[15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mar 26 Avr - 23:05
Jamir,
Une ombre se découpait au pied de la tour de Jamir. Doucement, celle-ci referma la porte en silence. Aujourd'hui, l'apprentie d'Hélène n'avait pas la tête a travailler. Aujourd'hui, le future créatrice d'armures que j'étais, n'affichait pas ce sourire tendre et habituel qui flottait d'ordinaire à mes lèvres. Non aujourd'hui serait pour moi une journée de souvenirs et de recueillement. Nous étions la mi-juin, et il y avait de cela six années en arrière, ma vie avait basculée. Cette date, était à jamais gravée dans mon esprit au fer rouge. Le Dieu Soleil baignait de ses rayons les montagnes Jamiriennes depuis quelques heures déjà. J'observais quelques instants ce paysage onirique avant d'en disparaître.
Quelque part, en Grèce
Elles étaient bien loin mes montagnes. A plusieurs milliers de kilomètres de là. Et moi, je me retrouvais aux abords d'un village en ruine, que la végétation commençait petit à petit à recouvrir. Je me tournais un instant en direction des bois qui jouxtaient celui-ci, tandis qu'un flot de souvenirs me revenaient en mémoire. Je levais une main en direction de mon chef et rabaissais celui-ci, avant de me défaire de la cape qui me protégeait des vents capricieux de Jamir, quelques secondes auparavant. J'avais revêtu une tunique blanche par dessus laquelle je portais un subarmalis de cuir brun. Un de mes avants bras, était paré de protection fait de même matière, tandis que le poignet de l'autre était orné d'un simple lien de cuir enroulé à plusieurs reprises tout autour. Sur mon flanc, battait au rythme de mes pas, une sacoche en bandoulière.
Lentement, révérencieusement, je m’avançais à travers ce décor presque irréel, baigné par les premiers traits de l'astre diurne. Ceux-ci rendaient ma chevelure encore plus éclatante que d'ordinaire. J'étais de retour chez moi. Mon regard errait sur ces maisons qui avaient formé mon village. Là où j'avais grandi. Là où j'avais appris mon savoir guerrier. Celui qui m'avait tant servi. Il me semblait encore entendre les éclats de rire des enfants. Celui du bruit fracassant des armes s'entrechoquant sur l'aire d'entrainement. Ici s'était tenue la forge, là bas, les écuries.
Un sourire à la commissure des lèvres, mes pas me menaient doucement mais sûrement, vers ce qui restait de la maison qui m'avait vu grandir. La porte d'entrée ne s'était jamais refermée. Lentement, je me glissais dans la seule et unique pièce. Mon regard vermeil se portait tout autour de moi avec curiosité pour constater que rien avait changé. Tout était encore à sa place, tel que nous l'avions laissé. Mon lit était défait, la table, elle n'avait pas été débarrassé. A chaque regard que je posais, les fantômes du passé me revenaient.
Je me glissais à nouveau dehors, alors que les images de l'attaque dont nous avions été victimes me revenaient en mémoire. Je me revoyais perchée sur ce toit, arc en main, ou encore combattant un homme, lui enfonçant mon épée dans le ventre. Il me semblait encore entendre les pleurs des enfants, les cris guerriers de mes sœurs, ou encore les râles expiés dans un dernier souffle alors que la Mort abattait sa faux. Et tout ce sang. Tant de sang. Qu'était-il advenu de celles qui avaient survécu? La réponse je la connaissais. Elles avaient fini comme moi: esclave, putain, ou encore gladiatrice. Serrant les poings, je me disais que je me devais de faire quelque chose, pour que celle que j'avais considéré comme une mère, et pour toutes les autres, ne sombrent pas dans l'oubli.
D'un pas décidé, je pris le chemin des forges. Une fois sur les lieux, je me mis en devoir de les fouiller, espérant y trouver ce que je cherchais. Une porte me résistait, je l’enfonçais donc après avoir usé de mon cosmos. Une fois dans la réserve, et mon regard pourpre se porta sur ce bloc de bronze imposant. J'eus un sourire heureux, et la seconde d'après, ma trouvaille lévitait derrière moi comme s'il ne pesait guère plus qu'un vulgaire fétu de paille, alors que mes pas me conduisaient au centre du village.
Là, mon esprit fit poser ce qui serait mon hommage à mes sœurs, tandis que je fouillais ma besace pour en extraire mes outils de sculpteur. Prenant marteau et burin en main, je commençais mon oeuvre sous la caresse des rayons du Roi Soleil, tout en laissant mon cosmos me parer d'or. Concentrée sur ma tache, isolée dans mon monde de création, je me perdis dans celui-ci et ne ressentis pas la présence environnante.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mer 27 Avr - 2:16
L'Éveil. Quelques jours à peine. Retrouver ce monde à l'appel d'Apollon était une joie, un honneur. Malgré ce corps, son fardeau. Une longue route l'attendait, mais ainsi, il était incapable de presser le pas. Lent, beaucoup trop lent à son goût. Lykeios aurait aimé y être. Maintenant. Tout de suite. Et devait cependant se laisser guider par le vent, sur la voie le ramenant en son foyer.
Du temps. Tout ce qu'il restait donc entre son père et lui. Du temps qu'il se devait de mettre à profit. Ce monde, il ne le connaît plus. Ne l'a jamais vraiment connu pour commencer. Assez cependant pour se rendre compte que tout a changé. Assez pour se sentir empli d'une puissante mélancolie. De comprendre qu'une toute nouvelle vie l'attendait. De comprendre que plus rien ne serait jamais comme autrefois.
Le Loup de Delphes se mêlait donc aux hommes. Passait inaperçu parmi la foule. Une multitude d'odeurs frappaient son odorat. Désagréables pour la plupart. Il préférait de loin celles de « son » tertre. À son sens, la fragrance de la nature n'était jamais déplaisante. Celle de l'homme par contre… Heureusement, le Soleil sur sa peau contre-balançait un peu de ce déplaisir, de ce dégoût qui s'exprimait en une moue contrariée sur son visage.
Une impression de vertige constante habitait son cœur. Si seul… D'autant plus en le village qu'il parcourait désormais, paraissant désert.
C'est dans cette langueur que son attention fut attirée. Discret mais néanmoins présent. Le Cosmos… Levant le visage, humant l'air, réflexe lupin bien ancré. Inutile pourtant, Lykeios a bien senti d'où elle provenait. Il change alors de cap, se rapproche. Découvre finalement une masure abandonnée, comme toutes les autres. Des forges non loin, desquels des traces de pas vont et vient. Une seule personne. Il y a très peu de temps. Le fils du Soleil en est forcément intrigué.
Rapidement, un Cosmos se met à briller. Des chocs métalliques se font entendre. Des guides qui l'amèneront à la source. Une jeune femme aux cheveux de feu, nimbée d'or, martelant le bronze. Sa tête s'incline légèrement sur le côté alors qu'il se contente de l'observer à distance respectable, s'adossant bien vite à une façade, les bras croisés.
Son regard de glace n'avait pas quitté la sculptrice de longues minutes durant, alors que ses bras s'étaient croisés sur son torse puissant. Le Soleil suivait son cours, déplaçant les ombres tel un lent marionnettiste. Et lorsque celles-ci en vinrent finalement à le couvrir, l'ouvrage de l'artiste avait bien avancé. Il prit alors la décision de sortir de sa réserve. De se dévoiler, lentement. Ses pas furent lourds et nets, de manière à ce qu'elle puisse l'entendre sans pour autant trop s'alarmer de l'urgence de la situation.
Il n'a aucune crainte d'elle. Malgré la cosmo-énergie qu'il a pu ressentir et la faiblesse de son corps actuel, le loup n'avait jamais eu peur de l'homme. La situation le laissait toutefois mal à l'aise. Combien de siècles depuis qu'il put la dernière fois adresser la parole à quiconque ? Ah… Oui… Cette dernière personne… Sa mère. Des retrouvailles rapidement gâchée, un souvenir qui lui brise à nouveau le cœur, lui enserrant la gorge. Sa voix déjà grave et rocailleuse de nature se fait alors particulièrement grinçante, tant par le manque d'habitude que par l'émotion qui l'étreint.
- C'est très beau. Qui est-elle ?
Il ne s'était pas excusé de la déranger. N'importe quel homme bien éduqué n'y aurait pas coupé, mais le loup est devenu étranger aux manières. Comme tant d'autres choses, il a oublié, tout simplement… Il ne semble même pas s'en tracasser à vrai dire. Lykeios se focalise plutôt sur le corps féminin qui a pris forme sous les coups de burin de la jeune femme, la détaillant scrupuleusement.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mer 27 Avr - 22:54
Depuis combien de temps étais-je là? Combien d'heures s'étaient écoulées, alors qu'inlassablement, je martelais le métal, le redessinant pour, petit à petit, lui redonner vie. Lui redonner de cet éclat qui était le sien. Infatigable, je poursuivais mon oeuvre de mémoire. Moi la Sculptrice. Moi la Créatrice. Et le Roi Soleil, Mécène des Muses, semblait m'accorder sa bénédiction en me parant de ses rayons chauds et lumineux.
