[Début Avril 553] Yo-ho-ho ! Et une bouteille de rhum ! (Endymion)

Cela faisait quelques jours à peine que j’étais arrivé à Atlantis et déjà, j’étais pris de toute part. Je n’avais presque pas eu le temps de m’occuper de mon quartier, même au contraire, trop de temps à passer par me lancer dans la paperasse depuis que Dardanos me l’avait laissé avec grand plaisir !
À cela, se rajoutait aussi mon entrevue avec ma consœur de l’Antarctique qui, je l’avoue, était davantage plus relaxante, mais cela restait de l’entrevue officielle pour se présenter. Tout ce que je voulais, c’était me reposer, me relaxer et juste ne penser à rien. Oui, d’accord, ça fait partie des responsabilités du Kraken tout ça, oui, je me souviens que j’ai dit que j’assumerais pleinement mes fonctions et mes responsabilités ! Du coup, je ne peux pas me reposer cinq minutes ? Non, c’est sûr vu les troubles qui se passent en Altantis et ces vagues de meurtres dont j’ai lu quelques rapports et qui ont atteint mon quartier.

Sans le remarquer, j’avais passé la journée à traiter plusieurs dossiers et problèmes en tout genre, quand je rentrai dans ma demeure, c’était pour tomber sur une chaise en terrasse et souffler. J’avais tellement besoin d’un verre, mais avec quelque chose qui me ferait du bien et que j’avais appris à aimer à la surface : Le Rhum !
Malheureusement, on n'en trouvait pas par ici, sauf apparemment dans une certaine taverne à la Cour des Miracles vers le pilier de l’Atlantique Nord. Le soleil commençait à se coucher, c’était l’heure parfaite pour essayer de voir ce que cela me réservait, avec un peu de chance, je trouverais mon bonheur.
Après m’être bien étiré, je troquai mes habits du jour contre mes vêtements favoris, une chemise de marin bleuté ainsi qu’un pantalon beige assez souples et des bottes marrons plus que confortables !
Cela faisait longtemps que je ne les avais pas portés, parfait pour être soit incognito, soit suffisamment au milieu de la foule pour ne pas attirer de trop l’attention comme avec une armure saphir qui brille de mille feux.

Je m’étais dirigé vers le pilier de mon confrère et enfin, j’étais arrivé devant cette fameuse taverne : La Dame Rousse.
Je poussai la porte et retrouvai l’ambiance qui m’avait tant manqué. Au lieu des esprits trop rigides, se trouvait ici, l’odeur, la fumée et le bruit des tavernes que j’avais l’habitude de côtoyer à la surface. Tout ça me rappela des souvenirs et instantanément fit apparaître un sourire de bien-être sur mon visage. Enfin, j’étais presque comme à la maison.
Je me faufilai entre les tables, observant certains jouer aux cartes, d’autres parier quelques pièces sur d’obscurs jeux et certains faire simplement la fête, les verres bien en hauteur.
Avec un peu de mal, j’ai quand même réussi à dénicher une petite table tranquille où je décidai de m’asseoir. La serveuse vint à ma rencontre et me demanda ce que je désirais.

« Là, maintenant ? Me relaxer. Un grand verre de rhum s’il vous plait ! »

Avec un petit sourire à mon égard, elle repartit au bar pour préparer ma commande. Enfin, une soirée tranquille, reposante, sans personne pour me déranger.

Évidemment, c’était trop beau hein ? En même temps, il fallait se douter qu’on vienne à ma table, un gars seul, dans une taverne de coupe-gorge, forcément, où avais-je la tête ? Au moins, lui, avait la décence de se pointer avec une bouteille de rhum. En revanche au vu de ses paroles, il semblerait que j’avais en face de moi le patron de l’établissement. Cela voulait dire boisson gratuite du coup ? Ce serait génial ça !
Cependant la chose que j’aimais moins c’était son sourire un peu trop charmeur à mon goût, vous n’allez pas me dire que je suis tombé sur un type qui veux me draguer en plus ? Il se présenta avec aplomb et en profita même pour une petite boutade auprès de personnes qu’il avait l’air de bien connaître.
Une chose me chiffonnait… Endymion… Endymion, ce nom me disait quelque chose, je crois l’avoir croisé dans les archives et rapport que j’ai lu dernièrement, cela me triturait l’esprit et j’avais horreur de ça, du moins ce soir. Alors quand il fit apparaître les verres et les remplit, je pris le mien et le vidai d’une traite ! Je reposai le verre avec un peu avec force, sans pour autant le briser.

