[Mi-mai 553] Terra Cognita (Endymion)

Une semaine passa à Atlantis. Ce fut bien peu, pour revenir à la normale après tous le chaos qui avait secoué la cité sous-marine. Mais ce fut ce avec quoi les Marinas durent composés. De bien pressants sujet les attendaient tous, et ils ne pouvaient consacrer trop longtemps l'ensemble de leurs effectifs à une seule et même mission. Bientôt, la reconstruction et le renforcement de la capitale de leur empire invisible serait de la seule charge de Dardanos Bjornaer. Endymion et Arhan, eux, avaient d'autres poisson-chats à fouetter.

De part sa nouvelle charge de Consul, le Dragon des Mers avait libre accès au Temple de Poséidon, mais celui-ci avait décliné jusqu'ici toute demande de s'entretenir en privé avec Endymion. La purification des Piliers après leur corruption par les séides d'Okheanos avait été la priorité du Roi. Finalement, c'était au bout de cette longue semaine qu'Endymion fut conduit par un garde de la famille Mérinita jusqu'au lieu de pouvoir de Poséidon.

Il ne fut pas conduit vers la salle du trône, mais vers l'une des chambre secondaire. Ce fut là qu'il put le voir, l'Empereur des Mers lui-même... Assis sur le rebord d'un bassin d'eau, les pieds plongés sous la surface. Son Trident était posé au sol, à son côté, et il semblait dans la plus grande simplicité observer les poissons aux formes et couleurs exotiques qui affluaient auprès de lui. Sans couronne ni ornement, Poséidon était vêtu d'une simple toge blanche qui contrastait avec sa peau hâlé.

- Endymion O'Bannon. Nous avons eu vent de vos actes. Dans les murs d'Atlantis comme en dehors, vous avez su porter haut nos couleurs. Pour cela, vous avez notre reconnaissance.

Le seigneur d'Atlantis s'était adressé au Général et Consul, sitôt que celui-ci fut entré dans la pièce. D'un geste de la main, il congédia les gardes afin d'être seul à seul avec le Dragon des Mers. Une fois que ceux-ci furent partis et les porte de la pièce refermée, il continua, tournant ses yeux bleus légèrement bridés vers son interlocuteur.

- Mais il vous sera désormais demandé plus encore. Vous serez, en voyageant de par le monde, le représentant de Ma volonté. Votre Parole sera la Mienne. Vos égarements passés, vous devrez vous garder de reproduire...

L'Onde de Poséidon s'éleva légèrement, avant de retrouver son calme. Comme une vague plus violentes que les autres brisant la monotonie d'une mer plate et calme, une légère émotion s'était levé à la mention des manquements passés d'Endymion. Certains appartenaient au passé. D'autres... étaient plus récents. Mais pour l'heure, seul importait au seigneur des Mers que son Dragon soit à la hauteur de la tâche qui l'attendait. Les remontrances attendraient.
L'incarnation du Dieu des Océans se releva, tirant ses jambes à demi submergées du bassin dans lequel elles étaient plongées. Ramassant son Trident, il s'avança jusqu'à Endymion jusqu'à se retrouver juste devant lui, à moins d'un mètre. Son regard plongé dans le sien n'était ni réprobateur, ni inquisiteur. Simplement... attentif, perçant. Il lui expliqua alors la raison d'être de cette entrevue enfin consentie.

- Nous vous avons fais venir ici pour vous préparer à la tâche qui vous attends. Nombreux sont nos engagements, nos dettes et nos rancœurs, de par ce vaste monde. Vous devrez apprendre à le voir à travers Nos yeux, pour accomplir votre mandat.

Le regard de Poséidon se détourna de son Consul pour se porter sur le bassin à côté d'eux. Il inclina alors légèrement la main tenant son Trident vers celui-ci, de sorte à ce que ses dents pointent au-dessus de la surface. L'eau s'agita alors, s'élevant dans les airs pour former petit à petit une large sphère aqueuse. D'abord instable, la surface sphérique se déforma petit à petit pour créer des formes, des contours... La surface de l'eau s'illumina pour finalement révéler le résultat.
Un globe représentant terres et mers, d'une précision inégalée pour l'époque, révélant les formes et détails de toutes les côtes du monde. Les Océans apparaissaient en surbrillance, alors que les continents, plus sombres révélaient qu'ils occupaient si peu de leur planète... Le domaine de Poséidon, après tout, entourait tous les autres. Les délimiter avec précision était donc pour lui un jeu d'enfant.

