[Mi Mars 553] Après l'orage (Calypso -Endy)

Repos

Après avoir quitté l'auberge où résidaient les Saints, je fus saisi d'une hésitation confondante.
Les paroles de Nimue et ses bons soins m'avaient prodigué le réconfort dont j'avais tant besoin sur l'instant, mais cela ne changeait rien à mon dilemme : Taire la mort d'Orpheus ou aller informer le roi Léodagan et les Ligures.
Pour éviter que l'assassin ne sévisse à nouveau... Mais également afin de constater les réactions des maîtres de la cité, et ainsi jauger leur éventuel degré d'implication.
Le dos appuyé contre un mur de pierre, le corps plongé dans l'ombre d'une allée obscure, je portais la main à mes tempes. Le devenir de notre pathétique délégation reposait sur mes épaules...
J'étais certes habitué à commander depuis de longues années en tant que capitaine, mais entre un équipage pirate et une noble Atlante, le danger n'était pas vraiment identique.
La nuit porte conseil, dit-on.
Aussi, décidais-je de regagner la résidence dédiée à notre troupe amputée, pour voir si Calypso avait achevé son œuvre. Faire en sorte que le corps d'Orpheus regagne Atlantis...
Et ce fut d'une démarche alerte, vigilante, l’œil attentif aux ombres nocturnes, que je finis par passer la porte de l'établissement, silencieux à cette heure tardive.
Après avoir ordonné à deux arcanes fantomatiques de faire un tour des lieux, manière de ne pas servir de cible facile, je retirais mes bottes et vint m'affaler face au foyer déclinant.
Une bouteille de rhum déjà en main, je laissais mon regard épuisé se perdre dans les flammes, en attendant que l'un de mes sbires n'aille quémander la présence de la nymphe, ou que cette dernière revienne ici même, une fois son devoir accompli.

L'esprit désigné obéit docilement comme il en avait l'habitude. De son pas sans consistance il gravit les marches jusqu'à l'étage des chambres et se dirigea vers la chambre occupée par la Marina esseulée. Dépourvu de la capacité de frapper à la porte, il la traversa doucement pour tomber sur un spectacle plus qu'insolite : la pièce était intégralement recouverte d'un manteau de neige dru et il continuait d'en tomber du plafond. Interloqué un instant, il s'avança un peu plus. Les volets ouverts laissaient filtrer à travers la fenêtre un filet de clair de lune d'un doux argent qui caressait l’Écaille des Hyades. C'était beau. Et c'était triste.

"Ah..."

Le son soudain fit sursauter une forme recroquevillée dans un coin à côté du lit et avant même que son cerveau n'ait reconnu la présence face à elle, Calypso avait lancé deux couteaux parfaitement aiguisés et en tenait un troisième entre ses dents. Les lames transpercèrent le fantôme entre les deux yeux avant de se planter dans le bois de la porte, le laissant un peu étonné.

"Maître Endymion est rentré..."

La Toreador resta un instant interdite. Ce mufle, non content de l'avoir laissée toute seule, envoyait l'un de ses spectres l'annoncer comme un prince. Un moment de silence passa pendant lequel le fantôme constatait qu'elle était presque transparente dans cette atmosphère de blanc et d'argent mêlés, tandis qu'elle hésitait sur la réponse à donner. Habillée en robe de nuit, on l'aurait dit prête à dormir, et pourtant les larmes gelées sur son visage et le microclimat de sa chambre démentaient.

Sans un mot elle s'avança pour récupérer ses armes, contourna l'apparition plutôt que simplement passer à travers, puis refit le chemin en sens inverse pour retrouver son petit coin de solitude.

"Est-ce que vous venez ?
-Pourquoi faire ?
-... Je vais demander."

Citation :: Arcane III

La vague du devoir

Spoiler:

Un murmure à mon oreille me fit pousser un soupir interminable.
Cette soirée de merde ne connaîtrait-elle aucune fin ?

Reste ici et surveille l'entrée.

Docile, le spectre au visage de vieillard s'inclina avant de se fondre dans les ombres. Sentinelle vigilante.
Après m'être étiré, j'avalais les quelques marches me séparant de l'étage. Et une fois parvenu à destination, ma main se posa sur la poignée, avant qu'un instinct ne me retienne de l'actionner.
Mes doigts se levèrent aussitôt avant de toquer doucement.
Et suite à ce geste de pure courtoisie, je pénétrais dans la pièce, plongée dans une semi-obscurité.
Sans un mot, je refermais le pan de bois, avant de m'asseoir lourdement contre un mur, ma bouteille toujours à la main.