Je ne sus toutefois ce qui me sortit de ma transe. Serait-ce la soif que je commençais à ressentir, ou bien le son des ces pas lourds qui venaient vers moi. Toujours est-il qu'à ces derniers, je fus prompte à me retourner. Eblouie par Phoebus, je plissais un instant mes paupières, mettant ma main en visière pour me protéger de son éclat étincelant. C'est alors que je le vis. Cet inconnu à la stature néanmoins imposante et à la beauté certaine. Il ne dégageait pas d'animosité, pourtant, au son de sa voix, il me semblait qu'il avait serré les dents, rendant ainsi celle-ci plus grondante qu'il ne l'aurait voulu probablement. Je n'en fus néanmoins nullement apeurée, même si je ressentais quelque chose de puissant en lui, allant bien au delà de ma propre force. Qui pouvait-il bien être?
A sa remarque, je lui offris un doux sourire de remerciement, avant que je ne reporte mon attention sur ma création. Dans la matière brute, avait prit naissance un faciès aux traits délicats, dont le chef était recouvert d'un casque . Un cou fin, un bras qui se tendait, comme s'il bandait quelque chose. Délicatement, mes doigts se posèrent sur le visage de cette statue, comme si je m'attendais à ce qu'il prenne soudain vie. Un visage que j'avais voulu à l'image de celle qui m'avait tout appris.
"- Merci à vous étranger. Elle s'appelait Aella. Une amazone, la meilleure d'entre toutes. Mais elle fut bien plus que cela pour moi. Elle m'a recueilli et élevé comme sa propre fille alors que je n'étais qu'un bébé. Elle était ma mère, mais les Moires ont coupé le fil de sa vie, il y a sept années de cela, jour pour jour, en même temps que beaucoup d'autres de ce village. "
Doucement, je reposais mes outils avant de prendre le chemin du puits à quelques pas de là. Faisant tomber le seau qui trônait à côté de lui, je le remontais ensuite chargé d'eau fraîche, avant d'y plonger les mains en coupe pour y boire, répétant ce mouvement à plusieurs reprises. Puis dans un geste, je défis le lien de cuir qui ornait mon poignet, venant nouer celui autour de mes cheveux à la base de ma nuque, afin de les attacher, permettant ainsi à la caresse de l'Eole de rafraîchir un instant ma peau. Vive, je revenais sur mes pas, tenant le seau en main, avant de le poser près de la statue.
"- Si vous souhaitez vous désaltérer, faites, je vous en prie. Je me prénomme Ainia. Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur de parler?"
Etrangement, cet inconnu m'intriguait. Je me demandais ce qu'il était réellement. D'où puisait-il cette force? Tout un tas de questions se bousculaient dans ma tête. Je n'avais pas ressenti sa présence un peu plus tôt, comme s'il l'avait masqué.
"- Depuis combien de temps êtes vous là à m'observer? Un petit moment n'est-ce pas?"
Tout en guettant sa réponse, je repris possession de mes outils afin de me remettre au travail. Je devais achever ce que j'avais commencé aujourd'hui, après quoi, il me faudrait retourner à Jamir. Et je doutais qu'Hélène apprécierait le fait que j'ai pris la clé des champs, ne serait-ce, qu'en bien même, pour une journée.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Jeu 28 Avr - 22:20
Elle n'avait pas mal pris son intervention. Lui avait même offert un sourire qu'il avait estimé franc. Peut-être un peu naïf, mais Lykeios avait depuis longtemps appris à se fier à son instinct. Lorsqu'il faisait confiance, cela se passait rarement mal. Lorsqu'il se méfiait et montrait les crocs… eh bien, ceux qui avaient connu cette situation avaient le plus souvent connu leur dernière, dans l'incapacité donc de trahir son jugement.
Ces souvenirs furent rapidement chassés cependant. Le Dieu-Loup accordait une réelle importance à toute vie, et ne récoltait donc aucune fierté des disparitions qu'il avait engendré, à l'exception peut-être des repas du loup, simple conséquence de la chaîne alimentaire. Sa part bestiale ne faisait de toute manière pas tant de cas de ce genre de choses. Il chasse. Il croque. Il veille. Les autres options n'ont pas à entrer en ligne de compte.
Ses pensées s'attardent plutôt sur ce que la femme aux cheveux de feu vient de lui dire. Alors qu'elle se rend au puits, Lykeios tend sa main vers le visage de la sculpture, comme l'artiste l'avait fait un instant plus tôt. Du bout des doigts seulement, glissant lentement du front jusqu'au menton.
- La Mère...
À la manière dont le mot est prononcé, l'importance qu'il y accorde semble évidente. La plus terrible portée de sa malédiction. Ses mâchoires se contractent et se détendent en alternance. Une chape de plomb enserrant sa cage thoracique. Le fils d'Apollon tente de respirer profondément, se détendre un peu alors que la rouquine lui propose de se désaltérer en même temps que de se présenter. Un peu d'eau lui ferait du bien, en effet. Des regards qui se croisent furtivement, un hochement de tête en guise de remerciement.
Lykeios se penche alors, s'accroupit devant le seau. Un instant, il observe son propre reflet. Ce visage qui n'est pas le sien. S'y habituerait-il seulement un jour ? Il soupire longuement, presque comme une plainte. Plonge une main en coupe dans le récipient, déformant son reflet. Il porta alors l'eau à ses lèvres. Une fois. Deux fois. Trois fois. Boit lentement. Il masse ensuite sa nuque de cette main humide pour la rafraîchir. Ainia lui pose une nouvelle question, à laquelle sa voix rauque rétorque enfin.
- Un certain temps. Avant qu'elle ne soit extirpée du bronze. Avant que le Soleil ne passe derrière ces masures.
En se redressant, il tourne alors la tête vers l'endroit où il s'était adossé précédemment. Porte à nouveau son regard de glace sur elle, laisse passer quelques secondes.
- L'on me nomme Lykeios. Qu'est-il arrivé à ce village ?
Une nouvelle fois, il ne semble pas se tracasser de la possibilité de la déranger ou non. Si c'était le cas, ce serait à elle de le lui dire, sans quoi il estimerait que la discussion était ouverte.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Dim 1 Mai - 20:16
Ainsi donc, il se trouvait là depuis quasiment le début de la transe dans laquelle je m'étais plongée pour donner vie à cette statue. C'était là une chose qui m'arrivait bien souvent lorsque je me perdais dans les réparations d'armure, et plus récemment par leur création. Pourtant, j'avais toujours ressenti les présences des gens qui m’entouraient. Alors que là...Oui vraiment, il devait disposer d'une force certaine pour que même moi je ne parvienne pas à me rendre compte de sa présence. Je ne doutais pas de me trouver en présence d'une personne exceptionnelle.
"- C'est bien ce que je disais, un petit moment en effet."
Répondis-je, une pointe d'amusement dans la voix, avant qu'un silence ne s'installe entre nous. Raffermissant ma poigne sur le burin, je laissais le marteau aller plus fortement, mon faciès parfaitement concentré sur ma tâche. J'avais entendu ce murmure alors qu'il effleurait de la pulpe de ses doigts le faciès de ma statue. Etait-il possible que lui aussi souffre de la disparition de cette personne si chère? Enfin, il reprit la parole. Je reposais mon matériel pour me tourner une nouvelle fois vers lui.
"- Ce qui s'est passé ici?" Lentement, je reportais mon attention tout autour de moi, la nostalgie marquant un court instant mes traits. "Ce village a tout simplement été la victime de la folie et de la lâcheté des Hommes. C'est arrivé il y a sept ans jour pour jour. J'avais alors douze ans. Nous habitions la maison qui se trouve juste là." Tendant mon index je lui montrais celle-ci. "Je me souviens qu'Aella est venue me réveiller en pleine nuit. Au dehors, les combats faisaient déjà rage, entre les amazones et leurs attaquants. Je suis montée sur le toit de cette maison au coin. De là, j'avais un excellent point de tir. J'en ai abattu quelques uns cette nuit là. Ma première bataille. lorsque j'ai épuisé mon stock de flèches, je suis redescendue, et on m'a attaqué. Aella s'est interposée, et a prit le coup à ma place. Elle est morte dans mes bras. Je me rappelle juste la frénésie qui s'est alors emparée de moi. J'ai foncé dans les forces ennemies. J'ai blessé et tué. Et puis plus rien. Lorsque je me suis réveillée, j'étais prisonnière."
Je fis une pause, je ne tenais pas à révéler davantage sur moi.
"- Voilà ce qui s'est passé cette nuit là Lykeios. C'est la première fois que je reviens ici en sept ans. On m'a donné la chance et le savoir de sculpter, alors, je tenais à être là aujourd'hui, et à leur faire don de quelque chose qui ne pourra pas s'oublier. Je ne veux pas qu'on les oublie. Alors, sculpter cette statue m'a semblé être une excellente idée, pour honorer leur mémoire."
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mar 3 Mai - 3:45
La jeune femme ne parut pas se tracasser qu'un homme ait passé tant de temps à l'observer dans l'ombre. Elle semblait même très détendue en vérité, lui livrant rapidement l'histoire de ce village. Histoire qui lui était pourtant très personnelle et qui devait aujourd'hui encore être un souvenir particulièrement difficile à évoquer. Une tragédie, un traumatisme. La fin laissée en suspens devait en annoncer encore d'autres à venir, sur lesquels elle ne devait pas avoir envie de s'exprimer. Une autre histoire qui ne le regardait en rien.
