[Début mai 553] Retour dans la lumière (Childéric - Kilian)

Voilà un retour de mission qu’il attendait avec impatience. Il était rare de voir la déesse s’intéresser directement à ces missions, et ce n’était pas peu dire pour cette dernière, elle avait quelque chose de spécial. Mais le trio que le vieux lion avait envoyé en mission était revenu et Kilian ne manquerait pas venir lui faire son rapport rapidement. Il avait prévu l’arrivé du onzième gardien dans son planning de la journée. Et les dieux savent si ses journées sont chargées en ce moment. Mobilisé une force guerrière et la maintenir en alerte pour une date inconnu n’était pas de tout repos. La guerre gronde en territoire slave et l’extrême ouest de l’empire est menacé. C’est déjà un miracle en soit que les chiens de guerre aient attendu si longtemps pour venir se défaire de leur collier. Le temps sûrement pour l’ancienne guerre d’installer durablement son pouvoir et de nettoyer les problèmes d’instabilité qui rongent sa chaîne de commandement.

En tout cas, c’est ce que lui aurait fait à la place du pontife s’il avait du reprendre un ordre marqué comme l’était celui d’Arès. Son propre prédécesseur avait pris quelques décisions discutables mais il avait eu le mérite de lui laisser un ordre organisé et bien administré. Une chaîne de commandement clair et toute une série de guerrier solide sur lesquels se reposer. Childéric n’avait donc eu aucun mal à s’installer dans le siège de la voix d’Athéna. Oh, avec ce poste, viens d’autres problèmes : la couronne et ses nécessités. Mais c’est un sacrifice qu’il avait accepté pleinement, pour ses propres raisons.

Le onzième gardien se présenta donc à l’heure prévue et le vieux lion ordonna qu’on le fasse entrer. Il serait conduit, non pas dans la salle d’audience officielle où se trouvait le trône sur lequel il siégeait, mais dans une des nombreuses pièces annexes où il serait plus tranquille pour discuter. L’ambiance se voulait cordiale et Childéric recevrait le onzième gardien installé confortablement sur un siège, face à un meuble du même style vide. À côté d’eux se trouveraient une petite table avec deux verres et un cruchon de vin coupé à l’eau. Un breuvage occidental particulièrement fort. L’ancien chevalier d’or déposa alors la tablette de cire qu’il consultait. D’un geste de la main, il invita Kilian à prendre place et désigna un verre de vin qu’il l’invita à prendre. De sa dextre, il saisit sa propre coupe et la leva vers son beau-frère quand il serait installé.

« - A ton retour et au succès de ta mission donc. J’attends ton rapport. »

Et le vieux lion adressa un sourire cordiale à son ami.

Depuis combien de temps le vieux lion n’avait-il pas vu pareille expression sur le visage du onzième gardien ? Casser le masque qu’il s’imposait avait été difficile. Des événements extérieurs à ce qu’avait pu dire Childéric y avaient participé. L’une des seules et uniques bonnes choses qu’avait fait le dieu messager. Mais depuis qu’il avait été marqué d’anathèmes par la déesse elle-même pour sa langue trop pendu il avait perdu cette joie de vivre qui semblait, malgré tout ça, l’habiter. Le Pope se demandait toujours comment il avait pu si longtemps être l’assassin dans la nuit. Il n’en avait clairement pas l’âme. Pourtant, le travail était fait, en témoin l’homme de la Sorcière des enfers qui avait été abattu par le onzième gardien et l’exfiltration réussi qu’il avait fait d’Aoife. Il faudrait voir maintenant si cette chasse au monstre était du même acabit que sa mission précédente.

Et bien, quelle aventure Kilian avait à raconter ici. Des événements extérieurs à ce qu’avait pu dire Childéric y avaient participé. Mettre ses crocs à l’épreuve de cette bête que les héros des légendes avaient abattu. Même si la conclusion était plus mitigée, c’est un véritable danger que les trois guerriers avaient affronté. L’immatérialité du monstre avait été donc sa meilleure arme dans cette chasse moderne. Difficile de vaincre ce qui ne pouvait être touché. Vivre la pression du combat des nuits durant n’a pas du être une mince affaire et le trio a du faire preuve de sang-froid pour ne pas céder à la panique ou à la précipitation. Dédale semblait donc avoir été la première victime du monstre. Childéric adressa un rapide sourire compatissant quand Kilian évoqua sa malédiction, maintenant révolu.

Il écouta, toujours silencieux, la suite du récit. Voilà donc la véritable épreuve qu’avait du surmonter les chasseurs. Le pire de tous les monstres, le plus cruel de tous les juges, le plus habile de tous les menteurs : eux même. Childéric devrait prendre le temps de parler de tout ça avec Aoife et peut être avec Dédale. Mais le récit de Kilian lui confirmerait ce qu’il avait déjà deviné. Cet affrontement était tout personnel. Celui d’Aoife avait dû être particulièrement difficile pour elle. Les visions que son beau-frère avait dû affronter ont dû être aussi dur que lui-même. Vivre la pression du combat des nuits durant n’a pas du être une mince affaire et le trio a du faire preuve de sang-froid pour ne pas céder à la panique ou à la précipitation. C’était une bonne chose. La conclusion du récit lui arracha un petit signe de tête. Et la question un silence de quelques secondes.

