[Fin avril 553] You say you want a revolution (MP) [PV Endymion]

La recherche de Julius Pontus s’était avérée être une réussite mais pas autant que Nessius ne l’avait espéré. Il avait souhaité trouver un outil pour combattre le Conseil mais s’était retrouvé avec le sentiment d’une force qui allait faire un baroude d’honneur avant de s’effacer. Pas de quoi avoir un appui décisif dans la durée qui pourrait lui servir de levier.

Il restait donc le plan B évoqué avec le Dragon des Mers lors de leur dernier tête à tête. Mais cela ne s’improvisait pas. Bien sûr, la colère populaire emplissait les tavernes et les bouges. On parlait de demeures de riches marchands ou d’aristocrates attaquées par quelques plébéiens par dépit ou pour trouver de quoi se sustenter. La nourriture commençait à manquer et les plus pauvres en souffraient. Mais pour le moment, ces émeutes sporadiques avaient un côté spontané, opportuniste et désorganisé qui les rendaient peu inquiétantes pour le pouvoir en place.

Néanmoins, cette colère pouvait être canalisée. Et celui qui y parviendrait pourrait l’utiliser à son profit. Ou tout du moins en faire un outil suffisamment dissuasif pour peser de tout son poids dans les intrigues qui agitaient la Cité. Des groupes commençaient à se former. Des meneurs commençaient à émerger. Là un forgeron que les pénuries affectaient, ici un boulanger qui ne pouvait plus acheter les céréales nécessaires à son entreprise, une femme qui n’arrivait pas à nourrir ses enfants… Restait à fédérer et à canalyser cette énergie aussi créatrice que destructrice.

C’était le calcul qu’avait fait Nessius. Mais, en parfait stratège pragmatique, il savait qu’il n’était pas le mieux placé pour incarner cette voie. Il n’était ni un haut gradé, ni issu du peuple. Un Merinita, tout méritocrate soit-il, n’en restait pas moins suspect aux yeux de la plèbe s’il prétendait la guider vers plus de droits et de justice sociale. En revanche, un vétéran de l’armée de Poséidon, né des entrailles du peuple et ayant réussi à s’élever représentait un symbole bien plus fédérateur. Voilà pourquoi le concours d’Endymion lui semblait essentiel.

Il avait donc entreprit de le retrouver à nouveau à la Dame Rousse et d’y convier les différentes personnes qu’il avait pu approché et dont les Quaesitors avaient pu, après enquête, découvrir l’identité sans qu’elles aient, pour le moment, étaient transmises au Primus Senator.

Franchissant la porte, Nessius vit qu’Endymion se faisait désirer, comme à son habitude. Il l’attendit donc dans la grande salle, à l’écart des conversations pour pénétrer ensemble dans l’arrière salle où se tiendrait la réunion. Quand ce dernier franchit enfin la porte, Nessius lui adressa un simple signe de tête assorti d’un sourire narquois.

«Vous vous faites attendre, Général. Je crains que nos invités ne s’impatientent… En espérant qu’ils n’aient pas retourné votre arrière salle…»

«Je pense qu’ils ne sont plus à ça près. Vous ne devriez pas sous-estimer la colère des gens. Il n’est rien de plus dangereux qu’un animal acculé et qui lutte pour sa survie. Aussi Atlantes soient-ils, ils ne dérogent pas à la règle… C’est moi où vous avez l’air de méchante humeur ? Je veux dire, plus que d’habitude…»

Présomptueux, comme à son habitude. Nessius gagea que le Général du Dragon des Mers devait sortir d’une de ses nuits de débauche comme il en avait l’habitude. Pour autant, il y avait chez lui quelque chose qui ne lui connaissait pas précédemment. Comme une tension, une ire sous-jacente. Il s’était passé quelque chose au pilier de l’Atlantique Nord avec Ea et Calypso. Il en donnerait sa main aux requins. Le lui dirait-il ? Le lieu ne s’y prêtait guère. Mais il avait néanmoins tenté sa chance. Une façon comme une autre d’en savoir plus.

Les deux marinas pénétrèrent dans la salle. Il y avait là sept hommes et femmes attablés, se dévisageant les uns les autres dans un silence de cimetière d’épaves. Ainsi, Endymion le laissait faire le premier pas ? Cela ne lui ressemblait guère. Tout du moins, ce n’était pas l’image que Nessius se faisait de lui. Et il avait appris que tout comportement inhabituel, même mineur, pouvait être un signe à ne surtout pas prendre à la légère. Le Dragon des Mers avait-il changé d’avis quant à l’organisation d’un soulèvement populaire ? Il fallait répondre à cette question avec tact sans pour autant fermer la porte aux revirements qui pourraient se présenter. Rien n’était jamais stable. Le Naga prit donc la parole sur des faits.

