[Mi-Mars 553] Deux venins, un serpent [PV Nessius][Terminé]

Peu après le sujet PNJ

Les orbes smaragdin plongeaient dans les mémoires oniriques. Les légendaires sustentaient son esprit, l’empêchaient de s’éparpiller en dépit de leur cruauté ; une manière comme une autre pour rassembler ses idées, stimuler des hypothèses qui, déjà, se dessinaient. Dernièrement, les choses bougeaient en Atlantis, à outrance, et certains spectres surplombaient encore les murs de la cité. En outre, les nouvelles d’un trépas, sans pour autant l’atteindre, suscitaient des question supplémentaires.
La lumière avait, peut-être, un peu trop brillé.

Un mystère de plus sur lequel les naïades se pencheraient, lorsque l’opportunité se présenterait. Or, pour l’heure, il y avait d’autres lièvres à s’occuper. D’une part, cette inconnue revenue de son île, cette Tremere emplie de mystères. Jamais croisée, mais les investigations allaient bon train et une rencontre se produirait d’elle-même. Cassandra en était certaine.

Le cas suivant, cette Sirène irrévérencieuse, dévoreuse d’Hommes et de magnétisme. Une presque sorcière, elle aussi, mussée sous les traits d’un sexe opposé. Une pièce pour le moins efficace, s’il entre dans la danse toutefois, appâté par ses propres désirs. Nulle doute à ce sujet, mais une surveillance appropriée.

Pour finir, les sourcils froncés, la demoiselle posa une main sur les plantes qui jonchaient les steppes de l’Antarctique, situés à l’opposé du pilier : une âme s’aventurait, derechef, dans ses contrées. Le regard porté vers l’entrée, elle intima aux siens. Nulle parole, quand ils étaient à même de se comprendre sans, et déjà glissaient-ils dans l’ombre, cachés par la brume qui, lentement, se levait. Çà et là, des formes disséminées le long du chemin, le guidant vers l’endroit où la maîtresse patientait.

Les illusions n’attendaient jamais.

Sur ses jambes, les Lyumnades au corps, Cassandra ordonnait en silence. Paupières fermées, elle humait les odeurs, les rouvrant alors pour lancer une œillade vers son ouvrage. Un soupir s’ensuivit, inaudible, et déjà reportait-elle son attention sur celui qui, bientôt arriverait.

Une nouvelle tête. Voyons-voir s’il en vaut la peine.
Les premières minutes seront décisives, pour savoir quel rôle conviendrait.

— Soyez le bienvenu, Capitaine, puis-je connaître les raisons de votre déplacement en Antarctique ?

Une interrogation somme toute légitime, car la région correspondait en tout point à ce que l'on attendait d'elle. Souvent déserte, et les visites s'avéraient rares d'ordinaires. Jusqu'à il y a peu, tout du moins.

Sans raison convenable, il n'ira pas plus loin, devra peut-être même rebrousser chemin.

À lire:

En ces heures glaciales, les steppes de l’Antarctique révélaient toute l’étendue de leur beauté ; n’en déplaise à la générale qui, formelle, patientait que les ombres le guident jusqu’à elle. Rares étaient ceux qui venaient sur ses terres. Une nouvelle tête, semble-t-il, à en juger par les traits de l’étranger. Une alerte feutrée, dictée par celles qui, souvent, s’enflammaient ; les sens en éveil, elle dirigeait alors ses troupes à travers son territoire.

Ici, tout passait par elle, et le capitaine devrait s’y faire.

Une réponse attendue ; Cassandra ne cessa de le jauger, sans vraiment prendre la peine de le cacher. En effet, les annonces récentes attiraient l’attention des plus curieux, des tentateurs et des inquiets : les membres du conseil se rassemblaient et, si l’on en croyait les rumeurs, il y avait de quoi s’interroger. En outre, si les apparences s’avéraient parfois trompeuses, les premières conditionnaient, sans contredit, des réactions similaires.

— Cassandra des Lyumnades, en effet.

De sobres présentations, comme à l’accoutumée, car la demoiselle n’appréciait que très peu s’étendre sur ses titres. Or, il en était tout autre pour l’homme qui se tenait en face. Conservant toute sa substance, ce calme que l’on accordait d’ordinaire à la dame, elle ne retint, toutefois, pas sa remarque.

— Il est coutume de se présenter, avant d’énoncer ce genre de requêtes.

Un brin de politesse ne lui ferait aucun mal. L’ouvrage au creux de ses mains, l’atlante s’attarda quelques instants, laissant planer les vents de sa contrée. Visiblement, l’inconnu ne savait pas où il mettait les pieds, pas plus que les caractéristiques de ce pilier. Muettes, les mirettes balayèrent la zone dans son intégralité, avant de se reporter sur l’invité autoproclamé.