« Tu peux m’appeler Noah. J’avais bien besoin de ce verre, merci. Même si je reconnais que j’aurais préféré qu’il me soit offert par la serveuse. J’ai entendu parler de cette taverne et honnêtement, je ne pensais pas trouver pareil endroit à Atlantis. Cela fait du bien, des endroits comme ça, plein de vie, alcool à flot, une bonne ambiance. Si tu es bien le patron du coin, bravo à toi !
Cependant, j’espère ne pas finir tous mes soirs ici ou alors ça voudra vraiment dire que j’en ai marre de ma vie. Il est possible de faire venir quelques caisses dans un autre quartier ? »

Un léger sourire s’afficha sur mon visage. Ce serait tellement bien d’avoir ma petite réserve personnelle au pilier de l’Arctique. Oui, bon, j’imagine que ce n’est pas très légal, mais honnêtement, ça intéresse qui ?
J’en profitai pour observer cet inconnu. Il était loin du pochtron de base, il devait aussi faire chavirer les cœurs de ces demoiselles ou damoiseaux.

« Dis-moi, que fait un patron de taverne avec de l’alcool de la surface ? Tu n’as pas de problème avec ça ? »

C’est vrai que ce n’est pas commun de réussir à cacher cette taverne et cet alcool à la capitainerie ou pire, au général du coin.

C’est vrai, je peux être très maladroit dans mes propos lorsque la fatigue et simplement l’envie d’être tranquille s’accumulent, je compris la mise en garde d’Endymion quand je remarquai les quelques visages un peu tueur de ceux qui nous entouraient et m’avaient jeté un sale regard par rapport à mes propos. En tout cas, ce jeune homme savait aussi bien descendre les verres, je suivis son mouvement en me jetant un autre dans la gorge. Il avait l’air en tout cas d’avoir la main mise sur le quartier ce joyeux luron. À croire qu’il devait verser quelques petits trucs au général pour qu’il ferme les yeux. Je le comprends en même temps, si tu arrives à trouver un arrangement avec de pareils gars, autant dire que tu peux laisser ton quartier se reposer tranquillement. La contrebande, la piraterie, le milieu de l’ombre, tout ça fait partie de la vie commerciale, il faut juste savoir jouer dans les deux milieux. Mes yeux se firent seulement un peu plus dur quand il utilisa le mot Vulgaire, qui, pour moi, était très péjoratif dans la langue atlante.

« Pardon, j’ai été maladroit dans mes propos, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je serais bien un des premiers à participer avec eux et rire autour d'une bonne bouteille de rhum et d'une belle partie de cartes. Je sais très bien ce que représentent ces lieux. Je les aie moi-même beaucoup fréquenté fût une période et comme je l’avais sous-entendu, je suis bien ici, ça me rappel vraiment mon foyer. Je serais le dernier des imbéciles pour dénigrer ces gars, surtout vu le temps que j’ai passé avec des types comme eux à la surface.
Oui, ça peut répondre à ta question, je suis fraîchement débarqué de la surface, enfin, pas trop par choix, quoi que dans un sens… Bref, je m’égare, si tu veux tout savoir à la base, je suis d’ici la vie a juste décidé qu’il serait mieux que je la passe à l’extérieur de cette cité. »

À ces mots, ma main autour de verre se crispa davantage. J’avais toujours de la rancœur pour ces pseudo-géniteurs et je n’avais pas encore eu l’occasion de les revoir. Ce sera amusant le jour où ils s’apercevront que leurs sangs de Bjornaer ne les sauveront pas de notre rencontre.
La tempête qui prenait place depuis quelque temps dans mon cœur n’était pas près de s’apaiser, même après les paroles de Dardanos.
Je repris mes esprits et plantai à nouveau mon regard dans celui du patron de taverne.

« À t’entendre, tu donnes l’impression de gérer non seulement cette taverne, mais aussi tout le réseau auquel elle appartient. Je suis quand même curieux de savoir comment tu a réussi à mettre le général dans ta poche. Cela pourrait me donner des idées pour amadouer le mien.
Tiens d’ailleurs, maintenant que j’y pense. Pour avoir cette belle marchandise, toi aussi, tu dois bien connaître la surface et pas par les moyens les plus officiels. Du coup, comment un homme libre des mers comme toi s’est retrouvé ici ? Les vagues sur la coque et le vent dans les voiles ne te manquent pas ? »

Cela me rappelle presque à quel point la forge me manque également.

