continuer d’aider ces gens, tant que nous sommes là ? »

Et le petit lion, lui, face à un dieu, n'avait pas grand chance de s'en sortir, malheureusement. Peut-être que c'était ça, le but des enfants d'Hypnos ? Prendre des prisonniers ? Mais son armure n'avait pas été capturé. Une semi victoire ?

La rage. Aux babines, et aux poings. La rage, c'était ce que Ryme ressentait au plus profond de son coeur. La vérité avait réveillé une seule envie : refrapper le dieu qui l'avait vaincu. Il le méritait après tout ! Les sourcils froncés, mécontente jusque derrière son masque d'albâtre -elle était trop expressive, après tout-, sa défaite lui revenait en mémoire et la rendait d'autant plus hargneuse. Elle savait que le soutien que lui procurait Childéric se voulait encourager, mais sa main chatouillait et bousculait son ego.

Ce qu'elle aurait pu faire.
Ce qu'elle aurait dû faire...

"Oui bah pas assez pour éviter de me faire botter le cul visiblement!"

Pourtant, la Sainte n'enleva pas cette main de son épaule. A croire qu'elle recherchait presque un point d'appui, à en juger les bras qui enlaçaient désormais ce pauvre homme qui devait s'accommoder avec les montagnes émotionnelles de son ancien élève.

"J'aurais dû faire mieux...Si j'ai déjà eu du mal à m'en débarrasser, Tharros n'avait aucune chance. Et tout ceci me fait peur. Je ne veux pas vous perdre."

La guerre avait déjà fait suffisamment de ravage par le passé. Et Ryme ne comptait certainement pas être en partie responsable de la mort de l'un des siens. Aussi resta-t-elle prise dans son envie d'étreinte un petit moment afin de se rassurer. De montrer qu'elle pardonnait malgré tout à son affreux maître et à ses tout aussi affreux petits mensonges...

Lorsque vint le moment de s'en détacher, la jeune femme remit la main à son masque et tourna des talons, prête à retrouver le village et ses alentours.

"Retournons-y, oui. Avec un peu de chance, on mettra la main sur un petit rat trop curieux."

Un soupir las mais confiant se faufila sous son masque. Il était temps de songer à autre chose...

La frustration de Ryme était visible, de même que la colère qu’elle contenait. Il pouvait sentir, sous sa main toujours sur sa nuque, qu’il ne regardait pas, palpiter. Il est difficile de faire face à la frustration, surtout, à son impuissance. Le pouvoir de Ryme avait-il des limites ? Une question qu’il s’était longtemps posée durant la formation de sa fille d’adoption. Il n’avait jamais rencontré un éveillé à la puissance native si importante. Depuis qu’il avait dépassé certaines limites dans son propre pouvoir, il ressentait également ce sentiment envers lui-même. Quand son propre pouvoir allait-il s’arrêter de croître ? Ryme avait rencontré ce mur. Cette limite qu’elle n’avait pas su franchir. Ses propres défaites le ramenaient à ce moment. La mort qu’il avait frôlée à Kiev et l’énorme cicatrice du poison qui lui restait n’était que la première d’une longue série.

Ce qui tira Childéric de ses pensées, ce fut Ryme qui venait, non pas de le repousser mais bien de le prendre dans ses bras. Sans rien rajouter il passa ses larges bras autour de sa fille et lui rendit l’étreinte dont elle semblait avoir besoin. Soulagé de voir la tempête passée. Habitué qu’il était aux humeurs de Ryme, qui contribuait aux charmes de sa disciple, il profita simplement de ce moment de complicité presque paternel. Elle pourrait le sentir soupirer alors quand elle reprit la parole. Les âmes s’éteignent vite dans le monde des éveillés. Que pouvait-il vraiment répondre à ça ?

« - Tu ne pouvais pas savoir… Je peux te promettre deux choses. D’abord, de ne pas me faire avoir et de deux, de t’aider à faire de tes crocs des armes encore plus acérés, pour que tout ça n’arrive plus. »

Puis, il laissa le temps à la jeune fille dont elle avait besoin. Et à vrai dire, lui aussi avait besoin de ça. Il pouvait sentir une partie de la pression sur ses épaules sont allé et ces dernières de presque se relâcher un peu. Il laissa Ryme partir quand elle en émit le souhait et il se mit en route, la laissant passer devant.

« - À nous deux nous pourrons sûrement abattre un dieu sans trop de problèmes oui. Mais j’ai peur qu’il n’en reste plus ici. Je ne sens rien de spécial. Mais si tu veux que nous regardions d’autres endroits, je te suis. Et j’ouvre le bon œil ! »

Quoi qu’il soit venu ici chercher ici, le fils du sommeil l’avait trouvé. Mais la lionne aurait sûrement se revanche un jour. Pour le moment, les deux fauves pourraient sans mal apporter leur aide à la reconstruction du village avant de devoir repartir. Du moins, Ryme si elle le désirait pourrait rester un peu plus longtemps ici, mais Childéric devait rapidement superviser un exercice militaire. Le poids de la bataille à venir était lourd et l’Empire devait être prêt à faire face à différentes situations. Le silence d’Atlantis, une bénédiction loin de ses problèmes personnels en soit, n’augurait rien de bon et il voulait éviter de se retrouver déchiré sur deux flans.

