[Mars 553] Voices. [PV Endymion]

Je me vois courir, poursuivie par une ombre gigantesque. Je cherche à la distancer, m’enfonce dans une forêt baignée de lumière, de vie. Quelques animaux accompagnent ma fuite, apeurés par cette menace qui dévore tout sur son passage. Un coup d’œil derrière moi suffit à ce que je m’en aperçoive : Elle fauche l’herbe, la teinte de gris, comme le reste qu’elle ne fait qu’effleurer. Et tout finit par se décomposer en cendres. Elles s’envolent dans l’air, comme les milliers de cris d’agonie. Hommes, femmes, enfants. Des sourires, des visages connus et inconnus, des moments passés qui se consument. Les masques qui tombent. Comme moi. Je chute et la douleur est totale. Je ne comprends pas, regarde mes jambes. Elles se désagrègent, toute ma personne se fane.
Je suis emportée dans le néant. Je hurle dans le vide.

Un cri résonne et meurt dans la pièce. Un corps de se redresser sur sa couche, se recroqueviller une fois que le fil de sa conscience s'est recousu. Qu’elle soit assurée être revenue dans la réalité. Quel horrible cauchemar. Quelque chose glisse alors jusqu’à elle. Sa main effleure une surface froide, son masque. Inexpressif, il lui rappelle l’odieux poids des mensonges qu’elle se doit de porter. Mais tout se fissure peu à peu. Childéric et elle semblent perdre le contrôle. Ils sont menacés de toute part… reste plus qu’à savoir s’ils allaient devoir reculer ou montrer les crocs.

Massant son épaule endolorie qu’elle a pris soin d’immobiliser, elle regarde le lit vide de son frère. Son absence lui pèse beaucoup et la jeune femme espère pouvoir le trouver au plus vite… car il lui est de plus en plus difficile de se lever, d’avoir la force d’être… de vivre.

Et il y a bien peu de choses qui la poussent à quitter ses couvertures. Mais des éclats de voix l’y forcent. Comme replacer le masque, draper son corps frêle de l’armure des Poissons. Elle sent qu’elle l’accompagne dans sa longue déchéance. En douceur.

Lorsque la Sainte arrive dans la pièce principale, ce qu’elle détaille à de quoi la faire sourire.

Son beau diable en prise avec les gardes, visiblement pressé. Conquérant.

Une simple vibration cosmique met fin à l’agitation. Les gardes s’écartent et prennent congé rapidement. Alors, d’une démarche se voulant altière, la malade accueille le marina d’une légère inclinaison de la tête. L’invite à la suivre. S’assurant qu’aucun regard indiscret ne les épie, elle finit par bifurquer dans sa chambre.

La porte refermée, Nimuë retire son masque et le jette sur le lit. Lui ouvre son bras valide.

Sa Capitaine se morcelle de plus en plus qu’un simple souffle de vent pourrait totalement la briser.

Spoiler:

Je suis perdu.
Désemparé. Rebelle face à ce destin cruel. Mes cartes m'avaient annoncé l'approche de l'ombre, mais comment deviner qu'elle prendrait cette forme si brutale ? Notre tête est fauchée, et il ne reste qu'une noble affligée, une sœur ravagée et un pirate enragé. Quelle équipe...
Mon premier réflexe aurait été de partir. De fuir pour ma survie. Mais, la vie des deux femmes qui m'accompagnent dépend de mes choix. J'ai échoué lamentablement à protéger mon Légat, j'aurais au moins la consolation de préserver Calypso et Aurora, le temps de revenir à Atlantis.
Il ne me reste qu'une épaule sur laquelle m'appuyer. Le danger est grand, mais je n'en ai cure. Nécessité fait loi.
Mes pas me mène à l'auberge où réside la délégation des Saints. Je m'y engouffre vêtu uniquement de mes vêtements civils, sans avoir pris le temps de panser mes plaies. Mon visage ensanglanté reflète le drame que je viens de vivre, et mon humeur oscille tels des flots déchaînés. Alors quand deux gardes se dressent pour me barrer la route, je leur oppose un oeil noir.

Je dois immédiatement parler à Morwenna des Poissons ou à Childéric ! Dites-leur que le général Endymion a un message urgent à leur délivrer ! Bougez-vous !

Indécis face à la conduite à tenir, les deux plantons me font voir rouge, et déjà mes cartes me brûlent le bout des doigts. Fort heureusement, ma capitaine masquée arrive sur ces entrefaites, et me mène en lieu sur.
Alors qu'elle m'ouvre son bras, je m'y engouffre pour l'enserrer dans une étreinte d'une rare intensité. Puis je remarque son état.

