[550] Forum romain - Teintée d'ombre depuis peu, privé de lumière pour toujours.

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C'était une sensation étrange que de se faire transporter d'un point A à un point B par le bon-vouloir d'une tierce personne, plus encore quand celle-ci se trouvait être un dieu de la Mort qui vous avait, justement, empêché de mourir dans l'optique d'une entrevue avec Hadès puis de livrer un message... C'est pourtant de cela que revenait Célestia lorsqu'elle réapparut au grand jour, entre deux bâtiments d'une gigantesque place, heureusement moins fréquentée à cette heure de la journée. Elle mit un temps à s'orienter après ce voyage spatial, et ce fut l'appel de sa chlamyde en direction de la Tour des quatre vents qui l'y aida. Elle se trouvait en plein cœur du forum romain, entre deux temples, non loin de la Curie.

Elle inspira un grand coup, comme s'il avait fallu attendre le retour à la vie terrestre pour respirer de nouveau. Apollon risquait de ne pas apprécier l'humour de Thanatos, de faire ainsi de sa Gardienne un objet corrompu et souillé de la noirceur des Enfers. Cette pensée réduisit son moral à si peu de choses qu'elle se laissa glisser contre un mur, la tête entre les mains. Ses épaules furent secouées de tremblements tandis qu'elle pleurait en retenant des sanglots.

"Maître... J'ai failli..."

Heureusement pour elle, les conversations couvraient ses pleurs, les passants ne la voyaient pas. Ils ne la voyaient jamais. Elle demeura assise là un bon moment pour se calmer, sachant que les plaisanteries habituelles -et méprisantes- des Romains auraient prise cette fois sur sa sensibilité de héron si elle sortait... Elle savait que ce n'était pas digne de la guerrière qu'elle était, que son message primait sur ses états d'âme, mais que dire à Adalrik si elle allait le trouver ainsi, la mine défaite et le cœur froissé ? L'Augure, tout comme son maître, aurait sans doute à cœur à lui rappeler que la perfection de la Lumière ne tolérait pas ce type d'écarts. C'était la première fois que la jolie blonde devait affronter ce genre de sentiments, et jeune comme elle était, une nouvelle-née pratiquement, elle avait peur de ce qui pourrait en découler, peur d'être punie.

L'aveugle marchait dans les rues de la ville antique quand il sentit quelque chose s'effondrer dans l'espace autour de lui. Il ne savait pas d'où cela venait mais il était clair qu'une force venait de revenir et le parfum qui s'en dégageait était spécial. Thafnout ne savait pas quoi en penser pour ainsi dire... Fixant l'horizon comme s'il voyait quelque chose, ses jambes se plièrent avant de le faire bondir dans les airs. Ce parfum, semblable à celle d'un jardin pur de tout vice, lui était étrange. Ses pieds le posèrent sur un toit et il se concentra pour ressentir les présences autour de lui, il y avait manifestement du monde depuis un moment. Et ce quartier lui était étranger, lui qui vivait plus proche du Colisée.

Une voix ?

Non. Un murmure dans la foule. Quelqu'un avait chantonné avec une mélancolie qui saisissait l'âme du Nubien. Peu de monde était susceptible de l'atteindre de cette manière, si ce n'était la lumière qu'Apollon lui offrait chaque jour. D'un bond dans les airs, il arrivait dans une ruelle à cinquante mètres de là afin d'aller vers cette personne. Les bruits des marchands, les bruits des passants et les cris des gens ne pouvaient caché ce désarroi... Il haïssait pour cela cette société décadente qui n'écoutait pas les coeurs des Hommes. Soudain, sa canne frappa un petit mur de pierre et il lui fallait quelques secondes pour se rendre compte que c'était un simple banc.

- Vous ne devriez pas pleurer gente demoiselle. Une fleur doit resplendir dans les pires ténèbres. Pardonnez moi, je suis Thafnout, un simple aveugle passant par là...

Tapant une ou deux fois la pierre, il s'asseyait à côté d'elle avec un grand sourire. Elle brillait dans l'obcurité mais il ne savait pas pourquoi... Toutefois, les battements de son coeur signifiaient une certaine inquiétude. Silencieux désormais, je lui tendais un morceau de mouchoir pour qu'elle puisse se nettoyer le visage de ses larmes. La peine était une chose qu'une femme ne devait pas connaître, c'était une question de principe dans ce monde.

Emplie de chagrin, la Gardienne n'avait senti arriver l'homme que tardivement, et n'avait pas cherché à s'esquiver. Elle ne connaissait véritablement aucun des oracles -ou à la rigueur Bran et Aedan, mais depuis peu-, alors un de plus un de moins... Le nouveau venu se distinguait de la foule en sautant sur les toits et en atterrissant au sol sans dommage. Son aura était discrète mais pas spécialement cachée de ce qu'elle pouvait sentir, mais surtout c'est sa présence à Rome et son "œil" perçant qui le trahissaient. Les oiseaux avaient cette vision différente, vue du ciel, qui les aidait à repérer tout intrus environnant. Si son identité n'était pas confirmée, en tout cas il s'approchait bien plus des caractéristiques d'un oracle qu'autre chose.

Célestia le regarda se planter devant elle, puis tâtonner avec une canne près de l'endroit où elle s'était laissée tomber. Aveugle ? Alors il l'avait forcément repérée au cosmos et était un éveillé. Il s'assit et sourit simplement. Ses mots doux et attentifs calmèrent un peu la belle jeune femme et il se présenta le plus humblement du monde.

Sans vraiment se poser de questions, elle se releva du sol terreux, épousseta sa robe et fut bien tentée de partir aussitôt, comme un oiseau dérangé dans ses errements. Au lieu de cela, elle prit place à côté de lui sur le banc et prit le mouchoir qu'il lui tendait courtoisement.

"Je vous remercie."

L'avantage avec un aveugle, c'est qu'il n'allait certainement pas la juger sur son apparence. Ni la blondeur de ses cheveux, ni le vert poignant de ses yeux ne trahiraient de fausses origines germano-celtiques. Sa couleur pour lui se limiterait à sa seule voix, mélodieuse même dans les larmes, et son rang à ce qu'il en déduirait. Elle s'épongea doucement les yeux avec le mouchoir puis le replia proprement et le lui rendit.

"Si la fleur a commencé à se faner, elle mettra du temps à s'épanouir de nouveau. A moins que son jardinier ne la soigne..."

Il est vrai qu'Apollon était aussi dieu des guérisseurs. Son savoir avancé pourrait peut-être lui permettre de défaire la sorcellerie de Thanatos pour lui recréer un corps de lumière. Restait à savoir s'il tolèrerait l'échec de sa dévouée création ou préfèrerait en modeler une autre, plus fiable et plus puissante.

"Je m'appelle Célestia. Vous êtes... éveillé n'est-ce pas ? Quelque chose me dit que vous n'êtes pas un ennemi de mon maître."

