[Début Avril 553] L'heure des retrouvailles - Ryme

Aux rêves et aux bals masqués de Connaught, le Sanctuaire marquait un retour aux réalités. Toutefois, le vision réveillait en elle la tragédie. Ces piliers hauts et grecs, et puis ces statues de lion...Ils ne marquaient pas un instant de répit en criant la véracité de son rôle : Gardienne et Chevalier d'Or des lieux. Dans ce Temple, elle ne cessait de maugréer et dans son sommeil, les cris et les rugissements de son armure continuaient à faire écho entre ces murs, même après son réveil. Chaque soirée, c'était la même chose et chaque instant, Ryme croyait devenir folle.

Ainsi, assise sur une petite table, ses yeux de Jade tentaient de trouver du réconfort en scrutant le dernier présent de Nébu, pour oublier ses échecs et la disparition du Petit Lion lors de sa mission à Nauplie. A ses côtés, son armure continuait à répondre à ses litanies silencieuses. Elle vivait, malgré les fragments qui nimbaient sa surface. A ses pieds, une créature semblable à son totem somnolait. Tantôt lumineuse, tantôt matérialisée, la grande lionne s'étira comme un gros chat, détendue et apaisée, quand une armure fila littéralement dans le hall de sa maison. Intriguée, Ryme se releva et s'approcha de la pièce intruse. De toutes les armures d'Or, celle du Bélier était probablement l'une des plus reconnaissables. Sa lionne ne se pria d'ailleurs pas pour entreprendre quelques pas pour mener son enquête du bout de son museau, lorsqu'un jeune homme fit irruption chez elle, sans prévenir, muni d'un drap blanc. Dans un sursaut, l'Alter Ego recula de quelques pas, visiblement tout aussi contrariée que sa propriétaire aux sourcils froncés...

"Tu m'as fait peur. Je peux savoir qui tu es, au moins?", souffla-t-elle, avant de poser son regard sur l'armure que son propriétaire touchait du bout des doigts. Dans sa surprise, l'on put sentir son étonnement malgré son masque. "C'est toi le successeur de Nébu ?"

Ryme haussa un sourcil haut, circonspect, avant de reprendre la parole, en adoptant un ton cette fois-ci bien plus affable et aimable qu'il y avait de cela quelques secondes. Une main tendue, il était temps de lui annoncer plus officiellement la bienvenue.

"Enchantée...Je suis Ryme, Chevalier du Lion. Désolée, je suis encore un peu fatiguée depuis mon retour de Camelot...Mais bon, à ma décharge, c'est pas tous les jours qu'on entre dans ma maison en courant." Passant ses doigts dans ses cheveux, ils balayèrent sa fatigue et détendit ses épaules et ses muscles. "Je peux t'offrir quelque chose?"

La créature à ses côtés frôla ses cuisses, dans l'attente et dans l'observation, curieuse comme tout. Bien qu'aucune méchanceté ne s'en dégageait, cette dernière continuait à garder un peu de distance, comme si la méfiance était de mise. Elle ne connaissait pas son prénom, après tout.

Mal-léchée, la créature de cosmos continuait à observer avec méfiance le jeune homme, sa queue suspendue dans les airs, dans l'attente. Ce n'était pas sans rappeler sa détentrice qui, longuement mais sûrement, réfléchit à toute vitesse afin de considérer si oui ou non, cette irruption impromptue relevait de la moindre importance. Accompagnée de sa protection dorée, ce Saint n'était pas n'importe qui en dépit de sa maladresse. Maladresse qui, par ailleurs, balaya finalement la colère de Ryme. Pouvait-on réellement s'énerver contre une telle personne ?

"Je n'en tiendrai pas rigueur, n'ayez crainte. Ce n'est pas la première fois que j'assiste à l'ascension d'un nouveau chevalier dans mon temple, et chacun y met de sa personnalité...Mais on peut dire que tu sais faire ton entrée.", fit-elle avec sincérité. Sous son masque, on devinait l'ombre d'un sourire. "Vous êtes de Jamir ? C'est pas souvent qu'on en voit au Sanctuaire...Je crois que vous êtes le premier, même."

