[Mars 551] Un poisson dans la taverne [Endymion]

Depuis deux mois, Tumaini a été rachetée par un nouveau propriétaire. Encore une nouvelle personne qu'elle allait devoir servir correctement, sans lui causer trop de tracas... Sans doute jusqu'à ce que l'homme décide qu'il ne veut plus d'elle et la vende à quelqu'un d'autre. L'Egyptienne avait espéré que celui-là l'emmènerait à Alexandrie, ce qui la rapprocherait de l'endroit où elle avait vu sa mère la dernière fois, mais non. Elle était coincée ici, au Caire. Et devait aider son maître en sculptant les statues et les poteries que l'on leur commandait. Et elle devait aussi apporter les livraisons.

-Ah quand même, ce n'est pas trop tôt !

-...

Tumaini n'aime pas être interpellée comme cela, aussi brutalement, surtout lorsqu'elle entrait dans un lieu public bondé. Et cette taverne avait tendance à l'être en fin d'après-midi. Esquissant un sourire d'excuse et baissant les yeux au sol, Tumaini s'approcha avec bols. Elle espérait qu'on la laisserait ainsi faire sa livraison et repartir en paix. En général, ça marchait. Lorsque la personne en face était bien lunée. Mais apparemment ce n'était pas le cas. Le tavernier s'approcha et l'attrapa par le bras sans ménagement.

-Tu pourrais répondre quand on te parle ?

Le geste fut si brusque qu'elle failli lâcher son chargement. Et nul doute qu'un tas de débris sur le sol n'aurait pas arrangé la colère du maître des lieux. Sentant des regards tournés vers elle, Tumaini aurait rougit si sa peau avait été plus pâle. Se contenant pour ne pas fuir, elle répondit aussi calmement que possible. Même si elle n'avait qu'une envie, se taire et disparaître.

-Mon maître est désolé. Il y a eut du retard dans la fabrication. Je suis venue aussi vite que possible dés que se fut terminé.

Elle se libéra tant bien que mal et se dirigea vers le fond de l'échoppe où elle souhaitait se réfugier temporairement. Le temps de déposer les bols et les pots qu'elle portait et qui manquaient de lui échapper des mains à tout instant tant elle se sentait gênée et stressée.

Main tendue

Une main secourable vint sauver un vase, alors que ce dernier échappait à la louable vigilance de la belle égyptienne.
Le malotru en équilibre au creux de ma paume, j'adressais mon sourire le plus charmeur à cette apparition, malmenée par le rustre qui tenait cet établissement miteux.

Je crois que ceci t'appartient...

Me relevant de ma chaise, je déposais le vase sur la table réservée à mon nom, et effectuais une révérence gracieuse à cette inconnue, avant de tourner un regard assez expressif pour détourner l'attention générale des gros balourds installés ça et là.

Les bonnes manières ne sont pas vraiment en vogue, dans le coin. Cet abruti n'aurait pas dû s'en prendre à toi en raison de l'incompétence de ton... Maître ? Tu es apprentie, servante ou esclave ?

Simple curiosité, afin de cerner un peu mieux cette splendide créature. Sa beauté devait lui être davantage un poids qu'un atout, dans ce type de ville, où les viols et agressions étaient monnaie courante.
J'avais face à moi une véritable sirène, nageant dans un océan de requins. Aussi, je repris place, avant de l'inviter à s'asseoir face à moi, le temps de se remettre de ses émotions.

Je suis Endymion, capitaine de la Rose Sanglante. Si le cœur t'en dit, je te paye un verre.

Tumaini peine à amener tout son chargement jusqu'à sa destination, tant la brusquerie du gérant de l'auberge l'avait gênée et désarçonnée. Et le pire manqua d'arriver lorsque l'un des vases qu'elle transportait failli s'écraser sur le sol. Nul doute que le fracas aurait attiré le propriétaire qui aurait aussitôt rappliqué et n'aurait pas manqué de faire des reproches à la pauvre esclave. Heureusement, le vase fut sauvé par l'intervention d'un client plus enclin que les autres à voler en aide aux personnes en détresse.
A moins qu'il ne l'ai fait que parce qu'elle était une femme.

-Ah, oui... Merci beaucoup monsieur.

C'était déjà arrivé que des personnes volent au secours de la pauvre égyptienne alors que celle-ci était malmenée, mais c'était rare. Les gens se contentant généralement d'observer le spectacle avec des réactions allant de l'indifférence à l'amusement. Et comme chaque fois qu'on lui venait en aide, elle se sentait à la fois mal à l'aise et très reconnaissante.