Lykeios avait donc écouté attentivement l'histoire qu'elles partageaient, cette ville, cette statue et elle. De cette figure maternelle qui se sacrifie pour elle. Des amazones, attaquées et terrassées. Des femmes. Des guerrières certes, réputées redoutables, mais des femmes. Cette note est importante à son sens, non pas pour de prétendues moindres qualités. Juste qu'il en a assez vu du monde pour savoir ce qu'il advient des femmes captives en général.
Alors qu'Ainia parlait, il l'avait observée. Ses traits fins. Ses cheveux de feu qui dégageaient à présent sa nuque. Son corps vigoureux mais harmonieux. Sans aucune gêne, il l'avait détaillée, pour en arriver à la conclusion qu'elle était réellement une très belle jeune femme. Une beauté sauvage. Oui, elle n'avait pas dû y couper… La honte et les affronts...
Il ne posera pas plus de questions. Non pas par pudeur, mais tout simplement parce que ce n'est pas nécessaire. Elle n'en a sans doute pas envie, et lui n'a pas besoin d'en connaître les détails morbides. Et ainsi, l'affaire fut entendue.
Ses yeux se reportèrent alors sur ses mains fines à l'ouvrage. Saisissant désormais pleinement la portée de cette statue de bronze, il comprenait pourquoi elle y mettait tant de soin et d'énergie. Ainia y mettait légitimement son cœur et son âme, part la plus importante de toute œuvre d'art.
- C'est un bel hommage, et une touchante attention. Puisse-t-elle grâce à toi gagner l'éternité dont nous ne pourrons pas bénéficier.
Et le voilà partagé désormais. L'envie de rester. De voir l'avancée – et peut-être la fin ? – de cette œuvre. D'un autre côté, il doit se rapprocher de son père. Rejoindre Rome. De plus, la journée touchait à sa fin. Le Dieu-Loup avait encore un peu de temps, mais qui ne pourrait s'étirer à l'infini… Il prend sa décision.
- Moi, je ne l'oublierai pas. Au jour le plus long, je viendrai la visiter et lui présenter mes respects. J'y verrai alors ton œuvre terminée, je l'espère. Que tes jours soient doux et tes nuits pleines, Ainia...
Il se donnait donc un peu moins d'un an avant de revenir en ce village désert. La date n'est pas choisie au hasard. Plus la nuit était courte, plus il disposerait de temps sous sa forme humaine, voilà tout. Lykeios se retourna alors, et de son pas nonchalant s'en repartit lentement...
Citation :
Le personnage part, mais je ne mets pas fin au RP pour autant. Ainia a le droit de l'interpeller pour poursuivre, sans aucun problème
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Ven 6 Mai - 0:02
J'avais pu constater son regard sur moi. Ce regard qui errait et détaillait, comme pour chercher à découvrir ce que les mots, eux, ne disaient pas. Oui parfois, un silence valait plus que des mots. J'avais connu bien des choses dans ma courte existence. En jetant une œillade de côté à Lykeios, je sus. Oui, je sus qu'il avait compris ce qu'avait été l'Enfer de ma vie pendant quatre années. Un long silence valait plus que les mots paraîtrait-il. J'en avais la preuve formelle, et lui étais reconnaissante de ne pas poser davantage de questions.
Le métal devant moi prenait vie sous mes coups. Le bras était à présent dégagé, tout comme l'arc. Je me reculais un instant pour contempler mon oeuvre, passant ma main sur mon front humide. Encore un peu de temps, et elle serait terminée. J'esquissais un sourire satisfait. Je me tournais en direction de mon compagnon, arquant un sourcil à ses paroles qui s’annonçaient comme un au revoir. J'aurais parfaitement pu le laisser partir, mais bizarrement je n'en avais pas envie. Que pouvais-je bien faire ou dire pour le retenir? J'eus alors un sourire.
"- Tu pars déjà? Ne souhaites-tu pas voir la fin? Et puis, moi aussi il me plairait d'en apprendre un peu plus sur toi. Après tout, je t'ai raconté un peu de mon histoire. De plus, d'ici quelques heures il fera nuit, et tu ne trouveras nul endroit où dormir avant un bon moment. Crois-moi, je sais de quoi je parle. Pourquoi n'en profiterais-tu pas pour rester là. C'est avec plaisir que je t'ouvre la porte de ma maison."
Tout en parlant je m'étais approchée de ma sacoche, y rangeant mes outils précautionneusement, tout en ressentant les victuailles que j'avais placé là. Du pain, de la viande séchée, quelques baies et fruits provenant de Jamir. Je me retournais alors vers lui, souriante, ravie de l'idée qui venait de germer dans mon esprit.
"- Aella disait toujours qu'il ne fallait pas partir à l'aventure l'estomac vide, et j'ai là tout ce qu'il faut. Au pire, je pourrai toujours aller chasser. Comme au bon vieux temps. Alors qu'en dis-tu?"
Passant ma besace sur mon épaule, je jetais un dernier coup d’œil à mon ouvrage avant de me détourner et de prendre le chemin de la maison qui avait été la mienne, l'oreille et les sens aux aguets pour m'assurer que celui dont j'ignorais tout, me suivait.
"- Au fait, merci de ne pas les oublier."
J'étais parfaitement sincère dans mes paroles et mes propos. J'étais réellement touchée par l'attention qu'il portait à honorer la mémoires des Amazones.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Sam 7 Mai - 20:37
Quelque pas plus loin, Lykeios s'arrêta derechef. Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle cherche à le retenir. Il ne s'était pas attendu à grand-chose en fait, car s'il y avait réfléchi un minimum il lui aurait paru évident qu'elle veuille en savoir un peu plus sur lui alors que de son côté elle s'était livrée sur un moment particulièrement tragique de son existence. Logique donc qu'elle ne souhaite pas s'en tenir à un nom et juste un nom. Pourtant, il ne pourrait réellement lui en dire plus sur qui il est. Ses origines et ses buts. Pourtant, il se retourna tout de même, l'observant à nouveau. Quelques secondes durant, avant qu'il consente à lui répondre.
- J'aimerais la voir achevée, oui. Mais quoi qu'il en soit, il me sera impossible de passer la nuit ici. J'ai une longue route à faire, et je voyage beaucoup plus vite dès lors que le Soleil est bas.
Tandis que ses mots semblaient annoncer qu'il allait la quitter tout de même, Lykeios revint sur ses pas, se rapprochant d'elle.
- Penses-tu pouvoir terminer avant que le ciel ne s'obscurcisse tout à fait, et ce en y mettant toujours autant de cœur et de minutie ? Si tel est le cas, je pourrais consentir à patienter encore un peu...
La journée était bien consommée malgré tout. Quelques heures tout au plus. Quant au repas… eh bien, si cela lui faisait plaisir, il pouvait bien amputer un peu Ainia de ses provisions. Juste un peu… après tout, il ne manquerait pas de copieusement se nourrir dès lors que la Lune régnera. Pour ce loup, rien ne faisait meilleure pitance qu'une proie fraîchement abattue, encore chaude et juteuse. Et alors qu'elle se dirigeait vers la maison qui fut sienne, Lykeios lui emboîta le pas, silencieux.
Il prenait du retard, encore, alors qu'il n'avait fait route que depuis quelques jours à peine. Si tous les chemins menaient à Rome, le sien semblait s'annoncer particulièrement lent, à son goût du moins. Mais pour cette fois, il n'en regretta rien. Pour une raison qu'il ignorait, la compagnie de cette jeune femme lui était plaisante, apaisante. Et ce malgré les souvenirs douloureux que sa sculpture avait ravivés – ainsi n'était-elle pas la seule. Une Éveillée dont il ignorait l'alignement, mais sans doute valait-il mieux qu'ils l'ignorent encore. D'expérience, cela ne faisait bien souvent que gâcher le simple plaisir d'apprécier un bon moment...
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Dim 8 Mai - 23:01
Un fin sourire vint ourler mes lèvres lorsque je l'entendis s'arrêter. Etais-je parvenue à le retenir? Très certainement oui. Et c'est donc tout naturellement qu'au moment où il prit la parole, je me stoppai à mon tour, afin de me tourner dans sa direction, lui portant toute mon attention. Voilà bien d'étranges paroles. Qu'il est une longue route à faire, soit, mais qu'il voyage plus vite la nuit? Comment cela pouvait-il être possible? Une question qui me fit arquer un sourcil interrogateur.
Ces mots laissaient tout de même penser qu'il partirait. J'allais lui dire de faire comme il l'entendait, que s'il désirait partir, il le pouvait. Après tout pourquoi voudrait-il rester? Je n'étais qu'une inconnue à ses yeux. Je m'apprêtais à lui souhaiter bonne route, mais dans le même moment, il revenait vers moi. Mon sourire s'élargit un instant, avant que je ne réponde:
"- Je n'ai rien mangé depuis hier soir, donc donne-moi juste un peu de temps pour avaler un morceau, et je me charge de la finir. A vue d’œil j'en ai à peu près pour trois bonnes heures de travail encore. Mais j'espère que tu ne vas pas rester à me regarder en silence. Un peu de conversation ne serait pas de refus et me serait agréable. Même si j'ai l'impression que ce n'est pas forcément ton fort, n'est-ce pas?"
