Kronstadt : Childéric [Stratégie]

Il était logique que le juge ait voyagé léger pour venir jusqu’ici. La base de pouvoir qu’il avait à sa disposition devait être plus importante, après tout, les rumeurs venant de Perse, plus loin encore que l’influence de la thiase laissée penser à une force conséquente. Les tensions avec les forces impériales aux frontières et pour les routes commerciales en étaient la preuve. Mais cette petite troupe, bien guidée, pourrait faire une force d’éclaireur imprévisible pour les servants d’Arès et fort utile aux Saints qui ne pouvaient vraiment se permettre d’envoyer plus de troupes fraiches dans la bataille encore. Les résultats étaient mitigés. L’appareil de défense avait tenu. L’avancée ennemie était ou serait sûrement endiguée. Mais ce n’était qu’une question de temps avant que les citadelles ne craquent. Que faire alors ? C’était là une décision qu’il devrait bientôt prendre… Le vieux lion observa le juge désigner sur la carte où devait se trouver ses troupes.

Puis, il écouta les compléments d’informations qu’avait à lui offrir le chevalier de la table. C’était ce qui ces détails-là qui ferraient la différence dans la gestion de la bataille. Kaleb avait donc essuyé une défaite ce qui laissait grande ouverte une partie du dispositif de défense. Cette défaite portait un coup dur à l’armée de l’empire, mais rien qu’il ne pourrait surmonter. Du moins, s’il parvenait à mener sa retraite sans être trop pourchassé par l’adversaire. Tout dépend de la qualité du commandant adverse. Tout dépend de qui s’est entouré Zvezdan. Si son chef de guerre est un sauvage sans cervelle, il foncera vers Kaleb, s’il a un peu de jugeote, il foncera vers la citadelle la plus proche, celle de Paros et Xanathos. Dédale avait gagné, mais il ne pourrait compter de suite sur les armes de siège. S’il pouvait les actionner et les calibrer, leurs dégâts pourraient faire la différence à quelques endroits.

L’ancien souverain semblait faire une confiance aveugle à ce Sylphide. Sûrement un guerrier redoutable. Une bonne chose s’il pouvait permettre aux chevaliers de bronze d’évacuer et avec eux, les soldats. La forteresse ne tiendrait pas le siège et le repli était préférable. Mais maintenant, c’était donc à lui de prendre des décisions…

« - Bien, Juge, déployez vos hommes ici et là. »

Il désigna alors deux zones sur la carte, non loin d’où devait se trouver ces derniers d’après leur commandant.

« - Ils devront prendre contact avec l’armée de Kaleb si possible et l’aider à continuer sa retraite vers nous. Pour les autres, ils pourront aider les nôtres et nous offrir le plus d’information sur les battus organisée par les guerriers d’Arès. Nous ne sommes pas chez nous ici, mais nos défenses ont plus ou moins tenu. Les escarmouches seront nombreuses... »

C’est sûrement de cette façon que la suite du conflit va se dérouler. Une guerre de guérilla et d’usure. Un schéma militaire que l’empire, si loin de ses bases d’opérations, aurait du mal à tenir. Ou s’il voulait vraiment il devrait nourrir un ogre impossible à rassasier qui engloutirait sans arrêt argent et vie humaine. Que faire alors ?

« - Tu peux aller te reposer Hénot, je sais le prix que demande ce que tu as fait. Je te remercie. »

Il se tourna ensuite vers le juge :

« - Pourrez vous faire venir d’autres forces ? Si oui, quand ? »

Le juge regarda la carte et les endroits que lui désignait le Pope. Il serait délicat pour ses hommes de se rendre sur place et il serait les premiers exposé. C’était ce qu’il aurait fait également. On lui avait donné l’ordre d’aider et il comptait bien remplir sa mission, même s’il devait avaler quelques couleuvres. Mais il n’enverrait pas ses troupes à la mort sans garanti. La mort n’était qu’un léger contre temps pour lui. Former et discipliner des troupes prenaient du temps et il appréciait d’éviter d’en prendre.