«Soyez les bienvenus à la Dame Rousse. Si vous avez reçu les messages, c’est que vous avez organisé des actions considérées comme séditieuses et que vous avez été identifiés par les Quaesitors. Heureusement pour vous, vos dossiers ont mystérieusement disparu avant d’être transmis au Conseil… Pour le moment… »

Nessius attira alors l’attention de chacun sur un ensemble de manuscrits qu’il tenait dans sa main droite. Nul doute qu’Endymion n’y avait prêté attention jusqu’à ce moment précis. Il poursuivit donc son monologue.

«Rien n’empêche néanmoins qu’ils réapparaissent… Et que la Garde du Primus Senator vienne vous chercher. A moins… Que vous acceptiez d’écouter ce que le Général Endymion a à vous proposer…»

Une façon élégante et diplomatique de mettre un couteau sous la gorge du gardien du pilier de l’Atlantique Nord. Dévoiler son identité, l’obliger à prendre la parole et à prendre position. Il avait voulu lui laisser le champ libre? S’il avait espéré voir Nessius se lancer dans la bataille tête baissée et prendre les premiers coups, alors il ne l’avait pas encore parfaitement cerné. Pour autant, Endymion était rusé. On ne survivait pas à tant de tempêtes sans avoir quelques tours dans son sac et des cartes dans ses manches. Le tout était de savoir quelle serait la prochaine qu’il choisirait d’abattre et s’ils étaient toujours sur la même longueur d’onde…

«Tant qu’il n’est qu’acculé, son honneur est sauf…»

Il ne savait si le trait d’esprit ferait sourire le Général mais au moins ne perdait-il pas de sa répartie caractéristique face à l’ire qui semblait s’être emparée de ce dernier. Son impression fut d’ailleurs étayée par le langage familier que le gardien du pilier de l’Atlantique Nord s’employa à utiliser pour s’adresser aux différentes personnes rassemblées autour de la table.

Etait-ce une façon pour lui de réclamer ses origines populaires ? Ou une façon de s’adresser de manière commune à la plèbe ? Quoi qu’il puisse en être, Nessius goûtait très peu ce genre de vocabulaire. En revanche, le fond du discours n’était pas inintéressant. Même s’il l’avait espéré plus fédérateur et moins anxiogène. Car une flamme pouvait se souffler aussi facilement qu’elle était attisée. Et l’ambivalence de la position d’Endymion ne laissait pas présager de quel côté il pouvait faire pencher la balance. Il fallait donc peser un peu sur l’équilibre.

«Le général a raison. Nourrir le chaos permet aux ennemis d’Atlantis d’agir à leur guise. Quelque soit le lieu où ils se cachent, dans le peuple, au Sénat, au sein même du Conseil… Pour l’instant, il y a encore trop peu d’éléments…»

Il prit une courte pause.

«Pour autant, cette invitation au calme n’est pas une invitation à l’inaction. Si jamais le Conseil et le Sénat venaient à faillir, ce serait au Peuple d’Atlantis de soutenir l’Amirauté dans son combat pour préserver la Survie et la Souveraineté de notre Cité. Pour cela, nous avons besoin de vous. Que des sections soient organisées dans chaque quartier. Qu’elle soient en lien avec une cellule centrale à chaque pilier à laquelle des ordres pourraient être transmis en un instant pour une action simultanée dans l’ensemble d’Atlantis…»

Il se tourna vers le Dragon des Mers.

«Cet homme a montré à plusieurs reprises son engagement pour notre Cité. Il a risqué sa vie à de multiples occasions pour nous protéger. Il connait les maux qui accablent le peuple en ces temps difficiles. Il n’a pas oublié d’où il venait. La question est de savoir si vous avez suffisamment confiance en lui, en l’Amirauté pour que nous puissions compter sur vous le moment donné… Nous avons besoin de vous… Pour Atlantis…»

«Et vous pensez sérieusement pouvoir mener une révolte qui aboutira par vos propres moyens et sans la protection de l’Amirauté ? J’en doute… Le Général a raison, vous n’y récolteriez que la mort…»

Les bras croisés, Nessius fixa la femme qui venait de taper du poing sur la table. Son regard perçant la dissuada d’aller plus avant dans ses récriminations.