L'impression qu'elle lui avait laissé se confirmait. Ces oiseaux qui le suivaient depuis un moment était donc liée à cette voix si cristalline et si enfantine en même temps. Chaque vibration de sa voix intimait de la peur, de la crainte et aussi de la fatigue. Le Nubien ne savait pas les raisons d'un tel état d'esprit mais il n'était pas du genre à poser des questions gênantes à une demoiselle. La métaphore de la fleur avait fait mouche à son corps défendant, elle semblait sous entendre qu'elle avait été blessé... Mais il ne sentait pas de sang dans les environs. Que veut elle dire ? Il n'avait pas de réponse à cela. Toutefois, elle posa la question que lui même n'avait pas osé poser.

- Par la grâce des Dieux, oui, j'ai atteint mon Eveil. Mais on gagne quelque chose par la perte d'une autre, c'est le grand cycle de l'Humanité. Rien ne peut avancer sans la justice du sacrifice.

Ennemi de son Maître ? Cette fois, tout cela était devenu plus limpide. Elle était la membre d'un ordre de combattants au service des Dieux anciens qui gouvernaient ce monde. Pensif, l'oracle s'interrompit quelques instants pour répondre à la jeune femme. On était sur les terres sacrées d'Apollon mais rien ne l'assurait qu'elle suive la même divinité. Et si c'était une Sainte ? Une guerrière venant des fonds marins ? Il avait pu rencontré ces gens dans le passé mais ce n'était pas un expert dans ce domaine, il avait une perception accrue dans tous ses autres sens mais sans la vue, difficile de juger plus que cela...

Mais, elle respirait une certaine confiance. Il se décidait donc à répondre.

- Je suis nouveau dans la ville depuis deux semaines. J'ai été appelé par celui que l'on appelle l'Augure.

Restant vague, il espérait ne rien dévoiler si jamais c'était un ennemi de son Dieu.

Le sacrifice. Une notion censée représenter la pureté d'une âme, qui en sauvait une autre, ou celle d'un être qui renonçait à son ego et son désir pour devenir plus juste et noble dans ses actions. Qu'avait-elle gagné en sacrifiant sa vie à Kiev, au nom de la Nature et de son dieu ? Elle avait cherché à protéger l'honneur d'Apollon et ses convictions. Était-ce digne du don de son existence ? Ou peut-être que la conséquence justifiée de ce geste apparaîtrait plus tard, que c'était un acompte versé au destin qui s'inclinerait alors devant les forces solaires pour purifier le monde de la souillure morale qui le gangrénait.

Elle sentit son hésitation à répondre, puis il se lança finalement et annonça sans le savoir qu'ils faisaient partie du même Ordre. Cela allait grandement simplifier les choses pour Célestia. Elle essuya les dernières traces de larmes autour de ses yeux puis prit l'une des mains de Thafnout entre les siennes.

"Notre chemin est le même. Laissez-moi vous montrer la Lumière dans ce cas."

Un mince rayon cosmique rayonna autour d'elle et se transmit au Nubien, qui put visualiser dans son esprit une image : la reproduction exacte de la ville avec ses innombrables rues, ses passants, ses marchands, ses allées encombrées. Elle ne se montra pas à lui, désireuse de garder son regard neutre de tout préjugé, mais au moins il pouvait admirer la beauté et l'activité intense qui régnait autour de lui, l'espace d'un instant.

"Voici Rome. Et si vous le désirez, je peux vous conduire à l'Augure. Il vous expliquera mieux que moi ce qu'il attend de vous."

Maintenant qu'il avait été attaqué une fois par Phantasos sous les traits de Chryséis, Adalrik serait suffisamment alerte pour sonder cet homme et s'assurer de la véracité de ses dires avant de l'accepter à ses côtés. Cela laissait une chance à un nouvel oracle de naître au moins.

Dans un sens, l'obscurité avait ceci d'agréable que l'on en appréciait encore plus la chaleur de la lumière sur son visage. Voir tout d'un coup la ville mettait l'Oracle dans une position paradoxale : l'appréciation de revoir et la frustration de qui s'y corrolait. Son poing se serra alors que son esprit vagabondait dans les rues de la ville tel un feu follet. Mais il ne disait rien, savourant sans le vouloir chaque instant de ce voyage innocent...

Puis, elle en vint à parler de l'homme qu'il recherchait. Il ne le connaissait pas, de simples visions l'avaient amené sur cette terre féconde où la vie rayonnait de toute sa splendeur. De là d'où il venait, ce n'était pas le cas... Les guerres dans le désert pour un peu d'eau et de nourritures ne pouvaient existées ici. En effet, les Dieux de la Mare Nostrum étaient plus proches de leurs suivants que chez lui. Un sourire fugace et amicale cernait ses lipes alors qu'il prenait la parole.

- Ce sera un plaisir de rencontrer celui que vous appelez l'Augure.

Il était vrai qu'il ne le connaissait absolument pas. Juste une présence divine dans la ville qui l'avait attiré ici, celui qui gouvernait les arts, la médecine et le soleil, le Divin Apollon. Mais de son représentant terrestre, il ne l'avait jamais encore rencontrer et c'était une bonne chose que de pouvoir lui parler et se présenter à lui. Ses jambes le levèrent et faisant un geste de droite à gauche, il laissait son sang se propager plus rapidement dans ses muscles. Il n'aimait pas rester trop longtemps assis, ce n'était pas dans sa nature après tout.

- On va vers où ?

Ce que lui avait montré Celestia n'était pas suffisant pour tout connaître. Au moins, maintenant, il avait une idée précise de l'environnement dont il avait la garde. Dans le ciel, une ombre passait au dessus d'eux, un grand condor venait de passer le ciel après un bien long voyage...

Plutôt avare de paroles, Thafnout ne commenta pas son petit voyage dans les méandres de la capitale italienne. La belle jeune femme ne s'en formalisa pas et sourit de le voir si hâtif tout à coup. L'Augure devait l'intriguer, de même que toutes les sensations dans l'air. Seulement deux semaines pour assimiler tout cela, c'était impossible. Elle se leva à son tour et prit doucement sa main pour le guider.

"Je me doute que vous pouvez vous débrouiller seul pour marcher, mais aujourd'hui se tient le marché sur l'agora. Il y a énormément de monde et je risque de vous perdre. Ne me lâchez pas, d'accord ?"

C'est ainsi que Célestia entraîna le futur évêque dans des rues de plus en plus bruyantes. Elle lui expliqua au passage la position des sept collines, leurs noms et les quartiers qui s'étaient formés peu à peu autour en fonction des classes sociales et des fonctions des bâtiments. Ils traversèrent une petite partie du marché où fleuraient agréablement les épices venues d'ailleurs, la viande que l'on faisait cuire au-dessus d'un feu de fortune ou que l'on découpait crue, les poissons, le blé, le vin... La jeune femme fut bien tentée de lui faire découvrir quelques spécialités locales, mais l'air sempiternellement austère qui ornait les lèvres et les traits guerriers du visage du Nubien la retinrent. Il n'était pas là pour du tourisme, comme elle lorsqu'elle s'était rendue à Alexandrie.

Une fois le marché dépassé, elle s'arrêta un instant, l'angoisse lui revenant au ventre comme ils se rapprochaient de la Tour des quatre vents.

"Nous y sommes presque. Voulez-vous que je recommence certaines de mes explications avant que nous nous rendions auprès du maître ?"