On doit parler... Maintenant.

Bien que ferme, ma voix laissa échapper un soupçon de compassion. Mon regard éteint vint se perdre par la fenêtre, où rayonnait une lune timide.
J'avais envie de laisser Calypso à son chagrin. Non par cruauté ou indifférence, mais car je doutais être celui qu'elle souhaitait voir auprès d'elle en de tels instants. Pourtant, le devoir emportait toute autre considération, telle une vague furieuse.

Je te présente... Toutes mes condoléances... Même si je sais bien ce que tu traverses, ton chagrin va devoir attendre...

Un peu, encore un peu.
Pour avoir perdu ma capitaine et avoir mis de longs mois à m'en remettre, puis mon fils mort-né, je comprenais parfaitement l'enfer vécu par la jeune femme présente non loin de moi. Allais-je lui servir d'exutoire ? C'était possible. Mais qu'importe, si cela pouvait un brin la soulager.

Sans surprise, quelqu'un frappa un moment plus tard, puis entra. Toujours assise à la même place, Calypso n'arriva pas à se décider pour savoir si c'était une bonne chose qu'il soit venu ou si elle voulait la paix. Ils étaient du même équipage après tout, et il avait fait ce qu'il avait pu pour arrêter le meurtrier...

La neige suspendit sa course en plein vol, donnant l'impression que plusieurs dizaines d'étoiles miniatures venaient de tomber du ciel et cherchaient un moyen de s'écraser au sol. Ils devaient parler hein ? Alors pourquoi avoir donné la primeur aux Saints ? Marchait-il sur les pas de Nimuë O'Bannon, en entretenant une idylle avec l'une ou l'un d'eux ? Jeu dangereux que tu pratiques Endymion. Jeu qui finira par se retourner contre toi.

"Un instant, s'il te plaît."

La lame qui occupait ses doigts disparut dans l'une de ses cachettes et le reflet sur sa tignasse fut la seule preuve qu'elle avait réellement bougé. Elle ferma les yeux une poignée de secondes, tendit la main devant elle et les flocons vinrent s'y poser en silence, puis la neige au sol, comme si elle attirait le tout à la manière d'un aimant. Quand il n'y eut plus de trace de blanc, que la pièce eut retrouvé son état d'origine, la lieutenante posa des yeux fatigués sur l'homme à terre, vague reflet de son état d'âme.

"Comment est-ce arrivé ? Comment se fait-il que ni toi ni Aurora n'ayez pu empêcher cette lame de l'atteindre ? Comment se fait-il que j'aie échoué à le sauver ? Aurais-je dû rester près de lui au lieu de fouiller la maison et suivre l'autre Asgardien ?"

Elle appuya le front sur le bord du lit, une envie de vomir lui retournant les entrailles.

"Comment avons-nous pu être aussi lamentables alors que nous avons dédié notre vie à cela, Endymion ?"

Leçon de vie

J'avais craint une certaine hostilité.
Et maintenant, en écoutant les dires de la nymphe, j'en venais presque à la regretter.
Une volée de questions, de légitimes interrogations auxquelles j'opposais le silence. Afin que Calypso puisse s'exprimer, purger ce qui ne devait pas être retenu.
Une vague de reproches envers chacun d'entre nous, Aurora compris.
Je l'écoutais avec patience et compréhension, et ne répondis qu'une fois qu'elle eut achevé son propos.

La main du destin.

Inutile de chercher du rationnel ou de la logique. Nous pouvions mille fois nous flageller, mais à quoi bon ? Au final, nous venions juste de nous confronter à notre propre mortalité, à cette impuissance niée la plupart du temps sous une couche d'assurance et d'arrogance.
Je haussais un sourcil agacé en l'entendant me mêler à son propre chemin de vie. Ma propre existence dédiée à protéger un légat ? Ridicule... J'étais bien autre chose. Et mon "devoir" de général demeurait une facette de cette liberté qui me servait de cap. Mais à quoi bon remettre Calypso sur le fil de la réalité ? Je ne pourrais que la blesser.