-Hum... Je suis... Au service d'un marchand de poteries. Il m'a acheté lorsque mon ancien propriétaire a dû fermer sa propre boutique.

Tumaini n'aimait pas prononcer le nom d'esclave, même si c'est ce qu'elle depuis toujours. Depuis sa naissance. C'était comme donner une prise à une personne pour qu'elle puisse mieux l'écraser. Mais l'homme commença à se présenter. Son prénom n'était véritablement pas égyptien, chose qui était déjà sous-entendu par sa peau blanche. Il devait venir du continent du nord, peut-être un citoyen de cet Empire qui avait mis fin au règne des pharaons quelques siècles auparavant.

-Un bateau ? Vous êtes un marchand ?

Après un temps d'hésitation, Tumaini fini par s'asseoir à la table d'Endymion en face de lui, tout en gardant une distance raisonnable pour pouvoir s'enfuir si jamais le type devenait dangereux. Elle acceptait sa proposition mais restait sur ses gardes.

-Merci, mais pas trop longtemps. Il risque de se mettre en colère si je rentre trop tard.

L'homme devait donc venir du nord et était le capitaine d'un navire, peut-être marchant. Mais la Rose Sanglante ? Inquiétant comme nom. Elle ne l'aimait pas, même si elle s'abstenait bien de le montrer.

Curiosité

Un comportement craintif, une prudence devenue réflexe... J'avais face à moi une esclave.
Depuis le temps, j'avais appris à les reconnaître sans grand mal.
Une fois que la jeune femme eut pris place, je claquais des doigts à l'attention du propriétaire, qui se hâta de poser deux verres sur notre table, avant de les remplir de vin. Et sur un regard expressif de ma part, il se hâta de dégager.

En quelque sorte... Je suis un pirate. Mais je ne traite pas avec les marchands d'esclaves. J'ai plutôt tendance à leur botter l'arrière train.

Une belle bande d'enfoirés et de requins. Lâches pour la plupart, couards, trop habitués à malmener de pauvres hères résignés. Mon mépris envers eux se comptait en année de longévité. Et puis... La dernière fois que j'avais eu à faire à cette lie de l'humanité, j'avais eu l'occasion de libérer un beau jeune homme. Avant de lui offrir l'accès privilégié à ma baignoire.

Je suis un homme curieux. C'est la raison de mon invitation. Vois-tu... Je considère qu'il y a deux sortes d'esclaves. Ceux qui se résignent à leur sort, et ceux qui gardent la flamme de leur indépendance, au fond de leur cœur. A quelle catégorie appartiens-tu ?

En attendant la réponse, je levais mon verre, gratifiais la jeune femme d'un signe de tête pour l’inviter à faire de même et laissais l'acre de l'alcool caresser mon palais.

Quel est ton nom ? Tu as un avantage sur moi.

Léger sourire, afin de la mettre à l'aise. Visiblement, elle ne semblait pas habitué à recevoir un élan de bienveillance.

Peu habituée à discuter ainsi, Tumaini reste réservée, elle s'était risquée à poser des questions et l'autre aurait très bien pu mal réagir à cela. D'autant plus qu'il avait compris qu'elle n'était qu'une esclave, un être qui devait être au service de ses maîtres. Mais non, il fallait croire qu'il existait des personnes capables de voir dans les esclaves de véritables êtres humains. Ou du moins des êtres vivants suffisamment dignes pour être respectés un minimum. C'était étrange sensation, mais pas désagréable. Et l'homme piquait sa curiosité. Ca existait réellement, des personnes qui attaquent des navires pleins de personnes réduites en esclavage juste pour "botter l'arrière-train" des marchands ?

-Qu'est-ce que vous faites des esclaves qui se trouvent dans les navires lorsque vous attaquez un de ces marchands d'esclaves ?

Car oui, le sort des esclaves après l'attaque l'inquiétait. Si Endymion attaquait les marchands mais laissaient les pauvres prisonniers se débrouiller seuls, à quoi aurait servit le sauvetage ? Même si apprendre que le capitaine pirate attaquait des marchands d'esclaves avait tendance à nuancer l'image que Tumaini avait de ces bandits des mers, elle n'oubliait pas ce qu'on racontait sur eux. Ils pillaient des navires marchands qui n'avaient parfois rien avoir avec l'esclavage et réduisait à néant la vie de personnes. Lorsqu'ils ne les tuaient pas tout court d'ailleurs. C'est pourquoi elle continuait à se méfier.