Tout en parlant, j'avais repris le chemin de la maison, bien entendu, il me sauvait. En silence. Encore. Doucement, j'ouvris plus largement la porte déjà entrouverte allant poser ma besace sur la table, je débarrassais celle-ci des assiettes et des couverts qui s'y trouvaient encore, tout en reprenant sur un ton amusé:
"- Sois le bienvenu dans mon humble demeure Lykeios."
Se disant, je passais un coup rapide sur la table et les deux chaises, qui trônaient au milieu de la pièce, pour en chasser la poussière, avant d'indiquer l'une d'elle à mon comparse, en une invitation à venir prendre place. Du moins si le cœur lui en disait, mais moi personnellement, je commençais à ressentir la faim, alors qu'il s'assied ou non, n'y changerait rien, je comptais bel et bien manger. Avec un regard nostalgique, je prenais place à celle qui avait toujours été la mienne lors de nos repas avec Aella, mais comme je n'étais pas seule, je chassais rapidement celle-ci de mon esprit. Comme promis, je sortais de ma besace du pain et de la viande séchée. Repas frugal j'en convenais mais qui me permettrait de tenir jusqu'au soir.
"- Ne vois là que de la simple curiosité de ma part... Enfin, il se pourrait qu'il s'agisse d'un moyen de faire la conversation et donc plus ample connaissance, mais puis-je savoir d'où tu viens et où tu te rends? Tu n'es pas obligé de répondre si tu ne le veux pas. Je ne t'en voudrais pas. "
Se disant, je rompis le pain, avant de prendre un morceau de viande dans lequel je mordis à pleines dents avec un soupir de bien être. Je ne lui en voudrais pas certes, mais s'il se montrait plus loquace, cela serait plus plaisant pour moi. Je me rendais compte, tout en mangeant, que j'avais pensé cette journée difficile et douloureuse pour moi. Pourtant avec la présence Lykeios, j'en avais oublié ma peine et ma tristesse, et quelque part, je lui en étais reconnaissante. Bien entendu, je ne le lui dirai pas tout de suite, mais plus tard, oui plus tard, lorsque viendra le moment de se dire au revoir, je le ferai.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mer 11 Mai - 20:34
Trois heures avait-elle dit. Ajouté à cela le temps qu'elle se restaure… Cela risquait d'être juste, mais le coup pouvait se tenter. Quoi qu'il en était, qu'elle ait terminé son œuvre ou non, il devrait s'éclipser avant les dernières lueurs du crépuscule. Ah, qu'il était étonnement bien difficile de chercher à sympathiser lorsque l'on se transformait en loup colossal dès la nuit tombée… Jusqu'ici, cela n'avait jamais été un problème… et pour cause ! Dès que la malédiction avait été portée, Lykeios avait été banni dans les tertres sacrés, noyés d'une nuit éternelle. Il n'avait eu dès lors qu'à se soucier de vivre en loup, et juste en loup. Un chef de meute indomptable, veillant inlassablement sur les terres de son père.
Cela expliquait bien entendu ses difficultés à communiquer ou manifester nettement ses émotions. Le loup avait oublié tout cela, tout simplement. Parler ne lui semblait tout bonnement plus naturel. Il devait faire des efforts pour se rappeler comment une phrase devait se composer avant même de tenter de l'articuler. Rouillé, il sentait que cela se passait de mieux en mieux toutefois. Il lui faudrait encore du temps. Ainia était sa première discussion depuis son retour à la vie. Il en nécessiterait sans doute bien d'autres encore avant de récupérer un peu de son naturel humain. Bien qu'il n'ait jamais été très loquace, il restait néanmoins encore des efforts à fournir pour décoincer tout ça.
Pas étonnant que la jeune femme s'en soit rendue compte, et le Dieu-Loup ne put donc que le reconnaître.
- En effet… J'ai longtemps vécu isolé. La discussion ne me vient pas naturellement. Je tâcherai de faire un effort si tu le souhaites, mais il ne faut pas m'en vouloir si le résultat est insuffisant. Je ne suis juste… pas vraiment doué pour cela.
Durant cette courte explication, ils avaient rejoint la demeure désignée plus tôt par la sculptrice. Il continuait de simplement l'observer pendant qu'elle effectuait un brin de ménage. Cela fait, Lykeios s'installa à l'endroit indiqué, ne faisant aucun geste vers la nourriture sans y avoir été invité. À la question posée, il s'interrogea un instant. Comme à son habitude, il laissa filer un peu de temps sans rien répondre. Après ce moment de réflexion, il conclut qu'il pouvait bien lui céder l'information, ce n'en dirait sans doute pas trop de lui estima-t-il. Cela lui offrirait de plus la possibilité de lui rendre la pareille…
- Je viens de Delphes, d'où je me suis mis en route il y a peu de temps. Mon père m'a mandé et il me faut donc rejoindre Rome désormais. Et toi Ainia ? Quel est ton foyer désormais ?
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Ven 13 Mai - 14:17
Isolé. Un mot que je ne connaissais que trop bien. Oui l'isolement, avait été le lot de ma vie pendant un certain temps, il fallait le reconnaître. Un isolement forcé, dont on me sortait uniquement pour m'exposer telle une bête de foire face à une foule en délire qui ne cessait de scander encore et encore mon surnom. Oui, on ne me sortait de cette solitude que dans le seul et unique but de combattre. Dans le seul et unique but de tuer ou être tuer. Oui, deux ans d'enfermement dans une cellule, entourée de geôliers tous plus horribles les uns que les autres. Eux, oui, je me serais fait une joie de les tuer. Et lorsqu'Aslam avait obtenu ma liberté, je me rappelais que j'avais mis un certain temps avant de discuter normalement. Alors oui, s'il y avait bien quelqu'un qui comprenait ce que Lykeios pouvait ressentir en cet instant, c'était bien moi.
Pourtant, sans que je ne le veuille, ces souvenirs me firent un moment me crisper, mon poing se serra alors que j'endiguais ce flot de colère et de rage qui me rongeaient à chaque fois que j'y songeais. Chassant ces sombres pensées, je me détendis presque aussitôt, mon visage reprenant cette douceur caractéristique. Oui, en cet instant, je me demandais pour quelle raison il avait été isolé. J'aurais pu le lui demander, mais je n'en fis rien. Déjà par respect, et ensuite, afin de ne pas me montrer trop curieuse, ce qui risquerait certainement de le faire taire. Et puis, un peu plus tôt, il s'était montré respectueux en ne posant pas de questions sur ce qui m'étais arrivé après son emprisonnement. J'attendis donc qu'il soit installé face à moi.
"- Je comprends ce que tu ressens, donc tu n'as pas à t'en faire, je ne t'en voudrais pas. Et puis, je trouve que tu te débrouilles plutôt bien pour quelqu'un qui se remet dans le bain."
Il s'était installé la place qu'occupait Aella, mais ne fit rien pour prendre de la nourriture. J'avais pourtant bien dis que je l'invitais non? J'arquais un sourcil interrogateur avant de comprendre: il ne se servirait pas sans y être convié. Je poussais donc vers lui le pain et la viande en lui offrant un sourire.
"- Lykeios...Tu peux te servir je t'en prie."
Et c'est donc avec la plus grande attention que je l'écoutais. Ainsi donc, il venait de Delphes, pour se rendre à Rome, auprès de son père. Rome sous la protection d'Apollon et de ses Oracles. Rome et son Colysée. Un instant elle frémit à cette image, se demandant combien de personnes avaient perdu la vie entre ces murs pour amuser la foule.
"- Un bien long voyage t'attends en effet. Es-tu donc un enfant de noble? J'ai cru comprendre que ceux-ci aimaient envoyer leurs enfants faire leurs classes au loin avant de leur demander de rentrer chez eux. En tout cas, tu auras très certainement bien changé depuis la dernière fois qu'il t'a vu."
Je ne répondis pas tout de suite à sa question sur mon foyer. En effet quel était-il? Le Sanctuaire? Jamir? Difficile à dire. Alors autant parler de celui qui se trouvait le plus proche, car il ne comprendrait sûrement pas la manière dont elle s'était prise pour parcourir une distance de milliers de kilomètres en une fraction de seconde.
"- J'ai décidé de m'installer près d'Athènes. C'est là qu'est mon foyer à présent. J'y vis de mon art."
C'était là ce qui se rapprochait le plus de la vérité après tout.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Ven 13 Mai - 19:14
« Se remettre dans le bain ». Il fronça les sourcils sur l'instant, avant de réaliser qu'il s'agissait d'une expression. Pour un peu il se serait demandé si par hasard son hygiène pourrait être discutée ici. Encore trop de loup en lui, et les tournures imagées de ce type risquaient de lui poser quelques problèmes durant un temps. Ainia lui manifesta là encore sa bienveillance en tout cas, et ce même si quelques instants plus tôt une ombre était venue marquer son visage. Avait-il dit quelque chose de mal ? Il ne la questionna pas, estimant que si problème il y avait, il était en son devoir à elle de l'exprimer, et non à lui de s'en enquérir.