- Par quoi voulez-vous commencer?

Le planisphère aquatique, où on pouvait voir les ombres de poissons pris au piège à l'intérieur, se mit à tourner doucement. Sur ce miroir, autant leurs ennemis que leurs potentiels alliés pouvaient être situés. Endymion, navigateur expérimenté qu'il était, n'aurait que peu de mal à trouver ses repères... Et ce qui était inconnu du Général ne le serait pas de Poséidon.

Une question des plus ambitieuses. Comme celui qui la posait, à bien des égards. Poséidon la considéra en silence pendant quelques instants, observant pensivement le globe terrestre qui défilait devant eux. Son regard d'azur se perdit sur la surface, jusqu'à ce que finalement, d'une impulsion de son Onde, il immobilise la projection aqueuse.

- Commençons par Apollon, puisque c'est le nom qui vous est venu le premier.

La Mare Nostrum, minuscule à l'échelle des eaux du globe, mais pourtant centrale, se trouvait devant eux. D'un geste, Poséidon fit en sorte d'agrandir la taille de la région de l'Empire Romain. Le Roi des Océans leva un doigt, et pointa sur la péninsule Italienne là où se trouvait Rome. Ce serait là le début de sa leçon.

- Notre relation avec notre neveu s'est rarement envenimé, au cours des âges passés. S'il est arrivé que nous nous retrouvions dans des camps opposés lors de certaines guerres, comme à Troie, notre respect pour lui n'en a jamais pâtis. Il est une inspiration pour nous, comme nous le sommes pour lui.

Un intérêt réciproque dans l'œuvre de l'autre, essentiellement. Bien que différents dans leurs approches et leurs convictions, les deux Dieux étaient des civilisateurs. Ils se comprenaient, et la compréhension était la première étape de la coopération.

- Il comprend l'importance du Cycle. Même si le sien a depuis longtemps divergé de celui que nous honorons, ce simple fait nous permet de coopérer plus aisément avec lui qu'avec d'autres membres de notre famille, dont la logique diffère davantage de la nôtre. Nous avons à de nombreuses reprise œuvré ensemble... Cependant ses défauts sont nombreux : son tempérament est exécrable, ses passions volatiles et destructrices, et ses loyautés changeantes. Ses alliances, divines comme mortelles, sont éphémères. Plutôt que d'accompagner un peuple jusqu'au bout, il les abandonne dès lors qu'ils ne peuvent plus combler ses attentes... Nous ne ferons pas figure d'exception.

Un avertissement, pour le Dragon des Mers. Nombreux seraient les pièges qui l'attendaient, dans le jeu délicat des alliances divines. Il serait difficile pour lui de trouver une solution idéale, qui ne serait pas sans risque pour Atlantis. Dès lors, il devait prendre conscience de tous les avantages et inconvénients qu'une faction pouvait représenter.
Mais bien sur, Endymion aurait besoin de plus que l'avis de Poséidon sur son neveu pour œuvrer en son nom. L'histoire commune de leurs enfants pourrait également lui offrir une autre perspective.

- Il fut une époque où un de ses Oracles siégeait aux côtés du Légat en tant que conseiller. Leurs connaissances et leurs facultés ont en plusieurs occasions contribué à la grandeur d'Atlantis. Leur don de vision est inestimable, et leur capacité à influer sur la société des nations mortelles est assurément utile. Dans la lutte contre Mu, ils pourraient se révéler être une pièce maitresse pour trouver nos ennemis et contrecarrer leurs plans. Pensez-vous qu'avec l'un d'eux à nos côtés, les Muiens auraient pu rester aussi longtemps cachés à Atlantis?