-Mon nom ne vous servirais à rien monsieur. Après tout, je suis considérée comme une esclave.

De loin, le tavernier surveillait l'esclave comme s'il craignait qu'elle ne fasse quelques mauvais coups, ou qu'elle cause des ennuis dans son établissement. Ce n'était pas souvent que la jeune Egyptienne pouvait se permettre de se détendre un peu, après avoir levé son verre, elle bu l'alcool dedans. Lentement. Elle savait les ravages que cela pouvait faire. Et elle en profita pour réfléchir à la question que l'autre lui avait posé. Une question surprenante, à laquelle elle n'avait jamais songé.

-Je ne sais pas... A la première sans doute, puisque j'ai toujours vécu comme une esclave. Je ne sais rien faire d'autre que servir.

Elle ne s'était même... Jamais posé la question de savoir si elle voulait être autre chose. Enfin si, elle aimerait être autre chose mais cette chose là lui était interdite.

-Il paraît que ça arrive que des esclaves soient affranchit par leurs maîtres... Vous en avez déjà rencontré ?

Liberté

Je buvais littéralement les paroles de cette jeune femme, fasciné par l'état d'esprit dans lequel pouvait se noyer un esclave.
Je n'avais jamais véritablement compris la facilité avec laquelle ces malheureux rompaient avec toute forme de rébellion, d'espoir de sortir de leur condition. Cette résignation... Incroyable, et pourtant la grande majorité suivait le même schéma de pensée.

Eh bien... Cela dépend. Certains rejoignent mon équipage, par envie de se venger de leurs anciens ravisseurs, et d'autres sont ramenés dans un port civilisé pour démarrer une autre vie.

Et quelques uns finissaient également dans ma couche, en attendant ce nouveau départ. Une petite fantaisie que je préférais passer sous silence, de peur de choquer la belle.
Lorsqu'elle ne daigna pas me donner son nom, je levais les yeux au ciel, visiblement agacé par cette réponse.

Être esclave n'est pas qu'un statut social. C'est un état d'esprit. Si je te demande ton prénom, c'est parce que je te vois comme une personne, non un vulgaire objet. En ton for intérieur, ne te laisse jamais rabaisser ainsi. Sinon tu finiras comme tu as vécue.

Aussi importante qu'un meuble aux yeux de ses "maîtres". Or cette seule perspective qu'un homme puisse disposer d'autant de pouvoir sur un autre suffisait à me plonger dans une rage folle. Pour l'épris de liberté que j'étais, une telle ignominie me révulsait. J'étais bien loin d'être un ange, mais sur ce point... Je pouvais rapidement céder à la passion.

En effet. Une poignée. Ils avaient bien servis et donnés satisfaction à leur maître et ont finis par obtenir leur liberté. Mais cela suppose un propriétaire doté d'un cœur, ce qui n'est pas si commun. Mais d'autres voies mènent à la liberté. L’évasion, la ruse, le combat. Crois-en mon expérience, la première des chaînes d'un esclave est son propre esprit. La liberté n'est pas un privilège, c'est une norme.

Tumaini se détendait un peu, Endymion n'avait aucun geste agressif ou inquiétant à son égard. Au contraire, il répondait patiemment à chacune de ses questions. On ne traitait pas les esclaves comme ça en général. Ce comportement corroborait à tout ce qu'il lui disait. S'il restait un bandit des mers, il semblait avoir l'esclavage en horreur et désirer la libération de ceux qui tombaient en servitude. Ce qui aidait à le rendre sympathique aux yeux de la jeune Égyptienne. Elle se demandait ce que faisaient ceux qui choisissaient de recommencer leur vie une fois libéré de l'esclavage. Elle n'arrivait pas à se l'imaginer. Elle n'arrivait pas à imaginer ce qu'elle pourrait faire si jamais elle échappait à sa condition.

-Je n'y avais jamais réfléchit. Mes ancêtres n'étaient pas des esclaves. Ils choisissaient ce qu'ils voulaient faire. Mais depuis l'époque de ma grand-mère, nous ne le pouvons plus.

La famille de Tumaini avait payé très cher son adoration aux anciens cultes. La plupart avait été tué, et les autres avaient perdu leur liberté, comme c'était le cas pour tant d'autres familles. Il était rare qu'elle évoque le sort réservé aux siens, parce qu'il était le douloureux rappel d'une époque meilleure. Où le panthéon égyptien pouvait encore être aimé et respecté sans que cela ne cause le moindre problème. Elle tenta une légère taquinerie en voyant sa réaction face à son refus de dire son nom.