« - Bien. J’aurais besoin de quelque chose de votre part que je puisse transmettre à mes troupes pour assurer leur légitimité et éviter le tir ami. »

C’était là la seule objection qu’il avait à soulever. Pour le reste, les ordres qu’on venait de lui transmettre étaient légitimes. La bataille de toute façon était terminée. Personne n’avait vraiment gagné et personne n’avait vraiment perdu. Bien que la victoire aurait dû être dans le camp d’Arès et être surtout net pour eux. Après tout, un embryon projeté des forces de l’Empire venait de bloquer la toute-puissance du Dédale. Voilà qui en disait long sur l’état des deux factions. Puis, quand le Pope lui posa sa question, il lui répondit par un sourire légèrement amusé. Il ne serait pas le seul à avaler des couleuvres à l’instant.

« - Dans l’immédiat ? Aucune. Les troupes qui ont fait le déplacement sont peu nombreuses. Si d’aventure les accords que vous arriverez à conclure avec mon maître irez dans ce sens, vous serez agréablement surpris. »

Il se tut alors, laissant le vieux lion avaler la nouvelle et il reprit ensuite :

« - Je vais prendre congé et donner mes ordres, Pope, si vous n’avez plus besoin de moi. »

Et le juge commença un salut respectueux à son interlocuteur, lui adressant un signe de tête. Le chevalier de la table était resté jusqu'à ce moment et il profita alors du départ du juge pour se retirer à son tour. Sûrement ne voulait-il pas laisser son supérieur seul avec le juge infernal.

Citation :

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C’était déjà un miracle qu’aucun rapport de conflit entre ces renforts inattendus et les siens ne lui étaient parvenus. D’après ce qu’avait pu observer le chevalier de la table, les spectres remplissaient leur rôle. Mais les envoyer ainsi sans rien d’autres que leur bonne foi risquait fort de compliquer les choses. L’idée avait déjà germé dans l’esprit du vieux lion, mais il n’était pas plus mal de la voir ainsi confirmer. Mais il lui fallait trouver quelque chose de simple. Il attrapa alors un morceau du parchemin de la carte, qu’il déchira facilement. Childéric se saisit ensuite d’une plume et inscrivit quelques mots sur la lettre. Rien de compliqué ici, un message bref indiquant que le porteur de cette missive venait en ami. Il se saisit d’un peu de cire et d’une bougie qu’il alluma alors. Rapidement, il fit chauffer la substance et l’apposa ensuite sur le message refermé. Le vieux lion termina par y apposer son sceau personnel. Il répéta l’opération le temps que la cire sèche sur le premier sceau.

« - Voilà qui devrait permettre à vos hommes d’être reconnu par les miens et d’assurer leurs intentions. Je vous offre ainsi ma confiance... »

Et il n’était pas vraiment certain que ça soit une véritable bonne idée. Pourtant, sur le moment, c’était la meilleure alternative. Le Sanctuaire n’avait pas les moyens de vraiment défendre ces citadelles. Surtout si l’ennemi avait reçu des renforts. Alors pour combler la différence, il devait faire confiance aux spectres. Qui l’aurait cru, avant ce moment précis. Personne et certainement pas lui. Cette alliance, il ne le voyait pas vraiment d’un très bon œil mais il n’était pas en position de faire le difficile. Il s’attendait néanmoins à une réponse du genre de la part de l’ancien roi. Il était logique que, tant que l’alliance ne soit pas officiellement entérinée.

« - Bien, j’attends donc ma conversation avec le dieu de la mort avec impatience. Je vous remercie pour votre assistance juge et je ne vous retiens pas plus longtemps. »

Il laissa donc le maître des âmes se retirer et transmettre les missives que Childéric venait de lui confier. Déjà il s’était replongé dans sa carte et dans les décisions qu’il aurait à prendre… L’Empire pouvait-il encore tenir ces citadelles ? Et que ses armées devaient faire dans cette situation délicate ? Jamais plus que maintenant il n’avait senti sur ses épaules le poids de la couronne…