Ainia l'invita alors à se servir. Le pain ne l'intéressa pas, surtout lorsque de la viande se trouvait être proposée également. Lykeios la remercia d'un signe de tête, se saisissant d'une large lamelle qu'il amputa rapidement d'une bonne bouchée. Il dut se contrôler pour ne pas l'engloutir, pour mâcher lentement, laisser le goût de la viande séchée lui emplir le palais. La retenue n'était après tout pas la plus grande qualité du loup, mais Lykeios ne devait pas moins tâcher de se comporter en homme.
- Mon père est quelqu'un d'important oui.
Dit-il une fois sa première bouchée avalée, sans apporter plus de précision. « Mon père est l'un des douze Dieux du Panthéon » s'avérait être un point difficile à caser lors d'une simple discussion. D'autant plus qu'il ne souhaitait pas fournir ce genre d'information. Préférant faire comme s'il était quelqu'un de normal. Comme s'ils étaient des gens normaux, elle et lui. Ne pas y penser et fuir toute possible révélation se trouvait à son sens nettement préférable.
- J'ai en effet beaucoup changé. Je peine à me reconnaître moi-même...
Lykeios s'assombrit quelque peu à cette mention. Difficile de se reconnaître alors qu'il n'habitait même plus son propre corps. Le visage de Démétrios ne serait jamais le sien. La deuxième moitié de son hâtelle subit à son tour la pression de ses mâchoires. Athènes… il préférait encore ne pas y penser, et surtout ne pas poser d'autres questions. Le taciturne laissera donc encore une fois le silence s'installer. Difficile pour lui de trouver d'autres sujets de conversation, comme elle l'aurait certainement compris. Il était à espérer qu'elle ne soit pas touchée du même mal, sans quoi la discussion pourrait bien tourner court.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Ven 13 Mai - 23:01
J'avais commis un impair. Si si je vous assure, j'en suis absolument certaine. Sinon, comment expliquer ces sourcils qui se froncent, donnant à son regard argent quelque chose d'un peu plus intense, de plus dur, qu'il ne l'était déjà? pour un peu, il aurait presque pu m’impressionner. Presque j'ai dis. Il y avait un avantage à avoir combattu pendant deux années au Colysée -et c'était le seul que je voyais soit dit en passant- c'était un excellent moyen de déterminer et reconnaître les sentiments qui défilaient sur le visage des gens.
Néanmoins pour masquer mon trouble, je mordis dans une tranche de viande à pleines dents, prenant tout mon temps pour mastiquer. Alors qu'il me donnait pour seule indication le fait que son père était important. Décidément, j'en côtoyais des gens de la Haute si je puis dire. Je m'accoudais donc à la table pour l'observer un instant.
"- Tu es le fils d'un sénateur?"
Et mince j'avais parlé à voix haute. J'eus une petite moue en me traitant intérieurement d'idiote. Pour un peu je m'en serai même frappé le front. Mais bon, autant ne pas se leurrer. J'avais une petite idée sur ce qu'il pouvait être. Premier point, je n'avais nullement constaté sa présence lorsqu'elle s'était trouvée en plein travail. Un humain lambda n'y serait pas parvenu, pas plus qu'un bronze ou un rang argent, alors il devait avoir un éveil cosmique similaire au mien si ce n'était plus puissant encore. Et bizarrement je penchais pour la dernière option. Et si tel était le cas, je n'oubliais pas qu'il se rendait à Rome. La terre des Oracles. Après je pouvais tout aussi bien me tromper. Mais je ne voulais pas nous voir l'un comme l'autre nous étriper avant la fin de la journée.
"- Enfin cela ne me regarde pas. Je suis désolée de me montrer un peu trop curieuse."
Et voilà vous voyez? A nous ce regard renfrogné et rembruni. Décidément, j'étais vouée aux gaffes ou bien? Pourtant il m'intriguait vraiment. Qu'était sensée vouloir dire cette dernière phrase pleine de mystère? Moi aussi je m'étais à peine reconnue à de nombreuses reprises. Mon passage forcé à l'âge adulte s'était fait dans le sang. Et j'avais fini par tuer, telle une véritable machine de guerre. L'animal blessé et apeuré que j'étais, avait ensuite fini par réapprendre à faire confiance.
"- Je ne sais pas si c'est de cela dont tu parles, mais les épreuves que nous vivons nous imposent parfois à faire des choix qui ne sont pas forcément en accord avec ce que nous sommes. Manger ou être mangé. Voilà ce qu'est la vie. Un peu réducteur certes, mais pas si loin de la vérité. C'est ce que j'ai vécu ici, c'est ce que j'ai vécu au Colysée. Et petit à petit, on finit par se faire à cette nouvelle image de soi. Si j'ai réussi à m'y faire, je suis certaine que tu y parviendras aussi."
Tendant la main vers la viande, je reprenais un morceau que je mâchouillais presque distraitement, guettant les réactions de Lykeios avec un sourire avenant.
"- Enfin après je fais peut être fausse route. Mais je n'aime pas trop voir cet air assombri sur ton visage. Parce que si je puis me permettre..." Me penchant sur la table tout en observant de gauche à droit comme pour m'assurer que nous n'étions pas épiés, je finis par lancer sur le ton de la confidence, mais avec une œillade facétieuse. "C'est que t'as presque failli me faire peur dis donc!"
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Dim 15 Mai - 3:00
Nouvelle question sur son père. Et il peut rapidement être évident qu'il n'a pas réellement l'envie d'aborder plus avant ce sujet. Pas vraiment sur les traits de son visage, n'étant que trop peu souvent expressif, loin des simples humains qui affichent aisément toute une panoplie d'émotions sur leurs traits. Mais rien que dans sa manière de détourner le regard pour observer la pièce tout en mâchant lentement sans faire mine de chercher à répondre. Ainia comprend d'ailleurs rapidement qu'elle n'en tirera pas bien plus, s'excusant de s'être montrée trop curieuse.
Se devait-il de faire l'effort de répondre à cela ? Les loups sont plus simples. Pas tant de manières. Ce genre de situation se serait soldée en sa meute par un grondement, et le dominé aurait baissé la tête et les oreilles avant de s'en aller la queue basse. Mais Lykeios n'était plus meneur de meute depuis longtemps. Ici, il n'était rien de plus qu'un homme, conversant avec une charmante jeune femme. Oui, peut-être se devait-il de lui offrir quelques mots en réponse…
- Je n'aime… pas trop évoquer ce genre de chose. Je viens d'une famille compliquée...
Et voilà qui allait clôturer ce sujet. Une nouvelle fois, il n'avait pas menti. S'il existait bien une famille compliquée, c'était la sienne. Les rapports humains peuvent déjà être désastreux parfois, mais si vous ajoutez à cela l'immortalité et des pouvoirs presque sans limite, tous les ingrédients sont là réunis pour que rien ne se produise sainement.
La discussion se poursuit. Lykeios manque de tiquer sur une expression. « Manger ou être mangé ». Il avale péniblement sa salive, ces paroles faisant remonter quelques souvenirs douloureux une fois encore, lui rappelant la même personne que la statue d'Ainia, bien que ce soit dans une scène différente et autrement plus cruelle. Il inspire profondément avant de souffler lentement, balayant par un souffle maîtrisé ces pensées désagréables.
Il attend, la laisse parler, terminer ce qu'elle souhaite lui dire. Jusqu'à ce qu'elle se penche vers lui pour lui souffler qu'il avait manquer de l'intimider à la mine qu'il affichait plus tôt. Ses sourcils se froncent d'étonnement, ne comprenant pas réellement en quoi il avait pu paraître menaçant. Après tout, il a une bien faible opinion de lui-même pour l'heure. Sa nature pouvait parfois paraître arrogante. Attitudes froides et distantes, fils d'un Dieu du Panthéon et s'étant de ce fait toujours estimé comme nettement supérieur à la plèbe humaine… Cependant, ce corps qu'il occupe actuellement… si faible et inutile à son sens ! Oui, il ne se voyait pas comme une menace. Par comparaison avec ce qu'il avait été, il n'était depuis son éveil qu'un chiot vacillant...
- Il n'y a pas matière à être effrayée. Je ne saurais représenter une quelconque menace. Je suis-
« faible, usé et maladif » allait-il dire. L'ironie était que, comme pour illustrer cela, une quinte de toux le pris à cet instant. La première de la journée, il aurait dû se douter qu'à un moment ou un autre il devrait y faire face. Ce serait trop beau qu'il en soit épargné plus que l'espace de quelques heures. La crise ne perdure qu'une quinzaine de secondes à peine. Assez pour que sa paume gantée s'en retrouve poisseuse du peu de sang qu'il avait ainsi expectoré. Dès que son souffle semble s'être stabilisé, il tente de reprendre la conversation, comme si rien ne s'était produit.
- Merci pour ces encouragements. Il s'agit cependant de bien plus que des actes. Quoi qu'il en soit, il faudra faire avec.
Encore un peu de mystère… Il se redresse alors, faisant grincer les pieds de la chaise sur le parquet comme il la repousse.