Que s'est-il encore passé ? Qui t'a fait ça ?

Les saints ont-ils également subi une attaque ?! Les assaillants qui veillent à notre perte se sont-ils lancés dans des assauts coordonnés ? Je me redresse alors, et passe une main lasse sur mes traits marqués par le sang et les larmes de frustration. Et d'une voix éteinte, j'assène la terrible sentence à celle qui est ma plus proche confidente. A elle seule, je peux dévoiler mon émoi, l'espace d'un instant où nos masques tombent.

Orpheus est mort. Assassiné... Tout s'effondre autour de nous. Cette cité... est un nid de serpents avides de plonger leurs crocs dans nos gorges... Je n'ai rien pu faire pour le protéger... Ni pour le venger.

Regret, amertume. Je gagne un recoin de la pièce et m'assied sur le sol, dos au mur. Épuisé.

Il devance Nimuë dans ses questions. Endymion s’inquiète de l’état dans lequel la jeune femme se trouve, mais que dire du sien ! Son expression se referme, devient à la fois sévère et maternelle. Elle a déjà eu l’occasion de voir son ancien second couvert de sang, mais à ce point malmené… les mots qu’ils lui assènent ensuite ont de quoi l’ébranler. Comme lui, elle titube et doit s’asseoir sur son lit tandis qu’Endy va chercher un recoin de mur pour s’y laisser choir.
Dévasté.

Cependant, la première pensée face à ce désastre va pour Childéric. Japheth l’a prévenue qu’un danger plane sur le Grand Pope. Et si lui aussi comme le Légat était visé dans un projet d’assassinat ? La peur gagne le visage de la jeune femme qui tente de se maîtriser. Pour l’heure, il n’est ni question d’elle ou de son époux. Mais de l’avenir de toute une cité.

« Qui ? » est la première interrogation à passer outre la barrière de ses lèvres ? Oui, qui serait assez fou pour attenter à la vie du représentant Atlante ? « Viens. »

Commande-t-elle ensuite au Général, s’avançant d’un pas peu assuré vers son beau Diable, lui offrant son maigre bras valide pour l’aider à se hisser jusqu’au lit de son frère, le plus proche des deux couches.

Et comme autrefois, la O’Bannon reprend son rôle. « Enlève ta chemise. »

La réplique, prononcée d’un timbre ne souffrant aucune contestation, aurait pu être cocasse en d’autres circonstances. Ce n’est pas la première fois que Nimuë panse des blessures, ses blessures. Alors, peut-être que rejouer cette scène du passé apaisera un tant soit peu le Général.

« Tu as de la chance que je partage la chambre d’un médecin. »

S’il y prête attention, Endymion pourra lire une sombre tristesse flotter dans ses prunelles éteintes.

« Et ne t’occupe pas de moi, je vais bien. » Oh, le vilain mensonge ! Tandis qu’elle s’affaire à enlever le sang, appliquer des soins, déposer une dose d’opium dans la main du marina, elle poursuit pour le faire penser à autre chose : « Où sont les autres marinas qui composent votre délégation ? Cherchez-vous un refuge ? Raconte-moi Endy… qui a bien pu te mettre dans un état pareil ? »

Sa voix tremble.

Spoiler:

Retrouver nos réflexes passés.
Je réponds à son invitation, retire ma chemise, alors que se dessine presque malgré moi un rictus taquin sur mon visage las. Même si l'heure n'est pas au jeu, nous ne pouvons nous empêcher de valser, elle et moi.
Je me laisse faire, les yeux clos. Me remémorant des souvenirs disparus. Combiend e fois m'avait-elle panser de la sorte ? Comme ce temps était loin...

Nous ne sommes plus que trois. Elles sont saines et sauves. Physiquement du moins.

L'une et l'autre venaient de perdre l'être le plus cher à leurs yeux. Je les avais donc laissé à leur peine, à défaut de pouvoir la soulager. Si l'assassin avait voulu leur faire du mal, il l'aurait déjà fait, de toute manière. Idem pour moi. Nous n'étions à ses yeux que du menu fretin.

Un homme en armure noire. Une sorte de... Réceptacle manipulé par trois esprits, œuvrant dans un même but : Colère, brasier et glace. Je suis parvenu à l'amocher, mais il s'est tout de même enfui, une fois son forfait accompli.