Nous ne pouvons pas tout. Poséidon lui même a ses limites. Sinon, l'humanité serait déjà noyée depuis belle lurette. Nous évoluons dans une monde dangereux où les luttes de pouvoir peuvent nous faire disparaître brusquement. Nos vies ne sont que de modestes chandelles.

Une brise trop forte et... C'est fini.

L'unique chose qui compte désormais est... Notre capacité d'action en tant que vivant. Les défunts vivent à travers nos mémoires, nos mouvements, nos hommages. Servons nous de la force et des leçons qu'ils nous ont prodigué. Et avançons du mieux possible.

Au gré des vents tumultueux et des flots déchaînés.

Il n'avait donc aucun fait à rapporter ? Aucune observation concrète ? Tout se résumait-il à ces quatre petits mots porteurs d'une vérité ô combien facile ?

La tête relevée se tourna en direction du Marina presque aussi pathétique qu'elle adossé à ce mur avec sa bouteille de rhum. Il n'avait pas l'air saoul et sa voix n'avait pas trahi le moindre tremblement. Alors... il le pensait vraiment ?

"C'est donc tout ce qu'il nous reste pour justifier notre échec ? Le destin..."

D'un côté, le fait de se dire qu'elle avait tout donné et que changer sa conduite n'aurait rien modifié au dénouement tragique de cette entrevue diplomatique avait quelque chose de rassurant. Le problème venait d'ailleurs, comme pour la dédouaner d'un poids qu'elle se serait imposée à elle-même. De l'autre, cette solution semblait vraiment trop facile. Orphéus était mort et ne reviendrait jamais -mieux valait en tout cas qu'il ne revînt jamais pour son propre bien-, et ils étaient juste... là. A pleurer. Puis avancer.

"Excuse-moi, tu as raison... Je devrais me concentrer sur... sur ce que je peux encore faire... Mais si je n'ai pas pu assurer la mission la plus importante qui m'avait été confiée, suis-je vraiment encore digne d'être une Marina ? Qui voudra me faire confiance ? Je ne peux pas prétendre protéger la vie des autres, je n'ai..."

Elle se mordit la lèvre, la voix brisée en plein élan.

"Jamais je n'aurais pensé lui survivre... et surtout pas de cette manière... C'est inconcevable..."

A coeur ouvert

Oui, le destin était cruel. Implacable.
Le cartomancien que j'étais connaissait cette réalité amère bien mieux que quiconque. Notre libre arbitre, nos efforts pouvaient se heurter à un mur invisible à n'importe quel instant.
Et alors, seule la survie comptait.
Calypso sembla se révolter à cette idée, avant de se reprendre. Exposant ainsi ses doutes légitimes.

Moi, je te fais confiance.

L'évidence était sortie avec spontanéité, sans que je ne cherche à la retenir.
Un sourcil haussé, je tournais mon regard vers la nymphe. Avant d'ajouter, non sans compréhension.

Si Poséidon accepte qu'un pirate alcoolique, désinvolte et dépravé porte l'une de ses écailles de général, je le vois mal te retirer la tienne, alors que tu as fait de ton mieux. Enlève toi cette crainte de la tête...

De ce coté là, notre avenir n'était pas vraiment entre nos mains. Et à partout tout donner, tout sacrifier et survivre, je voyais mal quoi faire de plus pour satisfaire notre divinité capricieuse.

Et pourtant, toi et moi sommes encore de ce monde... Plus vite, tu l'accepteras, plus vite tu trouveras les ressources en toi de poursuivre ta route, en apprenant de tes erreurs et de celles des autres.

Je poussais alors un interminable soupir. Je n'étais pas trop homme à faire des confidences de la sorte, mais si cela pouvait l'aider...

Calista a perdu notre enfant. Pendant mon absence sur plusieurs mois. On pense toujours qu'il est impossible de survivre à ceux que nous aimons le plus. Et pourtant... La vie doit continuer. Pas le choix.

Une blessure qui ne cicatriserait jamais. Si seulement, j'avais au moins pu le tenir une fois dans mes bras, voir son visage... Mais je devais me contenter d'avancer, en portant ce fardeau. Calysto y parviendrait également.