Une simple question, qui amena Poséidon à détourner son regard de la carte du monde connu pour observer les traits du Dragon. Il était superflus de ressasser à nouveau ici la crise que leur cité venait de traverser, mais cette considération devait amener une réflexion... Comment faire pour que cela ne puisse plus se reproduire?
Cela relevait du mandat d'un autre Consul. Mais si les solutions devaient venir de l'extérieur des murs d'Atlantis, il appartenait à celui qui portait les Brises de les ramener.

- Notre déception fut grande à la fin de notre récente torpeur, quand nous apprîmes qu'Apollon avait été scellé par Athéna. Son ordre est désormais dispersé, affaiblis, vulnérable. C'est à la fois un problème, et une occasion...

La main de Poséidon s'éleva. une légère vague naquit depuis Rome, ses ondulations se répandant au travers de tout l'empire. Des soubresauts en naquirent, en Transylvannie, en Egypte, en Britannia, en Francie, en Perse... Les terres touchées par les Oracles dispersés aux quatre vents.

- Diminués, ils nous seront d'une aide bien moindre en tant qu'alliés. Cependant, leur venir en aide pourrait conduire à les endetter envers nous, et nous assurer leur coopération à l'avenir. Ils cherchent à se protéger d'Athéna et de son Empire. Leur offrir l'asile pourrait nous attirer les foudres de la Sagesse, mais nous permettre de nous approprier un atout précieux.

Les soubresauts dispersés sur la carte convergèrent vers la Mare Nostrum, se réunissant en son centre pour y faire naitre un tourbillon. Faibles dispersés, mais terriblement utiles s'ils s'unissaient... En aidant les Oracles à reconstituer leurs forces, les Atlantes pourraient tirer partie de leurs "protégés". Une manière bien froide de considérer la situation, à n'en pas douter. Mais ce n'était là qu'une possibilité. A nouveau, Poséidon tourna son regard vers Endymion.

- Il te reviendra de faire ce choix. Garde cependant à l'esprit que nous ne devons pas faire des Oracles d'Apollon un ennemi. Idéalement, il nous faudra même forcer Athéna à rendre au Soleil sa liberté, quelles que soient les alliances que tu auras forgé. Nous avons besoin de son pouvoir pour résoudre une affaire qui tombe sous le mandat du Consul Dardanos, et qui, si laissée trop longtemps ignorée, pourrait faire naitre une menace dépassant celle d'Okheanos.

Le ton de l'Ebranleur de sol s'assombrit. Il pesait pourtant ses mots, en affirmant cela. Endymion pouvait le sentir. Mais il refusa d'élaborer davantage sur ce sujet. Il avait autrefois demandé à Orpheus de faire en sorte de libérer Apollon, même si cela signifiait menacer Athéna d'une nouvelle guerre. Aujourd'hui, la situation restait la même. Atlantis ne pouvait cependant mener une guerre sur deux fronts, aussi une solution alternative était-elle souhaitable... Mais il reviendrait sur tout ceci lorsqu'ils aborderaient la question de sa nièce.

- Dans ce but, Orpheus envisageait de négocier avec les Saints pour faire venir l'Augure d'Apollon, qu'ils détiennent prisonnier, à Atlantis. Il s'est entretenu à ce sujet avec le Grand Pope, mais rien ne fut officialisé. Il comptait conclure cette affaire à son retour... Il avait également pris contact avec une Pythie d'Apollon qui avait séjourné à Atlantis, il y a plusieurs mois. Notre Légat a œuvré pour l'aider à regagner Rome, afin qu'il plaide notre cause auprès des siens. Si cette parole a été honorée, alors les Oracles savent déjà que nous sommes disposés à coopérer avec eux. Il doit subsister des documents sur ces affaires... Tu les trouveras dans les appartements de l'ancien Régent, Emrys. Il a récupéré l'essentiel des rapports d'Orpheus, après son départ à Camelot.

Poséidon n'avait pas connaissance du détail des plans d'Orpheus à ce sujet. Il n'avait appris tout ceci de lui que lors de son éveil, et du rapport que le Légat lui avait donné. La mort de ce dernier et les actions des Muiens leur avaient fait perdre un temps précieux. Il était donc impératif que le Consul des Brises s'empare de ces sujets pour les remettre en avant, et ce le plus tôt possible.