Telle était mon unique consolation. Le combat avait été inégal. Et un soupir résigné s'échappa de mes lèvres tuméfiées.

A un moment, j'ai cru sentir l'aura d'un puissant dragon... Et la protection d'une dame venue à son secours. Et... Je... J'ai vu mon reflet en lui. Une sorte de réplique corrompue. Malsaine. Cruelle. Comme ce que j'aurais pu devenir sans Cali ou toi pour me remettre sur le droit chemin...

Je saisis alors la main de ma capitaine, et plongeait un regard intense dans le sien.

Childéric doit redoubler de vigilance ! Aucun de nous n'est en sûreté, ici.

Elle seule pouvait alors distinguer l'angoisse qui brillait désormais sous mon masque de certitude.

Atlantis va sombrer dans le chaos, sans la poigne ferme d'Orpheus. Mais au moins... Tu n'as plus rien à craindre de notre part, pour le moment.

Cruelle révélation, qui me fit horreur. La mort du légat était une terrible nouvelle, sauf pour l'exilée postée à mes cotés. Son secret resterait encore un peu dans les ombres, sans nul pour tenter de le révéler au grand jour. Si Cinead reprenait son rôle de dirigeant, je savais pouvoir l'influencer assez pour que la menace soit définitivement évitée.
Je pris alors conscience d'une subtile tristesse dans le ton de ma capitaine. Et je saisis tendrement son menton entre mes doigts, afin qu'elle ne se dérobe pas.

Pourquoi évoquer ce médecin te plonge dans un tel état ? Tu ne peux rien me cacher, Cap'tain...

Plus que trois ? Nimuë ignore à quel point la délégation, au départ, a pu être nombreuse. Mais la fatalité enserre de plus en plus les paroles du Général. Le voir en si piteux état lui fait mal au cœur.
Tandis qu’elle prépare les onguents, Endymion évoque leur assaillant. Aussitôt, la jeune femme s’arrête et l’observe, le regard rond. Elle se souvient des images qui se sont glissées dans son crâne, pendant qu’elle dansait avec Japheth. Son teint, déjà livide, devient pour ainsi dire cireux, autant que cela puisse être possible.

« Un homme en armure noire tu dis ? Je… était-elle totalement noire ? Un dragon et une femme ? » elle revient vers lui, abandonnant ses soins. « Y a-t-il des détails qui te reviennent ? J’ai eu une vision pendant le premier soir du bal. D’un chevalier en armure noire menaçant un homme et une femme. »

La sensation de froid qui l’étreint, la scène de désespoir d’une femme perdant ce qu’elle a de plus chère. Oui, la jeune femme se sent emportée par cette douleur plus que la sienne parce qu’elle pourrait bien être le reflet d’une vérité honnie. À l’évocation de Childéric, Nimuë de rassurer son ancien Second :

« Je veillerai sur lui, Endymion, quitte à pousser mon dernier souffle pour lui. »

Un maigre sourire d’orner ses traits fatigués. Lire son trouble accentue le sien, à n’en point douter.

« Vous pourriez demander au Primus Senator… Cinead… » commence-t-elle avant de poursuivre. « Que vas-tu faire ? Retourner en Atlantis ? Comme je te l’ai dit, vous pouvez trouver refuge chez nous si vous le souhaitez, je ne pense pas que Childéric vous refusera cela… ou même les Ligures. »

Elle réfléchit à toute allure. Lui conseiller le soutien des Saints est une option envisageable, mais qu’en penseraient les deux autres et derniers représentants ? Endymion d’interrompre le fil de ses pensées pour capturer son menton et darder ses prunelles dans les siennes.

« C’est une bien maigre consolation alors que la vérité menace d’être révélée au grand jour. » souffle la jeune femme avec dépit. « Ce médecin a commis une imprudence. En agissant par pur altruisme, pour moi, il nous a exposés. Athéna s’en est chargée, mais… voir encore quelqu’un pâtir de mes secrets et de mes mensonges me coûte, Endy. J’en ai assez. »

Ses yeux se troublent avant de regagner de leur témérité. Elle se dérobe pour reprendre ses onguents.

« Mais je ne suis pas le sujet, beau Diable. Et arrête un peu de gigoter, que je puisse terminer mes soins. Ah… y a des choses qui ne changeront jamais ! »

Tente-t-elle avec plus de légèreté.

« Une grande tempête se prépare Cap’tain… mais tu pourras compter sur mon soutien. »

Cette fois.