-Si je choisi de ne pas te révéler mon nom tout de suite, n'est-ce pas une forme de liberté ?

La liberté avait de multiples visages, et elle pouvait commencer à décider ce qu'on voulait bien montrer ou non aux autres. Tumaini commençait à entrevoir une partie de sa vie différemment, même s'il lui faudrait encore du temps avant de réellement réaliser pleinement qu'elle pouvait elle-même se libérer de ses chaînes d'esclaves si elle le voulait.

-Je m'appelle Tumaini. Et je travaille au service d'un marchand de vases et de diverses poteries ici, au Caire. Il me traite plutôt bien. Pour quelqu'un qui emploie des esclaves.

Tumaini marque un temps de pause pour boire un peu de sa boisson. Elle l'avait presque terminée, et elle allait bientôt devoir s'en aller. Son maître avait beau être gentil avec elle, il ne supporterait jamais de la voir arriver en retard. Mais elle tenait à poser une dernière questions à cet homme qui semblait prendre à cœur la situation des personnes comme elle.

-Tu as l'air de beaucoup t'intéresser aux esclaves et à leur sort. Est-ce que toi aussi, tu as été esclave ?

Souvenirs

Étonné mais amusé par l'audace de la belle esclave, je lui répondis d'un rire spontané, ponctué par une main levée en guise d'excuse.

Tu as parfaitement raison ! Libre à toit de dire ce que bon te semble en ma compagnie.

Mais ce n'était là qu'une pirouette, car la donzelle me révéla enfin son prénom. Un aveu que je saluais par un hochement de tête.

Enchanté de faire ta connaissance, Tumaini. C'est un bien joli nom pour un visage tout aussi remarquable. Et un esprit qui doit l'être tout autant, de ce que je devine.

Car elle ne manquait pas de répondant, une fois mise en confiance.
Régalé par sa compagnie et indifférent au regard furibond du tavernier, je sortis de ma sacoche une bouteille de rhum dont je me servis une copieuse rasade, avant de la tendre à la jeune fille, si le cœur lui en disait.

Pas vraiment... Disons que j'ai eu une enfance proche de l'esclavage, mais j'ai su quitter le nid de la meilleure des façons... Je suppose que seize ans de brimades ont forgé chez moi une soif inextinguible de liberté. C'est aussi pour cela que j'aime tant naviguer ! Rien ne vaut l'air marin qui fouette un visage, l'odeur des embruns, le vent frais... Oui, je te souhaite d'en connaître un jour la saveur grisante.

Il est vrai qu'en poignardant mon évêque de paternel, j'avais brisé les chaînes qui menaçaient de m'entraver toute ma vie. Si je m'étais simplement résigné à mon sort, ma vie se serait apparenté à se mouvoir dans une cage dorée. Et ça... Jamais je ne l'aurais accepté.
Pensif, je me mis à faire tournoyer l'alcool délicieux dans ma coupe.

J'ai eu un très bon ami, presque un frère, qui était un ancien esclave. Je l'ai connu alors qu'il allait être vendu, et je lui ai offert un bain chaud, à défaut de pouvoir le libérer à l'époque. Repenser à la cruauté de ses geôliers suffit à me faire haïr ce type de marchands de chair... Personne ne mérite d'être relégué au rang d'objet. Car souvent, les plus humbles valent bien mieux que la foule de médiocres née avec une cuillère d'or dans la gueule.

Tumaini s'était rebiffée un peu face à Endymion. Et visiblement celui-ci prenait très bien cette rebuffade que l’Égyptienne ne se serait permise devant personne en temps normal. Mais qui là était encouragée par le fait que le capitaine la traitait... Comme un être humain en fait. Comme si elle était véritablement une personne digne d'intérêt. Mis à part sa mère, personne d'autre ne l'avait fait. Si elle n'avait pas la peau aussi brune, la jeune fille aurait pu rougir tant elle n'était pas habituée aux compliments. Mais la gêne pouvait tout de même se lire sur son visage.

-Aaaah... Merci. C'est ma mère qui l'a choisi.