- Usez bien de tout ceci. La situation des serviteurs d'Apollon est actuellement délicate... Mais si vous faites preuve d'habileté, ils pourraient devenir une pièce centrale de nos futures stratégies.

Poséidon hocha la tête. Il s'en était tenu à l'essentiel, mais avait donné au Dragon des Mers toutes les clés nécessaire pour comprendre la place d'Apollon et des siens sur son échiquier. Avant de continuer pour s'intéresser aux cas du reste de sa famille, il attendit de constater les réactions d'Endymion, et d'écouter ses éventuelles questions.

Les questions de nouvellement nommé Consul étaient légitimes. Poséidon hocha la tête en les entendant. Cela ne rendit cependant la chose plus regrettable encore, lorsqu'il fut forcé de lui refuser les réponses qu'il espérait.

- Ce danger concerne les Abysses... Mais je ne peux vous en dire plus. Non par manque de confiance en vous, mais car chaque mot prononcé sera une arme donnée à l'ennemi. Gardez simplement à l'esprit qu'il s'agit là de l'un de notre travaux commun avec Apollon, et que sa préservation est capitale. Les Bjornaer pourront vous aider lors des négociations avec ses suivants pour assurer que tout se passe au mieux..

La coopération serait de mise entre le Consul des Brises et celui des Pluies sur cette affaire. Aucun d'eux ne pouvait gérer tous les aspectes de cette affaire, et une entente il leur faudrait donc trouver, en faisant fi de l'opinion de chacun sur l'autre.

- Athéna elle-même n'est pas consciente du danger. Elle n'en a plus le souvenir. Cependant il en est différent de son Grand Pope. Ce dernier a été averti par notre Voix de la catastrophe qui approche. C'est ce qui l'a conduit à accepter de nous confier l'Augure prisonnier. A vous de reprendre ces négociations là où Orpheus les a laissé.

Le regretté Mérinita n'avait pas chômé durant son mandat. Il s'était souvent gardé de parler à ses hommes de tout ce qu'il jugeait superflus, rendant difficile la question de sa succession après sa disparition... Mais son travail assidu offrait une base solide sur laquelle poursuivre les futurs projets d'Atlantis.
Endymion mentionna, suite à cela, les initiatives qu'il avait pris à Camelot. A ces mots, un léger sourire passa sur les lèvres de Poséidon. Il considéra avec un léger amusement le Général du Dragon des Mers, et acquiesça aux préparations accomplies par le pirate.

- Les Brises ont donc déjà semé les graines des ententes futures... Nous sommes fiers de voir que nous avons choisis la bonne personne pour ce mandat. Continuons donc.

Le Seigneur des Mers reprit son sérieux, et d'un geste fit à nouveau changer la carte qui s'affichait sur le blogue aqueux. Cette fois, ce fut la région montagneuses au nord de la Grèce qui se mit à luire faiblement. La Transylvanie.

- Arès... Il y a quelques siècles, lorsqu'il se faisait appeler Mars, il aurait été notre premier choix pour trouver un allié apte à faire face à la menace de Mu. Lui et ses Légions étaient des guerriers dans l'âme, voués à la poursuite de l'honneur et de la gloire. Avec un échange de bons procédés, nous aurions pu les convaincre sans mal de combattre à nos côtés. Par pur désir de tester leurs capacités contre un ennemi qui fit trembler Olympiens et Titans, ils auraient accepté... Mais cette époque est révolue.

Un léger soupir s'échappa des lèvres de Poséidon.

- J'ai de la pitié pour mon neveu. Aujourd'hui, lui et ses Berserkers sont une moquerie de ce qu'ils furent autrefois. Des bêtes trop longtemps emprisonnées, devenues folles de rage à force de ronger leurs entraves, et ravagées par un mal insidieux qui les transforme de l'intérieur... Le plus terrible est que leur force destructrice est intacte, mais ce qu'ils laissent sur leur passage n'est plus qu'un sillon de sang et de corruption. Aucune renaissance possible après leur œuvre. Ils ont brisé le Cycle. Je ne vois plus de rédemption possible pour eux...