- Je vais te laisser terminer ton repas tranquillement. Je préfère l'air libre, et une bonne dose me fera du bien. N'aies crainte et prends ton temps, ne t'en fais pas pour moi.
Et de se diriger alors vers la sortie, sans empressement aucun.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Dim 15 Mai - 15:37
Je n'en avais guère appris plus sur son ascendant. Après tout, je comprenais, nous n'étions pas proches pour quelles raisons s'ouvrirait-il à une parfaite inconnue lui qui semblait plutôt du genre sauvage. Alors quand il évoqua les siens, je me contentais de lever la main et de secouer doucement la tête en signe de dénégation. Il n'était pas obligé de m'en parler si le sujet était sensible pour lui, et je ne tenais pas particulièrement à le voir ressasser de sombres pensées.
Pourtant, inconsciemment c'était exactement ce que j'avais fais. J'avais bien vu cette mine attristée qu'il masqua rapidement comme si de rien était, mais je ne relevais pas. Non cela n'était pas nécessaire. Mais décidément j'avais le don de lui faire amener un visage taciturne. Malgré moi, je lâchais un soupir, d'autant plus lorsque je constatais qu'il avait prit au pied de la lettre ma petite remarque ironique.
J'allais le lui dire, mais une quinte de toux le saisit. Patiemment, j'attendis que celle-ci passe, mais lorsqu'il retira sa main, mon regard fut attiré par les perles écarlates qui maculèrent l'ébène de son gant, et le coin de ses lèvres. Pas besoin de mots, je comprenais. Aussi lorsqu'il prit le chemin de la sortie, je m'étais relevée. J'avais pensé qu'il allait tout simplement partir, mais non. J'en fus presque soulagée, et lui offris un sourire.
"- Je finis et je te rejoins."
J'attendis qu'il soit sorti, écoutant le bruit de ses pas s'éloigner. Mon repas, je n'allais pas le terminer. Pas tout de suite en tout cas. Et puis seule, c'était nettement moins appréciable que d'être en bonne compagnie. Je remballais mes affaires, laissant ma besace sur la table avant de me téléporter dans une maison un peu plus loin. Celle de la shamane. J'y trouverai sûrement ce que je voulais dans son stock d'herbes médicinales. Silencieusement, je me mis en devoir de chercher parmi les pots étiquetés qui se trouvaient sur des étagères. Je savais la plante dont j'avais besoin. La Plantago major, plus connue sous le nom de plantain.
Je ne connaissais pas tout de l'art de la médecine, mais disposais de quelques bases utiles. L'avantage du plantain, était qu'il permettait de soigner les toux et de stopper les saignements. Ce qui serait très certainement utile à Lykeios. Triomphante, je finis par mettre la main sur le pot recherché et me téléportai une nouvelle fois dans la maison qui fut la mienne. Je fouillais pour trouver un bol de bois, y versant un peu de la médecine, avant de le remplir d'eau.
Je récupérai mes affaires et me mis donc en recherche de mon malade, que je n'eus aucun mal à trouver, il se trouvait non loin de la statue. Parvenue près de lui, je tendis le récipient avec bienveillance:
"- J'ai retrouvé une plante qui pourrait t'être utile. Plantago major ou plantain. Elle ne soignera pas ta maladie malheureusement, mais j'ose espérer qu'elle apaisera tes quintes de toux et tes saignements. Bois ça, je reviens."
Je m'en retournais près du seau d'eau qui se trouvait près de mon ouvrage. N'ayant pas d'autre tissu que celui de ma tunique blanche, j'en arrachais un morceau, plongeant celui-ci dans l'eau avant de revenir sur mes pas en l'essorant :
"- Tu permets?"
Question posée plus pour faire bonne figure qu'autre chose, car je n'attendis pas sa réponse. Levant mon bras, j'essuyai délicatement le contour des lèvres du fils du Roi Soleil afin de retirer les quelques taches écarlates, tout en poursuivant:
"- Lykeios, tu sais, toute à l'heure, lorsque je t'ai dis que tu avais presque failli me faire peur. C'était simplement de l'ironie, pour chercher à retrouver une conversation plus légère. Tu as beau m'être inconnu, je sais que je n'ai rien à craindre de toi. Je m'excuse si mes paroles t'ont blessé d'une quelconque manière que se soit."
Rien à craindre...Pour le moment tout au moins. Satisfaite, je me mis à fouiller dans ma besace pour en sortir le pot de plantain séché. Je pris donc la main de mon interlocuteur, pour venir la refermer sur celui-ci.
"- Plus personne n'en a l'utilité ici, prends le. Je te conseille une dose diluée avec de l'eau matin et soir."
Je tenais vraiment à l'aider et n'attendais rien de plus en retour. Satisfaite, je m'étais simplement détournée pour me rapprocher de la statue avec un sourire. Délicatement, je reposais mes affaires avant de ressortir mes instruments pour les prendre en main. Il était temps pour moi de reprendre mon oeuvre, et j'allais tout faire pour l'achever au plus vite.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Lun 16 Mai - 18:31
Quelques pas à l'extérieur, le visage levé vers le Soleil à l'horizon. La soirée ne tardera pas à être entamée. Le temps finira par lui être compté. Mais pour l'heure il peut encore profiter de l'air frais et de la chaleur des rayons solaires sur sa peau. Sa respiration finit par s'apaiser totalement, comme si la crise n'était pas intervenue. N'en reste en vestige que le sang qu'il ne se donne pas la peine d'essuyer. Pour quoi faire ?
Un petit temps passa ainsi pendant que la jeune femme terminait son repas. Il observa à nouveau le visage de cette statue. Il ne connaissait pas cette Aella, et son visage en réalité ne ressemblait à aucun qu'il connaissait en particulier. Mais c'est là le propre des sculptures. Même de l'art en général. Habituellement l'on peut y voir qui on désire. L'important n'est pas la précision des traits, mais l'impression qui s'en dégage, le cœur que l'on y a mis. Pas étonnant donc qu'autant l'artiste que le loup puissent chacun y voir leur mère, du moins une représentation de celle-ci.
C'est alors qu'Ainia le rejoint, lui tendant un récipient. Non, effectivement, cela ne le soignerait pas. Et si une simple plante pouvait réellement l'apaiser efficacement, cela se saurait. Mais il n'en dit rien. Elle avait pris la peine de lui préparer cela, aussi lui accorderait-il le plaisir de consommer sa préparation. Ce qu'il fait d'ailleurs sans protester alors qu'elle va et vient, revenant à lui avec un morceau d'étoffe humidifié. Si son premier réflexe aurait été de s'écarter, ne pas se laisser s'approcher, il se laissa faire tout de même, réprimant une réaction instinctive plus animale.
- Pourquoi fais-tu cela, fille de la Guerre ? Chercher à me trouver remède, essuyer ce sang, t'excuser pour une simple conversation ? Je ne suis qu'inconnu dont tu ne devrais te soucier.
Il la fixe intensément disant cela, finissant pour un léger soupir tandis qu'elle s'en retourne de son côté à ses outils.
- Tu ne m'as pas blessé. Les mots ne sont que des mots...
Le loup ne s'en préoccupe pas à effet. Un poing, une épée, une punition… voilà ce qui peut le meurtrir. Les paroles n'ont de poids que si elles sont accompagnées d'actes.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mar 17 Mai - 3:02
J'avais jeté un coup d'oeil par dessus mon épaule pour observer où se situait la course du Dieu Soleil. J'avais une promesse à tenir, et je comptais bien la respecter. Je reportais mon attention sur ma statue, observant les traits de celle qui avait été ma mère, et je devais admettre que j'étais satisfaite de ce que j'avais fait. Le buste était déjà bien avancé. Oui, j'étais en mesure de l'achever sous peu. Et tout en reprenant mon art, je réfléchissais aux questions de Lykeios.
Pourquoi avais-je fais cela pour une personne qui m'était encore inconnue le matin même? Son regard argenté m'avait fixé avec une certaine intensité alors qu'il sondait le vermeil de mes yeux, comme pour chercher à me comprendre. Je n'avais en rien détourné le regard, ni même ne m'étais sentie gênée. J'aurais très bien pu ne rien faire pour lui, c'était vrai. Mais je n'étais pas ce genre de personne. Et puis, malgré son côté peu loquace, j'avais apprécié sa présence à mes côtés. Je brisais donc le silence qui s'était installé entre nous, tout en martelant le métal.
"- Pourquoi ai-je fais cela?... Et pourquoi pas Lykeios? Après tout, tu es resté ici avec moi toute la journée alors que tu avais beaucoup plus important à faire que d'observer une sculptrice. Sans compter, que tu m'as permis de ne pas trop ressasser ce douloureux souvenir, que même les années ne parviennent à adoucir, en étant tout simplement là. Ta présence m'a apaisé. Je sais que tout cela a été fait de manière inconsciente, mais malgré tout, les faits sont là. Vois donc en ces gestes, une marque de reconnaissance et de gratitude. Une façon pour moi, de te remercier en quelque sorte."
Je demeurais concentrée sur ma tache, travaillant ici et là, tout en poursuivant.
"- Les mots ont un pouvoir très puissants, crois moi, je sais de quoi je parle. Ils sont capables de faire connaître la joie comme la peine. Ils peuvent être cette force qui nous aidera à nous relever ou tout simplement nous briser et nous détruire."