— La famille Marsyne ne réside, pour une majeure partie, pas sur le pilier. Ni même en Atlantis, à vrai dire. Navrée, Capitaine, mais je suis au regret de vous apprendre que vous ne le trouverez pas ici. N’aurait-il pas été plus simple d’annoncer votre visite ?

Ne lui restait plus à tenter, chercher encore pour dénicher ce qu'il ne peut atteindre.

Ces indications, les Lyumnades les attendaient, car, sans cela, nulle âme n’obtenait l’autorisation d’outrepasser la frontière ; son terrain s’étendait au-delà du pilier même et toutes les menaces étaient vouées à disparaître. Ils n’atteindront jamais leur cible, qu’importe les tentatives. Ces questions ne sont que les prémices d’autres choses, d’une nouvelle vague qui, lentement, se dessinait.

Dès lors, les protecteurs glissaient vers le cœur du sujet. Les évènements récents attiraient bon nombre de foule et tous faisaient demi-tour : le conseil essayait de remuer, tant bien que mal, ce qu’ils considéraient comme la vase du Sanctuaire des mers. Ils étaient en quête.

Dans un premier temps, l’Atlante opta pour une approche douce. En effet, à l’instar des membres de cette famille singulière, le patriarche ne logeait guère aux alentours de la zone Antarctique. Si la demeure s’érigeait, elle s’avérait, dans les faits, plus esseulée qu’on ne le penserait de prime abord. Pourtant, en dépit de ses préventions, le dénommé Nessius s’enfonça une nouvelle fois.

De plus en plus, il se noyait dans un vide absurde.

Ses arguments, Cassandra les enregistrait, comprenait leur teneur. Or, cela ne prouvait pour autant pas leur véracité et, malgré tout, le Naga cherchait désespérément une faille. Il ne regardait que le bout de son nez.

— Non, en effet, mais je ne pense pas que ma position vous concerne de quelque manière que ce soit, Capitaine.

Un souffle feutré, une explication supplémentaire.

— Nous existons pour protéger le Sanctuaire, la cité et sa population. Comprenez que je ne suis pas ici pour débattre de la pertinence de toutes ces histoires politiques, mais pour faire mon travail. Concernant Rodolpho Marsyne, il ne réside peut-être pas sur le pilier, mais cela ne l’empêchera pas de superviser la Capitainerie de l’Antarctique s’il l’estime nécessaire.

Un bras détendu ; un bras ferme qui pointait en direction d’un chemin qu’elle lui ouvrait.

— Vous pouvez vérifier par vous-même, soyez cependant conscient que vous serez sous une surveillance étroite durant votre séjour parmi nous.

Elles étaient partout, après tout.

— Ils ne sont que des guides. Je serai, bien évidemment, celle qui vous accompagnera. Veuillez me suivre, je vous prie.

Sans attendre, Cassandra ouvrit la marche, s’élança à travers les steppes glacées. Au bruit de leurs pas, les rares animaux relevèrent la tête, curieux, prêts à s’enfuir au moindre geste, abrupt ou simplement mauvais.

Une progression pour le moins disparate, formée par le biais d’une conversation bigarrée. D’une méthode classique, maladroite qui plus est, le Capitaine du Naga s’enfonçait dans le sujet, s’entêtait à déclouer une porte condamnée ; les tentatives pour la crocheter ne changeront en rien les avertissements tacites d’ores et déjà reçus, car les acteurs étaient en place depuis bien longtemps déjà.

— Pour en revenir à votre question, cela ne m’interpelle pas. Pour l’heure, le Sénateur Marsyne n’est pas intervenu sur le pilier et, quand bien même les marges de manœuvre évoluent, leurs supervisions n’en resteront pas moins limitées, et ce pour le bien de la cité.

Pour comprendre ces quelques mots, encore faudrait-il savoir lire entre les lignes. En effet, les chemins qui s’offraient à eux n’étaient, somme toute, pas si nombreux. Leurs agissements éclaireront les desseins, les dessous de toutes les affaires, des plans certifiés comme officieux. D’une manière ou d’une autre, les éléments se rassembleront, referont surface.

Dès lors, la gardienne s’arrêta, se retourna en direction de cet invité qui ne l’était pas. Quelques paires de secondes, et déjà les prunelles s’ancraient-elles sur lui, le jaugeant sans véritablement s’y attarder. À leur proximité, un désert, de prime abord esseulé, désormais transformé, parsemé de pierres et de rochers. Cette fois encore, le blanc dominait.

— Les manœuvres récentes vont-elles à l’encontre des principes, de nos devoirs, des raisons pour lesquelles nous existons et portons ces écailles ?