Jamir. Voilà une ville pleine de mystère. Un mythe devenu réalité en cet instant présent aux yeux de la Sainte. Mais cela, Gawa n'en avait probablement pas conscience. Discrètement, la jeune femme se prit à contempler les traits du jeune homme en bénissant l'anonymat de son masque. Gawa était un spécimen type, après tout ! S'il n'acceptait pas de partager un verre ou même de rompre le pain, autant se cultiver savamment sur l'allure d'un Jamirien. Et son esprit ne manqua pas de relever qu'il ne différait pas véritablement d'un être humain : un nez, une bouche, deux yeux...Mais deux étranges sourcils, qui n'enlevaient pourtant pas le charme qu'un humain normal aurait pu déceler chez le jeune roux. Ce détail n'en restait pas moins suffisant...

"C'est rare de voir une armure en pleine action ou tout du moins, aussi réactive...C'est toi qui la fait réagir comme ça ?"

Pensive, ses orbes de Jade continuaient à observer l'armure en silence. Brièvement, elle songea que le problème venait peut-être d'elle. Peut-être oui, qu'elle manquait de vécu en tant que Chevalier. Quand son regard glissa finalement sur sa propre armure et sa pauvre condition, la remarque du Bélier prit tout son sens. Dans un sursaut, la jeune Lionne initia ses explications, accompagnées d'un bref mouvement de main.

"Oh, oui, je me suis battue récemment. Je viens de rentrer de mission.", soupira-t-elle en passant une main sur la tête de sa lionne de cosmos, en harmonie avec la liberté qu'elle lui concédait. Prise d'une moue, son souci n'était probablement plus un secret... "Elle a été un peu amochée oui. Va bien falloir que je trouve une solution, sinon on va me dire que je la traite mal, la pauvre."

La Lionne a ses côtés se montra plus curieuse. D'un coup de tête contre sa jambe, sa caresse bouscula légèrement la jeune femme et perturba son équilibre, mais cette dernière ne s'en offusqua pas. Ryme était habituée.

"Ce n'est pas grave..."

Ryme souffla ces mots, pensive. Son temple l'apaisait et son masque lui rappelait la réalité de sa situation : une pointe de lassitude pour ces derniers jours de deuil, voilée sous un plâtre inexpressif. La lionne à ses côtés continuait à trotter silencieusement, en paix, en cherchant délibérément à gagner l'attention du Jamirien. Se roulant de gauche à droite, la créature semblait vouloir se divertir...

"Plus que l'honneur, reste toi même. Ca sera déjà bien suffisant, on aura tout notre temps pour se connaître."

Si l'ombre d'un sourire fit surface, le rappel de son combat la ramena pourtant à certaines visions dont elle se serait bien passé. Non, la mission ne s'était pas bien passée. Ou pas comme la jeune femme l'avait prévu. Tout en passant ses doigts le long de ses mèches de couleurs, elle songea néanmoins qu'elle soufflait encore au Sanctuaire.

"Ca aurait pu mieux se passer, mais...Comme tu le vois, je suis encore en vie."

Elle désigna d'un doigt sa petite forme, avant de se relever le regard en direction de Gawa. Par surprise, elle cligna des yeux plusieurs fois. Ryme n'était pas certaine d'avoir bien compris son invité du moment tant l'information lui parut...Totalement nouvelle et inattendue ?

"Ce ne serait pas de refus...Mais, tu peux le faire ?"

Son ton continuait à traduire sa surprise. Mais plus encore, la Sainte rencontrait également pour la première fois un véritable forgeron au Sanctuaire. Trépignante de surprise, la jeune femme recomposa pourtant son attitude quelques secondes plus tard. Son œil darda alors quelques objets un peu plus voyant à sa ceinture. Etait-ce ses outils de travail ?

Cette rencontre était aussi excitante qu'inattendue !

"Je dois aller voir le Grand Pope, qui est aussi...Mon maître et l'ancien chevalier du lion ! Tu devines bien que ça m'embêterait qu'il la voit...ainsi."

Désignant les fissures de son armure, la protection du Lion brillait encore fièrement. Pourtant, ses stigmates révélaient un combat contre un ennemi particulièrement féroce...Au moins autant que le Roi des animaux en personne.

Exaspérée, Ryme observait la situation avec un air contrit. Sa lionne avait toujours été accaparante, plus ouverte qu'elle ne l'était naturellement. En ignorant les secondes pensées et les premières barrières de l'esprit, la retenue n'était assurément pas un mot pour qualifier la bête. Malheureusement pour lui, Gawa en faisait aujourd'hui les frais : son alter ego lui adressait tantôt quelques coups de pattes curieux, tantôt un coup de tête affable, mais toujours avec tendresse. Au final, c'était durant ce genre de démonstration ouverte que la jeune femme semblait la plus désharçonnée. Dans sa gêne, sa main se porta au niveau de son masque alors qu'une toux feintée l'aidait à retrouver les mots.