Oui les mots avaient bien failli me briser et m'anéantir. J'avais été une catin. Une putain. Enfin c'était ainsi que l'on m'avait appelé alors que l'on abusait de moi. Et j'avais presque fini par le croire, alors que je n'avais été qu'une victime. Pourtant, cela ne m'avait pas empêché de me rebiffer. Non, et pour cela, j'avais été fouetté et revendue au Colysée. En cet instant, il me semblait encore ressentir la morsure du fouet arrachant mes chairs, tandis que je réprimais mes cris. Un frisson me parcourut l'échine à ce souvenir et je m'arrêtais un instant pour passer ma main sur ma nuque, glissant mes doigts dans le col de ma tunique, ressentant le début des cruelles cicatrices qui zébraient mon dos sous ceux-ci.
"- Oui les mots sont puissants. Ils rappellent des souvenirs heureux ou non. Mais bien souvent ils rappellent des choses qui ne demandent qu'à rester enfouies."
Sans un mot de plus, je me remis à ma tache avec plus d'ardeur.
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mar 17 Mai - 23:03
Ainia s'était remise au travail, lui répondant calmement après quelques instants d'un silence bien habituel dès lors qu'il était l'un des interlocuteurs. Il écoute et observe, comme toujours. Lykeios n'allait pas revenir sur les raisons qu'elle avançait quant au fait de s'estimer redevable. Si elle s'estimait en devoir de le remercier, alors soit. Il pourrait maintenir qu'il n'avait rien fait, et qu'il avait été lui-même bénéficiaire de cette présence apaisante. De ce court moment où il avait pu s'échapper de ses sombres pensées. De la faiblesse de sa carcasse. De la mission qui l'attendait. Oh, des souvenirs pénibles étaient remontés également. Mais à sa manière, il les chérissait également. L'amour et la haine demeurent parfois étroitement liés.
La suite de la discussion allait par contre produire un sérieux désaccord sur lequel il se sentirait obligé d'exprimer son opinion. En reconnaissant un pouvoir à de simples paroles, Ainia faisait montre de faiblesse. Or, il ne l'estimait pas faible pour autant. Si elle l'avait été, elle n'aurait pas été capable de se redresser après les drames ayant parsemé sa vie. Il pourrait peut-être l'aider à s'en rendre compte. Lui faire prendre conscience que bien souvent, ce sont les actes qui accompagnent les paroles qui heurtent.
- Les mots n'ont que la force que tu leur prêtes. Ils perdent leur pouvoir dès lors que tu y opposes ton esprit avec suffisamment de volonté. Aucun esprit ne peut rien face à quelques pieds d'acier en travers du buffet. À des crocs solidement enfoncés dans une gorge.
La comparaison lui semble particulièrement bien choisie. Sans doute le fait d'avoir vécu des siècles sous forme de loup, meneur et membre de sa meute, avait altéré ses capacités à endurer cela. Les loups ne s'insultent pas, après tout… Les actes et les attitudes, voilà une forme de communication bien plus pertinente à son sens.
- Lorsqu'un amant te dit qu'il t'aime, comment peux-tu savoir si c'est une réalité ? Par contre… sa manière de te regarder. De te prendre dans ses bras et de longuement respirer le parfum de ta chevelure. L'application qu'il met à t'embrasser et à te faire l'amour. Ces actes ne comptent-ils pas plus que les mots, aussi beaux puissent-ils sembler, aussi doux puissent-ils sonner à tes oreilles ?
Oui… que ce soit en bien ou en mal, sa théorie s'appliquait. Un regard méprisant vaut plus qu'une insulte. Une caresse vaut mieux qu'un compliment… Il n'en avait pas encore fini cependant. Encore un peu d'eau à son moulin.
- Si la « puissance des mots » suffisait, tu n'aurais pas eu besoin de venir ici. De sculpter ce buste. Il t'aurait suffit de rester à Athènes. De dire « Aella, je pense à toi. Tu me manques et je t'aime ». Les mots ne suffisent pas, si bien que tu as choisi les actes. Tout comme pour me remercier, tu as choisi de m'aider. Dans la plupart des cas, les mots n'ont même pas besoin d'être. Seuls les actes comptent.
Elle-même appliquait donc la théorie du Dieu-Loup. Peut-être même sans s'en rendre compte, elle accordait bel et bien plus d'importance à ce qui est fait plutôt que ce qui est dit.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Mer 18 Mai - 2:50
Je devais admettre une chose, c'est que d'avoir lancé ce débat, avait permis à Lykeios de se délier la langue. Car oui, depuis nos premiers mots échangés en cette journée, il venait de décrocher plus de phrases qu'au cours de l'heure passée. Je me devais de souligner ce progrès que j'estimais important, malgré le sérieux de la discussion. J'étais toute prête à l'écouter avec la plus grande attention, tout en demeurant concentrée sur ma tache.
Pourtant dès ses premières paroles, celles-ci étaient parvenues à trouver écho en moi. Un instant mes gestes étaient demeurés suspendus et je m'étais figée, laissant retomber mes bras le long de mon corps alors que je me tournais à moitié vers lui. J'avais été traîné plus bas que terre, mon honneur avait été taillé en pièce, et pourtant malgré les mots et les agissements répugnants dont on m'avait gratifié, je n'avais pas perdu mon esprit combatif. Je m'étais relevée en cherchant à assassiner mon Maître. Oui j'avais planté mes crocs dans mon ennemi. Enfin plus précisément, j'avais planté ma lame dans son abdomen. La suite de l'histoire, on la connaissait.
Oui les attitudes, en un sens, étaient bien plus parlantes, j'en convenais. Et l'exemple qu'il prit ne me parlais que trop bien. Bien souvent on m'avait dit que l'on m'aimait, et bien souvent les actions avaient été à l'exact opposé. " Je t'aime" , avant de me passer à tabac. Pourtant, quand j'y réfléchissais, Aslam, lui, ne m'avais jamais dis qu'il l'aimait, et pourtant, il m'avait offert ma liberté, et il avait fait montre de patience en me sociabilisant à nouveau. Oui au fond de moi, je savais que l'ancien porteur de l'armure du Bélier éprouvait une tendre affection pour moi. Mais l'amour...Elle pensait le connaître, l'effleurer que depuis peu, alors ce concept demeurait encore quelque peu inconnu pour elle.
Quant aux dernier arguments avancés, il avait touché dans le mille. Tournant la tête vers la statue, je ne pus m'empêcher de lever une main pour venir caresser la visage froid.
"- J'admets, tu as raison. Un esprit faible se laisserait dominer par les mots. Mais toi et moi nous sommes fait d'une autre trempe, n'est-ce pas? Nous sommes de ceux qui se relèvent. Tu as beau être malade, il suffit de te voir pour comprendre que tu disposes d'une force plus que certaine. Nous sommes des guerriers Lykeios, et notre esprit a été entraîné à supporter ce qui ferait trembler n'importe quel homme normal."
Je me remis au travail, redoublant d'ardeur, comme galvanisée par les mots qu'il avait eu pour moi. Je repris alors la parole.
"- Tu sais, je suis certaine qu'elle t'aurait beaucoup apprécié." Par elle, j'entendais Aella et pour le signifier, je désignais d'un signe de tête mon oeuvre. " Tu as la Sagesse, et c'était une qualité qu'elle appréciait beaucoup, et même si je ne t'ai jamais vu combattre, je suis certaine que tu es un terrible adversaire. Oui vraiment, tu lui aurais beaucoup plu."
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Jeu 19 Mai - 23:04
À ses réactions, il put constater que ses arguments et exemples avaient touché. Tout d'abord dans ses gestes. Alors qu'Ainia l'écoutait, elle avait cessé de travailler sur son buste, allant même jusqu'à laisser ses bras retomber le long de son corps. Toute attentive à ses paroles, elle s'était retournée vers lui, et diverses impressions pouvaient se lire sur son visage. Quel genre de souvenirs faisaient-ils ainsi remonter à la surface de sa mémoire ? Que se tramait-il dans l'esprit de l'artiste aux cheveux de feu ? Cela, elle seule pourrait le savoir exactement.
Puis vint finalement sa réponse. Son acceptation. Même si cela n'avait pas été son but, il était parvenu à lui faire changer d'avis. Oh, cela n'avait pas tant d'importance, chacun se trouvait libre de penser comme il le souhaitait. Mais dans cette situation, Lykeios avait pressenti cette tournure. Avait compris qu'il ne suffirait que lui démontrer la réalité pour qu'elle puisse ouvrir les yeux et ouvrir les bras à cette vérité – du moins ce qu'il estimait en être une.
Quelques parties de sa réponse vinrent tout de même le troubler. Non, cette force certaine était bien discutable selon lui. Guerrier il était, certes. Il ne savait faire que cela, et chasser. Peut-être là y avait-il encore de son exigence naturelle, ayant toujours estimé avoir à faire ses preuves, encore et encore, toujours insatisfait de ce qu'il produisait, obtenait. Son esprit cependant en avait vu d'autres. Tant qu'effectivement, il avait cultivé une attitude impassible et un sang-froid robustes, même s'il arrivait que la férocité et la sauvagerie du loup prennent le dessus...