Nulle virulence dans ces propos, uniquement une interrogation qui, peut-être, étayerait les mentions précédentes. Leur présence se composait d’une lame à double facette : destructrice ou complémentaire.

Une personne pour le moins singulière se tenait ici-bas, arborant les traits d’un Capitaine aux tendances malapprises ; les minutes écoulées n’arrangeaient, par ailleurs, guère son cas. Nul doute qu’il trépignait, soucieux de connaître l’identité de ses ennemis et de ses alliés, car les hostilités débuteraient bien assez tôt. Seulement, les dissensions ne montraient pas encore le bout du museau. Ou, plutôt, leurs natures demeuraient enfouies sous une couche de secrets.

Ces questions, Nessius en ignorait les solutions potentielles, s’appuyait sur ses animosités pour étayer ses propos. Certes, les éléments qu’il énonçait n’étaient pas complètement dépourvus de sens. Cependant, l’empressement n’apportait jamais rien de bon : c’est ce que la bataille de Ker-Ys lui avait, notamment, appris.

Cette leçon ne la quittait plus, depuis.

— Je comprends vos inquiétudes, Capitaine, mais ne pensez-vous pas que se précipiter serait également une erreur stratégique ?

Une interrogation posée là, visant uniquement à pousser plus loin ses réflexions. Son corps s’adossa, avec lenteur, à l’un des rochers immaculés qui se trouvaient sur leur trajet. Ses craintes étaient, certes, légitimes. Or, il brûlait assurément les étapes, oubliant jusqu’aux conséquences de telles allégations.

— Ces informations sont-elles certifiées ou proviennent-elles de suppositions ? Prendre des préjugés et des incertitudes pour unique vérité est une chose risquée. Pour le moment, leurs projets restent flous, mais vous n’obtiendrez rien de probant sans être correctement préparé à ce qui viendra - ou non - par la suite. Nous sommes des protecteurs et sommes liés à nos écailles : il ne serait pas si facile de se débarrasser de telles épines.

Tout ce qu’il gagnerait dans l’opération n'était qu'une vie en moins.

— Écoutez, observez et préparez-vous. Si, par la suite, vous considérez que vos craintes se sont confirmées, alors, agissez. En l'état, tenir de tels propos ne ferait que vous desservir.

Pas envers les autres Généraux, tout du moins. Hélas, le Naga ne tarderait pas à devenir une cible vivante pour ses hypothétiques opposants.

Comme attendu, le Capitaine n’écoutait qu’une infime partie des données, des conseils que la demoiselle acceptait de partager. Durant quelques secondes, un doute l’assaillit ; un doute qu’elle balaya presque immédiatement en grande partie, mais qui subsistait dans un coin de son esprit. Personne pénible ou enfant agaçant : Nessius ne pouvait-il pas être, une manière ou d’une autre, affilié à cet Aimana consternant ? Quelque part, tous deux se ressemblaient à s’y méprendre sur certains aspects.

— Ils ne sont que des guides, il me semble pourtant vous l’avoir déjà dit.

Cette qualification était leur nomination officielle, leurs objectifs à l’interne ne le concernant pas. Cela entrait dans une sphère que l’autre ne soupçonnait pas et comportait des éléments enfermés sous clef ; une clef que de rares personnes possédaient avant leurs décès.

— Nos écailles nous obligent à protéger ce qui doit l’être. Si l’un de nos pairs venait à mettre à mal ce qui n’a pu être acquis qu’au prix du sang, des larmes et des sacrifices, il serait également de notre responsabilité de l’arrêter. Ce que vous attendez, présentement, c’est que je prenne position sur une situation dont j’ignore encore les tenants et les aboutissants et dont il ne résulte, pour le moment, que des rumeurs.

C’était précisément pour cela qu’il ne fallait pas brûler la corde par les deux bouts. Pas de manière perceptible, tout du moins, et la préparation était, ainsi, d’autant plus importante. Les prémices d’un sourire naquît sur ses lippes, prête à en découdre, à lever le voile.

— Et qu’attendez-vous de moi ? Je ne suis pas la personne avec qui vous êtes venu vous entretenir.

Car Rodolpho Marsyne était sa première cible ; une cible qu’il semblait avoir oublié en cours de route pour jeter son dévolu sur les Lyumnades. Et bien fou était celui qui pensait pouvoir manipuler les Naïades à sa guise. Cassandra attendait des preuves, une honnêteté véritable, et non pas des paroles balancées à l’aveugle. Une fois cela acquis, peut-être verrait-elle pour le reste.

Comme de piètres embuscades, les prétendues connaissances persistaient à franchir les lèvres du Capitaine, bien que les vaguelettes qu’elles engendraient se heurtaient sans cesse à un mur de rochers. En dépit de ses jeunes années, la représentante des Lyumnades était un modèle de patience. En elle résidait une femme aux multiples facettes, parfois sévère, mais, à l’instar des bêtes envers leurs maîtres, elle n’en restait pas moins fidèle à sa manière. Pourtant, Nessius ne semblait pas l’envisager.