Endymion avait toujours une façon très pragmatique de voir le monde. La plupart du temps sans se préoccuper le moins du monde de ceux qui se trouvaient autour, mais aussi parfois avec une gentillesse et une attention qu'on n'attendait pas d'une telle personne. Et en se dénigrant lui-même dans la foulée, comme pour légitimer que les nobles et les puissants avaient raison de le mépriser. L'air de dire "si un déchet comme moi peut le faire, alors une Sang-Pur aussi". Elle pouvait difficilement objecter sur l'argument des mœurs débridées du pirate, mais elle aurait voulu le détromper pour une fois, sans savoir comment s'y prendre. Autant lui donner raison à lui, en se relevant et en poursuivant sa route comme il suggérait, sans doute.

C'est alors qu'il se lança dans une révélation plus qu'intime, qui ne manqua pas de concentrer toute l'attention de la lieutenante, l'expression stupéfaite. La princesse ne lui avait jamais mentionné cet événement, et elle imaginait sans difficulté pourquoi. Quant au père... Il était revenu et se tenait devant elle malgré cette perte irréversible, à parler d'avenir et d'évolution. Calypso sentit qu'il serait malvenu de lui présenter des condoléances, de raviver le souvenir un peu plus en en parlant plus longtemps.

Elle se leva, fit le tour du lit et vint s'y adosser face à Endymion, essuyant au passage d'un revers de manche peu distingué les dernières traces de givre sur ses joues pour se donner à peu près l'air de la guerrière qu'elle était censée être.

"Merci d'être là."

Genoux repliés contre sa poitrine, la Toreador inspira à fond, puis relâcha un profond soupir pour se calmer les nerfs. Elle s'accorda encore quelques instants de répit à masser ses paupières fatiguées d'avoir supporté tant de larmes. Enfin, elle regarda de nouveau son compagnon d'infortune et remit de l'ordre dans ses pensées.

"Que t'a dit le Pope ?"

L'heure du choix

Nous étions donc face à face, dans l'ironique symbolique de notre situation précaire.
Seuls dans une cité hostile, ne pouvant compter que sur l'autre pour espérer survivre.
Je répondis à son remerciement sincère par un hochement de tête entendu. La soutenir me semblait l'évidence. La faire sortir de sa léthargie également.
Une fois en sécurité à Atlantis, Calypso aurait tout le temps de pleurer sa perte. Mais en entendant, il était hors de question de baisser notre garde.
Elle me posa alors LA question que j'avais redouté. Et je me sentis à la croisée d'une route.
Mentir, oui, mais jusqu'à quel point ?
La réponse me vint aussitôt. Le secret de ma capitaine me suivrait dans la tombe. Toutefois, je pouvais toujours faire preuve de respect envers Calypso en lui révélant ce qui ne pouvait lui nuire.

Rien. J'ai eu affaire à l'un de ses chevaliers d'or. Il a entendu mon avertissement et lui en fera part, à son réveil. J'ai agi en mon âme et conscience, à eux de se débrouiller maintenant.

Ce qui en soit était... L'exacte vérité, à condition de ne pas rentrer dans les détails.
Aussi, lançai-je un sujet bien plus sensible et pressant que mes rapports avec Morwenna des poissons et le grand pope Childéric.

J'ai eu le temps de réfléchir sur le chemin... Maintenant que je sais que tu es en sécurité, je vais me rendre au château demander une audience auprès du roi Léodagan, ou directement à Artorius. Ils doivent impérativement être informés officiellement de l'assassinat d'Orpheus. Pour deux raisons... Les mettre face à leurs responsabilités et les prévenir, au cas où le chevalier noir tenterait quelque chose contre le futur roi. Je ne veux pas qu'on puisse nous accuser d'avoir caché une information, en cas de... Bref, tu m'as compris.

Si Artorius venait a subir les manœuvres des commanditaires du meurtre de notre Légat, nous pourrions servir de boucs émissaires. Autant éviter ce risque, en prenant l'initiative.

Veux-tu venir avec moi ?

Ou préférait-elle s'isoler pour vivre son deuil ? Je tenais à lui laisser le choix, et à le respecter quel qu'il soit. Dans les deux cas, je comprendrais.

