[Octobre 550] Le tigre et le Wendigo (ft Kostas)

Kostas était presque rétabli maintenant, il fallait dire que le périple de Jamir l'avait bien amoché et qu'il devait la vie à sa bénédiction par Arès. Le combat contre les deux poiscailles l'avait si bien amoché qu'il n'avait fallu qu'un seul assaut au Grand Pope pour le battre et l'envoyer ad patres. Mais le Dieu de la Guerre n'avait pas voulu que le chef du clan des Misthophoros rejoigne le royaume des morts et l'avait sauvé in extremis de ce funèbre destin. Il dormit alors pendant des jours, luttant contre la fièvre et l'infection qui coulait dans son sang. On le transporta de Jamir au Dédale sans qu'il ne s'en rende compte et après presque dix jours dans le coma, il s'éveilla enfin. Les guérisseurs du Dédale avaient fait du beau boulot. Les blessures avaient été bien refermées et ses os bien retenus pour qu'ils se consolident à la bonne place. Il garderait quelques cicatrices de Jamir, quelques-unes de plus qui se rajouteront aux dizaines d'autres, mais rien de bien voyant au final, la principale restera toujours celle de son nez, le petit souvenir de son cher père....

L'objectif du siège de Jamir avait-il été atteint? Il avait cru comprendre que Zvezdan avait récupéré une amphore de sang qui se cachait dans la haute tour, genre c'était un peu le but de tout cela. Mais il semblait qu'un peu tout le monde était reparti avec son amphore surprise. Arès avait manqué son coup, ou du moins une partie vu qu'il n'avait pas tout eu. On lui avait aussi dit que Thivan n'était plus, un bon gars pourtant, c'était grâce à ce Pontife qu'il était revenu de son exil, non sa mission donné par Xanthe... Un nouveau chef avait pris le relais d'après ce qu'on lui avait soufflé à l'oreille. Il fallait qu'il en apprenne un peu plus, il n'aimait pas être dans le flou.

Il était réveillé de son long sommeil souffreteux depuis trois jours maintenant. Trois jours à rien foutre dans son lit à part pioncer, bouffer et se gratter les couilles. Il était maintenant temps de se bouger un peu le cul et de revenir sur le devant de la scène. L'expérience de Jamir lui avait montré qu'il avait quelques lacunes, il devait donc s'améliorer encore. Il fallait déjà que son corps redécouvre toutes ses sensations, il fallait donc reprendre les bases. C'était donc parti pour un entrainement physique. Il passa un froc noir et ses bottes, par-dessus les bandages sur son bide et ses épaules, il passa son armure de cuir. On voyait clairement encore les bandes. Il prit ensuite Graban sa lourde épée et la clipsa dans son dos.

Il partit au pas de course, rythme lent pour les premières foulées puis plus soutenues pour la suite. Il sentit ses cotes fracturés quand il prit un rythme vif et descendit alors la cadence. C'est ainsi qu'il arriva à la Grotte des Crânes. Il s'enfonça un peu dans cet ossuaire géant, rempli des cadavres des ennemies des forces d'Arès. Il vit que quelqu'un d'autre s'y trouvait, il s'avança vers lui. Il reconnut la cuirasse qu'il portait, celle du Tigre. Il avait connu son ancien possesseur, un certain Borya, un mec bien barge.

_ Tiens il semblerait qu'le Tigre possède un nouveau porteur...

Il stoppa sa marche, regardant la tronche du type. Un visage à la peau mate, des longs cheveux... Un arabe? C'est assez rare dans le lot des Berserkers ça... Kostas sourit.

_ Ça fait longtemps que t'es chez nous? Moi c'est Kostas Misthophoros.

Peut-être que le bronzé avait entendu parler de son clan, ou peut-être pas. Il fallait dire qu'il était plus qu'une poignée maintenant... Merci Constantinople et les Saints....

L'homme était venu à lui et il le salua avec respect, il fallait dire que même sans sa cuirasse, le Misthophoros imposait le respect par son physique guerrier. Il avait beau avoir une bonne partie du tronc bandée, il était toujours capable de foutre des mandales ou de trancher des mecs à coups d'épée.

_ Borya? Un gros tas d'muscles qui a tenté de bouffer l'dédale et qui s'est fait bouffer à son tour.