Chaque intonation, chaque odeur... Tout cela permettait depuis un moment à l'Oracle la perception de cette cité pour le moins exotique pour lui. Il était habitué en effet aux villages simples et aux demeures de bois et de boue séchée. La pierre résonnait des sons qu'il appréhendait. Alors qu'il suivait la jeune femme, la mélomanie des sentiments des Romains formaient un aéropage tout aussi surprenant. Grâce à elle, il goutait les plats locaux et lentement, son visage de marbre se détendit pour accepter l'humble cadeau qui lui était offert.

De fait, chez cette fleur venue dans ce monde, il sentait une simplicité et une humilité qu'il appréciait. Ce monde était assez beau pour ne pas en raouter et cette vision des choses lui était agréable. Ceci étant dit, la joie était dans la douleur, un poison parcourait les paroles de la demoiselle à chaque présentation. Si elle avait un don avec les animaux et avec le psychisme, lui avait le don de ressentir chaque sérénade dans les paroles de son interlocuteur : peur, angoisse, joie, plaisir... Tous ces chants étaient chez les humains semblables aux grillons qu'il affectionnait. Le Condor était un vautour qui ne nourrissait de la mort, il en était de même de ces petits insectes d'une certaine façon. Il l'écoutait et soudain, au détour d'une ruelle, elle proposait d'aller au Palatin. Il n'aurait pas dit non mais... Une chose l'avait saisi à ses mots. Elle avait peur. Elle craignait quelque chose.

- Attendez. Je ressens de la peur en vous.

Franchise et Loyauté. Il n'avait pas l'habitude de se cacher dans un désert d'approximations pour donner son sentiment. Oui, la sérénade de cette jeune femme était emplie d'une mélancolie qu'il avait déjà percé quelques minutes auparavant. Cette curiosité ne lui ressemblait pas pour ainsi dire. Toutefois, il ne voulait pas aller dans une demeure divine avec quelqu'un qui avait un poison au plus profond de son âme. L'inconnu était une chose qu'il abhorrait la plupart du temps.

- Vos larmes de tout à l'heure, votre peur... Je ne sais pas ce qui vous arrive et je ne veux pas me montrer indiscret, mais, y'at-il quelque chose que je devrais savoir ?

La question était simple et mesurée, sans aucune once d'agressivité. Le sourire qui l'accompagnait était un signe qu'il ne voulait pas de mal, simplement comprendre lui suffisait à la seconde présente.

Comme tout aveugle palliait sa cécité par une acuité plus grande sur ses autres sens, Thafnout venait de prononcer les mots que Célestia redoutait. Bien sûr même pour un voyant il n'aurait pas été difficile de déceler son mal-être en la trouvant en pleurs, mais le vent murmurait à l'oreille de la Gardienne qu'il était capable de voir en elle. Une faculté rare, mais précieuse. Le semblant d'entrain qu'elle affichait s'affaissa et son regard s'immobilisa sur lui tandis qu'elle mesurait si oui ou non elle pouvait lui révéler une part des informations qu'elle possédait. Apollon avait été plutôt clair à ce sujet : moins il y avait de personnes qui connaissaient son origine de lumière, moins elle courrait le danger d'être détruite. Le problème était que les berserkers l'avaient vue, Silas l'avait vue, Hadès et Thanatos aussi.

"Vous n'avez pas besoin de le savoir... S'entendit-elle dire. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le maître m'a envoyée en mission et que j'y ai perdu plus que je n'y ai gagné... Enfin je crois."

Tant qu'elle n'était sûre qu'il s'agissait d'un véritable oracle, et non d'un imposteur comme Chryséis, tant que l'Augure ne l'avait pas identifié comme appartenant bien à leurs rangs, elle ne pouvait se permettre d'aller plus loin.

"S'il vous plaît Thafnout, ne me posez pas de questions. Vous n'êtes en rien la cause de mon malaise, rassurez-vous. Si vos intentions sont pures, vous ne craindrez rien de l'Augure."

Elle le dévisagea un long moment, espérant qu'il se contenterait d'acquiescer. Elle savait que certains humains s'obstinaient à vouloir tout savoir, et cette curiosité qui pouvait être un avantage dans certaines situations ne serait ici qu'une gêne pour elle.

"Si la Voix vous reconnaît, je vous en dirais plus. Et vous apprendrez que le monde que vous connaissez n'est pas du tout comme celui dans lequel vous allez entrer. Maintenant, il faut avancer je vous prie."

Une nouvelle page de leur histoire venait de se tourner et le prochain chapitre allait bientôt pouvoir débuter. Les missions sur lesquels plusieurs de ses Oracles avaient été dépêchés s'étaient terminées et Adalrik attendait avec impatience d'entendre les descriptions qu'ils allaient pouvoir lui apporter. Impatience ou peut-être excitation. Car si la garde d'Apollon était constituée essentiellement de splendides volatiles, un animal plutôt inattendu avait su trouver sa place au coeur de ses derniers songes. Un vautour, aussi grand que majestueux, venu se repaître des corps gisant sur le champ de bataille. Songe ou présage? Une nuance si faible qu'il ne pouvait l'ignorer. D'autant que ce tableau aussi sombre que grandiose ne cessait de hanter ses pensées.

Ainsi, l'Augure avait-il décidé de se rendre pour une fois à Rome lorsqu'il avait appris qu'un des Oracles y était revenu depuis peu. Pourquoi attendre que les informations viennent à lui lorsqu'il pouvait aller les prendre de lui-même. Une perte de temps facilement évitable. Et puis, les intrus semblaient s'approcher bien trop facilement de la Tour des Vents ces derniers temps. Peut-être cette promenade serait-elle l'occasion de mettre fin sur le champ au trop plein de courage de certains inconscients. S'ils avaient le malheur de se faire repérer, bien entendu. Car la beauté de Rome avait déjà bien des raisons de se voir ternir, nul besoin de permettre que cette corruption s'étende à leurs Jardins ou à leur Tour.

Observant avec intérêt la simplicité et la beauté des rues de cette ville qu'il avait tant fréquentée, Adalrik avançait lentement sur une route qui lui semblait toute tracée. Peut-être était-ce la le hasard qui faisait son effet, mais ses pas le conduisirent après une petite heure de marche à l'emplacement qu'il avait tant convoité. A quelques mètres devant lui, il pouvait apercevoir Célestia, Héron de Boréas. Une des Oracles qui avait été envoyée à Kiev pour permettre le retour du Dieu de la Guerre. Avec des bonnes nouvelles à la clef, il ne pouvait en douter. Mais contre toute attente, cette dernière n'était pas seule. Ainsi, le Destin avait décidé de regrouper deux de ses objectifs en un même point. Cette chance ne pouvait qu'être due au Dieu de la Lumière, dans sa grande générosité. S'approchant des deux éveillés:

Ma douce Célestia, c'est un plaisir de te voir de retour à Rome. J'espère que tout s'est bien passé pour toi et pour les autres Oracles. Ta musique a manqué à tous dans les Jardins Sacrés. J'espère que nous aurons la chance de l'entendre à nouveau dans les prochains jours. Mais pour l'heure, il me tarde de t'entendre me conter les détails de votre périple. Le Grand Guerrier est-il sorti de sa torpeur, comme espéré? Le nouveau cycle est-il bien en marche?

Attendant la réponse de la jeune femme, il tourna son regard en direction de l'homme qui l'accompagnait, un sourire amusé ourlant les contours de sa bouche. Les choix de son Seigneur ne cesseraient donc jamais de le surprendre.