La situation dans laquelle leur reste de délégation se trouvait avait de quoi être qualifiée de délicate. Savoir qui prévenir, comment et pourquoi pourrait paraître superflu, mais cela les aiderait à savoir qui étaient leurs ennemis, en s'y prenant correctement. Et justement la difficulté tenait à bien faire le tri dans leurs relations. Autant par égard pour la suspicion d'Aurora que pour sa propre méfiance, Calypso voulait revenir sur cette histoire avec les Saints. Ils avaient été le premier réflexe d'Endymion, avant même Léodagan et les Ligures. De quoi intriguer la noble de plus en plus intensément.

"Nous en reparlerons."

Et sans être ordre, il ne s'agissait pas non plus d'une question.

"J'ai besoin de comprendre ta position à leur sujet."

Tout comme elle avait posé des questions sur Nimuë, sur son nom de famille ou la pureté de son sang. Des choses qui pourraient aussi bien être capitales que sans importance, suivant le point de vue adopté. Mais des choses que la lieutenante se considérait en droit de demander afin de préserver leur unité.

"Je viens. Quoi que nous fassions, si nous voulons montrer une image forte, nous devons agir ensemble. Mais je propose néanmoins d'attendre demain matin... Quelques heures pour nous reposer ne feront pas de mal, et si comme les Saints les gardes se contentent de prendre le message pour le délivrer au réveil du roi, alors autant y aller en personne aux premières lueurs pour nous assurer de le rencontrer en personne. En plus, comme tu le sais, je l'ai déjà rencontré une fois. Il pourrait mal interpréter que je ne vienne pas le saluer quand l'information porte sur mon Légat... Pour ce qui est d'Artorius, je crois que personne n'a vraiment pu discuter avec depuis notre arrivée à Camelot. Mieux vaut miser sur Léodagan pour le moment."

Encore un jeu de politique et de convenances multiples. Attendre était un risque, mais si le meurtrier avait bel et bien l'intention de s'en prendre à l'élu de l'épée, le faire directement dans la foulée de la mort du Légat ne laisserait pas le temps aux rumeurs de circuler. Donc ils étaient quittes pour cette nuit, en quelque sorte.

"En revanche... Comment leur présenter la chose ? Si on écoute le Grand-Prêtre, l'assassin ne peut être qu'un Ligure. Son armure, son cosmos, la trinité... En soi, je suis d'accord que les apparences les accusent, mais quelque chose me dérange... Il a bien insisté. Et a éludé toutes nos questions sur son nom, sa résidence, ses intentions. Les Ligures ne sont pas les seuls à porter des armures noires. On peut aussi compter les suivants d'Hadès et... les Asgardiens eux-mêmes. Noires ou très sombres, comme leur espion. En fait, ils me semblent même plus suspects que les Ligures, même s'ils ont été pris pour cibles, même si je l'ai soigné. Ou peut-être précisément parce que je l'ai soigné..."

Calypso se mordit la lèvre, cherchant comment exprimer ses doutes sans pour autant écarter les autres pistes.

"Il souffrait, mais il n'avait pas l'air d'avoir peur. Et son guerrier n'a bronché à aucun moment. Ils ont à peine eu un regard pour leur mort. Cela ne te semble pas étrange ? Il m'a eu l'air si... détaché. Ne pas craindre la mort est une chose, mais sitôt debout sur ses pieds il a dirigé nos questions vers les Ligures... Et la dague... De l'acier damassé hein ? Un métal rare et solide, que peu d'artisans sont capables de manipuler... mais ceux d'Asgard oui. Comme par hasard."

Un déclic se fit dans son esprit et les Hyades se levèrent aussitôt, comme piquées par une abeille. Elle se dirigea vers le gros paquetage qu'elle avait préparé avec les affaires d'Aurora et Orphéus qu'elle avait réunies dans leur chambre avant de la faire libérer par l'aubergiste. Le messager envoyé par Asgard avait amené des présents le matin-même pour les jumeaux. Un livre et une arme. Si le goût d'Aurora pour ces dernières était connu, la facture de celle-ci en particulier fit se crisper Calypso une fois qu'elle l'eut en main. Elle revint près d'Endymion et sortit la lame de son fourreau.

"Fais voir l'autre. Celle que nous avons récupérée. Ma main à couper que c'est le même type d'acier."