Oui, bien entendu que se devait être sa mère. C'était une évidence. D'autant plus que la jeune fille n'avait jamais entendu parler de son père. Elle ne savait rien de lui, ou si on lui avait dit quelque chose à son sujet elle l'avait oublié. Elle savait bien que sa mère ne l'avait pas engendrée toute seule, mais n'avait jamais été curieuse de savoir qui c'était. Si ça se trouve ça avait été un autre esclave de la maison qui avait été vendu par la suite. Tout comme elle.

-Les personnes libres peuvent avoir eut une vie qui ressemble à de l'esclavage ? Comment est-ce que c'est possible ? Elles peuvent faire tout ce qu'elles veulent.

Jamais, jamais Tumaini n'aurait pu imaginer cela. Elle avait toujours eut l'impression que les personnes libres même lorsqu'elles étaient enfants n'avaient rien à craindre pour leur liberté. Bien sûr, il arrivait qu'une personne supérieure doivent les diriger ou au moins les guider mais... Ce n'était pas pareil. Ce n'était pas la véritable vie d'un esclave. Même lorsqu'on subissait des brimades.
... Peut-être que la vie d'Endymion avait été telle qu'à ses yeux cela relevait de l'esclavage ? C'était possible. Tumaini ne savait trop peu sur la vie et son interlocuteur pour pouvoir juger. Qui était-elle après tout ? Elle n'avait rien fait d'autre qu'obéir de son existence.

-Avant... J'habitais à Alexandrie, près du port. L'air marin venait parfois jusqu'à la maison de mes maîtres lorsqu'il y avait assez de vent. C'était agréable oui.

Tumaini observa bouteille et l'alcool qu'il contenait, mais un toussotement réellement réprobateur la convainquit de ne pas boire. Le patron n'aimait pas que l'on boive quelque chose qu'il n'avait pas vendu dans sa taverne. Si les clients amenaient leurs propres boissons, où allait-on ? Elle rendit donc la bouteille à Endymion sans y avoir touché. Ce dernier avait parlé

-C'est vraiment horrible ce que votre ami a subit. Qu'est-ce qu'il avait fait pour mériter ça ?

-Certaines personnes sont faites pour travailler au service des autres et supporter toutes leurs envies. C'est comme ça ma p'tite. Si tu travailles bien et si t'es sage, ton maître te libérera peut-être. Y a des affranchis qui gagnent bien leur vie.

Un homme quelque peu alcoolisé mais encore suffisamment conscient pour avoir suivit une partie de la conversation se dirigea vers le duo. Voyant qu'il se dirigeait plus précisément vers elle, Tumaini se leva d'un bon et échappa de justesse à une main qui voulait saisir son bras.

-Oh allez vient un peu par-là.

Politesse

La jeune esclave était aussi candide qu'une enfant, et cela lui donnait un coté touchant.
Aussi, elle m'arracha un sourire amusé en évoquant le coté étrange d'une servitude volontaire. Pourtant l'explication restait simple.

Parfois, nos chaines ne sont pas de métal mais d'entraves placées dans notre propre esprit. Une sorte d'emprise dans lequel on se fait enfermer malgré nous. Et avec le temps et les brimades, on en vient à se dire que c'est la normalité. Ajoute à cela le poids des conventions sociales et de l'entourage et... Oui, on peut parler d'esclavage.

J'avais réglé le problème d'un coup de poignard dans la corde de mon cher père, alors qu'il venait de me surprendre dans son propre lit en compagnie de sa servante et de son échanson. Et à mes seize ans, j'avais ainsi arraché ma liberté à mon bourreau. Une vieille histoire qui continuait à m'amuser.

Eh bien...

Mais avant d'avoir pu expliquer les raisons de la captivité un ivrogne s’immisça dans notre conversation et prit à partie Tumaini. Un pauvre type probablement trop alcoolisé pour se rendre compte que son intervention venait de faire taire toutes les conversations alentours. Et pour remarquer la lueur mauvaise qui venait de s'embraser dans mon regard.

Mais avec plaisir !

Et d'un bond, je m'approchais du rustre, lui saisit le poignet avant de lui faire une clé de bras afin de coller sa face de porc contre la table sur laquelle reposait encore la bouteille que je venais de vider.

Ben alors ? Tu ramènes plus ta gueule ? Allez... Dis pardon à la demoiselle !

Je sortis alors un poignard et vint le planter à quelques centimètres du visage de ce rustre. Manière de lui rappeler que le capitaine Endymion n'était pas un plaisantin.