Une vision le soir du bal ?!
Tout ceci aurait donc pu être évité ? Non... Je suis bien placé pour savoir qu'on passe plus de temps à décrypter certaines prophéties qu'à se préparer à leurs conséquences.

Oui, une armure totalement noire... Un bretteur de génie. Sa lame allait tellement vite que j'avais du mal à en suivre les mouvements, pour tout te dire. Usant aussi d'attaques mentales redoutables. Peut être que le voir sous mon pire aspect en faisait d'ailleurs partie. Quant à l'homme et la femme... Il s'agissait probablement d'Orpheus et de sa jumelle. La scène s'est déroulée ainsi, globalement.

De toute manière, on ne pouvait revenir dans le passé. Il fallait aller de l'avant, qu'importe les risques et les doutes. Je baisse la tête, voûté par les poids des soucis lorsqu'elle parle de l'avenir d'Atlantis.

Non, Nimue. Nous ne pouvons pas venir nous cacher sous vos jupes. L'image serait désastreuse pour Atlantis... Un aveu de faiblesse que beaucoup pourrait interpréter comme une invitation à nous envahir. Nous devons présenter un visage fort, orgueilleux même. Que nul ne puisse douter de nos ressources. Les apparences... Voilà notre meilleur bouclier.

A l'évocation de Cinead, je lui adresse un sourire triste.

Ce temps est révolu. Mon cher beau-frère a bien assez à faire avec le Sénat. Je doute qu'il puisse de nouveau tenir les rênes de nos armées. Mais cela n'est pas mon affaire... Je dois juste ramener intact le reste de notre délégation chez nous, le moment venu.

Elle m'enguirlande, rappelant d'anciens temps qui prêtent à sourire, non sans tendresse. Et je tâche de rester immobile, alors que dans ma main une bouteille de rhum vient d’apparaître.

Arrête de prendre le libre arbitre des autres pour ta responsabilité. Si ce médecin a voulu bien faire, c'est par affection pour toi. Savoure une telle loyauté, au lieu de te flageller, comme d'habitude.

Je plonge alors un regard tendre dans le sien.

Tu a toujours été un soleil, Cap'tain. Si les autres s'approchent trop de toi pour se réchauffer et se brûlent, c'est leur choix. Tu ne peux pas changer ta nature. A eux de s'adapter, d'accepter le prix à payer pour avoir le privilège de t'aimer. Et crois moi... Il y a bien plus d'avantage à t'avoir dans ma vie, que l'inverse. Il en va de même pour ton gros matou. Ou sûrement ton médecin.

Elle se perd dans ses pensées, appliquant en même temps un baume odorant. La médecine de son demi-frère fera des merveilles sur les blessures de son ancien Second. Nimuë qui s’y connaît un peu semble effectivement reconnaître des traces d’une lame mordant les chairs. Un bretteur de génie ? Quelqu’un capable de briser des remparts psychiques ? Les coïncidences sont trop nombreuses et… elle arrête tout à coup Endymion.

« Ce n’est pas Orphéus ni sa sœur que j’ai vu dans ma vision. Mais il est possible que leur meurtrier soit le même qu’Artorius… Endy ! » Elle lève son regard vers lui, une once de détermination rallumant ses prunelles devenues deux rubis ternies : « Nous devons le prévenir, le protéger à tout prix du même sort funeste ! »

Elle poursuit avant d’oublier le cours de sa pensée : « Tu sais, cette fois-là, lorsque nous nous sommes retrouvés devant ces drôles de lanternes… quelqu’un s’est introduit dans mon esprit me mettant en garde… un homme… encore que, à bien y réfléchir, je ne suis pas capable de déterminer s’il me prouvait ma faiblesse ou s’il me prodiguait un conseil. Après coup, je me suis demandée si je n’avais pas rêvé, mais ce qui s’est passé ensuite au bal, non… »

Sa mine de se rembrunir. « Tu es sûr que son armure ne portait aucune nuance ? Comme celle des Spectres, par exemple ? »

Il fallait déterminer au plus vite qui se cachait derrière cette attaque. Le temps est leur plus terrible ennemi. Le sien, avant tout.
Et voilà qu’Endymion s’entête à repousser leur aide ! Il peut voir sa Capt’ain serrer les dents et désapprouver d’un mouvement de la tête, pour autant, elle comprend ce qu’il veut dire… Elle souffle : « Très bien, restons donc sur les apparences si tu le souhaites. »

C’est tout ce qu’on me demande, tout ce dont je suis capable, c’est mon devoir. se harcèle-t-elle toute seule au moment où elle achève ses soins, se détourne pour récupérer la chemise de son beau Diable et la lui lancer.