« - Pas quand je vous ai confié la mission. Je l’ai su après. Enfin, je n’ai même pas eu les détails. Je ne saurais dire si c’était là une action préméditée de la déesse ou si elle a su saisir une occasion. Nombre de ses anciens protégés on jadis participé à cette chance après tout. »

Childéric se tût alors, se perdant dans la contemplation du carmin dans sa coupe qu’il faisait tourner d’un petit geste de la main. Il reprit ensuite en fixant son ami :

« - Mais tu es maintenant libéré. Comment te sens-tu alors ? »

Le vieux lion accueilli la réponse de Kilian d’un large sourire. Il est difficile de vraiment trouver sa place dans ce monde dangereux. Difficile d’avancer dans un environnement où la mort est omniprésente et l’existence éphémère. Il avait vu bien des chevaliers rongés par le doute et la peur, par les regrets et la douleur. Il en avait vu succomber de bien de façons : perdant contre eux même ou contre un ennemi. Mais rare étaient ceux qui ont vraiment pu trouver leur place et trouver ce dont ils avaient besoin dans la vie. Le vieux lion en faisait partie et son propre chemin avait manqué d’échouer plusieurs fois. Alors il était content pour son beau-frère. Il revenait de loin pourtant et il avait fait tant de chemin. Il comprenait bien et partageait la volonté d’Athéna d’accorder ainsi son pardon à Kilian. Il n’était plus le même homme qu’après la guerre d’Italie, plus non plus le même qu’à Camelot. Le onzième gardien pouvait être fier de lui.

« Et alors, qui es-tu maintenant ? »

Car le onzième gardien avait bien des casquettes, bien des rôles. Trop peut-être. Et c’est le genre de conversation que lui et le vieux lion avaient déjà eu. Pour Childéric, il était avant tout guérisseur et alchimiste, avant d’être tout le reste. Il était trop gentil pour être un tueur détaché, même s’il était efficace et entraîné dans ce domaine. Les entraînements de jeunes chevaliers se font rarement sous de bons auspices. La légion de cicatrices couturant son propre corps en étant la preuve.

« - Bien, je suis content que cette histoire soit derrière nous. On fait tous des erreurs, tu as payés le prix pour la tienne, tu as le droit d’aller de l’avant. »

Mais malgré sa sérénité, il semblait inquiet face au danger qu’il avait affronté. Le vieux lion ne pouvait pas vraiment lui en vouloir, lui aussi, au départ, avait partagé cette inquiétude. Maintenant, il était un peu plus mitigé que ne l’était Kilian. Après tout, si la déesse avait pu reprendre la main sur ce problème, en était-il vraiment un ? Un homme averti en vaut deux, alors il ne coûtait rien, si ce n’est du temps, au Sanctuaire d’avoir l’oeil sur ces détails. Qui sait, peut-être qu’il pourrait trouver moyen de les utiliser.

« - Bien. Garde l’oeil sur ça mais ne te tracasse pas trop. Si tu arrives à trouver une explication, tant mieux, sinon, et bien, nous devrons ranger ça dans la liste des mystères inexplicable du cosmos. »

Le vieux lion fini sa phrase par un de ses rires signatures. Il bu une nouvelle gorgée de vin et reprit alors :

« - Et les deux autres alors ? Aoife surtout, comment se sent elle ? Comment s’en est-elle tirée ? »

Ce n’était pas exactement la réponse à laquelle s’était attendu le vieux lion, mais elle était tout à fait convenable. À vrai dire, il n’y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question, un peu comme les situations. Le simple de fait que Kilian puisse y répondre sans mal et avec autant de naturelle était en soit une victoire. On l’avait aidé, lui, celui destiné à devenir bête, à trouver son chemin et il n’était donc que justice qu’il fasse de même avec celui qui fût un temps l’enfant terrible du Sanctuaire. Rapidement remplacé par d’autres fauteurs de troubles au final, bien plus problématiques. Mais l’assassinat du Légat avait joué un rôle énorme dans la résolution de cette affaire. La chance et le destin sourient de temps en temps à Childéric.

« - C’est notre lot à tous oui. Et tu n’es pas au bout de tes peines j’en ai peur. Du moment que tu évolues dans la bonne direction ! Enfin, et c’est là une mauvaise nouvelle que je te dois t’annoncer. Nous risquons bientôt de repartir en guerre. Je ne sais pas exactement quand, mais je sais où. Les chiens de guerre sont restés tranquilles trop longtemps… »

Et trop loin de l’Empire pour que ce dernier puisse y faire peser tout son poids. Mais nous nous devions de défendre ces places-fortes, les soldats et les locaux qui ont rejoint notre Rêve. Mais surtout pour que nous protégions nos frontières. Si les citadelles tombent le Danube s’ouvre et la route vers Constantinople sera brève. Un siège de la cité serait une horreur même si les guerriers d’Arès auraient un chemin terriblement long à faire, si le moment est saisi par les ennemis de l’est et de l’ouest pour attaquer la situation serait critique pour les forces d’Athéna.