Pardonnez mon manque de manière mais ces informations sont de la plus haute importance et taraudent mon esprit depuis plusieurs jours maintenant. Je me présente, Adalrik, Augure du resplendissant Apollon. Je m'attendais à ce que le Condor s'éveille rapidement du sommeil dans lequel il avait été plongé mais j'ignorais jusqu'à maintenant de quelle manière cela se produirait. Je constate que le passé vous a ôté une partie de vos attributs. Il me tarde de savoir quelles splendeurs l'avenir peut bien vous réserver.

Le malaise engendré était perceptible. Thafnout ne fit rien pour l'interrompre ou en rajouter dans ses questionnements, chacun était libre de ses mystères. Un simple sourire suivi d'un hochement de tête suffirent à lui faire comprendre qu'il n'irait pas plus loin dans ses questions. Ceci dit, il se demandait quelle était la nature de cette fameuse mission pour mettre un des Guerriers du Soleil dans une telle tristesse. La Voix ? Alors qu'il entendait parler de lui de nouveau, une aura s'approcha d'eux comme si elle avait été appelé par Celestia.

Une voix grave et chantante se fit entendre. Sa tête se tournait alors vers l'origine de cette présence aussi étrange qu'envoûtante. Baissant le menton en signe de respect, le Nubien sentait la douce chaleur de l'aube caresser sa peau alors que la journée était déjà bien avancée, seul le Représentants d'Apollon en cette Ere pouvait donner cette impression. Enfin pour un aveugle. Car la beauté prenait une autre signification pour Thafnout, elle était dans le ton de la phrase, dans les parfums des gens. On y ressentait bien souvent le mode de vie des gens.

- Enchanté Patricien. Répondit simplement l'étranger.

Il ne voulait pas répondre plus que cela. En effet, il sentait dans l'air des interrogations et le poids d'un étrange remords pesant sur les épaules de la jeune nymphe était de nature à le mettre en retrait. L'Oracle avait compris que le Dieu solaire l'avait choisi pour le rejoindre dans ses rangs, ses rêves prenaient enfin un sens et un sourire énigmatique fendait son visage à la compréhension de cela.

- Je suis Thafnout. Le soleil m'a conduit jusqu'ici pour servir et aider humblement dans sa quête du renouveau ! Je suis un inconnu sur ses terres, je ne suis qu'un simple bédouin découvrant ce monde pour le "regarder" d'un oeil neuf.

Le trait d'humour était là, sans trop en faire. Et c'était vrai qu'il avait peu d'informations à donner sur lui même à l'état actuel. Personne ne le connaissait en temps qu'homme et cela lui convenait parfaitement. En un sens, il avait l'opportunité de juger cette société sans être liée à des sentiments conservateurs que l'Humanité pouvait avoir avant de connaître une nouvelle Ere.

Sur la question de cette mission, il n'en savait guère plus. Pour l'instant, il allait se contenter d'écouter la discussion à venir... Il était vrai que Celestia lui avait indiqué que les réponses à son chagrin viendrait avec cette rencontre. Le dénouement était en train de se produire plus rapidement que prévu. D'un pas, le Nubien s'écartait pour laisser la jeune femme s'expliquer sur sa dernière mission. Son code d'honneur lui interdisait d'intervenir dans cette affaire qui ne concernait que l'Augure d'Apollon en personne.

A peine achevait-elle de rassurer Thafnout sur son savoir prochain que Célestia sentit arriver une présence impossible à manquer en ces lieux. Il pouvait bien y avoir des centaines, des milliers de gens à Rome, lui était un phare dans la nuit parmi eux. Seul Apollon pouvait dégager plus vive lumière que lui, et les oracles dans un moindre mesure plus éclatante que les simples civils.

La Princesse aux mille oiseaux se retourna et s'agenouilla aussitôt devant devant l'Augure, tête basse et humble pour signifier sa soumission.

"Votre Éclat..."

Elle le laissa prendre les devants de la conversation, tétanisée à l'idée de sa réaction quand il se rendrait compte que sa nature avait changée. Adalrik n'en dit pourtant rien et se contenta de demander le rapport de la mission.

"Je jouerai autant qu'il vous plaira, si c'est votre désir."

Considérant les derniers mots du blondinet, Célestia déduisit que l'évêque Amadeus avait passé l'arme à gauche pendant leur absence à Kiev... Le Condor n'avait pas perdu de temps à trouver un nouveau porteur, et vraisemblablement selon les coutumes de Rome et du Soleil, la dépouille du défunt s'était vue brûlée après les paroles d'usage. Thafnout était donc officiellement reconnu comme le nouvel évêque et pouvait entendre ce qu'elle avait à dire. Les civils autour en revanche, non. D'une légère, très légère impulsion cosmique, la jeune femme fit s'élever une brise qui tairait leurs mots aux passants alentours.

"Les faits ont eu lieu à Kiev, à l'est. Notre groupe a suivi celui de plusieurs berserkers, et il y avait également des Saints. Arès s'est effectivement levé de son sommeil, mais il n'est pas le seul."

Elle releva la tête et ses yeux exprimèrent une certaine inquiétude par rapport aux faits.

"La magie d'Arès a fait tourner la tête des Hommes et ils se sont mis à s'entretuer. Cela n'a pas épargné les chevaliers qui étaient sur place. Je me suis ainsi retrouvée acculée face au Saint des Gémeaux du nom de Silas, et à une berserker, tandis qu'à mes côtés j'ai pu rallier un cardinal... Dans l'affrontement je... j'ai péri. Je ne sais pas ce que sont devenus Aedan et Bran. J'ai entendu leurs voix..."

Elle hésita une seconde, puis poursuivit sur sa lancée :

"Le dieu Thanatos a lui-même conservé mon âme et... recréé une enveloppe charnelle identique à la précédente. Je suis désormais marquée du sceau des Enfers..."

Célestia expira un bon coup en attendant la sentence de l'Augure, même si les larmes commençaient à lui piquer les yeux. Au moins, l'aveu était passé, elle se détendit donc.

"J'ai parlé au Sombre monarque en personne. Il propose de former une alliance contre Athéna. Une alliance avec Asgard et Arès, contre Athéna. J'ai délibérément laissé entendre que la Lumière pourrait s'accommoder de l'Ombre, qu'elles étaient complémentaires, et sa réaction m'a clairement prouvé qu'il ne s'intéresse aucunement aux intérêts d'Apollon, que ses plans sont plus obscurs et complexes que cela. Cela associé à l'attaque récente d'Hypnos, et au fait que Thanatos ait pris la peine de me marquer... Je pense que les dieux jumeaux ont une idée précise en tête. Une idée qui ne sera bonne que pour eux. Athéna n'a pas choisi le meilleur chemin, mais doit-on la condamner pour autant ? Toutefois je tiens à souligner que ses guerriers sont particulièrement vindicatifs. Les Gémeaux m'ont fait savoir que le commandement du Grand Pope est formel : ils tuent leurs ennemis, même présumés, plutôt que de tenter de négocier. La Guerre a supplanté la Sagesse. Je ne décide nullement pour Apollon mais tout cela me semble suspect."