Carte sur table

Quelque chose clochait.
Cette méfiance insistante sur ma relation avec les saints commençait à sérieusement m'interpeller. Devais-je voir cette réserve comme un vieux réflexe d'une noble envers un batard peu fiable ? Ou le mal était-il plus profond ?
Je n'étais pas homme à reporter des emmerdes au lendemain, de peur qu'ils ne s'accumulent. Aussi, les yeux dans ceux de Calypso, je mis les pieds dans le plat.

Jouons carte sur table, veux-tu ? Quel est exactement la cause de cette méfiance envers moi ? Aurais-tu éprouvé les mêmes interrogations envers l'un de tes semblables ?

Non une accusation, mais pour mettre ce point au clair. Car, je connaissais déjà la réponse.

Il est de notoriété publique que j'entretiens des relations amicales avec certains Saints, en effet. En quoi, cela est-il choquant pour un diplomate qui a passé davantage de temps sur les mers et dans les tavernes qu'à Atlantis ? En outre... Le sort de Childéric m'importe. Lui et moi avons partagé un même deuil... Cela tisse un lien fort...

Encore une pure vérité... Mais amputée d'un élément majeur que je comptais bien gardé secret.

Atlantis me traite comme de la merde, depuis toujours... Mais c'est ma patrie, et celle de ma mère. Si j'avais voulu vous trahir, je l'aurais fait à mille reprises. Poséidon me fait confiance, non ? Cela devrait suffire. A moins qu'à tes yeux, mon sang impur me place automatiquement dans le camp des individus louches... Je ne t'en voudrais pas ceci dit. Ton éducation va dans cette logique.

Et pour le coup, j'étais sincère. Je passais une main sur mon visage épuisé, avant de reprendre.

Parfait... Je préfère t'avoir à mes cotés dans un tel moment... Surtout que je partage tes craintes concernant les Ases. Leur réaction est plus que suspecte, mais comment auraient-ils réussi à surseoir aux restrictions cosmiques imposées par les Ligures ? A moins, qu'ils ne soient complices... Mais pour quelle raison éliminer Orpheus ? Il nous manque un élément clé...

Je haussais un sourcil étonné en entendant la suite.

Je l'ai remise à Aurora pour qu'elle la fasse examiner par nos propres forgerons.

"L'un de mes semblables ?"

La Nymphe fronça les sourcils en comprenant le sous-entendu. Le simple fait qu'il pouvait la croire capable de le mépriser uniquement pour cette raison lui donna la nausée. Pas après l'épreuve qu'ils venaient de traverser, pas après les échanges qu'ils avaient eus lors de ce déjeuner improvisé à son pilier.

"Je vois, de la même façon que la majorité voit en toi uniquement la moitié Vulgaire, tu ne vois en moi que la noble méprisante et arrogante. Eh bien tu te trompes Endymion ! Si je devais avoir une raison d'en vouloir aujourd'hui aux Surfaciens, c'est parce qu'ils m'ont pris l'homme que j'aimais ! Pourtant tu étais là, de mon côté, et tu as essayé de retenir l'assassin, de l'abattre, pour l'honneur d'Atlantis, pour celui d'Orpheus. Peut-être pour ton propre honneur personnel, mais si c'est le cas je m'en moque !

Ce qui me dérange dans ta réaction, c'est que tu as pensé aux Saints avant quiconque ! Pas les Ligures, pourtant nous sommes sur leurs terres. Pas la petite Oracle avec qui tu as combattu, qui a été blessée sur une terre en trêve. Pas Atlantis à qui il nous fallait envoyer un message. Non, ta première et instinctive réaction a été pour les Saints. Pour nos "alliés" qui n'en sont pas. J'ai peur que tu mélanges tes amitiés personnelles avec la politique de notre nation. J'ai peur que ce lien si fort dont tu me parles obscurcisse ton jugement sur tes devoirs de Marina. J'ai peur qu'il y ait une autre raison que tu me caches, un de ces secrets inavouables, tout comme ton nom de famille.

Ce n'est pas une question de sang, de pureté, mais de confiance. Le Pope Childéric est peut-être ton ami... mais jusqu'à preuve du contraire, Atlantis n'est pas le sien. Tu as été attaqué par des Saints, non ? Nos murs se sont levés pour les Saints, non ? Nous avons envoyé de l'orichalque aux Saints, sans réponse ! Alors que sais-tu, bon sang, pour leur ouvrir les bras à ce point ?!"

