[Début mars 553] L'oiseau et l'enfant [PV Argus] [Terminé]

Argus pouffa et répondit sur le même ton à la boutade de Kaleb.

Je suppose qu'il a des arguments... Plus percutants !

Mais la jeune fille ne pouvait actuellement s'ôter de la tête l'imge du Grand Pope les poursuivant à coups de livres de comptes. Décidément, cela ne collait pas avec l'homme solennel qu'elle avec qui elle avait discuté quelques heures plus tôt, c'en était donc d'autant plus drôle. Cependant, à la mention des sévices qui pouvaient tomber si elle se risquait à profaner ce lieu sacré, un léger frisson lui parcourut le dos.

Argus se laissait aller à battre des pieds dans l'eau, à s'immerger jusqu'au menton, à faire des vagues avec ses mains... à se comporter comme une enfant, libérée des carcans des apparences lorsque Kaleb lui avait dit qu'il n'y avait pas de honte à jouer. D'autant plus que c'était son premier bain ! Avec une eau délicieuse chaude, et pas les baquets glacés qu'elle se jetait pour se débarbouiller !
Elle n'eut pas conscience du regard de Kaleb, d'autant plus que celui-ci était très léger. Si son corps évoluait de plus en plus vers l'âge adulte, son esprit restait à la traine. Il voulait profiter des dernières bribes d'enfance dont il pourrait profiter. Elle se baignait donc dans le même état d'esprit qu'entre camarades, et elle n'imaginait pas vraiment qu'il puisse y avoir ambiguité. Puisqu'elle avait gardé sa toge et son masque.

Le silence qui se prolongeait ne mit pas Argus mal à l'aise. Elle profita de ce moment de pause pour délasser son esprit autant que ses muscles et laisser ses pensées vagabonder où bon leur semblait, sans chercher à les retenir. Les souvenirs de sa mission se mêlaient à ceux de cette conversations qu'ils venaient d'avoir, mais aussi à tous les espoirs qu'elle plaçait en leur futur, son impatience...


Une lépreuse... Avant même qu'Argus se dise que pourquoi pas, Kaleb lui rappela qu'on lapidait les lépreux. Elle s'en voulut d'avoir oublié. Non, décidément, ce n'était pas une bonne idée. Eviter les pierres des dormeurs serait un jeu d'enfant pour elle, cependant il lui faudrait pour cela révéler ses capacités.
Non, encore une mauvaise idée.
Argus releva cependant la tête à la mention des peuples du désert où les femmes étaient voilées. Cela ressemblait enfin à un mensonge plausible pour camoufler son identité !

Si je devais voyager ailleurs, ne pourrais-je pas dire que je tiens à garder les traditions des contrées d'où je viens ?

Sans sable et sans bourrasque, ce ne serait peut-être pas plausible... Décidément, il faudrait qu'elle s'informe un peu plus avant de parler. Heureusement que pour cela elle aurait accès aux livres du temple de la Vierge !

La punition si on me voit sans masque... Je dois tuer ou aimer l'homme qui me voit.

Elle se renfrogna. Aucune des deux solutions ne lui faisait envie. Tuer, elle ne s'en sentait pas la capacité, physique ou morale, et puis pourquoi priver les rangs d'Athéna de l'un de ses meilleurs éléments ? Aimer, elle ne savait pas exactement quel implication émotionnelle cela impliquait, mais elle n'avait pas envie de forcer ses émotions... Certes, si elle le devait, elle obéirait. Mais pas de gaité de coeur.
Soudain, une idée lui traversa l'esprit :

En fait le problème c'est qu'on me voie ! Il faudrait que je me renseigne sur si cela s'applique aussi aux dormeurs mais... Est-ce que dans ce cas vous pourriez porter un bandeau sur vos yeux et prétendre être un aveugle ?

En espérant que la perte de l'un des sens de Kaleb ne représente pas un trop gros désavantage...

«Une alternative qui ne souffre pas de demi-mesures… Eunoia n’avait pas exagéré le sujet… »

Il commenta sobrement la réponse d’Argus. Bien évidemment, cela ne simplifierait pas les choses en cas de mission mixte. En revanche, le point qu’elle souleva ainsi que son idée lui parurent beaucoup plus prometteuses.

«Je crains que cette tenue, dans une contrée où elle constituerait une attraction exotique nous ferait malheureusement perdre toute discrétion et tout effet de surprise nécessaire à l’accomplissement d’une quelconque mission. En revanche, si le tabou de ton visage ne s’applique pas aux dormeurs, ta solution me semble des plus adéquats… Enfin, tant que tu me guides par le bras et que l’on ne me présente pas comme scribe…»

Le ton de sa voix s’était quelque peu enjoué à cette énoncée. Même les yeux fermés, il pouvait avancer par lui-même. Cependant cela l’obligerait certainement à avoir recours à son cosmos et ainsi être détectable par un ennemi potentiel. Donc cela risquait de ne pas non plus satisfaire à l’épreuve de la discrétion. Et l’Oiseau de Paradis devait se rendre compte ce que pouvait donner un cosmos de chevalier d’or même à faible intensité.

Kaleb ferma les yeux et déploya son énergie très légèrement. Le caldarium commença à s’agiter tout d’abord comme si une petite brise était venue effleurer la surface de l’eau puis, de plus en plus fort jusqu’à provoquer des vagues qui éclaboussèrent Argus. Facétieux, le chevalier de la Vierge éclata d’un grand rire sonore. Puis, comme un gamin, il entreprit de l’arroser copieusement. Il ne put s’empêcher de la taquiner.