Parfois, la lutte était un terrain mieux connu...

"Ce n'est pas un chat, c'est un lion. Une lionne, plus précisément, elle représente mon armure, lié au Lion de Némée." Machinalement, ses doigts terminèrent par effleurer l'arrière de ses oreilles, comme pour chasser le fantôme de sensations générée par la gratouille adressée à son autre moitié. "Encore que, je ne suis pas certaine que le terme soit adapté, mais hum, oui, elle est plutôt câline."

Affectueux mais territorial, le félin finit pourtant par se lasser de son nouveau jouet et, non sans lâcher un soupir audible, s'enfonça à pas légers dans les profondeurs des ténèbres. Toutefois, la Sainte semblait ravie de trouver une solution plus pragmatique et plus logique vis-à-vis de son armure. Sa hâte fut telle qu'elle finit par avouer ce qui lui pesait sur le coeur.

"Pour être honnête, je m'inquiétais pour elle. Alors, oui, vous avez mon accord. Sauf...Si vous êtes un escroc mais je crois que ce serait un peu insultant pour un Chevalier d'Or.", lâcha-t-elle, avec tout le piquant qui pouvait bien composer le caractère de l'ancienne Disciple. Oh, rien d'intentionnel ni de manifestement grossier dans cette réplique. La sainte testait simplement les réactions du nouveau Chevalier du Bélier, fut-il humble ou fier. "Quelles genres de fissures ou brisures pourraient tuer une armure ? Je ne crois pas avoir vu d'armures mortes de toute ma vie..."

Plissant les yeux, quelques secondes filèrent, le temps d'imaginer et d'envisager toutes les hypothèses qui lui passaient à l'esprit. En réalité, c'était là un questionnement qu'elle ne s'était jamais posée, persuadée durant ses premiers mois d'être un chevalier confirmé et à l'abri de tous les dangers. Mais une armure morte...N'était-ce pas là ce que tout bon chevalier devait redouter au cours de ses longues années de services ?

Sûrement. Aussi, ses prunelles de Jade croisèrent ceux de Gawa et, d'un hochement de tête, Ryme manifesta positivement sa réponse, non sans avoir réfléchi à l'ironie de ce service.

"J'accepte, évidemment ! Entre nous, ce n'est pas souvent qu'on me propose de réparer mon armure en guise de première rencontre mais...Si ça réussit, je te serais "peut-être" redevable. Et ça aussi, c'est peu fréquent "

Un clin d'oeil flotta. Le défi venait d'être lancé et, pointant du doigt la direction d'une salle plus disposée aux travaux du jeune homme, Ryme lui proposa de la suivre en un coup de nez.

Spoiler:

Si le vent devait prendre forme, alors l'électricité qui grondait, grondait, et grondait encore dans les yeux du Lion reflèterait une autre vérité. La lumière courrait encore, faisait frémir son métal et son souffle susurrait les détails de la vie qui l'animait toujours. Les fissures n'étaient pas importantes pour cette armure au caractère chatoyant et revêche : peut-être que la main de Gawa tiendrait compte de la loyauté de son armure ?

Le Saint verrait peut-être le souvenir d'une guerre, sans compter les fissures sur les pierres couvertes de cendres et léchées par les flammes. Si les sanglots de certains rescapés ne faisaient pas l'unanimité pour ceux qui survivaient, il aurait pu pleuvoir des cendres en étant un peu dramatique. Après les conflits, cette ville italienne était éteinte. Le seul survivant de ces lieux, c'était les villageois. Les Saints aussi. Les ricanements et les chants de gloire confirmeront déjà cette version au Saint.

Et s'il les entendait, c'était bien parce que le porteur de l'armure n'était pas Ryme, mais Childéric. Il portait l'armure, mais contemplait le soulagement des soldats et les festoiements en grand ponte. Toutefois, ses pas l'emportaient. Il s'éloignait, visiblement interpeller par ce que son armure lui susurrait.

"Il faut qu'on aille à la recherche de la jeune lionne."