La voix tremblante, Calypso franchit les derniers mètres qui les séparaient et vint poser des mains rendues brûlantes par les battements angoissés de son cœur sur ses joues.

"Je crois en toi. Je crois en tout ce que tu as fait pour Atlantis, à tes chances de gagner le tournoi. Je crois en Poséidon. Je sais, Endymion, que tu es une personne capable du meilleur malgré ton comportement débauché, désabusé. Je ne remets pas en cause qui tu es ou ton style de vie, cela ne me regarde pas. Je te l'ai dit au pilier : si tu as besoin de parler, je suis là. Mais je sens, là tout de suite, que ton lien avec les Saints est... plus personnel que tu ne veux le faire croire. Et je ne veux pas qu'on se serve de ce lien pour te nuire. Si moi je peux le voir, si tu t'enflammes de nouveau un peu trop une fois de retour, alors quelqu'un d'autre verra et... et tu finiras par... On te fera du mal... Et j'ai déjà trop perdu ce soir pour laisser cela arriver. Tu comprends ? Je pensais que... nous commencions à être amis..."

Elle le relâcha, le cœur éclaté en mille morceaux encore une fois. Il avait eu des mots durs et ils n'étaient pas au bout de leurs peines, signe que se reposer leur serait profitable à tous les deux une fois encore.

"Le comment m'échappe encore. Mais s'ils ont choisi cette maison en particulier, qu'ils semblaient bien connaître, peut-être y a-t-il une raison précise qui leur permet d'influencer le pouvoir des Ligures. Ou une complicité entre les deux, effectivement.

Pour ce qui est du pourquoi, cela n'arrangerait-il pas Asgard que son voisin direct soit dans l'incapacité de lui causer du trouble ? Ils ont déjà pris un capitaine, ce qui a forcé Asgard à sortir de son isolement pour nous envoyer un représentant, n'est-ce pas ? Mais pour nation qui veut la paix et qui s'est isolée pendant plusieurs années, je les trouve extrêmement bien renseignés. Suffisamment pour qu'Orpheus accepte de troquer la vie d'un Atlante. Suffisamment pour se présenter à Camelot en vue d'un couronnement, alors que le moindre messager censé approcher leur terre est abattu. Qui les aurait invités ? Et tu m'avais parlé d'un serviteur qui écoute aux portes. Drôle de paix, si tu veux mon avis. Suffisamment renseignés, encore, pour savoir reconnaître la trinité grecque là où cela ne nous a pas sauté aux yeux, à nous qui sommes supposés en faire partie.

Tu te souviens lorsque nous avons parlé de Mebd et de ma vision ? L'armure noire, la neige qui tombait à gros flocons. Ce pourrait être eux les responsables du meurtre que j'ai entrevu. Et voyant qu'Orpheus est trop curieux à ce sujet, ils ont décidé de nous lier les mains et les pieds pour nous empêcher d'être une gêne."

La fatigue se lisait sans peine sur son visage, mais la Toreador tâchait de faire bonne figure.

"Je n'ai aucune preuve formelle... Je ne sais pas... Mon instinct me dit de me méfier autant d'Asgard que des Ligures et de Mebd. Pour le reste... je ne sais pas... Nous devons nous reposer pour que quoi qu'il arrive, demain aux premières lueurs, nous soyons prêts qu'importe ce que dira le roi. Être prêts à nous battre si besoin. Ensemble. C'est pour cela que je te demande ta franchise concernant les Saints. Pour cela que nous avons besoin de dormir un peu, faire le tri dans nos pensées. Tu comprends Endymion ? Je suis avec toi."

Serment

Elle ouvre son coeur, et je l'écoute avec respect. Mais si en mon for intérieur, je suis las.
Lui mentir, même par omission m'est difficile. Mais plutôt me faire arracher la langue que de trahir ma capitaine.
En outre... Même si je venais à révéler à Calypso mon secret, elle en subirait fatalement le prix. Soit en me dénonçant, et donc en brisant ce qu'elle appelle notre amitié, soit en gardant pour elle ma confession, et donc en courant le risque de partager mon funeste sort s'il venait à être révélé.
Aussi, ma décision s'en trouve renforcée. Ce risque est et restera le mien, et je n'emporterais pas cette belle âme dans ma chute.
Lorsqu'elle pose ses mains sur mes joues, je souris tendrement et en saisit une pour y apposer un chaste baiser.