Revenir au bercail, car la situation politique l’exige. Oui, dans un sens, c’était vrai, mais surtout, ce ne sont pas eux qui ont décidé de mon retour. Non, à la place, c’est une armure qui a vu en moi quelque chose qui pourrait permettre d’aider Atlantis. À la place, je me suis retrouvé à gratter des tablettes de cire, calmer des habitants et superviser les constructions. Rien de bien entraînant pour le moment.
Heureusement, le bel homme en face de lui savait aussi bien étudier les comportements. Un bâtard hein ? Si seulement j’en étais un également, un des deux parents qui ne seraient pas de la famille, mais non, pur produit brut de la société Atlante qui ne jure que par la pureté du sang.

« Merci de préciser que ce n’est pas une insulte dans ta bouche. On peut dire que je me considère d’avantage Vulgaire, que membre à part entière de cette société. Tu as vu juste, je suis bien un exilé, ma famille ne m’a pas jugé assez puissant pour endosser le nom. On fait tous des erreurs, j’imagine, surtout en ces temps troublés. Mais que cela ne nous empêche pas de boire un bon coup haha ! »

Je finis ma tirade en vidant un autre verre de rhum. Tandis que le liquide traçait son chemin de feu, j’écoutais avec plaisir mon interlocuteur parler de sa relation avec le général du coin, sous les rires et coup de coude des clients de la taverne. J’avais la désagréable impression qu’on se payait ma tête. Puis au fur et à mesure de ses explications et des allusions, mon cerveau n’avait pas arrêter de fonctionner pour trouver ce qui le dérangeait et un dossier revins en ma mémoire. Endymion, je savais que j’avais entendu ce nom quelque part! Mes yeux commencèrent à s’agrandirent sous l’effet de ses mots et de mes pensées. Endymion, membre de la famille Merinita !
Le général du dragon des mers se tenait juste devant moi ! Et merde, ma chance légendaire m’avait encore joué un sale tour. De toutes les personnes de cette cité, il fallait que ce soit un autre général qui me propose de boire avec lui.
Bon, au moins, là, il n’y avait rien d’officiel. Sous les rires, je posai mon front au creux de ma main, mes cheveux cachant mon visage.
Un doux rire commença à faire trembler mes épaules avant qu’il se propage dans tout mon cœur et que je redresse la tête en riant à gorge déployée.
Je réussis à me recentrer et je regardai le dragon dans les yeux, toujours avec un léger rire dans ma voix.

« J’avoue, tu t’es bien foutu de moi. Ça ne m’étonne pas que je ne t’ai pas reconnu immédiatement, je n’ai vu que passer un rapport te concernant dans la tonne que j’avais à traiter. Laisse-moi me présenter à nouveau.
Noah Bjornaer, Général du Kraken, gardien du pilier de l’Arctique et forgeron à mes heures perdues. »

Je lui tendis la main en guise de salutations. J’en profitai par la suite pour couper quelques tranches de lard et levai mon verre vers Endymion.

« A notre rencontre officielle dans un cadre officieux. »

Je levai le coude aussi haut que possible faisant descendre tout le breuvage. Moi et cette foutue chance. Je me mis à observer le général, guettant sa réaction.

« Par contre, pourquoi m’avoir caché qui tu étais, alors que tu avais très bien vu que je n’en savais rien ? Tu voulais te moquer ou t’amuser de moi ? Ça mérite bien une compensation en boisson, je pense non ? »

Un sourire malicieux se dessina sur mon visage.

Je souris à sa petite blague sur la taille de son rapport, au moins, il avait de l’auto-dérision, un bon point sachant que c’était le général en chef. Lui au moins savait s’amuser. Je pense qu’on finira bien par s’entendre lui et moi, on est un peu sur la même longueur d’onde, entre les soirées de détente, ainsi que le sérieux de la situation, car malgré ce qu’il semblait dire, je me souviens avoir lu qu’il serait prêt à tout donner pour sauver cette cité. Je l’aimais bien, ce serait un bon frère d’armes, voir qui sait ? Peut-être à l’avenir, un ami ?

Puis son sourire se dissipa lorsqu’il apprit que j’étais le nouveau porteur. C’est compréhensible, quiconque apprendrait la nouvelle de la perte d’un de ses coéquipiers à travers l’arrivée d’un nouveau portant leurs écailles, serait forcément attristé.
Je levai mon verre et le regardai.