Ces mots, Gawa pouvait également les entendre. Car elle comme lui l'avaient vu et s'étaient portées à son secours. Dans ces ruines, il y avait une gamine aux joues sales, une adolescente un peu banale, si tant est qu'on ne lui prêtait pas une maîtrise prématurée mais incertaine de son cosmos. Et l'armure pressentait que cette dernière avait survécu à l'assaut, accompagné de son jeune frère d'arme ; un compagnon de croc. Alors les rues défilaient, les allées se serraient, les petits ponts perdaient ses propres habitants par son architecture médiéval atypique et rustique.

Plus l'armure s'approchait, et plus son coeur battait. C'était autant une évidence qu'un véritable regret : Lion savait déjà qui il voulait, mais la créature n'avait jamais été connu pour sa patience. Et l'attente n'était pas une option mais une obligation pour la jeune fille qu'il venait de rencontrer, accompagné de sa petite meute. Lorsque cette dernière releva ses yeux verts vers Childéric, ce ne fut que pour froncer des sourcils et s'armer de son plus flagrant répondant, malgré le sang, la sueur et les cernes qui lacéraient leurs visages respectifs...

"C'est très gentil de nous avoir sauvé de ce beau merdier, vraiment, on est très reconnaissant, mais on est aussi très fatigué. Et, hormis cette espèce de pugilat insensé, j'en ai vu plus d'un, des mecs comme toi. Ils pétaient plus hauts que leur cul avec leurs petits poings, leur rires sournois, leurs petits plastrons rouges à deux sous et leurs airs hautains. Et comme récemment, il venait régulièrement foutre la merde dans mon village, je les ai tapé pour les calmer."

En essuyant sa joue crasseuse, l'adolescente présenta son plus beau regard de défiance, face à ce maître avec qui elle n'avait jamais cessé de jouer à un chaud-froid particulier.

"Mais quel devoir de merde ! Et quel aveu ! Et...Foutu maître ! Je te jure, si je tape pas quelque chose pendant l'entraînement et très rapidement, je vais mourir..."

Oh oui. L'armure avait l'occasion de se confier à Gawa : la relation entre sa porteuse et son prédécesseur n'était pas au beau fixe, car les Lions étaient de ceux à se montrer territoriaux, capricieux. Et un peu revanchard.

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Quand l'armure cessa enfin de murmurer ses propos, cette dernière ne bougea pas. Tous ces petites confessions semblèrent pourtant rester dans un entredeux mi-tiède... Au moins autant que la lueur coulante et chaleureuse qui coulait avec grâce le long des pièces de son armure : il y avait comme une forme de regret de voir ses deux porteurs se chamailler pour une mésentente où la confiance et l'amour filiale de l'une avait été blessée au prix d'un devoir et d'un silence passionné pour l'autre. Gawa n'en avait pas confiance, mais rares étaient les moments de partage que se permettait l'armure du Lion, fidèle à sa Horde. Cela fait, elle se releva, s'étira très subtilement et changea d'humeur -ou d'aura dans son cas- avec toute l'ingratitude d'un gros chat. Attirée par les sons et la petite escorte d'armure, Ryme s'était approchée tout près de la porte lorsque Gawa l'outrevrit. Par curiosité, la Sainte prit quelques pas vers son armure, afin d'examiner le rendu de plus près. Afin de sentir la texture de l'orichalque du bout de ses doigts. Quelques petites fissures constellaient encore sa surface, mais c'était peu, si peu en comparaison de son état, à peine quelques minutes auparavant...

"Honnêtement, je suis très étonnée par tes compétences.", avoua-t-elle avec honnêteté. Ses paroles résonnèrent comme un compliment. "Merci beaucoup, c'est tout de même plus esthétique, je dois bien l'avouer. Et puis, pour une première rencontre, je ne suis pas prête de l'oublier. Désolée d'avoir douté de toi : je ne sais plus qui croire à force."

En dépit de son masque, ses yeux continuaient de sourire. Si la poigne lourde de la jeune femme donnait une impression de scepticisme accrue, une pointe de douceur et de remerciements s'adressèrent directement au jeune homme. Panser les blessures de son armure l'aiderait peut-être à aller de l'avant...

"Hmm...je m'y connais pas en armure, et encore moins en réparation mais désolée si elle a eu du caractère ? C'est imperceptible, mais je pense savoir qu'une armure doit peut-être marcher différemment, dans sa mécanique... "

En particulier auparavant, durant les premières années. Dans un soupir audible, Ryme ne manqua pas d'exprimer son soulagement : au moins, aucun sang n'avait été versé.