Patricien. Une appellation qu'il avait tellement entendue lorsqu'il vivait encore aux côtés de feu Athalaric. A une époque peut-être avait-il apprécié de se voir considérer ainsi. Un élu parmi la population, de ceux qui avaient la chance de naître et vivre au dessus des autres, loin des ennuis de la plèbe. A une autre époque oui. Avant de connaître des moments plus humbles lui permettant de comprendre que les plus méritants n'étaient pas forcément ceux que l'on pouvait penser. Mais tout cela n'avait plus d'importance aujourd'hui. Ils avaient rejoint des objectifs bien plus importants où ce genre de considération ne représentait plus rien. Et il faudrait que ce nouvel Evêque s'y fasse plutôt rapidement au vu des évènements à venir.

Mais en l'instant présent, ce n'était pas la situation de ce dernier qui lui importait mais bien davantage celle du Héron de Boréas. Il ne la connaissait pas encore assez pour savoir si elle faisait cela pour lui plaire ou s'il s'agissait tout simplement de son éducation, mais Célestia savait user des bons mots pour le placer dans les meilleures dispositions. Ainsi, acquiesça-t-il avec un sourire devant les réponses que cette dernière venait de lui donner avant d'attendre, avec une certaine impatience, les informations qui lui importaient réellement.

Nous pourrons voir cela une fois rentrés aux Jardins Sacrés mais pour le moment...

S'abreuvant de ses mots avec une curiosité aucunement dissimulée, l'Augure laissa surprise et amusement gagner son visage alors qu'il entendait la première partie du récit de son Evêque. Ainsi, leur premier objectif était finalement atteint et le Dieu de la Guerre venait de prendre place sur cet échiquier. La première des clefs qui ouvrirait la porte vers ce nouveau cycle. Et les diverses tribulations causées par cet éveil ne constituaient nullement une gêne dans l'exécution de leur plan. Bien au contraire de l'agacement que Célestia s'attendait peut-être à observer chez lui, ce fut un léger rire qui sortit de la bouche d'Adalrik alors qu'il entendit parler des combats qui avaient suivi le retour d'Arès.

A peine éveillé et déjà son appétit de combat pointe le bout de son nez. Il semblerait qu'Arès ne soit pas prêt à faire mentir la réputation qui le précède. Son retour nous promet du mouvement et de grandes vagues dans la trame de l'avenir. Enfin les lignes vont pouvoir évoluer. Même si la partie promet d'être plus complexe et risquée.

Marquant une pause comme pour jauger des éléments en sa possession, il reprit:

Dis m'en plus sur celui qui a combattu à tes côtés et dont je ne connais même pas le nom. Ainsi que sur tes adversaires. Nous devons savoir à qui nous allons avoir affaire, alliés comme adversaires. Et une petite question me taraude l'esprit: si tu as été vaincue, était-ce ta faute ou celle de ton allié? Bien que j'imagine facilement que combattre un suivant du Dieu de la Guerre ainsi qu'un des protégés d'Athéna ne soit pas chose aisée.

S'il ne réagit pas aux propos concernant les autres Evêques - nul ne pouvait savoir s'il se moquait de leur destin ou s'il le connaissait - la mention de Thanatos fit apparaître une nouvelle lueur dans le regard de l'Augure. Lorsque le premier frère entamait son mouvement, il fallait s'attendre à ce que son jumeau entre en jeu rapidement. Rien de bien surprenant mais il fallait éviter qu'ils n'avancent trop de pions. Non plus seulement amusé, Adalrik avait maintenant repris un visage légèrement plus carnassier. Car si les stratégies de chacun commençaient lentement à se dévoiler alors bientôt cette grande guerre pourrait se déclencher. La Guerre avait supplanté la Sagesse? N'était-ce pas la folie qui s'y était glissée pour qu'Athéna s'éloigne ainsi de sa précieuse humanité. Sa fierté.

Sèche tes larmes jeune Évêque. Nous ne sommes qu'au début des évènements et tu auras bien d'autres occasions de verser des larmes. Tu as péri au combat? Alors il va te falloir trouver des solutions pour la prochaine fois. Le Seigneur Arès est éveillé et tu es ici devant moi donc la mission est une réussite. Certes il va falloir se méfier car Thanatos ne t'a assurément pas rendu ton corps par simple générosité. Peut-être pour nous encourager à nous allier au Sombre Monarque mais je me permets d'en douter. Une alliance avec eux est envisageable mais nous savons pertinemment qu'ils ne chercheront qu'à se servir de nous. Il nous faut donc savoir si nous saurons nous servir d'eux de la même manière. Peut-être même pour te débarrasser de la marque de la Mort. Le Sombre Monarque t'a-t-il donné un moyen de lui donner une réponse?

Tournant son regard en direction de la Tour des Vents, il reprit

De toute façon, il nous faut contacter le Seigneur Arès avant toute chose. Il est notre priorité pour les évènements à venir et ses Berserkers doivent être à nos côtés si nous souhaitons atteindre nos objectifs. Je vais envoyer quelqu'un pour s'en assurer.

Posant alors son regard sur le nouveau venu:

Tu n'es plus un simple bédouin mais un des lumineux Oracles au service d'Apollon. Que penses-tu de ce Monde après ce premier regard que t'offre cette discussion?

La tempête ne se leva pas. La lumière ne fendit pas les cieux pour rayer son existence du monde. Au contraire, Adalrik semblait s'amuser de la situation et prendre un certain plaisir à voir la guerre arriver aux portes du monde. Si le cycle commençait ainsi pourquoi pas mais... la vision de ces yeux aux chaudes remplis de desseins si funestes la fit frissonner un instant. L'Augure n'était pas un moineau fragile, plutôt un aigle royal dont les serres et le bec se refermeraient sans hésitation sur leur proie. Et gare à celui qui s'interposerait entre eux.

"Vous ne me punissez pas ? Apollon n'est pas courroucé de voir qu'un de ses fragments a été dénaturé... ?"

Tombant des nues, elle mit un temps avant de remarquer que l'Augure attendait de nouvelles réponses. Aussitôt elle passa le bout de ses longues manches sur ses yeux, son sourire retrouvé et son cœur apaisé pour de bon. Elle était son enfant alors... oui, ce devait être pour cela.

"Mon allié de circonstances se nommait Zvezdan. Il était le Cardinal de la Guerre. Ses pouvoirs n'étaient pas à la hauteur de son rang, et son potentiel encore grandement endormi, car il s'est fait tuer par sa propre subordonnée, la capitaine de la Hyène, dénommée Ludmila. Le premier ne maniait pratiquement que la force brute sans y mêler son cosmos, quand la seconde ne faisait que cela. Elle possède une hache à large lame qu'elle manie avec une célérité telle qu'il est pratiquement impossible d'échapper à son envergure au corps à corps. Elle manie également une sorte de paralysie. Je n'ai pas eu le loisir de bien comprendre de quoi il s'agissait car mon ennemi n'a presque été que le chevalier Silas des Gémeaux. Il possède le pouvoir de plier les dimensions et d'invoquer des astres destructeurs. Il est moins rapide, mais sa puissance est plus élevée que celle de la Hyène. En revanche tous deux consomment énormément de forces dans leurs assauts, et si j'avais eu un allié plus éveillé que le cardinal, j'aurais sans doute pu mettre leurs cycles en déclin. Mais une fois tombé, à deux contre un je n'ai plus assez de marge de manœuvre pour éviter leurs coups conjugués. La Hyène et les Gémeaux semblent se connaître, prendre plaisir à se défier tout en coopérant... Je crois qu'ils agissent comme des rivaux."