« Aux anciens porteurs, qu’ils puissent trouver le chemin vers le repos qu’ils méritent. Je tâcherais d’être à leurs hauteurs et porter avec honneur et dignité cette écaille. »

Je trinquai et bus mon verre avant de m’en servir un autre pendant qu’il me faisait encore des avances et me promit toutes mes boissons gratuites. Un léger sourire se dessina sur mon visage quand lentement, je me retournais vers le reste de la taverne.

« Vous avez entendu les gars ? Je ne paye rien ce soir ! Du coup, tournée générale pour tout le monde sur ma note inexistante ! C’est Endymion qui régale ! »

Tandis que le brouhaha ambiant se lançait à l’annonce de cette nouvelle, je regardai le général en sirotant mon verre.

« J’espère pour toi que tu ne vas pas te retirer de cette offre. Ils ont tous l’air si heureux de la nouvelle. »

Un petit rire s’échappa de mes lèvres pendant que le liquide chaud traçait son chemin en moi. Je me remis à luis parler, avec une voix suffisamment basse pour que seul lui puisse m’entendre.

« Un duo bien atypique, nous formons ce soir. Un pirate, un exilé, tout deux choisis par des écailles.
Dis-moi, maintenant que ton cher équipage nous a suffisamment isolé de potentiels oreille qui traîne. Que penses-tu de la situation actuelle ? Je prends mes marques et j’aimerais savoir dans quoi j’ai mis les pieds. En échange, tu pourras également me poser des questions sensibles si le cœur t’en dit, mais je ne te garantis pas d’être une source abondante. »

Je lui resservis un verre et avançai le mien pour trinquer avec lui. Voyons comment il se place par rapport à moi maintenant.

On peut dire que l’annonce avait eu l’effet escompté. Ils se jetèrent tous sur les bouteilles de rhum, chantaient, dansaient, certains bien entourés par de plaisantes demoiselles. Endymion avait bien compris mon petit jeu et m’expliquais diverses choses.

« Oui, je suis bien conscient que tu dois être une épine dans le pied. Quant à la fragilité de la voûte, j’ai vu passer des choses ici et là la concernant. Si tu étais bien absent comme tu le dis, c’est que quelque chose d’autre s’est produit et quelqu’un cherche à te faire accuser.
Beaucoup trop d’ombres rôdent j’ai l’impression, le problème, c’est que je ne sais même pas à qui me fier. Comme tu l’as dit, si c’était juste de la politique, qu’ils se débrouillent entre eux.
Malheureusement, comme par hasard, un assassin pointe le bout de sa lance, côté indien, le moment où Arhan devient Primus Senator et que de l’opposition peut avoir lieu.
Des choses s’agitent à un timing beaucoup trop parfait. »

C’était vrai, entre mes rencontres, je ne savais pas trop quoi penser. J’étais jeune, fraîchement arrivé, je ne connaissais pas tous les tenants et aboutissant. Pendant mes réflexions, je vidai deux autres verres et commençais à sentir quelques effets.

« Que penses-tu de cette idée du conseil ? Pour toi, l’Amirauté doit rester séparé ou on peut trouver un compromis sans pour autant frustrer les uns ou les autres ? Atlantis ne serait pas à un tournant de son histoire ? Je veux bien reconnaître que je suis un atout beaucoup trop facile à avoir. Comme tu l’a si bien dit, n’importe qui pourrait se servir de moi et de mon innocence dans l’affaire.
Sache juste que si tu ne menaces en rien la sécurité intérieure d’Atlantis, je n’aurais aucune raison de te mettre aux arrêts ou obéir à un quelconque ordre dans ce sens.
Les serpents s’agitent et resserrent leurs anneaux autour de nous. »

Je ne savais pas à qui je pouvais faire confiance. Mes frères et sœur d’armes ? Je n’avais même pas combattu à leurs côtés pour les connaître. Le Sénat ? Trop de politique et de personnes engoncés dans leurs toges.

« Endymion, je pense que tu as compris que je suis là en toute-bonne foi. Simplement, par le fruit du hasard, même si je reconnais qu’il est taquin. Apprends-moi en d’avantage sur la mort du légat, les circonstances, les indices. Même pourquoi Cinéad en est venu à de telles décisions. Aurais-tu des pistes sur ce qui se trame ? Je t’en prie, j’ai besoin de savoir ce que les tablettes de cire ne me révéleront pas. On ne se connaît que depuis une bouteille et demie, mais donne-moi une chance de comprendre. Le Kraken m’a prévenu que la cité courait un danger quand il m’a choisi, je me dois de l’éviter. »

J’avais le sentiment qu’une amitié pourrait naître de cette rencontre. Voyons maintenant comment le dragon voulait jouer ses cartes.