«Si vous pensez pouvoir renverser la noblesse juste avec une masse désorganisée, affamée et sous équipée, alors je vous conseil de diminuer fortement votre consommation d’eau de vie. De plus, je vais me montrer très claire : Si vous y allez sans préparation, sans coordination et affaiblis, vous serez écrasés et nous ne saurions l’empêcher. L’Amirauté n’ira pas à l’encontre des intérêts de la Cité… Mais elle peut changer la donne pourvu qu’elle ait le soutien du Peuple… »

Ils allaient devoir comprendre qu’ils n’auraient pas le pouvoir décisionnaire dans toute cette histoire. Ce n’était pas à eux de décider où et quand. Néanmoins, il fallait tenir compte de leurs griefs. Pour obtenir leur adhésion, il semblait que la question de la subsistance était centrale. Le Naga se tourna vers le Dragon des Mers de manière à ne pouvoir être entendu du reste de l’assistance.

«Si nous voulons apaiser la situation et les fédérer, il me semble essentiel de pouvoir fournir à ces gens de quoi nourrir leur famille. Et je doute que le blocus décrété par le Conseil permette de leur donner accès aux ressources. Je vois donc deux solutions. La première, légale, serait de demander à Cinnead d’ouvrir les réserves du quartier du pilier central pour nourrir le peuple de manière équitable tout en faisant superviser l’opération par la garde personnelle des Merinita afin d’éviter tout débordement. La seconde serait de s’appuyer sur vos réseaux de piraterie et sur quelques connaissances en charge de la surveillance des Arches pour faire passer des ressources en provenance de la Surface par contrebande... Nourrissons le Peuple et nous aurons et son calme et son soutien. Qu’en dites-vous ?»

Il se tourna vers l’assemblée qui semblait les dévisager d’un air suspicieux. Le contraire aurait été surprenant. Avec calme et détermination, le Naga reprit la parole.

«Croyez-le ou non mais je sais ce que sont la faim et la peur. Et elles sont bien plus terribles à la surface… Libre à vous de nous faire confiance ou non. Mais ne prenez surtout pas ce choix à la légère… Vous avez tout à gagner à la patience…»

«Vous nous faites perdre du temps avec cette opposition stérile… »

Le gros lard ne semblait pas avoir compris à qui il avait à faire. Nessius laissa le Dragon des Mers le recadrer en face à face. Le Naga ne se contenterait pas des mots. Un exemple ? Oui, il en fallait un. Pour se faire obéir de la masse, il fallait parfois faire rentrer dans le rang la tête qui dépasse. D’un pas calme et mesuré, le jeune Mérinita s’approcha de lui par derrière tandis qu’Endymion lui faisait face, le prenant en étau. D’un geste lent, iIl posa sa main sur l’épaule du mutin improvisé. Immédiatement, le lourdeau se senti défaillir et s’affaissa sur sa chaise devant une assistance figée. Nessius fixa les autres plébéiens d’un regard froid et reptilien.

«Rassurez-vous, il a juste perdu connaissance… pour le moment… Cependant, s’il y a d’autres amateurs, je me ferais un plaisir de vous expliquer physiquement pourquoi il vaut mieux faire ce que vous demande le Général…»

Nessius reprit sa place initiale tout en laissant poser son regard sur l’assemblée au même rythme que son vis-à-vis, dans un ballet glaçant. Il ne tourna la tête vers le Dragon des Mers que lorsque la femme évoqua une rumeur dont le Naga, pourtant à l’affut de ce genre de choses, n’avait pas entendu parler. La perte de son écaille ?! Comment était-ce possible ?! Non, cela ne devait être que des rumeurs provenant du Conseil visant à discréditer l’un de ceux qui ne pliaient pas l’échine devant lui… Néanmoins le doute s’installa dans l’esprit du Capitaine de l’Indien. Il fallait en avoir le cœur net.

«Je suis certain que ce ne sont que des ragots diffamatoires visant à ternir la réputation de l’un des généraux les plus expérimentés de l’Amirauté. A moins qu’il ne s’agisse d’un odieux chantage. Nul autre que Notre Seigneur ne peut priver un Marina de son écaille et encore moins le contraindre à la céder. Cependant, si cela s’avérait exact, cela signifierait que le Général l’a fait de son plein gré…»

Néanmoins, cela serait un aveu de faiblesse. Tout du moins, c’est ainsi que Nessius voyait la chose. Cela signifierait qu’il avait reculé devant le Conseil. A moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie bien précise. Mais étais-ce dans les cordes du Dragon des Mers d’échafauder de tels plans ? Avait-il la finesse nécessaire ? Nessius restait sceptique mais il n’allait pas s’avancer outre mesure. Il attendit donc de voir comment ce forban d’Endymion allait avancer sa prochaine pièce. Ainsi pourrait-il agir en conséquence.