La discussion qu'elle avait eut avec Endymion avait eut pour effet de faire voir les choses sous un angle différent à Tumaini. Autant sur la perception qu'elle avait eut de sa vie jusqu'à maintenant que sur celle qu'elle avait eut des autres personnes. Des Libres. De ceux qu'elle avait toujours pensé bien plus heureux qu'elle car ayant la possibilité de mener leur vie comme ils l'entendaient. Et qui avaient pourtant des raisons de se sentir mis en esclavage, selon les dires d'Endymion. Et pourtant, ses dires faisaient sens. Quant à l'esclavage volontaire, oui ça ressemblait beaucoup à ce qu'elle avait vécu.

Toutes ses années à subir les ordres et les brimades des autres et à devoir se plier à leurs exigences par crainte d'être malmenée. Et on venait de lui en donner un justement. Un homme bien imbibé d'alcool qui avait vu son attention attirée par elle. L’Égyptienne ne bougea pas, pas immédiatement en tout cas, mais le pirate lui alla vers l'homme. Comme si l'ordre lui avait été adressé.

-Que...

Et Endymion était très fort puisqu'il parvient à immobiliser le type et à lui plaquer la tête contre la table sans que l'autre ne puisse faire quoique se soit. Dans le dos du pirate, Tumaini vit la tête furieuse du tavernier qui devait craindre que cette esclandre ne lui fasse perdre des clients. Ou ne provoque une bagarre qui risquait d'abîmer son établissement.

-Et pourquoi, qu'est-ce qu'elle a de particulier hein ?

L'autre n'était pas vraiment coopératif, mais peut-être s'aperçut-il que les autres clients de la taverne ne se pressaient pas au portillon pour lui venir en aide... A moins que se ne soit le poignard tout proche de sa glotte qui ne finisse par avoir raison du peu de courage qu'il lui restait. Toutefois l'homme fini par murmurer de faibles mots d'excuses.

-Excuses acceptées... Si vous voulez bien le relâcher monsieur Endymion s'il vous plaît ?

Peut-être le malotru aurait-il mérité plus ou peut-être pas. Mais pour une esclave comme Tumaini, le simple fait de voir quelqu'un devoir s'excuser d'avoir mal agi à son égard était une nouveauté en soi. L'esclave regarda ensuite par la fenêtre et vit que du temps avait passé. Peut-être trop de temps même. Elle eut l'air gêné, mais prit le temps de remercier l'homme qui lui avait accordé un peu de son temps. Et lui avait donné l'impression de ne plus être seulement une esclave.

-Oh il commence à se faire tard. Mon maître va finir par se demander où je suis passée. Merci encore. Je vous souhaites une bonne fin de journée.

Et l'esclave s'en alla, des questions plein la tête. Des questions qui, hélas, mettraient du temps à porter leurs fruits. Mais qui avaient le mérite d'exister.
C'était déjà une bonne chose, non ?

[hrp : comme dit en mp, je m'arrête là et te laisse conclure pour ce rp ^^ Merci pour cet échange de post, on recommencera dans un futur temps si possible]

Libres

Ce qui est intéressant avec les brutes crasses, c'est leur capacité à explorer des trésors en matière de lâcheté. Fort avec les faibles et faible avec les forts.
Aucun des alcooliques de la taverne ne souhaitait prêter main forte à une grande gueule pareille. Ma réputation devait également calmer leurs éventuelles ardeurs. Et sans le soutien de ses petits camarades, le rustre se hâta de présenter des excuses à la damoiselle.
Ceci fait, je l'obligeais à se relever avant de l'expédier à l'autre bout de la salle, d'un puissant coup de pied dans l'arrière-train. Nul doute qu'il irait se défouler sur une fille de joie ou le premier gamin venu. Mais qu'importe. L'esclave était sauve.
Et justement, cette dernière m'adressa ses remerciements avant de prendre la poudre d'escampette.

Réfléchis bien à ce que je t'ai dit... Même si cela prends du temps.

Un dernier clin d'oeil, et la belle fila comme le vent.
Amusé par cette rencontre, je repris ma place, dos au mur et observais la porte par laquelle elle venait de disparaître. Par intuition, je sortis mon paquet de cartes avant de réaliser un petit tirage.

Soleil... Mât et Hiérophante... Intéressant...

Un destin riche attendait cette jeune femme, même si elle n'en avait pas encore conscience. Nul doute que nos chemins finiraient par se croiser à nouveau.
En égaux.

Citation :

Merci pour ce RP

Re: [Mars 551] Un poisson dans la taverne [Endymion]

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