Arès et ses hommes étaient perdus. Poséidon, comme bon nombre d'Olympien, avaient abandonné tout espoir de salut pour ces damnés retranchés dans les Carpates. Il n'y avait guère plus qu'Aphrodite pour encore avoir l'espoir de cultiver quoi que ce soit en ces terres... Et encore. Elle-même devait être lasse de voir son ancien amant régresser ainsi pour devenir moins qu'un animal.
Malgré tout ce dégout que cette tragédie lui inspirait, Poséidon poursuivit. Endymion n'était pas là que pour entendre son avis sur toutes les erreurs de sa famille.

- Même ainsi, cependant, ils peuvent avoir leur utilité. Ils sont en guerre éternelle contre la Sagesse, et ne peuvent se permettre d'économiser leurs forces contres de si terribles ennemis. Si nous les aidons à alléger cette pression... Ils auront peut-être des moyens à consacrer ailleurs.

D'un mouvement de doigt, Poséidon fit naitre deux ondulations, l'une venant de Transylvanie, l'autre d'Athène. La seconde écrasait tout d'abord la première, la faisant rapidement disparaitre. Mais en gagnant en intensité, celle qui représentait les guerriers d'Arès pouvait repousser celle représentant la Sagesse, et se répandre ailleurs de par le monde.

- Les Bersekers d'Arès sont enclavés, prisonniers de la cage construite par Athéna et ses Chevaliers. Partir en guerre contre la Sagesse serait le moyen le plus simple de les soulager, mais cela nous forcerait également à entrer en conflit avec notre nièce. Une alternative... Serait de les soutenir par d'autres moyens que par les armes.

Le Seigneur d'Atlantis pointa un point sur la côte nord du continent africain qui venait de se mettre à briller.

- Carthage. Nous pourrions permettre aux hommes d'Arès d'y établir une enclave, comme nous partageons aujourd'hui Alexandrie avec l'Empire. Athéna exerce sur cette région un contrôle tout relatif, et les Berserkers obtiendraient un port, une porte vers le reste de la Mare Nostrum. Elle offrirait bien plus de possibilités que leur vallée ravagée des Carpates.

Une arme politique pour inciter les suivants de la Guerre à écouter leur plaidoyer. Endymion devait surement pouvoir en trouver d'autres, avec un peu de temps et d'astuce. Cependant Arès et ses hommes étaient des clients difficiles. Même en mettant la perspective d'une ville dans la balance, les risques de voir ses négociations échouer, voir leur causer des problèmes, étaient nombreux...
Poséidon cessa de parler par images pour se tourner directement vers Endymion, et lui donner des directives plus directes concernant les futures discussions qu'il entretiendrait avec les Berserkers.

- Nous avons conscience que, malgré ces opportunités, il sera difficile de convaincre Arès et les siens de nous venir en aide. Si tu ne parviens pas à faire d'eux des alliés, assure-toi au moins d'obtenir leur neutralité. Le risque que les Muiens les approche pour leur offrir une entente existe, et cela ne doit pas se produire.

Bien que toujours calme et maitrisée, une certaine lourdeur s'était instillée dans la voix du Dieu des Océans. Il redoutait véritablement cette éventualité... Car les Muiens et leurs nouveaux alliés possédaient déjà des savoirs dangereux. Y ajouter celui que les Berserkers possédait ne pourrait qu'engendrer des dangers plus terribles encore.

Après avoir bien insisté sur son désir de s'assurer qu'Arès ne s'ajouterait pas aux rangs de leurs ennemis, Poséidon observa sa projection aquatique d'un air pensif, et ajouta finalement quelques mots pour tempérer ce qui avait été dis jusqu'ici.

- Cela fait bien longtemps néanmoins que nous n'avons plus entendu parler des Berserkers. Ces informations que je te confie ne sont peut-être plus d'actualité. Une vérification de l'état de leur faction s'impose avant de prendre toute décision les concernant.

Le Seigneur des Eaux invita donc son Consul à la prudence. Pendant longtemps, le précédent Légat avait attendu une délégation de la part d'Arès qui n'était jamais venue. Le silence avait été long, et Poséidon ignorait quels changements avaient pu survenir en Transylvannie depuis. Endymion allait devoir s'informer davantage avant de décider d'une marche à suivre concernant les Berserkers...