Kostas éclata de rire, il savait très bien que cela était amené à devenir une légende, la répétition de cette histoire un poil déformée qui fera qu'on se souviendra pendant des années, voire peut-être des siècles, du dénommé Borya du Tigre, le Berserker qui se fit bouffer par le dédale après avoir tenté d'en manger un bout avant. Il le regarda ensuite après sa petite présentation, nommant ainsi son pédigrée de fils du sable.

_ Un oriental? C'est vrai qu'on a pas trop d'ça chez nous en c'moment.

Toujours cette fameuse nonchalance dans son ton et ses mots coupés par son phrasé rapide, la petite marque de Kostas du Wendigo, pur produit de la machine à Berserker.

_ T'sais moi faut pas chercher bien loin. Tu trouveras mon village natale à quelques lieux à l'est d'ici. Chez les Misthophoros, on est Berserker de père en fils t'sais. J'viens d'une lignée remontant à bien des siècles, et on a toujours servi Arès. Qui je connais? Pratiquement tout le monde, de plus ou moins loin mon pote, faut dire j'vis ici depuis mes dix piges, j'en ai vu du monde circuler, héhé.

Il éclata de rire, son rire rauque si reconnaissable, il se tapota ensuite la poitrine.

_ P'tit cadeau du périple de Jamir, certaines viennent de deux poiscailles de Poséidon, celle la c'est le Grand Pope, l'chef des Saints qui me l'a offerte.

Il retira sa main après avoir montré l'endroit d'un des coups d'Akritès, peut-être le dernier, le fatal. Il s'en souvenait plus en fait. Il fallait dire qu'il était déjà plus mort que vivant quand il a croisé la route du Pope, appuyé sur Graban comme un vieux sur sa canne, une statue de chair sanguinolente, statue qui fut soufflée comme de la paille par le Saint. Heureusement Arès avait eu pitié de lui, enfin pitié n'est pas vraiment un mot pour désigner les actes d'Arès, on pourrait plutôt dire qu'il avait encore besoin du pion qu'était le chef du clan Misthophoros. Il remarqua les blessures d'Akir, déjà vieilles de quelques jours. Il sourit.

_ J'vois que t'as déjà eu le droit à ton bizutage? Le test d'un Cardinal?

Kostas éclata de rire suite aux paroles du nouveau porteur de la cuirasse du Tigre.

_ Un cinglé? T'es tombé dessus? Bwahahaha...

Son rire rauque et rocailleux résonnait dans toute la grotte, l'ossuaire géant du dédale offrait une belle acoustique au rire si reconnaissable du wendigo. On avait surement dû l'entendre à des couloirs de là, mais c'était si drôle ce que venait de dire Akir. Kostas en eut les larmes aux yeux, il s'en fit même mal aux cotes qu'il avait de fracturer, c'était pour dire.

_ Mais c'est qu't'es drôle le Tigre. C'est pas comme si on était pas tous un peu dérangé du ciboulot dans l'coin. Du moins quand on entend parler l'peuple d'en bas, les chrétiens d'à coté ou encore les autres éveillés. Personnellement j'pense pas qu'on soit zinzin, enfin peut être certains quand même, faut dire y'a des cas ici... Après rien d'étonnant qu'un mec ait voulu tester le p'tit nouveau ou juste eu envie de s'défouler. Il avait un p'tit nom l'mec que t'as combattu?

Kostas regarda alors Akir, que de différence entre l'ancien et le nouveau porteur de la cuirasse du Tigre. La peau mate, un corps sculpté mais fin, tout le contraire de ce gros sac de vandale, ce tas de muscle ambulant aussi puissant que bête, sa fin allait si bien avec cela. Le Misthophoros ne put s'empêcher de lâcher un petit rire suite à sa pensée. Et pourtant il était un bon compagnon, un brave Berserker, aussi courageux que lourd...

_ Dis moi donc l'ami? T'faisais quoi avec de nous rejoindre? Une petite vie tranquille avec bobonne qui t'massait les couilles l'soir quand tu revenais du boulot? Une vie plein d'aventure, sachant qu'un jour un dieu allait venir te tirer jusqu'à lui pour que tu puisse remplir ta mission, ton destin? Allons donc Akir dis moi c'que ça fait d'apprendre comme cela que tu es un Berserker?