Ainsi le Dragon des mers avait laissé son écaille sous la protection d’un autre le temps d’une enquête. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : cette enquête le visait personnellement. Et le Conseil avait suffisamment de pouvoir pour l’obliger temporairement à s’en séparer. Ce n’était pas bon signe. Bien au contraire. Qu’est-ce qui avait bien pu se jouer au pied de ce damné pilier ?

Nessius eut immédiatement une pensée pour Caly ? Allait-elle bien ? S’était-elle mise en danger ? Il devrait aller la voir pour en savoir plus. Car il était évident qu’Endymion ne s’étalerait pas davantage. D’autant plus devant des plébéiens mal dégrossis. Le Naga appuya donc le général dans ses propos.

«Le Général a raison. Il faut que le calme revienne…. Tant que nous n’avons pas débusqué les véritables ennemis d’Atlantis, il ne faut pas rajouter du chaos au chaos. Cela vous laisse le temps pour vous organiser. Construire des circuits de ravitaillement pour les plus nécessiteux, renforcer la surveillance et la sécurité des quartiers en structurant une milice du peuple au service de la garde…. »

Une milice qui pouvait aussi bien servir de force armée le cas échéant. Une façon de prendre place sur l’échiquier et d’obtenir une vision plus large, davantage de renseignements. Mais il n’y avait rien sans rien. Ils ne pouvaient demander cet effort sécuritaire sans contrepartie. Aussi, Nessius consenti à faire un pas.

«Le général a montré sa bonne foi. C’est un exemple à suivre. Quelque soit notre statu. Je vais donc organiser une distribution de nourrir au domaine Céléno pour les personnes du pilier de l’Indien. Je vais m’assurer que d’autres familles nobles fassent de même. C’est dans la solidarité que le peuple Atlante montrera sa force… Et qu’il se sache que c’est le Dragon des Mers qui a rendu cela possible…. Avez-vous des objections à cette proposition ? »

Assurer la sécurité et la nourriture de la plèbe tout en mettant Endymion sur le devant de la scène. Il n’approuverait peut-être pas de se retrouver au premier plan. Mais tant pis. Il fallait toujours un porte-étendard. Ainsi qu’une cible de premier choix en cas d’échec.

Comme prévu. Ce diable d’Endymion ne pouvait se dérober à ses responsabilités. Cependant, il tentait de garder la mainmise sur le cadeau empoisonné que Nessius venait de placer entre ses mains. Astucieux. Mais le Naga avait plus d’un tour dans son sac. Et il n’était pas prêt à laisser le Dragon des mers mener seul la danse. Aussi s’empressa-t-il de border la toute-puissance à laquelle ce dernier prétendait.

«Bien évidemment, des relais de proximité au sein des Quaesitors veilleront également, dans chaque quartier, à faciliter la circulation de l’information vers l’Amirauté. Cela évitera de vous exposer directement les uns et les autres toute en nous faisant gagner un temps précieux… »

Et cela assurera également une surveillance étroite des allers et venues et de recouper les informations. Nessius aurait à convaincre le Primus Quaesitor de surveiller les mouvements plébéiens au sein des quartiers dans un souci de maintient de l’ordre et de la sécurité. Ce ne serait sans doute pas la partie la plus compliquée à exécuter. Le tout était de se voir confier la coordination de la surveillance et arguant de sa place de délégation au sein de l’Amirauté.

La messe était donc dite. Chacun avait son rôle à jouer. Aux yeux du Conseil, Endymion sortirait sans doute grandit de cet événement pour avoir apaisé la plèbe et aidé au maintien de l’ordre dans la Cité. Cela permettait à Nessius de dérouler son plan en sous-main afin de préparer un hypothétique soulèvement populaire. Il restait du boulot mais les bases étaient posées.

Nessius s’éclipsa de la Dame Rousse mais une inquiétude ne l’avait pas quitté durant toute la réunion. Il devait savoir si Calypso allait bien. Et en savoir plus sur les événements du pilier de l’Atlantique Nord. Il pressa le pas et disparut donc dans la foule pressée qui animait le quartier.

Citation :

RP terminé. Merci