Mais plus pratiquement, il pourrait aider à porter des rondins et des roches, se salir les mains un peu. Le genre de travail que Childéric appréciait mais qu’il n’avait plus trop l’occasion de pratiquer, surtout depuis qu’il avait confié son jardin à Ryme. Reste maintenant à savoir où la jeune femme voulait amener le duo !

"Pour que tout ça n'arrive plus". Le pensait-il vraiment, ou étaient-ce des mots laissés au hasard? "Tout ça" ne connaitrait jamais de fin. Il était laissé à l'entendement des dieux, à l'infini, et aux êtres qui avaient le malheur de vivre plusieurs siècles avant de s'éteindre. Mais eux, qu'étaient-ils au juste? Probablement un tas de poussières, empaquetées les unes contre les autres pour transformer temporairement le liquide en solide dans un monde toujours plus beau et toujours plus laid, à l'exception même qu'il ne sera jamais stable et par conséquent, voué à la cruauté.

"Ca dépend de quel dieu, non?"

Ryme ne savait qu'en penser. Ses mots étaient perdus ailleurs; dans le fond de sa gorge comme dans ses pensées. Ou plutôt, dans son passé. Sa famille, elle l'avait perdu une fois. Et dans les bras de Childéric, Ryme espérait de tout cœur ne jamais retomber dans ce schéma.

Un silence ; un repos bien mérité.

Car après tout, s'il n'avait pas toute la journée devant eux, cela ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait prendre un peu de temps pour elle. Pour faire de l'ordre dans ses idées.

Pour profiter de la chaleur d'une étreinte, aussi.

"S'il n'est plus là, j'imagine que le village est certainement plus en sûreté, maintenant."

A la lumière de leurs découvertes, il fallait bien rendre l'aigre plus doux. Doucement, ses bras desserrèrent leur prise et tourna des talons. Ce fardeau en moins, Nauplie semblait dorénavant se présenter sous un jour nouveau et sous de meilleures auspices. Une simple ronde à l'orée de la forêt et aux abords du village suffiraient pour dénicher les dernières petites menaces qui l'habitaient encore. Plus optimiste qu'à son arrivée, un élan de courage l'incita à prendre des initiatives.

"Retournons au village, j'ai les crocs et...Faut qu'on aille explorer la petite forêt rapidement, avant de rentrer au Sanctuaire."

A ses côtés, Childéric ne démordait pas de patience mais un seul regard de sa part parvint à identifier aisément les préoccupations qui bousculaient le Grand Pope. La Guerre frappe partout, c'était là un adage bien connu...

Il était temps de reprendre la marche. Tout droit, pour passer un peu de temps au village, profiter d'un gibier avant d'intimider quelques hommes malhonnêtes au croisement d'un chemin.

Avant de repartir pour le Sanctuaire.

Les crocs peuvent ils vraiment surpasser les divinités ? Possible… Une pensée proche de l’hérésie mais pourtant, les mortels sont capables de mordre ceux qui les oppriment. Alors pourquoi par retourner ses dents capables de tout déchirer contre les dieux eux même ? Oh, il y avait encore beaucoup de chemin, l’un comme l’autre pour y arriver. Mais au final, Childéric savait que les armes des lions ont la force nécessaire pour accomplir ce miracle ambigu.

« - Je dirais plutôt que ça dépend de combien de temps nous disposons pour aiguiser nos crocs avant d’en avoir besoin. »

Se contenta-t-il de répondre alors, certain de leurs capacités. Certes, il serait difficile, voire même impossible d’accéder au niveau des Olympiens mais il était possible d’atteindre une puissance proche, voir supérieur à une partie du Panthéon divin. Les fils d’Hypnos dont il était question en sont un bon exemple. Il ne faudrait pas grand-chose à la jeune lionne pour les surpasser et le Pope lui-même était certain de pouvoir jouer sur leur propre terrain. Il faudrait simplement se méfier de leur particularité. N’est pas pire adversaire que de s’affronter soit même… Il adressa ensuite un signe de tête à la jeune fille. Les Spectres ont obtenu ce qu’ils voulaient ici, reste à savoir ce qu’ils étaient venus chercher…

« - Oui. Ils ont juste besoin de temps et du coup de main que nous avons à leur offrir pour s’en sortir. »

Voilà le peu de miel qu’il pouvait ajouter à la potion amère que devait avaler Ryme. Il se contenta ensuite de suivre la jeune femme vers la forêt. D’abord vers le village où ils s’arrêtèrent un peu pour superviser les installations, quelques ordres devaient être donnés de la part des officiers et le vieux lion voulait s’assurer que tout se passait bien. Le temps parfait pour Ryme pour trouver la nourriture dont elle avait besoin et d’échanger un peu plus avec les gens qu’elle avait déjà pu croiser ici. L’occasion de les rassurer sur leur avenir aussi. Après ces quelques dizaines de minutes, le duo de fauve se mit en route vers la forêt. Les yeux fendus de Childéric cherchèrent des traces ou des dignes entre les frondaisons, mais rien.

La seule chose qui sortait de l’ordinaire c’était que cette forêt semblait plus vite qu’elle n’aurait dû l’être en temps normal. Plus silencieuse aussi. Le Pope n’entendait pas le chant des oiseaux ou le bruissement des plantes causés par les autres animaux résidents des lieux. Visiblement, tous les habitants des environs ont subit la violence du massacre des Spectres ou simplement les animaux ont choisi de fuir sentant le danger venir… Mais les deux guerriers de la sagesse ne trouveraient rien de plus dans la forêt. Nauplie était véritablement tranquille et libéré.