Des infiltrations, des enjeux politiques, un assassinat. Tout ce que disait Endymion était horrible. La situation était pire que je le craignais. Il avait tiré ses cartes et les interprétait, sauf que je ne comprenais rien à ce qu’il disait.
Il confirma ce que je savais déjà. Un maître du jeu se trouvait parmi nous et s’amusait à contrôler tout ce beau monde. La bouteille continuait de se vider au gré des explications et des cartes.

« Pourquoi Poséidon reste silencieux alors que toute ces dissensions ont lieu sur son territoire ? Pourquoi n’intervient-il pas pour tout remettre en place ? Je sais que je réponds à Poséidon, que c’est à lui que la loyauté des armures va, jamais je ne remettrais en cause le fait que sa voix est parole d’autorité.
Ne penses-tu pas que quelqu’un cherche à museler cette voix ? Cinéad à fermer l’accès à son temple, mais ne crois-tu pas qu’il est peut-être d’avantage en danger en ces lieux ?
Quant à Arhan, il a ses raisons d’avoir formé ce conseil, l’envie de pouvoir, une confiance perdue, que sais-je encore, il a ses raisons et pense être dans le droit chemin. On ne pourrait pas essayer de le raisonner ? Il doit être encore lucide, juste aveuglé et persuadé d’être entouré d’ennemis qui veulent précipiter sa chute. »

Je me mettais à la place d’Arhan, comment rester sain d’esprit quand on prend le pouvoir par un mini coup d’état, sachant ce qu’on a fait, on se persuade forcément que des ombres nous guettent et veulent précipiter notre chute.
J’imagine aussi ceux au conseil, ils se sont portés volontaires, mais combien sont là pour réellement suivre les plans d’Arhan et ne pas juste le surveiller ou pire, faire leur propre combine machiavélique ?

« Endymion, je sais où va ma loyauté pure, envers Poséidon. Je sais quel est mon devoir en tant que général du Kraken. Cependant, j’ai l’impression qu’on continue à me cacher des choses sur mon propre rôle pour encore mieux me manipuler. L’Amirauté, le Sénat, les Patriarches. Ce sont des mots que tout le monde sort à tout-va, mais au lieu de se dissocier, c’est le moment où il faut s’unir encore plus. »

Je n’étais pas désespéré ou en attente d’une quelconque directive, ma voix était posée, en accord avec mon regard profond qui s’était teinté d’un bleu bien plus abyssal qu’à mon arrivée. C’était compliqué de se retrouver plongé dans une faille immense avec pour seule directive de trouver le bon rebord où s’accrocher pour éviter de continuer à couler.
Puis quelque chose me chiffonnait.

« Dis-moi, Endymion. Tu me parles d’ombres, de marionnettistes, de tueur et autres choses. Imagine, tu es Primus Senator. Tu as conscience de tous ces troubles qui agitent ta prise de pouvoir. Tu sais que ton coup d’éclat de rallier tout le monde de ton côté n’est pas passé inaperçu. Aurais-tu confiance en ton propre conseil ou déciderais-tu d’avoir ta propre garde rapprochée ? Inconnue, discrète, je dirais presque invisible ?
Ce n’est qu’une hypothèse, mais qui sait quel service il aurait pu s’attacher pour se protéger.
Enfin, comment débusquer la personne qui tire toutes ces ficelles ? »

Tant de questions et si peu de réponses. Je me devais de réunir le plus d’informations possibles à ce sujet. Ma dernière envie et d’être un pion supplémentaire, un agneau sacrificiel pour prendre une meilleure position, dans ce jeu qui se rapproche plus d’un jeu des ombres.

Endymion soulevait les faiblesses de mes questions, il avait raison. Cela me permettait de voir d’avantage que la situation était hors de tout contrôle et loin de se résoudre de manière posée et complètement réfléchis.
Le verre vide tournait entre mes doigts.

« Communiquer avec mon écaille. Je ne sais même pas comment faire ça, je suis arrivé il y a si peu, on m’a tout mis dans la figure, mais tout ce que je retiens, c’est un immense, débrouille-toi, de la part même de ceux qui étaient là avant moi.
Brûler mon cosmos, me battre, défendre, toutes ces choses, il y a aucun problème. Par contre, je ne suis même pas certain qu’on m’a tout dit sur mon propre rôle. Alors de là, à rentrer en communication avec le Kraken, qui sait s’il ne me rejettera pas au final ?
Et toi ? Comment compte, tu réaliser cet exploit ? Comment on rentre en communication avec son écaille ? »

Étais-ce l’alcool ou l’envie de relâcher un peu de pression qui se sont accumulés ces derniers jours en réalisant mon fardeau, qui me faisait parler ainsi ? Peut-être un peu des deux. Quoi qu’il en soit les mots furent lâchés.