«Et voilà, selon mes théories comment Moïse a fait traverser la mer morte aux Hébreux pour qu’ils atteignent leur terre promise. Il est probable que les sept plaies d’Egypte relèvent également du même phénomène. Comme je soupçonne David et Salomon d’avoir été des éveillés…»

Puis jetant un œil bienveillant à l’Oiseau de Paradis, il poursuivit plus sérieusement.

«Tu ne t’es jamais interrogé sur le rôle qu’ont pu jouer des éveillés, chevaliers ou pas, dans les différents événements qui jalonnent l’histoire de l’Humanité ? Personnellement, j’avoue que j’aime à émettre des suppositions et des hypothèses à ce sujet. Un exercice qui te plairait ?»

Kaleb semblait critique sur la règle du masque, cependant il n'en dit pas grand chose. Il semblait avoir entendu parler de cette règle, mais seulement vaguement. La poing d'Argus se crispa imperceptiblement sous l'eau : elle trouvait cela tout à fait absurde que les Chevaliers masculins ne soient pas au courant de cette règle, alors qu'ils étaient tout autant concernés, finalement ! Pourquoi les femmes devraient-elles en être les seules garantes ?

La tenue voilée, dans une contrée où cette coutume n'était pas connu, serait un désavantage à cause de son exotisme trop voyant. Argus se mordilla les joues, pensives. C'était décidément un sacré problème que ce masque, dans le cas que soulevait le Chevalier d'Or...
Heureusement, la solution de la cécité semblait plus plausible que les autres, à un détail près... Argus eut un léger sourire en imaginant la force de la parcelle de cosmos que son hôte dévoilerait pour pallier son sens manquant... Là non plus, la discrétion serait à nouveau à revoir !

Argus sursauta. Cette cosmo-énergie... Non, elle n'était plus dans son scénario imaginaire, mais bien dans la réalité ! Kaleb cherchait sans doute à lui prouver, à sa manière, la faille de son exemple.
Une brise s'était levée dans la pièce, de plus en plus puissante, et Argus rit lorsqu'une vague vint l'éclabousser. Pour ne pas être en reste dans ce jeu, elle dévoila elle aussi son cosmos, bien pâle face à celui de Kaleb, et le dirigea exclusivement vers cette eau pour prendre sa revanche.

Mais elle perdit la partie lorsque la surface se sépara en deux, échappant à son contrôle.
Elle écouta avec attention la théorie de son hôte. Oui, c'était plus que plausible que de tels miracles, tels que racontés tout autour du globe, aient en réalité été le fruit d'éveillés... Ou de leur divinité respective... Argus ne savait pas trop.

J'avoue que je n'ai jamais pris le temps d'y réfléchir, mais ça serait en effet logique... Je suis tentée par l'exercice !

«Un exercice passionnant, à n’en pas douter. Je pense que nous aurons l’occasion de mener ces recherches dans la bibliothèque si tu veux…»

La discussion se poursuivit longuement. Puis Kaleb décida de sortir de l’eau. Il se saisit de deux linges qu’il réservait à la sortie du caldarium et avec lesquels il était d’usage de se sécher. Il en tendit un à Argus avec un grand sourire. Déjà, les premiers rayons du soleil pénétraient dans la demeure de la Vierge. Le chevalier d’or laissa la jeune femme se rhabiller et sorti. Dans quelques minutes, il allait accueillir les premiers serviteurs qui arriveraient pour mettre en route la cuisine et éteindre les braseros. Kalia n’allait pas tarder à se lever non plus.

Le chevalier de la Vierge venait donc de passer une nuit blanche. La journée s’annonçait rude. Mais elle en avait valu la peine. Une nouvelle rencontre, une nouvelle étoile sur laquelle veiller. Il espérer sincèrement pouvoir l’accompagner dans sa soif de connaissance et sur les traces de son passé. Kaleb se rhabilla dans une tenue propre. Il jeta un œil à la pierre qu’elle avait gravé de son cosmos. Qui pourrait donc l’aiguiller pour savoir à quel alphabet ce mystérieux glyphe appartenait ? Peut-être devait-il solliciter l’accès à la bibliothèque quand il rencontrerait enfin le Grand Pope ? Il tenterait sa chance. Après tout, en tant que chevalier d’or, il y avait certainement quelques prérogatives dont il pouvait se prévaloir.

Il resta assis sur les marches à l’entrée de sa demeure. Il regarda les deux coupes et la corbeille de fruit qu’ils y avaient abandonné. Il faudrait qu’il les ramène avant que d’aucuns s’en rendent compte et que les gens commencent à se faire de fausses idées. Il commençait à cerner le goût des serviteurs et autres gardes pour les ragots et les interprétations douteuses. Et le fait qu’il soit le récent gardien de la sixième demeure rajouterait sûrement l’attrait de la nouveauté à la rumeur.

Il attrapa donc les derniers vestiges de leur collation qu’il ramena lui-même en cuisine, lava et rangea les deux coupes comme si de rien n’était. En sortant de l’office, il croisa les premiers serviteurs qui arrivaient. Juste à temps. Il leur adressa un salut cordial et retourna s’asseoir sur les marches, une pomme dans la main. Il sentit alors l’aura d’Argus approcher.

Quand elle fut à son niveau, il leva les yeux vers elle et lui adressa un salut des plus bienveillants assortit d’un large sourire.

«Merci pour ta compagnie. Ce fut très enrichissant. J’espère que la journée ne sera pas trop dure à affronter… N’hésite pas à revenir dès que tu le souhaites. Je t’ai promis un entraînement… J’ai hâte de voir comment tu te débrouilles au combat…»

Citation :

RP terminé. Merci