« Ah ! Tes discours ne m’avaient pas manqués non plus ! »

Nimuë fait mine de se fâcher, avant de lui sourire. « Sache que tout Soleil que je puisse être, je ne repousse plus d’emblée tous les Icares qui viennent se risquer à voler jusqu’à moi. »

Son image l’amuse. Elle échange avec lui une œillade complice.

« Mon gros matou, mon médecin, mon beau Diable… tu ne crois pas que ça commence à faire beaucoup, hm ? »

Une véritable ménagerie, en effet.

Qui était donc ce fameux médecin, qui avait su capter les élans du cœur de ma capitaine inaccessible ? Une énigme de plus qui devrait attendre.
Face à sa question, je fermais les yeux pour me remémorer l'image de cette armure sombre. Les détails.

Une armure sombre, veinée d'argenté de l'ordre des Ligures... Et une lame à l’acier iridescent. Voilà ce que je peux te dire. De là à dire qu'il s'agit d'un spectre... Je n'en sais rien. Et de toute manière, le mal est fait et irréparable pour Atlantis.

Un simple constat. Ce qui n'allait pas m'empêcher de tout faire pour qu'un tel drame ne vienne pas frapper qui que ce soit d'autre.
Avec douceur mais fermeté, je saisis le poignet de la belle rousse, et plongeait un regard intense dans le sien.

Je vais immédiatement me rendre au palais et demander une audience. Ceci est mon rôle, pas le tien. Aujourd'hui, je suis venu quérir du réconfort auprès de Nimue, l'ancienne sirène maléfique, et non pour voir Machin-truc anonyme des Poissons...

Ma poigne gagna en force, comme pour calmer la tempête éventuelle. Et un sourire triste, compatissant se dessina sur mes traits épuisés.

Il faut rester le plus discret possible... Que nos ennemis ne puissent pas se savoir traquer. Peut-être auront-ils l'audace de s'en prendre à Childéric... Et l'occasion sera parfaite de leur mettre la main dessus. Un Grand Pope sur ses gardes ne tombera pas aussi facilement qu'une proie prise par surprise. Surtout si tu veilles sur lui, dans l'ombre.

Le message se voulait clair. L'épouse, l'amante ne devait pas laisser passer cette chance. Prévenir Childéric était légitime, mais inutile d'ébruiter l'affaire. On ne trouvera pas un meilleur appât...
Malgré la douleur, j'approchais mes lèvres de la paume de ma capitaine et y déposais un long baiser, avant de me redresser.

Bon... Merci capitaine... Que ferais-je sans toi ?

Elle lui adresse une œillade complice. Être à ses côtés a le don de la replonger des années en arrière. À éveiller des souvenirs, des sensations, des sourires. Les Poissons voient naître dans ses yeux l’ombre d’interrogations. Nimuë garde pour elle ses petits secrets, un part d’ombre. L’heure n’est pas aux révélations, quand bien même la jeune femme porte une confiance aveugle en son ancien Second.

« Les Ligures ? Je ne comprends pas… quel intérêt auraient-ils à ?... » Ses prunelles s’assombrissent. « Je suis désolée pour vous, vraiment. »

Et l’ex-Sirène Maléfique le pense : Atlantis va vers des heures bien sombres… elle acquiesce, d’abord, à ses questions et lève un regard courroucé vers Endymion. Il fait taire toute protestation dans l’œuf, dépose un baiser dans le creux de sa paume. Un geste tendre qu’il a souvent eu pour elle et la réconforte. Faisant mine de se calmer, la jeune femme lui offre un sourire entendu.

« Tu peux compter sur moi Endy’, toujours. »

Elle va l’étreindre avec douceur, lui glisse à l’oreille : « Tu dois faire attention à toi, à eux. » Aux survivants. « Garde le cap Captain et n’oublie pas que je suis là. »

Pour combien de temps ? La question se forme dans son esprit et fait naître une ombre sur son visage.

« Ne me remercie pas. » Je ne le mérite pas… « Tu te serais probablement versé toute une bouteille de rhum sur tes blessures. Ou partagé avec ton gosier… »

Elle ricane. Le pousse vers la sortie.

« Envoie-moi une missive, au besoin. Et oublie pas, garde le cap ! Garde le cap… »