Tu te trompes... Ma première pensée à été pour Orpheus... Et la seconde pour une morte à qui j'ai fait une promesse.

Protéger Childéric, veiller sur sa vie autant que les chaînes à mon cou me le permettaient. Vérité, encore vérité...
Au moment où elle tente de se replier, j'attrape délicatement son poignet et plonge mon regard le plus franc dans le sien. Pour qu'aucun doute ne subsiste sur mes intentions.

Nous sommes amis, oui. Et je vais donc te faire un serment... Quoi qu'il arrive, guerre, paix, alliance ou pas, Atlantis passera toujours en premier pour moi. Car sans mon devoir de général des mers, je ne suis qu'un éphémère de plus dans ce monde où les vies ne sont que des étoiles filantes. Ce que Poséidon m'a offert, personne ne pourra l'égaler. Et même si aux yeux des nobles, je reste une tâche indélébile souillant leur civilisation, j'ai à cœur de prouver à notre seigneur qu'il ne s'est pas trompé à mon sujet.

L'écaille du dragon des mers n'est pas la première venue. Elle incarne une autorité, une indépendance, une place à part parmi les élus de Poséidon, l'ombrageux.
Tout comme Nimue m'a donné un modèle, Calista la preuve de l'existence de l'amour, le dieu des océans m'a offert une identité. Un but. Une possibilité de marqué l'histoire, en étant un homme de bien. Et pas uniquement un pirate débauché.

Et sache que les personnes qui entrent dans mon cœur se comptent sur les doigts d'une main. Et que je suis prêt à toutes le folies pour les protéger. Même malgré eux... Je suis certain que tu comprends cela.

Calypso n'aurait-elle pas fait de même pour son unique amour, aujourd'hui disparu ?

Asgard n'est pas clair, c'est évident... Mais Mebd et les sbires d'Hadès sont une menace dont nous avons au moins l'avantage de connaître le potentiel néfaste. Tu as raison. Prenons du repos, et dès l'aube rendons-nous au château. Ensemble.

Et en guise d'union, je brandis le bijou à mon poignet, avant de me relever pour laisser la nymphe dormir un peu. La nuit sera courte, et la journée à venir bien chargée...

"Orpheus et Nimuë..."

Un duo bien étrange pour un être tout aussi singulier. Rattrapée en plein élan, elle soutint le regard du Sang-Mêlé avec franchise. Un serment hein ? Après les derniers mots d'Orpheus, voilà qu'on lui offrait une promesse, comme si elle était destinée à être le témoin des engagements de chacun, elle, la petite chroniqueuse bien lovée dans sa vie d'Atlante noble et prospère.

Consciente que ces mots étaient importants, elle les grava eux aussi dans sa mémoire, acquiesça face à la résolution du Dragon des mers. Et soudain elle eut l'impression de revoir Orpheus le jour où elle avait entendu le chant de son Écaille pour la première fois, sauf qu'ici les positions étaient en quelque sorte inversées. C'est avec grand sérieux que la Toreador répondit :

"J'entends et je reçois ton serment, Général Endymion du Dragon des mers. S'il fallait un jour un témoin de ta résolution devant Lui, alors tu pourras compter sur moi."

Dès lors, elle considéra le sujet des Saints comme clos. Maintenant il savait comment pouvait être perçue sa conduite enflammée avec eux. Il y ferait, sans aucun doute, plus attention.

"Je suis désolée que tu aies à prouver continuellement ta valeur... Tu fais pourtant partie des Patriciens, par alliance avec Calista... Je suis certaine que Sa Majesté te voit autrement. Et c'est tout ce qui compte, n'est-ce pas ?"

Au moins ils étaient d'accord sur leur situation actuelle et le voile trouble qui entourait l'assassinat du Légat. Leurs hypothèses échafaudées, il fallait donc prendre des forces pour pouvoir ensuite passer à l'action. Ils se relevèrent ensemble, comme liés par le Bracelet d'orichalque. A ce moment-là Calypso réalisa que bon gré mal gré cette divergence d'opinion l'avait éloignée un temps réminiscences de sang et de larmes. Une pause qui lui permettrait peut-être de récupérer plus facilement. Ils se retrouveraient donc à l'aube, puis se présenteraient au palais. Ensemble.

Citation :: Fin du RP. Merci !

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