- Tu fais erreur, malheureusement. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même… Comme je te le disais, je ne parviens qu'à peine à me reconnaître. Je ne suis pas puissant. Pas assez...
Face à sa puissance d'antan, le Dieu-Loup se faisait l'impression d'être un louveteau chétif et maladif. De ceux qui finissent par être abandonnés par la meute afin de ne pas être menace pour le groupe. Bien sûr, son point de vue était biaisé par le fait d'avoir vécu en un corps de fruit divin. En comparaison de celui de Démétrios, Lykeios se trouvait tant bridé que c'en était à son sens indécent. Et ce sans parler même de cette maladie, figée mais qui tout de même le rongeait.
Ses dernières paroles avaient été prononcées avec une certaine amertume. Son regard azurin qui fut vague un instant se fixa à nouveau sur les mains adroites d'Ainia. Une éveillée également, il ne l'oubliait pas. Et la question qui lui traverse l'esprit à nouveau… Qui servait-elle ? Non, décidément, trop de risques… Une révélation qu'il ne vaut mieux pas encore éclaircir pour l'heure.
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Dim 22 Mai - 15:22
Tout en accomplissant ma tache, j'avais écouté avec attention Lykeios. Je me retins toutefois de partir dans un petit éclat de rire léger à sa remarque. Fort heureusement pour moi, je lui tournais le dos. L'ombre de ce qu'il avait été. Je n'osais même pas alors imaginer la puissance qui avait pu être la sienne s'il se sentait diminué à ce point. A en juger par ce qui m'avait été permis de voir, j'étais certaine que si j'avais dû combattre contre lui, le rapport de force aurait été particulièrement grand. Pour une ancienne chevalier d'Or, je n'étais même pas parvenue à ressentir sa présence.
"- Toi seul connais ta véritable force. Mais si je puis me permettre, je suis persuadée que tu n'en demeures pas moins un combattant féroce et aguerri."
J'étais réellement curieuse de savoir quelle pouvait être sa force. Mais en cet instant, cette curiosité était quelque peu mal venue. Ce n'était ni l'endroit, ni le moment. Une sorte de trêve en quelque sorte car je n'oubliais pas les soupçons d'Eveillé que j'avais sûr lui. Sous mes instruments, de longues jambes fuselées prenaient vie. Un bon moment plus tard, je me mis à passer un certain temps à retravailler les détails, à peaufiner ceux-ci, reculant par moment pour déceler les imperfections avant de les retoucher, si bien qu'au final, ma statue semblait presque être en vie. Aella se tenait là, le regard fier, l'arc bandé, prête à décocher une flèche meurtrière. Je reculais alors, observant mon oeuvre avec un doux sourire, passant la paume de ma main sur mon front.
"- Hé bien, on dirait que c'est terminé mon ami. Enfin presque."
Avant de ranger mes outils, je désirais néanmoins faire encore deux choses. Je levais la tête afin d'observer la course du Dieu Soleil. Il me restait encore un peu de temps devant moi. Assez pour faire ce que j'avais à faire. Je retournais au pied de la statue, gravant dans le bronze la phrase suivante " Pour qu'à jamais ne soient oubliées les fières filles d'Arès, combattantes redoutables et d'exception: les Amazones."
Puis, je détaillais les blocs, plus ou moins gros, du métal qui jonchaient le sol. J'en choisis un petit avant de revenir près de mes instruments, sélectionnant les plus fins d'entre eux. Pour cette tache, j'avais intentionnellement tourné le dos à Lykeios. Assise à même le sol, mon travail se fit plus minutieux, plus délicat. Et il dura un bon quart d'heure. Sous mes doigts, la petite pièce de métal se transformait en loup. L'animal était assis et sa tête rejetée en arrière laissait supposer qu'il était entrain d'hurler à la Lune. Je reposais enfin mes affaires, avant de souffler délicatement sur mon ouvrage d'à peu près cinq centimètres.
Après m'être relevée, j'approchais silencieusement de Lykeios, lui prenant la main pour venir glisser ma dernière création dans le creux de la sienne.
"- Considère ce totem comme un présent fait à un ami. Ne me demande pas pourquoi le loup. Ca m'est venu comme ça, naturellement. Peut-être est-ce tout simplement parce que tu disposes de sa sagesse et de sa nature sauvage. Je ne sais pas. Mais c'est un peu ainsi que je te vois."
Je refermais doucement son poing avant de le relâcher et de reculer, scrutant l'horizon. Le char d'Apollon allait bientôt terminer sa course pour laisser la place à sa jumelle. Mon faciès affichait alors une mine plus triste:
"- On dirait bien que c'est ici que nos chemins vont se séparer."
LykeiosArmure : Epervier de Zéphyr (Ouest et Printemps)
Re: [15 juin 550] Retour aux sources (PV Lykeios) Jeu 26 Mai - 0:43
Lykeios s'était simplement accroupi alors qu'elle terminait son ouvrage. Patiemment, il n'avait rien ajouté à sa dernière remarque quant à sa puissance soupçonnée. Inutile d'en rajouter encore. Sans doute l'était-il en comparaison d'un simple mortel, oui. Certainement même. Il suffisait d'en voir la difficulté qu'avait ce corps à contenir le Cosmos du Dieu-Loup, et ce même si celui-ci ne serait sans doute jamais comparable à ce qu'il avait été. Est-ce qu'il se jugeait trop durement ? Était trop exigeant envers lui-même, d'autant plus si peu de temps après son éveil ? Comment en être sûr ? Ah… sans ces quintes de toux incessantes dès lors qu'il fournissait un effort trop important… des crises pouvant même parfois se déclarer alors qu'il se trouvait simplement installé à une table pour partager un repas… Mais en l'état, il n'était qu'une coquille fissurée…
Un temps certain s'écoula, alors que seuls les coups de burin et les murmures du vent pouvaient se faire entendre. Du regard, il suivait le parcours des outils d'Ainia, descendant peu à peu, peaufinant, jusqu'à ce que des jambes soient extraites de la matière brute. Bien sûr, il avait conscience du temps qui passait. Prenait garde à ne pas se faire piéger. Mais les estimations de l'artiste furent bonnes, et avant que le Soleil ne finisse sa course, la statue fut terminée. Quoi que, peut-être pas tout à fait. Quelques détails à apporter encore. Puis la sculptrice lui tourna volontairement le dos, cela ne lui avait pas échappé. Sans doute une finition dont elle ne souhaitait pas qu'il soit le témoin.
Le Dieu-Loup se redressa lentement, puis s'approcha d'Aella. En détaillait des yeux les traits et les courbes, attentivement. La mère, n'est-ce pas ? Il essaya de se souvenir de la sienne, avec autant de détails que sa mémoire pouvait lui en rapporter. Son visage magnifique et ses grands yeux de biche. Son sourire mutin et communicatif. Le doux éclat de son rire, et sa manière de légèrement remuer les lèvres quand elle l'écoutait parler, comme si cela l'aidait à mieux mémoriser la moindre de ses paroles. Bien sûr, Lykeios tenta de s'en tenir à cela. Parfois difficile, l'arrivée d'Artémis et ce qui s'ensuivit tentant de prendre le dessus, mais sa volonté parvint à ce qu'il reste concentré sur les bons moments uniquement. De la sorte, il ne vit pas le temps passer.
Jusqu'à ce qu'Ainia vienne lui déposer dans la main un présent qui lui coupa brièvement le souffle. De la pulpe du pouce il en caressa les détails. La mère, encore une fois. Celle qu'il n'avait pu connaître mais qui l'avait porté. Mais celles aussi qui lui avaient offert descendance. Les mères de ses enfants. Sa meute.
Le tirant de ses pensées, la jeune femme lui rappela que le temps était compté. Sa main gantée se referma sur la statuette de bronze. Rendit un regard intense ainsi qu'un signe de tête reconnaissant à la jeune femme. Ami, avait-elle dit. L'étaient-ils réellement ? S'étaient-ils autant liés si rapidement ? Rien qu'un mot, comme ils en avaient discuté plus tôt ? En tout cas, elle avait fait montre d'attentions. Avait désiré qu'il reste auprès d'elle. Avait partagé son repas et pris soin de lui lors de sa crise. Et maintenant ce présent. Pour autant, amis ou ennemis, ils l'ignoraient toujours. L'avenir le dirait peut-être.
- L'on dirait bien, en effet. Merci pour tout, Ainia l'amazone. Je crois… que j'avais besoin d'une telle journée. Je t'en suis reconnaissant. Je te souhaite que tes pas te mènent là où le bonheur t'attend. Tu es quelqu'un de bien et le mérite.
Pourtant, ces mots soufflés, il ne part toujours pas. C'est son visage à elle qu'il détaille à présent, comme il l'avait fait de la sculpture. Comme s'il en gravait à son tour les contours, en sa mémoire et non dans le bronze. Puis un élan. Proches, il lui suffit d'un pas et de se pencher vers elle. Sans bruquerie, Lykeios dépose alors brièvement ses lèvres sur le front de la belle amazone. Les actes comptent plus que les mots…
Cela fait seulement, après un dernier regard, il se détournera et s'éloignera, poursuivant sa longue route jusqu'à Rome.