« Ne pense pas que je n’assume pas mon rôle, que je regrette ou quoi que ce soit, bien au contraire. Je me rends compte que ma cité a bien changé en mon absence. Cependant, je ferais tout pour l’aider à se relever. Même dans les ténèbres les plus obscures réside une étincelle de lumière. À nous de la transformer en brasier. »

Je posai mon verre pour le remplir, mais aussi mon regard dans celui du dragon des mers. Il était loyal, prêt à tout pour sauver ce qu’il croit juste. Il n’était pas du tout mauvais, ça n’importe qui pouvait le dire, alors pourquoi serait-il responsable du chaos ambiant ? Après n'importe qui pouvait jouer double jeu, surtout en ce moment.

« Tu sais, en venant ici, je ne pensais pas te trouver. Au final, il semblerait qu’une bonne relation commence. Une bonne bouteille, des paroles criantes de vérité, deux personnes sur un pied d’égalité. À croire que je finis toujours où on m’attend ! C’est un plaisir de t’avoir rencontré Endymion. »

Je sirotais à nouveau mon verre et observais le bar, tous s’amusaient et buvaient à foison, certains avaient déjà roulé sous les tables et dormaient à poings fermés.

« Dis-moi, tu comptes faire quoi pour protéger tout ce beau monde de la situation actuelle ? Quels sont tes projets, tes idées pour démêler tout ce foutoir ? »

Au moins, Endymion avait le don de me remettre les idées en place. C’est vrai que je venais d’un peu me laisser aller à cause de l’alcool, mais le Kraken m’a choisi moi et personne d’autre. Il est de mon devoir d’avoir confiance en son choix, de croire au fait qu’il sera là pour m’aider.
Je posai mon verre et frappa avec force mes joues avec les paumes de mains pour redevenir lucide. Une marque rouge persistait de part et d’autre de mon visage.

« Merci Endymion, je ne sais pas pourquoi je me suis laissé aller ainsi, mais c’est passé maintenant. Mon rôle de général sera parfaitement rempli, je m’y engage ! D’ailleurs, il y a quelques affaires que je devrais régler quand le temps me le permettra. »

Je devais absolument m’occuper de ce que Cassandra m’avait informé et surveiller les profondeurs des océans comme elle me l’a si bien dit, surtout maintenant que le dragon des mers m’avait partagé un moyen de communiquer avec mon écaille.

« Tu sais, même si tu dis que tu improvises dès le départ, je crois que c’est notre lot à tous ! Qui serait prêt à recevoir une écaille ainsi et la porter sans le moindre doute ou sans la moindre peur ? Même le Sénat doit bien douter en ce moment surtout un certain personnage, même s’il est certain de son plan, les écueils ça arrive, on verra comment il réagit à la pression. Je suis curieux de voir de quelle étoffe il est composé.
Pour ta rencontre avec le régent, j’espère que tu n’hésiteras pas à venir me parler de ce que tu as trouvé ! J’aurais du mal à comprendre qu’on donne autant d’importance au sang et a la lignée. Regarde-nous, on n'est pas les meilleurs de l’arbre et pourtant, on a été choisi pour superviser des quartiers et protéger Atlantis. C’est amusant quand même que des personnes comme nous soient choisis. »

Cette conversation avec le général était des plus instructives, mais je sentais qu’on commençait à faire le tour de notre mise au point. Je ne voyais pas beaucoup de choses d’autres à rajouter, alors je pris la bouteille et la levai devant Endymion.

« Que dirais-tu de maintenant rejoindre tes compagnons de boisson et s’amuser ? On a déjà bien échangé, je trouve et honnêtement, a la base, j’étais venu pour m’éloigner de toutes ces affaires !
À notre rencontre mon chère Dragon et a, j’espère, la naissance d’une belle amitié ou au moins une bonne relation de frère d’armes !
N’hésite pas à venir me parler de ces affaires, mais n’oublie pas de venir accompagné d’une belle caisse de bouteilles pour alimenter nos soirées ! »

Cette soirée venait seulement de commencer. Autant en profiter et laisser, pour un temps, ces problèmes derrière nous.