Poséidon voyait, aux paroles de son Consul et à l'éclat dans son regard, qu'il était déjà en train de se projeter dans les futurs négociations qu'il allait entreprendre. Nul mal en cela! Mais le Seigneur des Océans voyait un danger se profiler. Aussi veilla-t-il à continuer après la prise de parole d'Endymion.

- En effet! Nous avons longtemps maintenu une position neutre dans les affaires de notre famille, à la surface. Mais devant la menace de Mu, cela n'est plus possible. Nous devons briser ce statu quo. Un choix doit être fait, et le plus tôt sera le mieux!

Maintenir une position neutre, ou jouer sur plusieurs tableaux, était possible... Mais terriblement risqué. Par-dessus tout, le temps allait manquer aux Marinas pour trouver des alliés s'ils louvoyaient trop longtemps dans le jeu de la politique et des alliances. Poséidon insista d'un long regard sur son Dragon des Mers. Il voulait lui faire comprendre que, devant la gravité de leur situation, il leur serait inévitable de s'engager dans les conflits de la surface. La demi-mesure ne suffirait pas. Le Consul était là pour obtenir tous les éléments nécessaires pour s'assurer que cet engagement se ferait du bon côté de ce conflit.

- Parlons d'Athéna.

Le Roi des Mers soupira et reporta son regard sur le globe.

- Notre relation avec notre nièce est complexe. Notre ancienne entente du Fer du du Sang fut brisée et reforgée à plusieurs reprises au cours des siècles. En de nombreuses occasions, elle nous insulta, moi, mon épouse, Atlantis, tant par ses paroles que par ses actes. Dans son arrogance, elle cherche à dompter le monde et la nature pour permettre aux mortels de s'épanouir... Sans réaliser que son Empire et sa civilisation finiront par l'étouffer, détruisant sa précieuse humanité dans le processus! Elle est une idéaliste, et en même temps fait preuve d'un pragmatisme cruel. Telle est sa contradiction.

Une histoire longue unissait ces deux Dieux. Bien trop longue pour être contée ici. Aussi, Poséidon décida de s'en tenir aux évènements survenus de mémoire humaine.

- Il y a quelques années seulement, elle et ses chevaliers ont attaqué et pillé Atlantis, forçant notre ancien Légat à accepter une reddition humiliante. Elle regarde Atlantis comme un élément du passé, qu'elle veut écraser sous sa botte pour que nous ne puissions nuire à son grand projet. La rancœur de ces évènements subsiste dans mon cœur pour cet acte, et dans celui de nombreux Atlantes.

Certains pouvaient être nommés, mais il n'appartenait pas à Poséidon d'en parler. Endymion l'apprendrait de la bouche des principaux intéressés. Lui-même n'était alors pas présent en son Royaume, mais les Piliers détruits par les Chevaliers de la Sagesse lui avaient transmis toute la douleur qui s'était alors abattu sur Atlantis. Un grondement sourd, semblable à celui d'un tonnerre lointain, monta dans la poitrine du Dieu à ce simple souvenir. Poséidon réprima ce sursaut d'émotion bien vite, cependant. Car tout n'était pas aussi noir dans ce tableau liant Sagesse et Océans.

- Depuis, des efforts ont cependant été faits pour aller dans le sens de l'apaisement. Athéna nous a rendu notre liberté après un siècle d'enfermement, et a abandonné certaines de ses prétentions. Nous avons partagé Alexandrie avec elle. Nous avons combattu côte à côte lorsque la situation nous l'a imposé. Nous avons guerroyé contre le Roisin Dubh, qui sont nos ennemis autant que ceux des Saints... Mais tout cela pour ensuite devoir subir le silence méprisant de son Pope! Et ils ne nous ont adressé à nouveau la parole que lorsque l'un des leurs a manqué de déclencher une guerre...

Un certain agacement était perceptible dans les mots de Poséidon. Désorganisation dans le vaste Empire d'Athéna? Ou manœuvre avortés inscrite dans l'un de ses multiples plans? Même pour l'ancien Seigneur des Eaux, il était difficile de le deviner. Cependant, il était certain que la Déesse était, par sa nature, parée à toute éventualité. Cela ne l'aurait pas surpris que le plan de ce Narsès ait été préparé comme précaution par Athéna, dans l'éventualité d'une nouvelle guerre contre Atlantis...