Puis, Childéric écouta ce que Kilian avait à dire sur les deux guerriers qui l’avaient accompagné. Il partageait l’avis sur Dédale. C’est aussi ce qu’il avait senti chez le Sagittaire. L’expérience ferait de lui un diamant poli et non plus une pierre brute et désordonné. Le Pope comptait sur les membres plus expérimentés du cercle d’or pour y parvenir : Kilian et Silas en tête. Même si le deuxième boudait en ce moment comme un enfant. Aoife était un autre problème. Une ressource de poids pour le Sanctuaire et une personne en qui le vieux lion reconnaissait certains aspects de sa propre histoire. Il lui avait fallu du temps pour accepter aussi. La volonté de Kilian de vouloir repartir de suite en mission lui arracha un sourire amusé.

« - J’ai une mission pour toi en effet, enfin deux. »

Il se tut alors un instant, le temps pour le onzième gardien de se concentrer.

« - D’abord, je veux que tu t’occupes d’Aoife. Elle est importante pour le Sanctuaire et je pense qu’elle te fait confiance. Vous avez traversé beaucoup de choses ensemble et je pense que tu peux être le mieux placé pour l’aider à accepter sa nouvelle position. »

Bien qu dépourvue d’armure, elle avait reçu la confiance de la déesse et d’une façon bien étrange, appartenait un peu à l’ordre de ses guerriers. Pour le reste, le ton du vieux lion se fit plus sérieux de même que son air plus grave. La chose à venir était importante et Kilian s’en rendrait compte sans mal.

« - Nous allons devoir, comme je te l’ai dit avant, défendre les citadelles que nous avons installées autour du Dédale de chair. Hors… le Rêve est troublé dans cette région. Je ne peux y accéder de même que le chevalier responsable de la liaison entre nous et nos fortifications. Nous sommes dans le noir. Or, peu de personnes sont capables de ce genre de chose. Arès ne le pourrait pas. Pas avec la présence d’Athéna dans les fortifications. Non, c’est à n’en pas douter un coup d’Hermes et je voudrais, quand nous irons sur place, que tu trouves le temps d’inspecter les sceaux et les éventuelles ressources alchimiques que le dieu des marchands auraient installé. Il veut nous doubler. Ne lui en laissons pas l’occasion. »

Oui, des guerriers valeureux, nous en avions à revendre. Mais en aurions-nous assez ? Et surtout, combien de ces guerriers pourraient revenir de cette bataille ? C’était l’obsession de Childéric et sa plus grande hantise. Les vies qui dépendaient de lui et de ces décisions. Il était plus simple de gérer les choses du point de vue du soldat : de simplement se contenter de survivre. Ici, il était responsable de tout le monde et son regard sur la guerre avait commencé à légèrement changer. Elle lui serait toujours chevillée au corps mais il évoluait, lui aussi.

« - Nous avons presque eu une année de répit. C’est déjà beaucoup. »

Sûrement le temps simplement que la chaîne de commandement ennemi se calme. Un pontife et des nouveaux cardinaux s’étaient présenté sur la fin de la bataille. Résultat, quelques mois tard, le cardinal qui avait tenu seul les forces d’Arès s’est retrouvé à parler pour sa divinité. Ce chaos avait été le répit du Sanctuaire. Mais le vieux chassa ses pensées et se concentra sur les détails importants qu’il avait à voir avec Kilian. Il sourit quand ce dernier énonça avec facilité le lien qu’il semblait avoir tissé avec Aoife. Mise à part avec lui et son épouse, qui était en somme de la même famille, il ne lui connaissait pas vraiment d’ami dans le cercle d’or. C’était une bonne chose qu’il tisse ses propres liens. Lui comme la lancière en avaient besoin et ils pourraient réciproquement s’aider.

« - Bien, si jamais elle désire s’installer ailleurs que dans ton temple, faîtes le moi savoir. Mais j’aimerais autant que vous cohabitiez encore un peu. Si ça ne te dérange pas trop. »

Le vieux lion n’avait pas oublié ce que le dieu messager avait fait vivre à Kilian et en quoi ces événements avaient contribuer à l’évolution du onzième gardien. Il était content de voir que sa fidélité à la déesse et aux siens surpassait cette dette.

« - Je sais. Je savais aussi que tu saurais passer outre. Tu es notre meilleur alchimiste en vérité, du moins dans les éveillés. Tu as déjà rencontré le dieu, je ne peux confier cette tâche à une meilleure personne que toi. Tu as toute ma confiance Kilian. »

Le vieux lion lui tendit alors son avant-bras pour qu’il s’en saisisse.

« - Encore une fois, bravo pour cette mission, pour courage pour la suivante et, si tu n’as rien d’autre à rajouter, le temps de finir tranquillement notre verre et je devrais retourner à mes obligations, j’en ai peur. »