S'il y avait bien une chose qu'un Misthophoros ne savait pas c'était cela. Ils naissaient pour servir Arès, ils naissaient pour devenir des Berserkers. Le clan les formatait depuis leur naissance à devenir les armes du dieu de la guerre et il n'y avait pas d'échappatoire à cette destinée. C'était le but de la lignée de Cycnos, suivre la voie du Père des massacres, seulement la mort permettait de fuir cet engagement.

Kostas se demandait bien pourquoi Akir le nouveau porteur de la cuirasse du tigre ne voulait pas vraiment lui dire qui l'avait mis dans cet état. L'homme avait-il honte d'avoir été défait? Il y a toujours quelqu'un au dessus de soi, le nouveau Berserker devait pourtant le savoir, nul n'est surpuissant même un dieu. Oui même un dieu peut se retrouver en position de faiblesse face à une autre divinité voir même un mortel, l'histoire des éveillés l'avait démontré quelque fois déjà...

_ Bwarf... Passons... T'as r'çu ton rite d'initiation, t'as donné de ton sang pour r'joindre les légions d'Arès, dis-toi c'la Akir.

Autant arrêter de parler de cela, il allait pas lui sortir les vers du nez, surtout qu'avec Graban comme outil cela devenait de la boucherie. Il revint sur les éléments de la vie précédente du Tigre.

_ Une bande d'voleurs? Cela m'plait bien... Nous les Misthophoros on fait plus dans l'mercenariat pendant nos temps libres, faut bien s'entretenir non?

Il éclata de rire en repassant à quelques batailles bien sanglantes qu'il avait passé en Austrasie, il ne savait pas pourquoi mais il pensa furtivement à la petite druidesse aveugle qu'il y avait rencontré.

_ Constantinople, Justinien... Je vois un peu pourquoi l'Père du Conflit t'as ramené à nous. Tu sais qui sont derrière cet empereur et sa cité? Les Saints et Athéna mon petit pote. Nos braves ennemis séculaires, si tu les détestes autant, c'est qu'au final tu détestes aussi les autres. Oublies pas c'te haine pendant un combat, c'la pourra t'aider surement.

Il y avait un petit monticule d'os à quelques mètres de luin former une bosse, un truc où il pourrait s'assoir. Le grand gaillard à l'énorme épée, s'en rapprocha et y posa ses fesses. Il n'était pas totalement rétabli, la fatigue le rattrapait et la douleur aussi.

_ En tout cas, soit l'bienvenue ici Akir. On aura surement l’occasion de croiser le fer un d'ces jours, ou d'boire une chopine ensemble non?

Lançait-il un appel à ce que le nouveau paye sa tournée? Oui totalement.

Kostas aclata de rire quand Akir lui sortit que l'araignée avait encore dit que les oracles étaient les alliés des berserkers, son rire rauque retentit tel un rugissement dans la cavité rempli d'os qu'était la grotte. Non ils n'étaient plsu alliés, oh non... Pas après ce sale coup, coup bas en prime.

_ Alliés? Plus maint'nant... T'oserai avoir un allié qui t'fourre une branche de sapin dans l'anus lorsque tu t'retournes? Ca pique les épines j'pense. Mwahahaha...

Encore et toujours ce rire, l'homme fixait son compère centurion. Il se leva doucement, shootant dans un crane qui se trouvait pas trop loin devant lui. Il se brisa en rencontrant un autre plus loin.

_ Y'a une taverne pas trop dégueulasse au deuxième village vers l'sud. La cervoise fait un peu pisse d'âne mais le pinard tape bien le crane, puis y'a d'la bonne pute pas trop chère. J'espère que t'aime bien les gros nibards car tu seras servi la-haut. D'jà goutté à de la chatte occidentale le bronzé?

Le Misthophoros éclata encore de rire. Akir lui plaisait bien pour le moment. Un bon petit gars qui pourrait faire un bon compagnon de route ou de combat surement pour le moment. Il lui indiqua de le suivre, il allait directement sortir du Dédale pour s'y rendre de suite après. Il jeta un oeil à l'arabe et tout sourire il lui sortit.

_ Bien-sur c'est toi qui raque l'ami, mwahahaha...

C'est ainsi que Kostas et Akir allait se vider des verres et les bourses... En chemin il lui parlera un peu du dédale, de son mode de fonctionnement, de lui, ses expériences... Faire un peu connaissance donc.