Poséidon fit briller sur le globe devant eux la position de la capital du nouvel Empire Romain, Constantinople. Il fit ensuite en sorte de répandre cette lumière sur toutes les régions aujourd'hui contrôlées par les byzantins. Cela recouvrit une grande partie des terres aujourd'hui connues des peuples de la surface.

- Comme tu le vois, nos accords comme nos rancunes sont nombreuses. Cependant, pour nous en tenir à la froide réalité politique et militaire... Nul ne peut nier la position prédominante qu'occupe aujourd'hui Athéna sur les terres mortelles. Sa chevalerie a la force nécessaire pour s'opposer aux demiurges qui combattent aujourd'hui pour Okhéanos. Nous allier à elle pourrait nous mettre Arès et Apollon à dos, mais sa puissance vaut bien celle des deux combinés. Pour cette raisons, nous pourrions accepter de reconstruire une entente avec la Sagesse...

Des dettes restaient à payer, d'un côté comme de l'autre. Cependant aucune n'était assez lourde pour empêcher que l'oncle et sa nièce ne s'unissent contre des menaces communes et supérieures. Tous avaient à gagner à une coopération. Cependant...

- Mes craintes cependant sont multiples.

La voix de Poséidon se fit plus sombre. Ses yeux aux couleurs des eaux se tournèrent à nouveau vers le Consul. Les points qu'il comptait aborder étaient d'importance.

- Ne soyez jamais leurré sur ses intentions : Athéna tentera, dans ces négociations, de nous utiliser. Elle cherchera à obtenir la position la plus avantageuse possible, et pourrait même essayer, par des moyens détournés, à faire d'Atlantis un accessoire à son nouvel Empire. Cela, nous ne pourrons l'accepter. Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans ses manigances!

Autant par fierté que pour préserver les intérêts d'Atlantis, ils ne pouvaient permettre que la Sagesse les piège dans un alliance qui conduirait à mettre une laisse autour de leur cou. S'ils étaient trop hâtifs ou trop peu prudents, c'était là ce qui arriverait. Poséidon ne pouvait laisser une telle folie se produire, et il attendait de son Consul de se livrer, au Sanctuaire, à un bras de fer sans pitié pour préserver la position d'Atlantis lors des conflits à venir.
Surtout qu'il ne s'agissait pas là du seul danger...

- Il vous faudra également garder à l'esprit qu'Athéna, lors de la chute de Mu, a accueilli à ses côtés de très nombreux réfugiés de ce peuple. Aujourd'hui encore, ils travaillent avec elle pour forger et réparer les armures de ses Saints... Si le peuple de Jamir a également rejoint la cause d'Okheanos, Athéna sera peut-être amenée à reconsidérer sa position vis à vis de nous. Rien ne nous dis non plus que les Saints n'ont pas parmi eux des agents dormants, comme ceux qui ont causé le chaos de ces derniers mois...

Selon la façon dont cette information était utilisée, cela pouvait être un avantage dont ils pourraient jouer. Surement Athéna elle-même ne tenait pas à voir Okheanos s'immiscer dans son nouvel Empire. Les Marinas pourraient l'aider à arracher les racines de ce mal avant qu'il s'implante... Si cela n'était pas trop tard. Car si les Muiens avaient déjà placé leurs pions... Endymion risquait de rencontrer plus de difficulté encore lors de sa mission diplomatique. La méfiance était de mise.
Poséidon garda un instant les yeux fixés sur les montagnes à l'est de l'Empire, là où la région de Jamir aurait dû se trouver. C'était là que, par une machination aidée d'une maladresse d'une traitresse, Okheanos s'était libéré. Peut-être était-ce là également que reposait la solution à cette affaire...? Mais il était trop tôt pour envisager cela. Le Roi se tourna vers Endymion pour s'enquérir de ses avis et de ses questionnements.

- Avant que nous ne continuions, avez vous des questions, Endymion?