Elle acheva son rapport sur un simple mouvement de tête et se releva, ragaillardie. Toutefois elle haussa un sourcil en entendant les impressions de l'Augure sur les agissements des dieux jumeaux et d'Arès.

"Une réussite ? La mission était seulement de prêter main-forte aux berserkers me semble-t-il... Je ne comprends guère notre but en vérité, Seigneur. Apollon est-il un allié d'Arès ? Ne devions-nous pas guider les humains pour les rendre meilleurs plutôt que de les exterminer ? Quelle est la volonté de notre dieu concernant Hadès et Arès ? Faut-il les combattre ou les épauler ?"

Tout à son raisonnement, la belle jeune femme ne comprenait pas en quel sens il fallait agir. Les vues d'ordinaires lumineuses du Maître des Arts devenaient de plus en plus floues à mesure que le cycle se renouvelait, et il était bien difficile de prendre position dans tous ces étranges conflits pour une nouvelle-née telle que Célestia.

Elle secoua négativement la tête pour la dernière question à son attention.

"Ni moyen ni délais. La Lumière ou sa Voix sont seuls décisionnaires. Eux devront faire connaître leur volonté. Je ne suis que la messagère revenue des profondeurs..."

Un regard en direction de Thafnout qui devenait le nouveau sujet de préoccupation d'Adalrik et la Gardienne de quelques pas en retrait.

"Si Son Eclat n'a plus besoin de mon savoir, je m'en vais quérir les forces qu'il me manquent encore."

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La journée avait été belle, douce même avec cette brise marine venant du lointain. Le Nubien s'était adossé à un pan de mur afin d'écouter la conversation entre l'Augure et l'Evêque. Il n'en croyait pas ses oreilles ou plutôt il ne comprenait que peu de choses sur cela... Arès n'était pas pour lui un mystère, son ancien professeur lui donnant plus souvent le nom Romain, celui du civilisateur. Les informations se succédaient rapidement et il notait tout cela dans un coin de son esprit.

De par son éducation, il laissait les affaires des Dieux aux Dieux. L'Augure était le seul capable de converser avec eux et en un sens, cela lui convenait. Apprendre les spécialités des Chevaliers d'or et des Berserkers d'Arès étaient par contre beaucoups plus intéressante de son point de vue. Si Celestia était l'aube, la douce lumière qui apaisait les craintes de la nuit ; Thafnout était le crépuscule de Notos. De ses ailes, il créait une ombre afin de retirer l'espérance des Hommes face au sommeil d'Apollon. Toutefois, entendre que la jeune demoiselle avait été le jouet du Dieu de la Mort n'était pas pour le satisfaire. Une légère grimace avait pu se voir à cette simple évocation.

Alors que cette dernière répondait au Représentant Divin de son Dieu et Maître, sa tête se tourna d'un coup vers elle à l'annonce de ses questions. Ne devions-nous pas guider les humains pour les rendre meilleurs plutôt que de les exterminer ? La question avait en soit sa réponse. Apollon aimait l'Humanité mais il la voulait meilleure qu'elle ne l'était, il voulait la sublimer comme une magnifique pierre précieuse. Non, elle doutait et Thafnout se demandait comment le Seigneur de tous les Oracles allait prendre la question... Mais alors qu'il "observait" cette discussion, la Voix d'Apollon s'adressait à lui. Etonné, il posait le genou à terre.

- Je resterai toujours l'humble bédouin, Seigneur ! Posant un instant un moment de silence avant de répondre. Je ne suis pas un homme connaissant les secrets de ce Monde, je l'entends, le ressens mais ne le comprends pas. Mon seul devoir est de servir et d'oeuvrer pour que le crépuscule de ce Monde soit d'un éclat magnifique !

Gardant son opinion sur ce qu'il venait d'entendre, il avait appris à ne pas dévoiler ses pensées sans connaître ses interlocuteurs : qu'ils soient Roi ou Manant ! Soudain, il ressentit que l'attention de l'Augure envers lui mettait de côté la belle nymphe.

- Dame Celestia, ne reculez pas. Vous avez accompli votre devoir et c'est cela qui est le plus important. Nos ennemis de demain ont dévoilé devant vous leurs techniques et leurs sciences du combat... C'est pour nous un élément qui nous sera utile. Pour le reste... Je ne sais que dire...

L'odieux manège du Destin avait beau avoir un goût amer, il était nécessaire pour avancer dans la vie. La Mémoire des hommes s'enterraient lentement après que la grandeur se soit lentement effilochée dans un désert sans beauté. L'aveugle n'avait pas grand chose à dire, il n'était rien en ce monde. Il était comme le Condor selon les légendes, chaque battement d'ailes étaient semblables à des nuées de grillons déchirant les sociétés pour la remettre en cause.

Si l'Augure ne s'était montré nullement critique au sujet de la mort du Héron de Boréas, cette dernière, quant à elle, ne cachait pas sa surprise face à cette absence de punition. Apollon était-il reconnu pour son manque de clémence ou ses accès de fureur? Ou bien peut-être était-ce lui-même qui inspirait ce genre de sentiments à la jeune Evêque. Ou encore son passé l'avait-il peut-être habituée à se voir rabrouée au moindre de ses écarts. Qu'à cela ne tienne, il avait fait son choix. Ecartant d'un geste de la main la réaction de Célestia, Adalrik répondit sur un ton calme et posé.

La mort ne représente-t-elle pas une punition suffisante pour toi? Plus que quiconque elle devrait te suffire, toi, jeune Nymphe qui attire la vie et attise son harmonie. Un fardeau que même le temps ne suffirait à effacer. Même si le choix ne t'est pas vraiment laissé. Mais prends garde. Le Sombre Monarque a accepté de te rendre la vie pour satisfaire ses sombres desseins. Et je doute que la prochaine fois il te réserve le même destin. Alors tâche de conserver ce précieux don que tu chéris.

Laissant Célestia poursuivre son récit, la curiosité de l'Augure n'eut de cesse de s'accroître à chacun des mots qui parvenait à ses oreilles. Zvezdan, Ludmila, Silas. Des combattants redoutables, à n'en point douter. Pourtant, il semblait que le pouvoir des Berserkers ne s'était pas encore totalement éveillé. Un manque que le Seigneur de la Guerre s'empresserait de combler. Car il y avait peu de chances qu'Arès tolère une quelconque faiblesses chez ses représentants. Et il aurait tôt fait de faire renaître les Guerriers de Légende qui faisaient sa fierté. Notant dans son esprit chacune des capacités qui lui était contée, Adalrik se stoppa soudainement en entendant les paroles suivantes de la jeune Evêque. Pendant quelques instants, un silence pesant s'installa sur la scène avant qu'Adalrik ne se décide à le rompre pour répondre à ce qu'il jugeait presque comme une hérésie.