Les âmes, les ombres et les vies agissaient, conformément aux volontés de la Sentinelle.

En outre, cette conversation n’avait aucun sens, tant il s’évertuait à dissimuler les fondamentaux. Tandis qu’il se plongeait plus encore dans ses propres chimères, Cassandra s’adonnait à d’autres activités : les réflexions naissaient de ces répliques sans queue ni tête, grandissaient, tiquaient intrinsèque. Ce revirement de destinataire n’était guère anodin, mais il manquait un élément nécessaire à la bonne compréhension de toute cette affaire.

Au gré des instants, des avancées et des argumentations partiellement vides, les traits adverses changeaient ; des argumentations que des inconnues ne devraient pas entendre, visiblement, si l’on tenait compte des précautions prises. Maladroites, qui plus est. Qu’importait, car son comportement en disait bien assez. Dès lors, les lippes s’étirèrent durant une fraction de seconde, amères, lorsqu’elles furent confrontées à la plus minable des excuses.

— Ne pensez-vous pas qu’il est amusant de vous entendre mentionner la transparence, quand vous êtes le premier à prendre autant de soins à dissimuler ce qui importe vraiment ?

Dans ces quelques mots, nulle forme d’interrogation concrète ; Cassandra constatait, établissait des faits et tirait des conclusions à la suite de cette tirade insipide. Qu’il était louable de brandir l’épée de la justice au moindre désagrément, d’autant lorsque l’on mussait d’autres objectifs. Faudrait-il encore qu’il accepte d’avouer.

— Lorsque vous me demandez d’être vos oreilles, vous me demandez de prendre position et de suivre ceux que vous soutenez, Capitaine. Des personnes que, semble-t-il, vous prenez grand soin à dissimuler.

Elle s’arrêta, brièvement, guettant d’éventuelles réactions, alors même que son regard ne lâchait pas le sien. Droite, comme on pouvait s’y attendre.

— Vous transpirez le secret.

Les épaules se détendirent à peine, suffisamment pour qu’un bras croisé se relève, serve de repère, mais également de repos au Chionis qui dansait au-dessus de leurs têtes.

— Vos guerres de pouvoir m’importent peu ; qu’importe les camps, je respecterai le rôle qui m’a été confié, et ce en toutes circonstances. Dès lors, si vous n’avez rien de pertinent à me communiquer, vous pouvez prendre congé dès à présent. Revenez une fois que vous aurez des preuves concrètes de ce que vous avancez, et non pas des ressentiments guidés par une rancœur ou des objectifs personnels. Lorsque vous ferez preuve d'un minimum d''honnêteté envers ceux que vous essayez de manipuler.

Elle agirait en temps et en heure, si tant est qu’elle l’estime nécessaire. Quand au reste, cela demeurait à son entière discrétion.

Un crissement naquît du contact entre le brassard et les serres de l’animal ; le majestueux se contorsionnait, curieux des silhouettes qui l’entouraient, coquetait d’une mélodie délicate et passionnée. Chanteur à ses heures, il n’était pas rare de l’entendre, de le voir traverser les terres gelées, se posant dans les environs du pilier.

Les paupières abaissées, Cassandra savoura cet apaisement momentané. Entrebâillées, elles s’ouvrirent derechef lorsque le Naga condamna l’aubade à l’entrée, scellant ainsi la voix du volatile. L’homme perdait patience, s’agitait comme un poisson devant un ours blanc, et tout cela renforçait ce que la gardienne soupçonnait.

Quelqu’un, dans l’ombre, tirait les ficelles.

En outre, ses regards glacials et ses reprochent ne mèneraient à rien de concluant, car les Lyumnades n’existaient en aucun cas pour être appréciées, mais pour leur efficacités. Elles évoluaient dans l’adversité, la confiance, la méfiance et la haine ; une subtile tromperie, au-delà de la camaraderie.

L’eau trouble remplissait les lacs, après tout.

Ses agissements restaient à son entière discrétion et la prudence était de mise. De ces mouvements imperceptibles découlaient le meilleur comme le mauvais et, si tous les moyens s’avéraient acceptables, ses responsabilités n’en demeuraient pas moins une laisse invisible.

— Raccompagnez le Capitaine.

Un congé que Nessius reprit sans attendre, escorté par les ombres blanches qui bordaient la route. Une fois parvenus à l’entrée de son domaine, elles reviendront vers leur maîtresse ; les guides ne quittaient jamais la propriété.

Citation :

Sujet terminé, merci à toi