[Début juillet 550] Le serment

Minuit.
L'aube du 5ème jour ne tardera plus à se lever. Quelques heures, tout au plus.

Cela fait quatre jours. Quatre jours qu'elle est assise face à l'armure de la Vierge. Nul mouvement. Pas d'eau ni de nourriture. Aucun mot. Sa respiration et sa concentration ont été ses seules compagnes jusqu'à maintenant. Et aussi étonnant que cela pourra peut être paraître, elle n'en souffre d'aucune façon.

Seule, elle a toujours été habituée à l'être, la majeure partie de son existence. Cela... n'a jamais été un problème. Aujourd'hui plus que nul autre, car depuis une journée, seule, elle ne l'est plus et ne le sera plus jusqu'à sa mort.

La Vierge n'est pas facile à amadouer. Pour autant que l'on s'y soit essayé, ce qui n'est pas réellement son cas. Car ce n'est pas Anoki qui a choisi son armure, mais bien la constellation qui l'a décidé. Un appel, une lancinante mélopée qui ne cesse d'habiter son esprit depuis quatre jours. Depuis cet instant où elle parcouru les Maisons du zodiaque jusqu'à en perdre haleine. Ce jour où elle se retrouva face à l'armure d'or et que naquit en son coeur un bien étrange sentiment. Un sentiment inconnu, sur lequel aucun mot n'est à même de se greffer.

Il aura fallu trois jours. Trois jours de contemplation, de méditation, de réflexion, avant que la constellation ne décide qu'il était temps de briser cet opaque silence.
Elles s'étaient jaugées dans le plus profond mutisme. Nul cosmos, nulle présence autre que ces deux statues parfaitement immobiles face à face. Tout ce qu'il pu se passer à l'extérieur durant ce laps de temps, n'eut aucun impact, aucune emprise, ni sur l'armure ni sur sa nouvelle porteuse.

Anoki ne s'en est pas aperçue. Concentrée à son paroxysme, la vibration qui l'unit alors à la Vierge est pleine et entière, parfaite et superbe. Une union sacrée qui la lie à celle qui devient sa plus proche compagne, jusqu'à ce que la mort les sépare.

Elle ne s'en est pas aperçue. Elle ne réalise pas que depuis une journée, son corps s'est lentement soulevé de terre. Les jambes croisées, le plat de ses paumes étroitement collé l'un contre l'autre, une fine pellicule d'or la recouvre. Contrairement à d'habitude, un très léger cosmos se ressent aux abords de la maison de la Vierge.

Le serment est promulgué sans qu'aucun son ne s'extirpe de sa poitrine.


D'un mouvement sec, Anoki s'entaille le dessus de son avant bras du tranchant de la main.
Les gouttes de sang perlent rapidement en un filet écarlate qui dégouline sur le métal doré de l'armure. Chaque perle sanguine qui percute l'armure est immédiatement absorbée par la Vierge, comme si la constellation lui offrait sa bénédiction et recevait son serment ainsi acté.