Comment peux-tu ne serait-ce que penser que le Lumineux Apollon souhaite l'extermination de l'Humanité. Je te pensais plus clairvoyante que cela. As-tu déjà oublié que le Seigneur Arès fut surnommé le Civilisateur à une époque passée. Sous la Sagesse d'Apollon, il a su apporter beaucoup à l'Humanité. Qui peut savoir si demain il ne réitèrera pas cette prouesse? Certains le voient comme fou mais je ne pense pas qu'il soit le plus dangereux à l'heure d'aujourd'hui. Tu m'as dit toi-même que les Guerriers d'Athéna avaient abandonné toute notion de clémence, tout discernement. Toute Sagesse. Celle qui se fait appeler la Protectrice de l'Humanité se fourvoie et nous ne pouvons la laisser dériver ainsi. Mais penses-tu qu'il nous suffit de déployer nos ailes pour que le monde s'envole vers un cycle plus clément? Bien aisée serait la flèche qui nous ferait chuter. Ou le prédateur qui viendrait nous dévorer. L'avenir est bien trouble, je le conçois. Mais notre lumière ne doit jamais vaciller.

L'impossibilité de contacter le Sombre Monarque ne l'étonnait guère vraiment. Ce dernier était un joueur et nullement un pion. Il voulait maîtriser chaque élément de sa stratégie sans jamais donner l'opportunité aux autres participants de prendre l'initiative. Mais le temps était de leur côté et leur tour ne tarderait pas à arriver. Pensif, Adalrik écouta les commentaires du Bédouin à l'égard des actes de Célestia. Tentant de la rassurer, de dissiper ses doutes. Un Monde qu'il comprenait probablement bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Mais il était patient et aurait bientôt l'occasion de découvrir les secrets qui lui étaient pour l'heure dissimulés. Ouvrant la bouche pour lui adresser quelques mots, Adalrik se stoppa soudainement. Sans en laisser présager, son Cosmos venait de prendre de l'ampleur et une légère lumière se dégageait maintenant de ses pupilles. Comme saisi d'une transe, la bouche de l'Augure s'ouvrit lentement pour laisser entendre une courte poésie.

La rose fleurira, déployant sa beauté
Ses volutes enivrantes a l'orée des jardins
Mais gare à ses épines qui pourraient vous piquer
Ne sont ce là que des rêves pour un avenir lointain

Mais qu'en est il alors du voyageur hâlé?
Face aux sombres desseins du Maître des Trépas
Courbera-t-il l'échine, une Vie, un passé
Où, dans l'obscurité, une lumière vacillera

Quelques secondes s'écoulèrent et le Cosmos de l'Augure se fit à nouveau moins présent. Ses pupilles retrouvèrent leur teinte originelle et Adalrik demeura quelques secondes à observer les deux Evêques qui lui faisaient face. Sans laisser paraître nulle trace des évènements qui venaient de se produire, il sembla réfléchir un instant avant de finalement reprendre la parole.

A moins que vous n'ayez d'autres informations à me transmettre, je pense qu'il est temps pour nous tous de retourner vers la Tour des Vents. Si Célestia est de retour, d'autres ne devraient plus tarder. Et nous devons nous mettre en mouvement aussi rapidement que possible. Je crains que d'autres forces ne nous laissent pas le luxe de nous éterniser.

La voix douce et nullement irritée de l'Augure ne laissèrent pas croire à Célestia qu'elle avait prononcé des mots qui pouvaient être considérés comme offensants. Ce ne fut que lorsqu'il évoqua le fait de prendre leur maître pour un exterminateur que la Princesse des Oiseaux se rendit compte de sa bévue. Elle laissa la Voix d'Apollon réorienter le débat sur le danger que représentait plus Athéna qu'Arès à cette époque, rosissant de gêne peu à peu, avant de répondre dans ce qui n'était plus qu'un souffle :

"Je n'ai qu'une année mon seigneur... J'ai bien observé les humains et je les ai vus craindre la mort. J'ai vu les maîtres punir leurs esclaves et leurs serviteurs de s'être laissés salir, que ce soit par le vice ou l'humiliation publique. J'ai vu les enfants réprimandés pour avoir encouru des dangers inutiles. Je pensais être de ceux-là, et que Sa Magnificence me reprocherait d'emmener avec moi, involontairement, la marque d'Hadès dans les grands jardins où il se repose... De même, d'Arès j'ai surtout entendu les exploits guerriers, les prières de sang et de violence. Et ce que j'ai vu, dès son réveil, c'était un carnage, rien de plus. Il n'y avait nulle civilisation dans la façon dont les êtres humains se sont déchirés à Kiev. Je n'ai jamais pensé de mon Père qu'il pouvait aller jusqu'à ce point, mais s'allier avec Arès signifie s'allier avec l'auteur de ces tueries. Je ne comprenais pas. Mais dorénavant je sais. Je dois me méfier des spectres et des Saints, et venir en aide aux berserkers. C'était la seule réponse dont j'avais besoin."

Dans son esprit défilaient encore les cris des malheureux qui se faisaient embrocher par les fourches de leurs voisins, ceux qui arrachaient la chair avec leurs dents fautes d'armes, les femmes que l'on violait, les hommes que l'on torturait, les bêtes elles-mêmes en proie à la confusion la plus totale, et surtout ce sang... Une vague chaude, d'un rouge vif, aussi inattendue que morbide. Heureusement que Thanatos n'avait pas jugé utile de restaurer son corps exactement dans l'état où il se trouvait avant son effritement. Sa robe blanche maculée de sang aurait fait très mauvais effet pour un retour de mission en pleine Rome effervescente. Si l'Augure avait possédé le don de voir dans le passé, il comprendrait sans doute très vite les doutes de la jeune femme quant au dieu de la Guerre.

Tout à coup, Adalrik sembla pris d'une soudaine... absence ? Il se mit à déclamer sur un ton inhabituel des vers que Célestia écouta avec la plus grande attention. Ce genre de messages codés pouvaient souvent être l'expression des prophéties des pythies de Delphe, de ce que les souvenirs d'Apollon dans sa tête avaient implanté. S'il s'agissait là de l'une d'elles, alors peut-être la rose, synonyme de femme, représentait directement Célestia et les choix qu'elle aurait à faire pour suivre son dieu et le défendre bec et ongles, tandis que le voyageur hâlé semblait particulièrement adapté au Nubien fraîchement enrôlé.

Voyant que le blondinet ne faisait aucun commentaire, la nymphe suivit son exemple. Oui, il était temps de rentrer, se reposer pendant qu'on le pouvait encore, et mettre en marche la force de la diplomatie et de la guerre avant que quelqu'un d'autre ne les prenne de vitesse.

Merci, divin Apollon, pour votre confiance et vos bienfaits. J'apprendrai aussi vite que possible pour être digne de vous.

Lentement, il se relevait afin de se concentrer sur l'échange entre la Voix de son Seigneur et son alter ego. La bonté d'Apollon était sans limite et il était bien le passeur des Générations ! Un sourire aux lèvres, il s'adossait à nouveau au mur à côté de lui. En effet, le Nubien ne comptait pas intervenir dans des affaires qui ne le regardaient pas. Non pas qu'il s'en moquasse, simplement que son humilité lui interdisait d'intervenir dans les affaires d'autrui. Le fait était que Celestia était dans une position particulière, âme solaire avec un corps né du fruit de la Mort. Personnellement, il ne savait qu'en penser...

Soudain, quelque chose se fit sentir dans l'air ambiant. La Voix. La Chaleur. La luminosité. Tout n'était que sensations pour l'aveugle mais il était clair que l'Augure ne parlait plus en son nom propre. Son kopesh se mit à vibrer à son tour alors que l'Onde de lumière traversait l'espace et le temps autour d'eux. Posant un genou à terre, il frappait son coeur avec le poing. Les mots qu'il entendit le laissaient perplexe. Cette Rose ? Etait ce Celestia ? Et ce voyageur hâlé ? Etait ce lui ? Cela était fort probable mais il était sûr que les paroles du Dieu de la lumière, des arts et de la Divination ne devaient pas parler uniquement d'eux... mais alors quel était le message transmis au travers des phrases de ce poème ? Levant la tête pour sentir que cela venait de cesser, il se releva pour aider l'Augure si besoin mais ce geste était futile en quelque sorte.

Il prit enfin la parole alors que ses deux interlocuteurs invitaient à aller à la Tour des Vents. Marchant à leurs côtés, il râclait doucement la gorge avant de commencer.

- Monseigneur. Je ne sais ce que notre Souverain a décidé mais si les Saints se montrent dangereux... est ce que nous devons les surveiller ?

Puis se souvenant d'une phrase de Celestia, il tournait la tête vers elle afin de préciser un point sur ses pensées.

- Dame Celestia, si je peux me permettre... Les massacres, les crimes et les mensonges sont inhérentes au genre humain. Tout comme leurs capacités à entreprendre et à créer... mais pour créer un nouveau monde, il faut détruire quelque chose en retour. C'est une loi immuable de ce monde et notre Souverain sait bien que si on pouvait éviter les massacres, ce serait fait. Les cycles permettent aux Hommes de gagner en perfection à chaque fois. Si on veut mettre en avant un nouveau chef d'oeuvre et que l'ancien ne peut etre maintenu, nous le détruisons par le vent qui nous porte.

Ses propos étaient décousus. Il n'était pas un diplomate. La musique était une chose qu'il affectionnait, le chant de la nature était une chose qui lui permettait de mieux communiquer ses vues. Son art était celui du chant des batailles... Celui de Celestia était tout autre...

L'Augure avait entamé une marche lente et distraite en direction de la Tour des Vents. Si l'état de transe dans lequel sa vision précédente l'avait plongé semblait bel et bien l'avoir quitté, son esprit demeurait perdu sur des chemins sinueux. Les lignes de leur destin était nombreuses et personne, pas même leur Seigneur et Maître, ne pouvait percevoir avec certitude les évènements qui frapperaient bientôt ce monde. Fallait-il dès lors se contenter d'attendre et d'espérer comme certains en avaient pris l'habitude? Non, il était de leur devoir de prendre position au coeur de cette course, tentant de diriger la Roue du Temps vers la voie qui leur apparaissait comme la plus propice pour ce Monde. Et pour eux-mêmes.

Après quelques minutes de marche, Adalrik tourna son regard doré en direction de Célestia, repensant aux paroles que la jeune femme venait de prononcer.

Qu'elle brule depuis lustres ou ne soit encore qu'à l'état de simple étincelle, une lumière conserve le même objectif. Illuminer le Monde et le guider dans les Ténèbres. Parfois ce monde se brûle en essayant de s'en approcher trop. Et souvent, il se perd alors qu'il s'essaye de conserver ses distances. Un équilibre subtil qui ne sera probablement jamais atteint. Mais cela ne change rien à notre destin. Quand Arès était endormi, les hommes n'ont pas pour autant cessé de se battre, de s'entretuer, de se mépriser. Comme tu as pu le constater ces dernières années. Autant lui donner sa chance avant de le condamner. Tout comme le Seigneur Apollon a su te donner la tienne.

Atteignant finalement les contrebas du Mont Palatin, l'Augure entama la montée les menant vers les Jardins Sacrés, baignant dans la lumière que leur offrait généreusement le Dieu des Arts. Pendant quelques secondes, Adalrik se laissa simplement envahir par cette douce chaleur qui les enveloppait, telle une agréable mélodie, avant de finalement prononcer, sans se retourner.

Les Saints savent se montrer dangereux mais ils sont loin d'être bêtes. Bien improbables sont les chances qu'ils viennent nous défier sur notre propre territoire. Après tout, personne ne peut se passer de lumière même quand il semble se laisser dominer par la noirceur de ses sentiments. Il n'est pas nécessaire de les surveiller, nous ne sommes pas prêts pour une telle stratégie. Et nos routes sont amenées à se croiser dans un avenir très proche. Rien ne sert de précipiter les choses. Nous nous reverrons bientôt, conservez votre lumière.

Levant la tête vers le soleil comme pour lui adresser une prière silencieuse, ses rayons semblèrent s'intensifier pendant quelques secondes pour tous les entourer et éblouir ceux dont les yeux pouvaient percevoir la lumière. Quand soudain un nuage vint camoufler les rayons pour quelques instants, l'Augure avait disparu. Probablement retourné sur une autre voie du destin qui les attendait.

Tour des Vents

Célestia buvait les paroles de l'Augure, comme d'une source à laquelle elle n'aurait jamais assez soif de s'abreuver. Il exerçait un pouvoir étrangement attirant, comme si, à la manière d'Apollon, il était le Soleil des oracles et qu'ils gravitait autour de lui. Bien sûr en comparaison du dieu c'était une sensation moindre, mais tout de même suffisante pour que la Gardienne se surprenne à éprouver de l'affection à son égard, et le besoin de le protéger à tout prix.

Après une dernière leçon qu'elle s'efforça de graver dans son âme, il disparut dans les rayons étincelants de la Lumière. La Princesse aux mille oiseaux ne chercha pas à le voir partir, mais plutôt à s'imprégner de ces rayons bienfaisants et porteurs de sagesse. Restait alors Thafnout, qui devait se demander ce qu'il pouvait bien faire à partir de là.

"Nous voici arrivés aux pieds de la Tour des Quatre Vents. C'est ici le foyer des oracles et d'Apollon à Rome, où vous pourrez vous reposer. Je peux vous faire visiter pour votre première entrée, ou vous laisser vous débrouiller seul, à votre guise. Bienvenue dans nos rangs, Thafnout."

Le Condor devait probablement l'attendre quelque part sous sa forme totémique, aussi n'insista-t-elle pas trop. Un peu d'indépendance après tout cet apport d'informations ne serait pas un mal non plus. Pour sa part, un peu de sérénité n'était pas de refus, et Adalrik avait précisé qu'il aimait la musique des jardins. A la fois pour répondre au désir de l'Augure et pour son propre loisir, elle envisageait donc de s'y rendre pour jouer un peu. En même temps, elle sentait la présence, discrète mais bien présente, du Merle et de l'Epervier qu'elle avait accompagné à Kiev. Leur faire savoir son retour pourraient éventuellement les rassurer.

Un dernier regard vers le Nubien pour répondre à ses questions ou s'enquérir de ses besoins, et elle entrait à son tour dans le lieu sacré, ses pas légers comme le bruissement des feuilles tombantes d'automne.

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